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La philosophie des techniques en dialogue avec l’éthique

The philosophy of techniques in dialogue with ethics - reflexivity, technical objects and temporality

Réflexivité, objets techniques et temporalité

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Publié le mardi 04 avril 2017

Résumé

Xavier Guchet, au fil de ses ouvrages, développe une philosophie des techniques qui tente de cerner les enjeux épistémologiques et éthiques des technologies contemporaines. Outre Les sens de l’évolution technique (Léo Scheer, 2005) et un ouvrage remarqué consacré à la philosophie de Gilbert Simondon (Pour un humanisme technologique, PUF, 2010), il a plus récemment consacré des essais philosophiques aux nanotechnologies (Hermann, 2014) et à la médecine personnalisée (Les Belles Lettres, 2016). L’objectif de de cette journée d’études est de mettre en discussion avec lui la portée, les apports et les questions que soulèvent ses travaux pour l’éthique médicale et la bioéthique et plus largement sur la valeur de la technique et son rapport au temps.

Annonce

Journée d’études autour des travaux de Xavier Guchet 

Organisée par la Chaire ETH+ Ethique et transhumanisme et le Centre d'éthique médicale (EA 7446, "ETHICS : Ethics on Experiments, Transhumanism, HUuan Interactions, Care and Society")

Argumentaire

Xavier Guchet, au fil de ses ouvrages, développe une philosophie des techniques qui tente de cerner les enjeux épistémologiques et éthiques des technologies contemporaines. Outre Les sens de l’évolution technique (Léo Scheer, 2005) et un ouvrage remarqué consacré à la philosophie de Gilbert Simondon (Pour un humanisme technologique, PUF, 2010), il a plus récemment consacré des essais philosophiques aux nanotechnologies (Hermann, 2014) et à la médecine personnalisée (Les Belles Lettres, 2016). L’objectif de de cette journée d’études est de mettre en discussion avec lui la portée, les apports et les questions que soulèvent ses travaux pour l’éthique médicale et la bioéthique et plus largement sur la valeur de la technique et son rapport au temps.

De nouveaux objets de réflexion pour l’éthique médicale et la bioéthique

Force est de constater, tout d’abord, que plusieurs objets auxquels il consacre sa réflexion de philosophe des techniques concernent directement l’éthique médicale et la bioéthique. En effet, nombre des innovations technologiques sur lesquelles il s’est penché ont pour effet de transformer les pratiques cliniques et de recherche biomédicale. Citons, à titre d’exemple, les séquenceurs à ADN de nouvelle génération qui ont recours aux nanotechnologies en nanomédecine ou l’utilisation des techniques moléculaires et des technique d’acquisition et d’analyse de données biologiques (séquenceurs de génomes, biopuces à haute densité, associées aux algorithme de biostatistique et de bioinformatique) dans le domaine de la médecine personnalisée. De telles innovations soulèvent des questions éthiques plurielles dans le domaine de la santé : la médecine personnalisée présage-t-elle d’une pratique de la médecine qui permette une réelle prise en compte du sujet concret vivant et social ou, au contraire, constitue-t-elle la menace d’une extension infinie de la visée d’« actionnabilité » du vivant, celui devenant entièrement malléable et actionnable à volonté à travers les biomarqueurs ? Faut-il voir dans la médecine 4P (Personnalisée, Prédictive, Préventive et Participative) le risque d’une intensification de la responsabilisation des individus ? Quelles sont les incidences sur la pratique et la relation cliniques de la redéfinition par la médecine personnalisée des concepts de normal et de pathologique, ou de l’apparition du concept de « patient-in-waiting » – un patient qui attend sa maladie ?

