AccueilLa Bible & ses lectures : « Rumeurs et renommées »

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La Bible & ses lectures : « Rumeurs et renommées »

The Bible and its readings: "Rumours and reputations"

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Publié le vendredi 10 mars 2017

Résumé

Ce colloque international est consacré à l’étude des rumeurs et des renommées dans le « monde biblique », c’est-à-dire d’une part dans les textes bibliques et apparentés (Bible hébraïque, Bible grecque, Nouveau Testament, littératures intertestamentaire et apocryphe etc.), et relativement à leurs différents contextes sociohistoriques de production (Proche-Orient et Méditerranée), et d’autre part, dans le cadre de leurs réceptions les plus immédiates, principalement au sein des communautés juives et chrétiennes antiques.

Annonce

Argumentaire

Ce colloque international est consacré à l’étude des rumeurs et des renommées dans le « monde biblique », c’est-à-dire d’une part dans les textes bibliques et apparentés (Bible hébraïque, Bible grecque, Nouveau Testament, littératures intertestamentaire et apocryphe etc.), et relativement à leurs différents contextes sociohistoriques de production (Proche-Orient et Méditerranée), et d’autre part, dans le cadre de leurs réceptions les plus immédiates, principalement au sein des communautés juives et chrétiennes antiques.

Il n’est pas ici question de la « rumeur » entendue en un sens uniquement péjoratif, comme synonyme de « racontar », « ragot », ou « commérage ». En dehors de toute considération morale ou éthique a priori (par ex. « est-il moral de créer ou de relayer une rumeur ? »), la « rumeur » est examinée en tant que « bruit public », à la fois comme phénomène psychosocial et comme phénomène de communication. La définition de la rumeur fait l’objet de débats. Construite selon une perspective phénoménologique, la définition suivante peut cependant constituer un bon point de départ : aux yeux d’un destinataire, ou d’un observateur critique, un message à caractère événementiel apparaît comme « rumeur » tant que son contenu demeure invérifié et que son origine reste associée à une collectivité anonyme et indistincte. En ce sens, la rumeur doit être distinguée de la « nouvelle », de la « propagande », ou encore, du « témoignage ».

La rumeur a été considérée comme objet d’étude dès le début du siècle dernier dans le domaine de la psychologie sociale (Louis William Stern, 1902). Dans le contexte francophone, la « rumorologie », à la croisée des sciences historiques, sociologiques, psychologiques et des sciences de la communication, semble s’inscrire durablement dans le paysage universitaire francophone à partir des années 1970[1]. Des investigations poussées sur le sujet ont été menées dans différents champs disciplinaires. Notamment, dans le cas de la littérature grecque ancienne, on peut citer l’ouvrage monographique de Francis Larran : Le bruit qui vole, Histoire de la rumeur et de la renommée dans la Grèce ancienne (Presses Universitaires du Mirail, 2010). En revanche, la rumeur a été assez peu étudiée dans le contexte de la Bible et dans le cadre de ses réceptions les plus immédiates[2].

Relativement à nos sociétés « hyper-médiatiques » (presse, radio, télévision, internet), les sociétés à l’origine des textes bibliques, et celles qui ont produit les premières interprétations de ces œuvres littéraires, étaient des sociétés « pré-médiatiques », ou plus exactement, « proto-médiatiques ». S’il est vrai, comme l’affirme le sociologue Jean-Noël Kapferer, que les rumeurs constituent « le plus vieux média du monde »[3], alors dans ces contextes sociohistoriques (sociétés anciennes et antiques), les rumeurs revêtent une importance capitale.

[1] Parmi les ouvrages de référence, signalons par exemple : Rouquette, Michel-Louis, Les rumeurs, Paris, Presses Universitaires de France, 1975.

