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Géopolitique du fait religieux au Cameroun

The geopolitics of religion in Camerooon

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Publié le mercredi 15 février 2017

Résumé

Ce projet d’ouvrage, sur la Géopolitique du fait religieux au Cameroun, veut élargir la notion de Géopolitique des religions d’Yves Lacoste (2002). Si ce dernier la circonscrit autour de territoires physiques avec expression d’une violence ouverte, nous entendons davantage la géopolitique du religieux comme l’analyse des rapports de forces de groupes se revendiquant religieux, pour la conquête de territoires physiques et symboliques, avec expression d’une violence protéiforme - ouverte, symbolique ou sournoise. Quant aux territoires de Dieu (Lasseur, 2005), qui font ainsi l’objet de rivalités de pouvoirs, ils concernent des espaces physiques, mais aussi des territoires symboliques.

Annonce

Argumentaire

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 19 décembre 1990 sur la liberté d’association, induisant la liberté de culte, le nombre de mouvements religieux explose littéralement au Cameroun. Un phénomène qui est amplifié par le fait que la majorité des vendeurs du sacré ouvrent leurs lieux de culte du jour au lendemain, au mépris des prescriptions de cette même loi. En ses articles 23 et 24, celle-ci prévoit, en effet, que « toute association religieuse doit être autorisée (…) par décret du Président de la République ». Or, s’il « existe, au Cameroun, une mosaïque de plus d’un millier d’organisations religieuses » (ICG, 2015), seules 47 sont légalement autorisées. Les autres prospèrent donc dans une zone grise pudiquement baptisée « tolérance administrative ». Pourtant, ces organisations chrétiennes ou musulmanes, presque toujours, n’en sont pas moins illégales de fait, dans leur écrasante majorité. Pour contourner la loi, certaines fonctionnent comme des franchises d’organisations reconnues, en déclinant simplement les autorisations de celles-ci sur les enseignes. À leur décharge, toutefois, d’importantes lenteurs administratives dans le processus de délivrance du décret d’autorisation que les nouveaux « hommes de Dieu » dénoncent sous cape.

Des grandes villes aux plus petits hameaux du Cameroun profond, mosquées, temples, « salles du royaume » et églises de toutes sortes prolifèrent à tous les coins de rue. Dans des édifices imposants ou dans des cabanes, plus un pas sans lieu de culte. À coups de décibels messianiques, ils disputent les premiers rôles, en matière de nuisance sonore, avec les débits de boissons. Ils font désormais partie du décor des quartiers huppés comme des quartiers populeux. Entre « théologie de la prospérité » terrestre et promesses de félicité éternelle, les envoyés de Dieu vendent, à une « clientèle » toujours plus nombreuse et éprouvée par les mille et une vicissitudes inhérentes à la vie en pays pauvre, un espoir de changement miraculeux venant directement de Dieu. L’offre religieuse explose donc littéralement, en même temps qu’une demande spirituelle en pleine croissance. En conséquence, l’on assiste de plus en plus à une véritable bataille ouverte ou diffuse pour la conquête des territoires de Dieu (Lasseur, 2005). Pour autant, le risque d’une crise religieuse, qui pourrait en surgir, ne viendrait-il pas complexifier sempiternelle menace de la mosaïque ethnique camerounaise ?

Si avant 1990, l’État camerounais devait juste jouer les arbitres entre vingt-cinq organisations religieuses reconnues officiellement et de rares mouvements clandestins, avec quelques éruptions déjà vives,[1] aujourd’hui, il doit jouer les équilibristes entre plus d’un millier de chapelles néo-pentecôtistes chrétiennes et revivalistes musulmanes, les traditionnelles chapelles protestantes, catholiques ou pentecôtistes, et les vieilles confréries soufies. Avec des théories cosmogoniques et des mythes eschatologiques contradictoires, des interprétations divergentes d’écritures « saintes » et le fait que les religions sont, par essence, porteuses de vérités exclusives, le risque d’un choc des religions (Sibony et al, 2004) ouvert ou à fleurets mouchetés, ne semble pas à exclure. La tendance à l’auto-exclusion sociale des nouveaux convertis – conséquence « de la radicalité dévolue à la conversion pentecôtiste » (Batibonak, 2012 : 67) ou revivaliste, en général -, leur explication et justification de tout à travers le prisme de leur dieu ou de leur prophète/pasteur/prêtre/guide/imam, la flambée d’un prosélytisme débridé, y compris sur les lieux de service, dans les écoles laïques, les hôpitaux etc., ou l’expression ostentatoire de la foi, entre autres, ne permettent pas vraiment de penser le contraire.