Techniques et réflexivité de l’éthique

Il nous semble cependant qu’un deuxième niveau d’échange et de dialogue peut être envisagé entre la philosophie des techniques et l’éthique. La philosophie des techniques telle que la développe Xavier Guchet ne se limite pas à fournir de nouveaux objets, mais constitue une occasion pour l’éthique d’exercer une forme de réflexivité sur sa pratique. En effet, comme le rappelle Guchet au sujet des nanotechnologies : dans les controverses sociales autour de celles-ci, « le processus de fabrique des normes est (…) devenu lui-même un objet de réflexion » (« Sociétés ″réflexives″ et nanotechnologies », in Nouvelle critique sociale, Maesschalck et Loute (dir.), p. 434). Autrement dit, l’éthique s’est saisie des nanotechnologies à la fois comme d’un nouvel objet, et comme d’une occasion de questionner réflexivement comment faire l’éthique des nanotechnologies. Guchet souligne ainsi que dans la littérature, nombres d’articles consacrés à la « nanoéthique » ne font pas directement de l’éthique des nanotechnologies, mais cherche à déterminer comment faire cette dernière (ibid., p. 434). Les controverses et les débats autour de ces technologies constituent donc un laboratoire où s’expérimente et se questionne l’éthique comme pratique.

 Un rapprochement gagnerait à être effectué sur ce plan avec l’éthique médicale et la bioéthique. Pour de nombreux auteurs, une des lignes d’évolution de celles-ci renvoie également à un mouvement de réflexivité de l’éthique sur son processus d’effectuation sociale. Initialement de nature « sémantique » – au sens de la production de discours – l’éthique s’est de plus en plus « pragmatisée », c’est-à-dire qu’elle a développé une attention de plus en plus grande à son effectuation sociale et institutionnelle (Maesschalck 2010). C’est suivant cette évolution que peuvent se comprendre certaines dynamiques d’intégration de l’éthique à la vie des institutions, le mouvement de contextualisation de l’éthique clinique (Cadoré) ou encore le développement de « programmes d’éthique » au sein des institutions (Cobbaut 2008).

Un premier point d’attention pour l’éthique : les objets techniques

Sur ce plan de la réflexivité de l’éthique, l’apport de la philosophie des techniques développée par Guchet est conséquent. Elle permet à l’éthique de développer plusieurs points d’attention, autant d’apports que nous aimerions soumettre à la discussion. Un premier est l’attention aux objets techniques. Dans son livre sur les nanotechnologies, Guchet entend vouloir défendre un « tournant chosique » et partir des objets de laboratoire. Refusant une conception instrumentaliste des techniques qui réserve la réflexion éthique au seul usage de techniques supposées neutres, il rejoint certaines analyses pour lesquelles les objets techniques « embarquent » (Philosophie des nanotechnologies, p. 145) des intentions morales et matérialisent des valeurs. Comment l’éthique médicale et la bioéthique traitent-ils ces objets ? Leur accordent-elles le statut d’instruments ou prennent-elles au sérieux le point d’attention mis en avant par Guchet ? Un des risques de certaines éthiques du prendre soin n’est-il pas de se centrer sur la mise en relation de consciences attentionnées, sur la sollicitude des sujets, au détriment d’une attention « aux choses elles-mêmes, aux ″géographies matérielles″ qui nous entourent et qui contribuent à faire de nous ce que nous sommes » (ibid., p. 33) ?

Un second point d’attention pour l’éthique : la temporalité

Un deuxième point d’attention est la question de la temporalité qu’ouvrent les objets techniques. Pour Xavier Guchet, les médiations techniques se caractérisent par une dimension d’inactualité. « La médiation technique inscrit au sein des groupes humains l’inactualité d’un passé mais aussi celle d’un futur » (ibid., p. 21). Parler d’inactualité des techniques, c’est renvoyer au fait que qu’elles ouvrent sur des temporalités autres que la temporalité du présent de nos interactions sociales. En effet, « les techniques apportent toujours avec elles le monde dans lequel elles prendront sens » (ibid., p. 22). Elles rendent présente une puissance de transformation du réel. Cette attention à la temporalité des techniques permet également d’exercer un regard critique sur certains discours accompagnant les innovations technologiques. Celles-ci sont parfois présentées comme inéluctables. Elles sont portées par un travail de scénarisation du futur qui a pour effet de coloniser celui-ci, en le présentant comme un « futur antérieur » (Didier Bigo) connu d’avance. De telles stratégies accompagnent-elles la recherche biomédicale ? Comment l’éthique médicale peut-elle se saisir de l’inactuel ? Autant de questions qui s’imposent dans le domaine de la santé où certaines technologies médicales constituent de véritables « technologies de l’espoir » (Sarah Franklin). 