[2] On peut cependant mentionner l’article de Claire Clivaz : « La rumeur, une catégorie pour articuler autoportraits et réceptions de Paul. ‘Car ses lettres, dit-on, ont du poids… et sa parole est nulle’ (2 Co 10,10) », dans Marguerat, Daniel (dir.), How Pauline is Luke-Acts ?, Louvain, Peeters, 2009, p. 239-259. Au croisement des études bibliques et théologiques, mentionnons également les réflexions de Joseph Moingt dans son ouvrage L’homme qui venait de Dieu (Paris, Le Cerf, 1993), dont l’introduction est consacrée à « la rumeur de Jésus ».

[3] Voir Rumeurs : Le plus vieux média du monde, Paris, Seuil, 1992.

Ce colloque propose d’associer la « rumeur » et la notion de « renommée ». Premièrement, les « renommées » peuvent être considérées comme un sous-ensemble parmi les rumeurs : la renommée désigne une rumeur ou un ensemble de rumeurs qui a trait à une personne ou à une chose (par ex. la « renommée de Salomon », la « renommée du Temple »). Cependant, il paraît difficile de séparer cette acception d’une définition plus usuelle, la renommée renvoyant à une opinion élogieuse ou favorable, partagée par les membres d’un groupe donné, à l’égard d’une personne ou d’une chose. En ce sens, en première analyse, il semblerait que la renommée soit un des contenus privilégiés des rumeurs repérables dans les sources anciennes et antiques. Deuxièmement, parce qu’elles émanent chacune à leur façon des « bruits publics », la rumeur et la renommée posent des problèmes de vérification comparables. Quand la rumeur peut s’avérer fausse ou mensongère, la renommée peut être surfaite ou usurpée. Enfin, autre point commun, la diffusion « démocratique », dans le « peuple » et par le « peuple », de l’une comme de l’autre leur permet, dans une certaine mesure, de faire entendre une voix contradictoire qui échappe au contrôle des autorités officielles.

Axes thématiques

Les contributions pourront s’inscrire dans un des axes de recherche suivants.

« Rumorologie » et textes anciens

Prenant comme objet d’étude les mécanismes et la transmission des rumeurs, la « rumorologie » s’est constituée comme « science » à partir des approches historique, sociologique, psychologique, littéraire et des sciences de la communication. Dénoncée comme pseudoscience par Pascal Froissart[4], cette recherche n’en a pas moins mis en évidence quelques principes de définition et de fonctionnement, lesquels peuvent servir d’outils et de critères pour l’analyse. Mais la rumeur d’aujourd’hui est-elle la rumeur de l’Antiquité ? Ces critères sont-ils des invariants ou montrent-ils leurs limites dès lors qu’on les applique aux sociétés proto-médiatiques antiques ? On peut déjà noter quelques déplacements lorsqu’ils sont étudiés dans la littérature grecque classique[5] ; qu'en est-il par rapport aux corpus multiformes du Proche-Orient ancien, de la Bible, et des écrits du christianisme ancien ? 

[4] Voir La rumeur. Histoire et fantasmes, Paris, Belin, 2002.

[5] Voir Larran, op. cit.

Nom et renom

Le « nom » dans la Bible et plus largement dans le Proche-Orient ancien est porteur d’une force et d’une effectivité qui dépasse la seule désignation de la personne. « Il en est du nom comme de l’image et de tout signe : ils ne sont pas étrangers à la réalité signifiée »[6]. Il en est de même pour la renommée d’une personne ou d’un peuple qui est sans doute ce qui compte le plus dans le monde antique, comme le signale explicitement Hérodote dans l’exposé qui ouvre ses Histoires. Il indique les avoir écrites « pour empêcher que ce qu’ont fait les hommes, avec le temps, ne s’efface de la mémoire et que les grands et merveilleux exploits accomplis tant par les barbares que par les grecs ne cessent d’être renommés »[7]. Plusieurs questions se posent alors. Comment se construit-on un nom ? Quels sont les critères et les fonctions d’une bonne ou d’une mauvaise réputation ? Existe-t-il des modèles de la renommée, ou des figures emblématiques de la renommée ? Quelles valeurs principales les sociétés anciennes liées à la production du corpus biblique et à ses premières réceptions ont-elles mises en avant pour reconnaître la renommée ? Et quels en ont été les changements au cours de l’histoire, voire, les renversements ? Dans la Bible grecque, par exemple, y a-t-il des rapports entre la « renommée » et la catégorie rhétorique grecque de l’èthos[8] ? De même, comment peut-on articuler cette notion avec les catégories axiologiques d’honneur et de honte (honor and shame)[9] ?