D’ailleurs, selon le rapport de l’International Crisis Group « Cameroun : la menace du radicalisme religieux », Boko Haram ne serait que la partie visible de l’extrémisme religieux dans le pays. Un extrémisme qui, selon cette étude, ne serait pas que salafiste djihadiste, mais également néo-pentecôtiste. Dans le viseur de l’ICG, l’auto-exclusion du dialogue interreligieux et de l’espace religieux officiel pratiquée par ces mouvements, leurs prêches empreints d’intolérance religieuse ou leur mépris affiché d’obédiences chrétiennes plus anciennes (ICG, 2015). Ce que leur rendent bien leurs aînées. Il y a donc péril religieux en la demeure…

Quelques axes de réflexion

1. Conflictualité latente, symbolique, sournoise ou ouverte autour du sacré au Cameroun

2. Perception des nouveaux mouvements religieux

3. Discours religieux et représentations de l’altérité

4. Portrait de figures religieuses, actrices de fait de la géopolitique religieuse au Cameroun

5. Du devenir des religions traditionnelles précoloniales face à la séculaire popularité des religions importées

6. La question de la légalisation des nouveaux mouvements religieux

Éditeurs scientifiques

  • Henri YAMBENE, Maître de recherche, Chef du département d’études sur les Arts, Religions et Civilisations (ARC) au Centre National d’Éducation (CNE/MINRESI)
  • Tièmeni SIGANKWÉ Chargé de recherche, ARC, CNE/MINRESI
  • Nicolas OWONA Chargé de recherche, ARC, CNE/MINRESI

Comité scientifique

  • Hamadou ADAMA, Professeur, Université de N’Gaoundéré
  • Jean-Paul MESSINA, Professeur, Université Catholique d’Afrique Centrale
  • Christian SEIGNOBOS, Directeur de recherche émérite, IRD
  • Elizabeth TAMAJONG, Directrice de recherche, CNE
  • Pierre MBOUOMBOUO, Maître de recherche, DES/CNE
  • Henri YAMBENE, Maître de recherche, ARC/CNE
  • Alawadi ZELAO, Maître de recherche, CNE/Université de Dschang
  • Sariette BATIBONAK, Chercheure, IMAF
  • Maud LASSEUR, Chercheure, PRODIG/CNRS

Chronogramme

Les résumés des propositions de contributions (en français ou en anglais), suivis de 5 mots-clés, seront conjointement envoyés à hyambene@yahoo.fr, tiemeni.sigankwe@gmail.com et owonanicolas@gmail.com. Constitués de 2 500 à 3 500 signes (espaces inclus), ils devront préciser le contexte de la recherche, sa problématique, les méthodes de collecte et de traitement des données et esquisser, si possible, un cadre théorique. Une bibliographie (non comprise dans le décompte des 2 500 à 3 500 signes du résumé) serait fortement appréciée. Protocole d’écriture : police : Times News Roman ; taille : 12 ; interligne : simple.

  • Date limitede réception des résumés : le 03 mai 2017

  • Réponses: le 18 mai 2017
  • Date limite de retour des textes complets : le 15 août 2017
  • Retour d’expertise : le 15 septembre 2017
  • Date limite de retour des textes corrigés : le 30 septembre 2017
  • Publication : prévue pour mars 2018

