AccueilTiers et relation de soin. Points de vue technologique, institutionnel et normatif

AccueilTiers et relation de soin. Points de vue technologique, institutionnel et normatif

Tiers et relation de soin. Points de vue technologique, institutionnel et normatif

Third parties and care relations - technological, institutional and normative perspectives

*  *  *

Publié le jeudi 09 mars 2017

Résumé

Pour des raisons indépendantes de la volonté de l'organisation de la journée d'étude, cet événement est annulé.

Annonce

Argumentaire

De nombreux travaux contemporains sur le soin ont insisté sur la nécessité de penser la dimension relationnelle qui réside au cœur du soin, « la dimension peut-être la plus fondamentale du soin » (F. Worms, Le moment du soin, p. 7). Frédéric Worms écrit ainsi : « On soutiendra  ici que "l’éthique médicale" (ou la "bioéthique") doit passer, pour résoudre tel ou tel problème ou justifier telle ou telle décision, de la réflexion sur les objets, des essences ou des valeurs (par exemple celle de "la vie" en général), à une analyse précise des relations entre les hommes (relations vitales, morales, sociales techniques, juridiques, politiques) » (ibid., p. 20). Les éthiques du care ont également attiré notre attention sur les tissus relationnels dont les sociétés humaines forment la trame, ce « réseau complexe » (J. Tronto) sans lequel il n’y aurait pas de « vie humaine collective possible » (C. Ibos).

Ces réflexions rejoignent le souci de penser la constitution des relations sociales et de la socialité humaine en général que partagent, malgré leur différences et divergences, les travaux autour du don – s’inscrivant dans la continuité de l’Essai sur le don de Marcel Mauss (M. Hénaff, A. Caillé, C. Lazzeri, P. Chanial, etc.) – et ceux sur la reconnaissance – s’appropriant et réactualisant l’héritage hégélien (A. Honneth, E. Renault, etc.). Plusieurs questions transversales gagneraient à être investies qui permettraient un échange fécond entre, d’un côté, ces recherches sur le don et la reconnaissance, et d’un autre côté, la philosophie et l’éthique du soin. A titre d’exemple, ces différents travaux tentent chacun à leur manière de sortir de l’individualisme méthodologique, moral et juridique pour (re)penser la réciprocité. Une autre question sur lequel un échange gagnerait à être relancé est celle de la domination qui, pour les uns, peut déterminer la relation de l’extérieur ou la travailler de l’intérieur.

Parmi ces différentes questions transversales, cette journée entend investiguer une question spécifique qui occupe actuellement de nombreux chercheurs tant au sujet du don que de la reconnaissance et qui peut également être abordée depuis la réflexion sur le soin. Il s’agit de la question de la tercéité dans la relation de soin. Par tercéité, nous entendons de manière large tout ce qui fait fonction de tiers dans cette relation. Axel Honneth a ainsi mis en avant le concept de « mécanismes symbiotiques », par quoi il entend l’espace matériel de reconnaissance ; des mécanismes qui « viennent s’ajouter aux manifestations symboliques de respect susceptibles d’une compréhension commune » (Honneth 2016). Dans des écrits plus récents, Honneth a en outre abordé la question des « institutions de la reconnaissances ». Autant d’éléments qui remettraient en question une conception exclusivement dyadique de la reconnaissance. Dans sa manière de penser la reconnaissance à partir de l’héritage de Mauss, Marcel Hénaff a également mis en avant la nécessité de penser le tiers institutionnel, thématisé comme ordre de conventions, « sans lequel aucune reconnaissance sociale ni aucune reconnaissance en face-à-face ne seraient possibles » (Hénaff 2016). De même, sa pensée du symbolique attire notre attention sur le rôle de la chose donnée, « gage et substitut de soi » dans l’acte de reconnaissance. Ne faudrait-il pas, de la même manière, prolonger ce chantier de réflexion en nous interrogeant sur ce qui joue la fonction de tiers dans la relation de soin, au risque sinon de promouvoir une vision dyadique de la relation de soin, pure rencontre de consciences ou d’intériorités attentionnées ? Un tiers symbolique intervient-t-il dans la relation de soin ? Ces réflexions sur la tercéité n’invitent-ils pas à réfléchir au rôle et à la manière dont le langage « travaille » nos relations et institutions de soin ?

Un autre tiers qu’il nous semble urgent d’analyser et qui est peut-être occulté dans certaines éthiques du soin est ce qu’on pourrait appeler le tiers technologique. Dans un univers technologique du soin hiérarchisé et ultra-spécialisé, des éthiques du care ont ainsi sans doute focalisé l’attention sur les relations entre acteurs au détriment d’une réflexion spécifique sur les objets techniques. Or, comme l’écrit Coeckelbergh, « technology has always mediated care practices ». Michel Puech, à travers la « technoéthique », défend la thèse que les dimensions humaines et les dimensions technologiques ne sont pas extérieures l’une à l’autre. Worms nous rappelle, quant à lui, que « le soin est lui aussi un travail et un outil, une fonction et une médiation ». Pour lui, le soin doit s’entendre sous un double aspect, celui « d’un savoir technique et clinique, d’une part, d’une relation non pas négative, mais positive et même créatrice, d’autre part ». La relationnalité subjective et créative qui traverse le soin n’est-elle pas toujours déjà médiatisée par la matérialité d’objets techniques ? Ne peut-on pas souscrire, avec Marc Maesschalck, au fait que « les objets sont aussi le plus souvent notre lien le plus sûr au patient » ? Les objets techniques constituent-ils des tiers, des « substituts » (Dumouchel et Damiano), des médiateurs ou, plus radicalement, des actants à part entière, pour le dire dans des termes latouriens ?