[6] Monloubou, Louis, art. « Nom », Dictionnaire encyclopédique de la Bible, Turnhout, Brepols, 1987, p. 903.

[7] Hérodote, Histoires, I. Clio, préface. Texte établi et traduit par Philippe-Ernest Legrand, Paris, Belles Lettres, 1964.

[8] Voir sur ce thème Woerther, Frédérique, L’èthos aristotélicien. Genèse d’une notion rhétorique, Paris, Vrin, 2007.

[9] Dans le contexte des études bibliques anglophones, de nombreuses contributions soulignent en effet l’importance de ces catégories. Voir par ex. Crook, Zeba, « Honor, Shame, and Social Status Revisited », Journal of Biblical Literature 128 (3, 2009), p. 591-611.

Rumeurs, renommées et postérité

Rumeurs et renommées s’inscrivent l’une et l’autre dans l’espace et le temps, mais pas nécessairement selon les mêmes modalités. Construire la célébrité d’un grand homme – voire de soi-même – relève d’un projet qui engage d’emblée la longue durée. Le monumentum érigé « à la gloire de » – qu’il soit architectural ou littéraire – est ainsi censé contribuer à pérenniser une renommée. Que célèbre-t-il ? Comment sollicite-t-il le passé, via des modèles par exemple, pour construire et asseoir durablement une réputation ? Met-il en scène cette pérennité et comment ? La divinité y est-elle associée ? En revanche, produire ou relayer une rumeur ne vise pas nécessairement à inscrire cette dernière dans la longue durée. Par ailleurs, la persistance d’une rumeur dépend-elle seulement des confirmations ou démentis qui prétendent y mettre fin ? Et quelles traces laisse-t-elle dans « l’espace » géographique, social ou culturel ? L’étude de ces phénomènes dans les sources littéraires invite à être attentif aux stratégies poétiques et rhétoriques qui construisent et nourrissent rumeurs et renommées, dans leurs durées notamment. Les motifs et les archétypes, les phénomènes d’échos, de reprises, d’intertextualité méritent sans doute une attention particulière.

Rumeur et véridiction

La rumeur présente un caractère insaisissable. Parole anonyme, elle surgit dans le corps social, parfois simultanément en plusieurs foyers, puis elle se propage. Il est ensuite difficile de la freiner, plus encore de l’arrêter. Elle fait l’objet de distorsions au fur et à mesure de sa transmission[10]. Quel crédit apporter dès lors à ce qui est rapporté ? Le locuteur qui prend en charge l’énoncé, ou refuse de le faire, se détermine sur ce qui est vrai et/ou crédible. La rumeur instaure ainsi un procès de véridiction et de croyance. Les rumeurs dans les textes antiques reflètent-ils des conflits d’interprétation, des rapports de force entre des individus ou des groupes ? Des auditeurs se déterminent différemment sur la valeur de ce qu’ils entendent, prenant parfois parti contre une actualité ou une tradition. Les enjeux de cette réception différenciée sont-ils d’ordre politique, social, religieux ? Comment en est-il rendu compte dans une œuvre littéraire ?

[10] Voir Semujanga, Josias, « La rumeur : parole fragile et croyance partagée », Protée 32/3 (2004), p. 33-46.