Bibliographie

  • Adama, H. (2004), L’Islam au Cameroun : entre tradition et modernité, Paris, L’Harmattan.
  • Aubin-Boltanski, E. et Gauthier, Cl. (dir.) (2014). Penser la fin du monde, Paris, CNRS Éditions.
  • Batibonak, S. (2012). « Sorcellerie en milieu urbain amplifiée par les pentecôtismes camerounais »,  Afrika focus 25/2, pp. 65-87.
  • - (2014a). « Singularité pentecôtiste dans le paysage religieux à Douala », in Emmanuel Tchumtchoua & Albert François Dikoumé, Douala : Histoire & patrimoine, Editions Clé, Yaoundé, pp. 99-131.  2014,
  • - (2014b). « La conversion dans les pentecôtismes au Cameroun », in Convergences Francophones, Vol 1, n°1.2, pp. 1-16.
  • - (2013). « Le fait religieux dans l’espace public amplifié par les pentecôtismes camerounais », in Benjamin Astresses, Stéphanie Douteaud& Carole Gabel (dir.), La religion dans la rue. Fait religieux et espace public, Pau, Presses Universitaires de Pau, pp. 125-140.
  • Baroin, C. Barreteau, D. vonGraffenried, C. (1995). Mort et rites funéraires dans le Bassin du Lac TchadSéminaire du réseau Méga-Tchad, ORSTOM Bondy, du 12 au 14 septembre 1990, Paris, ORSTOM Editions, 296 p.
  • Bayart, J.F. et Mbembe, A. (1989). « La bataille de l’archidiocèse de Douala », Politique africaine n° 35. L’argent de Dieu. Eglises africaines et contraintes économiques, pp. 77-104.
  • Dougueli, G. (4 février 2014). « Cameroun : le culte cathodique de TsalaEssomba », Jeune Afrique, http://www.jeuneafrique.com/134686/politique/cameroun-le-culte-cathodique-de-tsala-essomba/, consulté le 18 février 2016.
  • Dumas-Champion, F. (1995). "Le destin de la tête. Le culte des crânes chez les Koma du Cameroun", Baroin, C., Barreteau D. et von Graffenried C. Mort et rites funéraires dans le Bassin du Lac Tchad. Séminaire du réseau Méga-Tchad, ORSTOM Editions, pp. 153-162
  • Hebga, M. (1995)."Le mouvement charismatiqye en Afrique", Etudes 383
  • ICG-International Crisis Group (2015), « Cameroun : la menace du radicalisme religieux », Rapport Afrique n°229
  • Hérodote n° 106 (2002/3). Géopolitique des religions.
  • Kodjo Tchioffo, « Le rapport d’ICG sur le Cameroun : un coup de machette dans l’eau », http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/09/18/le-rapport-d-icg-sur-le-cameroun-un-coup-de-machette-dans-l-eau_4762593_3212.html, consulté le 15 février 2016
  • Kuipou, R. (2015). "Le culte des crânes chez les Bamiléké de l'Ouest du Cameroun", Communications 97/2. Chairs disparues, Chairs disparues, pp. 93-105.
  • Lacoste, Y. (2002). « Géopolitique des religions », Hérodote 106/3, p. 3-15
  • Lado, L (2008). « Les enjeux du pentecôtisme africain », Etudes, tome 409
  • Lasseu, M. (2005). "Cameroun. Les nouveaux territoires de Dieu", Afrique contemporaine 215/3, p. 93-116
  • -(2008). Religions et territoires au Cameroun : les dimensions spatiales du pluralisme confessionnel, thèse de Doctorat/Ph.D en Géographie, Université de Paris I.
  • Onomo Etaba, B. (2014), Rivalités et conflits religieux au Cameroun, Paris, L’Harmattan.
  • Ngongo, Louis (1982). Histoire des forces religieuses au Cameroun. De la Première Guerre mondiale à l’indépendance, Paris, L’Harmattan.
  • Nicolas, G. (2002). « Géopolitique et religions au Nigeria », Hérodote 106/3, p. 81-122.
  • O’Brien, D. (1981). « La filière musulmane : confréries soufies et politique en Afrique noire », Politique africaine, no. 4, p. 7-30.
  • Politique africaine n° 35 (1989). L’argent de Dieu. Eglises africaines et contraintes économiques.
  • Séraphin, G. (dir.) (2004). L'effervescence religieuse en Afrique. La diversité locale des implantations religieuses chrétiennes au Cameroun et au Kenya, Paris, Karthala, 274 p.
  • Sibony, D. et al. (2004). Le choc des religions, Paris, Presse de la Renaissance.
  • Soiron Fallut, M. (2012). « Les églises de réveil en Afrique centrale et leurs impacts sur la stabilité des États : les cas du Cameroun, du Gabon et de la République du Congo », Paris, ministère de la Défense, Délégation aux affaires stratégiques.
  • TitiNwel, P. (1986). Thong Likeng. Fondateur de la religion de Nyambèbantu, Paris, L’Harmattan.+
  • Sibony, D. et al. (2004). Le choc des religions, Paris, Presse de la Renaissance.

Références

[1] Voir par exemple le cas de « La bataille de l’archidiocèse de Douala » (Bayart et Mbembe, 1989) pour les conflits hégémoniques internes aux religiosités, à base ethnique, et Hebga, 1995, pour ceux à base idéologique.

Lieux

  • Département d'études sur les Arts, Religions et Civilisations - Centre National d'Education
    Yaoundé, Cameroun (237)

Dates

  • mercredi 03 mai 2017

Mots-clés

  • Cameroun, religion, géopolitique

Contacts

  • Henri Yambene Bomono
    courriel : hyambene [at] gmail [dot] com
  • Tièmeni Sigankwe
    courriel : tiemeni [dot] sigankwe [at] gmail [dot] com
  • Nicolas Owona
    courriel : owonanicolas [at] gmail [dot] com

Source de l'information

  • Henri Yambene Bomono
    courriel : hyambene [at] gmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Géopolitique du fait religieux au Cameroun », Appel à contribution, Calenda, Publié le mercredi 15 février 2017, https://doi.org/10.58079/wxy

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