La question de la temporalité dans la réflexion sur les techniques et technologies comme de leurs discours et réalités est en effet centrale et soulève un grand nombre de questions. Citant Bergson dans Philosophie des nanotechnologies, Xavier Guchet place au cœur de sa réflexion l’idée que « le temps des sociétés humaines est un temps « impropre ». Les sociétés ne s’appartiennent pas complètement » (ibid., p. 29). Suivant cette idée bergsonienne, Guchet s’oppose à l’idée d’une temporalité propre à la technique et aux technologies et une temporalité propre aux sociétés humaines. En intégrant dans sa philosophie des techniques cette réflexion sur le temps, qualifié alors de « temps impropre », s’ouvre un débat avec plusieurs pensées proposant d’autres diagnostics et d’autres problématisation des rapports existant entre technique, technologie et les sociétés. Suivant l’idée générale de Guchet, le « temps impropre des sociétés humaines » permet d’initier une réflexion sur « les nanotechnologies, non pas seulement dans le temps court de la vie sociale et politique des contemporains, mais dans le temps long de l’aventure humaine sur terre » (ibid., p. 28) dans lequel s’engouffre alors autant la voix des « utopies et dystopies technologiques » (les théoriciens du transhumanisme par exemple) comme la voix des critiques radicaux de la technique et du mythe du progrès technologique (Gunther Anders). Entre ces deux écarts, nous aimerions confronter Xavier Guchet à la contradiction et l’ambiguïté que cette ouverture peut être porteuse.

Programme

9h15 : introduction de la journée

  • 9h30 : Alain Loute (EA 7446 « Ethics »/CEM), Comment mettre en pratique une éthique de la potentialité qui ne se traduise pas en une « éthique au futur antérieur » ?
  • 10h30 : table ronde avec Xavier Guchet (Université de Technologie de Compiègne) sur l’éthique médicale et la bioéthique avec Jean-Philippe Cobbaut (EA 7446 « Ethics »/CEM), Valérie Kokozska (chercheure associée au CPDR/UCLouvain) et Philippe Gallois (professeur de neurophysiologie, GHICL)

12h30 : Lunch

  • 14h15 : Emmanuel Pasquier (CPGE, Orléans), Le transhumanisme est un humanisme
  • 15h15 : Xavier Guchet (Université de Technologie de Compiègne), En quel sens peut-on dire que l’homme continue de "s’extérioriser" dans ses techniques ? 
  • 16h15 : Benjamin Bourcier (EA 7446 « Ethics »/ ETH+), Démocratie et technique : quel contrôle démocratique des techniques ? L’aporie de Philosophie des nanotechnologies.

Lieu

La maison des chercheurs
Université Catholique de Lille
60bis rue du port, 5ème étage 

Contact

La journée est libre et gratuite.

Adresses de contact : Benjamin.BOURCIER@univ-catholille.fr et alain.loute@univ-catholille.fr.                                                                                      

Lieux

  • La maison des chercheurs, 5ème étage - 60bis rue du port
    Lille, France (59)

Dates

  • mercredi 07 juin 2017

Mots-clés

  • éthique médicale, bioéthique, philosophie des techniques, transhumanisme

Contacts

  • Benjamin Bourcier
    courriel : benjamin [dot] bourcier [at] univ-catholille [dot] fr
  • Alain Loute
    courriel : alain [dot] loute [at] uclouvain [dot] be

Source de l'information

  • Alain Loute
    courriel : alain [dot] loute [at] uclouvain [dot] be

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« La philosophie des techniques en dialogue avec l’éthique », Journée d'étude, Calenda, Publié le mardi 04 avril 2017, https://doi.org/10.58079/xd5

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