La prise en compte de ces tiers technologiques n’induit pas seulement une réflexion fondamentale sur la définition de la relation de soin. Elle révèle en outre des questions juridiques importantes. A titre d’exemple, le droit permet de prendre conscience que les objets connectés utilisés dans le cadre de la e-santé et de la télémédecine ne se limitent pas au statut d’instruments neutres au service de la relation médicale. Ils peuvent dans certains contextes jouer un véritable rôle d’outil probatoire. Les capteurs connectés apparaissent comme des traceurs du comportement du patient, de sa compliance, de son observance. Que faire de ce traceur, révélateur d’une certaine vérité, lorsqu’arrive l’heure du bilan qui se révèle à charge pour le patient, non compliant et non observant d’un traitement dont le coût est supporté par la collectivité ? L’objet connecté et la data qu’il crée peuvent donc se révéler être un outil probatoire non discutable et dès lors dangereux pour le libre choix du patient qui en qualité d’acteur de sa santé peut avoir à s’expliquer in fine, sur ses décisions intimes.

Enfin, parler de tiers dans la relation de soin permettrait peut-être de problématiser également le rôle et la fonction de l’éthique. L’intervention de l’éthicien dans les organisations joue-t-elle le rôle de tiers ? Ou s’agit-il plutôt d’assurer une position de médiateur ? A moins qu’occuper la posture de tiers ne constitue plutôt le signe que l’éthicien occuperait une place indue, posture qui serait le signe de son échec à accompagner les acteurs dans une réflexion éthique collective et autonome ? D’autres travaux pourraient laisser entendre que l’éthique doit plutôt se concevoir comme une « fonction de tercéisation » (Lenoble et Maesschalck 2010), « une fonction collective amenant les acteurs à se mettre en mouvement au travers d’une démarche réflexive »  (Xhauflair 2013).

C’est à ces questions que cette journée entend se consacrer en rassemblant des chercheurs de disciplines différentes partageant néanmoins des questionnements communs. Cette journée est le fruit d’une collaboration entre le Centre d’éthique médicale  (ETHICS – EA 7446), la faculté de droit et la faculté de médecine & maïeutique de l’Université Catholique de Lille, de même que la Société Française de Télémédecine. Elle prolonge également plusieurs des questions de recherche soulevées par la parution récente de l’ouvrage collectif Donner, reconnaître, dominer, Trois modèles en philosophie sociale (dir. par L. Carré et A. Loute, Septentrion, 2016).

Programme

  • 9h15 : Accueil et introduction.
  • 9h30 : Alexandre Mathieu-Fritz (Université Paris-Est Marne-la-Vallée), Les téléconsultations en santé mentale et la pratique psychothérapeutique. L'appropriation du dispositif technique entre contraintes, adaptations et détournements.
  • 10h30 : Philippe Bardy (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), Le tiers technologique à l'ère du télésoin à domicile des patients chroniques.
  • 11h30 : Pause
  • 11h45 : Lina Williatte (Université Catholique de Lille), L’outil connecté : entre lien permanent et responsabilités juridiques : quel curseur ? 
  • 12h45 : Lunch
  • 14h30 : Valérie Kokoszka, (Chercheure associée au Centre de Philosophie du Droit, Université catholique de Louvain), L'organisation, un tiers capacitant ?
  • 15h30 : Louis Carré (Université de Namur) et Alain Loute (Université Catholique de Lille), Tiers et relation. Don, reconnaissance et soin en débats
  • 16h30 : Pause
  • 16h45 : Synthèse des travaux : Grégory Aiguier, Rozenn Le Berre et Jean-Philippe Cobbaut (Université Catholique de Lille)
  • 17h30 : Fin des travaux

Contact

La formation est libre et gratuite. Réservation souhaitée à l’adresse suivante : alain.loute@univ-catholille.fr.

Lieux

  • La maison des chercheurs, Université Catholique de Lille, 5e étage - 60bis rue du port
    Lille, France (59)

Dates

  • jeudi 27 avril 2017

Mots-clés

  • santé numérique, télémédecine, soin, éthique médicale, bioéthique, éthique de la santé

Contacts

  • Alain Loute
    courriel : alain [dot] loute [at] uclouvain [dot] be

Source de l'information

  • Alain Loute
    courriel : alain [dot] loute [at] uclouvain [dot] be

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Tiers et relation de soin. Points de vue technologique, institutionnel et normatif », Journée d'étude, Calenda, Publié le jeudi 09 mars 2017, https://doi.org/10.58079/x6r

Archiver cette annonce

  • Google Agenda
  • iCal
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search