Rumeurs, pouvoirs et acteurs de communication

Les bruits que la rumeur répand échappent, au moins en partie, aux canaux officiels de communication et donc aux sphères du pouvoir. La rumeur entretient pourtant des rapports multiples, nuancés, voire ambivalents avec les « médias officiels ». Média des sans-pouvoirs, la rumeur peut dénoncer les manipulations, défier la censure ou la raison d’état. Mais, anonyme, elle peut aussi être le jeu des puissants lorsqu’ils distillent propagandes et fausses vérités, lorsqu’ils instillent la peur. Étudier la rumeur, ses voies et ses effets dans des sources littéraires requiert donc une attention particulière concernant ses rapports avec les organes officiels de communication. Qui lance la rumeur ? Qui cherche à la faire taire, qui l’attise au contraire ? Quels sont ses effets, ses conséquences politiques, sociales ? Sur qui ? Est-elle mise en concurrence, en opposition, en synergie avec les sources d’informations autorisées ? Et, dans une sorte d’attention seconde, on peut se demander à quelles fins de pouvoir ou de contre-pouvoir les auteurs usent de la rumeur, la mettent en scène. En quoi sa mise en œuvre littéraire relève-t-elle, elle aussi, d’enjeux sociaux et de stratégies politiques ?

Les contributions peuvent relever des approches littéraires, historiques, sociologiques. Celles qui ont trait aux aspects politiques, religieux et théologiques des phénomènes de rumeur et de renommée entrent plus particulièrement en adéquation avec le projet de ce colloque.

Modalités de soumission

  • Communication de 30 minutes maximum (merci de prévoir, en les incluant dans ce temps de communication, 5 à 10 minutes pour les débats et questions avec le public).
  • Date limite de soumission d’une communication : 30 avril 2017

  • Réponse du conseil scientifique aux propositions de communication : avant le 15 mai 2017
  • Les propositions de communication doivent être présentées en dix lignes maximum, et comporter un titre.
  • L’axe principal de recherche (voir ci-dessus) dans lequel pourrait s’inscrire le projet de communication doit également être mentionné.
  • Merci d’indiquer vos titres et fonctions actuelles, ainsi que vos institutions de rattachement. Une bibliographie peut être jointe au dossier.
  • L’appel à communication est ouvert aux doctorants et chercheurs indépendants (merci d’indiquer vos institutions de rattachement et de joindre un CV).

L’envoi des propositions de communication peut se faire par courrier ou par courriel (uniquement au format « pdf ») :

Josselin Roux (Coordinateur de l’équipe La Bible & ses lectures)

Faculté de Théologie et de Sciences religieuses

Université Catholique de l’Ouest

3 Place André Leroy

49100 ANGERS

jroux@uco.fr

  • Sur acceptation du Conseil scientifique, et sous sa responsabilité, les communications retenues pour le colloque feront l’objet d’une publication au sein d’un ouvrage collectif (à paraître en 2018 ou 2019).
  • Langues pour les communications et la publication : français, anglais.

Comité scientifique 

  • Daniel Bodi (Paris IV - UMR 8167)
  • Sébastien Morlet (Paris IV - UMR 8167)
  • Béatrice Oiry (UCO)
  • Édith Parmentier (Université d’Angers - UMR 8167)
  • Christophe Pichon (UCO - UMR 8167)
  • Josselin Roux (UCO - UMR 8167)
  • Claire Sotinel (Université Paris Est - CRHEC)

Lieux

  • Faculté de Théologie et de Sciences religieuses Université Catholique de l’Ouest - 3 Place André Leroy
    Angers, France (49)

Dates

  • dimanche 30 avril 2017

Mots-clés

  • bible, littérature biblique, christianisme antique, judaïsme antique, religions antiques, rumeurs, renommées, bruits publics, Proche-Orient ancien, Méditerranée ancienne et antique

Contacts

  • Josselin Roux
    courriel : jroux [at] uco [dot] fr

URLS de référence

Source de l'information

  • Josselin Roux
    courriel : jroux [at] uco [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« La Bible & ses lectures : « Rumeurs et renommées » », Appel à contribution, Calenda, Publié le vendredi 10 mars 2017, https://doi.org/10.58079/x76

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