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Religion et classes sociales

Religion and social classes

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Publié le mardi 27 juin 2017

Résumé

Ce projet de colloque est né de la conviction que le renouvellement des approches sur les classes sociales peut contribuer à améliorer notre compréhension des phénomènes religieux tout comme le religieux est susceptible de constituer une perspective heuristique dans l’analyse de la stratification sociale. 

Annonce

Colloque de l’AFSR Paris, 5‐6 février 2018 

Argumentaire

Depuis la critique marxiste de la religion comme « opium du peuple » jusqu’aux réflexions de Pierre Bourdieu sur les fonctions sociales du religieux, sans oublier les liens établis par Max Weber entre religion, classe et statut, le rapport entre religion et classe a longtemps constitué un questionnement classique des sciences sociales. À la faveur des théories de la moyennisation et du déclin des sciences sociales d’inspiration marxiste, les interrogations sur le rôle de l’appartenance de classe sont toutefois peu à peu tombées en désuétude. L’accent mis sur les processus contemporains d’individualisation du religieux a pu faire oublier le poids des déterminants sociaux et laisser croire à une sorte d’autonomisation des expériences religieuses (ou « spirituelles ») vis‐à‐vis des structures sociales. Par ailleurs, l’intégration à l’analyse du religieux de nouvelles dimensions, notamment celles du genre, de la migration, ou de l’ethnicité ont fait passer au second plan la question des classes sociales. Sans remettre en cause l’apport évident des recherches recourant à d’autres catégories d’analyse du monde social, ni dénier l’influence décisive des dynamiques d’individualisation dans le domaine religieux, ce colloque propose de porter un nouveau regard sur les questions de classe, en revisitant les analyses classiques à la lumière des travaux actuels.En dehors du champ des sciences sociales du religieux, la recherche sur les classes sociales est en effet en plein essor. Les nombreuses enquêtes empiriques, d’inspiration ethnographique

pour l’essentiel, tout comme les vigoureux débats qu’occasionne la construction d’une statistique européenne ont invité à repenser les classes sociales. La focale s’est ainsi progressivement élargie de la scène professionnelle à l’ensemble des scènes sociales. Cette attention nouvelle portée aux styles de vie s’est en outre combinée à la prise en compte de leur inscription et de leur différenciation territoriales (et leurs effets sur la construction relationnelle des classes sociales à travers les phénomènes de ségrégation spatiale). Toutefois, les travaux portant sur les classes sociales (milieux ouvriers, grande bourgeoisie) tendent à passer sous silence leurs pratiques religieuses. Ce colloque est né de la conviction que le renouvellement des approches sur les classes sociales peut contribuer à améliorer notre compréhension des phénomènes religieux tout comme le religieux est susceptible de constituer une perspective heuristique dans l’analyse de la stratification sociale.Le colloque se tiendra les 5 et 6 février 2018 à Paris et donnera lieu à une publication. Nous sollicitons des communications issues de toutes disciplines en sciences sociales, mobilisant des analyses aussi bien qualitatives que quantitatives, et analysant le religieux sous toutes ses formes. Nous veillerons à ce que la diversité des terrains religieux et des aires culturelles et géographiques soit représentée.

Axes thématiques

Les communications pourront s’articuler autour de l’un des trois axes suivants :

Axe 1 Légitimation ou subversion : le rôle de la religion dans la reproduction ou le renversement des inégalités de classe

Les religions produisent des discours sur l’ordre établi et les structures sociales. Elles fournissent aux croyants des outils d’interprétation du monde, et notamment des inégalités. Historiquement, elles ont pu être mobilisées pour légitimer ces inégalités (théodicée du malheur pour les plus démunis ; théodicée du bonheur pour les mieux lotis) ou au contraire les subvertir (théologie de la libération). Comment les croyants retraduisent‐ils leur position de classe en termes religieux ? Quel est le rôle du religieux dans les mobilisations sociales ? La religion, comme représentation symbolique de la réalité, peut‐elle contribuer à la modifier ? On s’interrogera sur la façon dont le couple légitimation/subversion se reconfigure dans la pratique contemporaine du religieux. À cet égard, la question de l’éducation religieuse et de l’école comme instance de reproduction des hiérarchies sociales pourra être étudiée.

Axe 2 Les déterminants sociaux du religieux

Nous chercherons à savoir si les biens religieux se structurent par milieux sociaux. Max Weber avait identifié des affinités électives entre la position sociale des individus ou des groupes et leurs croyances. Les conditions matérielles d’existence continuent‐elles de déterminer lespréférences religieuses ? Dans cette optique, on pourra s’interroger sur la façon dont les réseaux de sociabilité, liés en grande partie au milieu social et à l’ancrage territorial, viennent structurer les options religieuses. Le thème de la mobilité sociale (ascendante ou descendante) pourra notamment être exploré : les changements de statut social ou résidentiel peuvent‐ils influer sur les pratiques religieuses ? Le changement d’appartenance religieuse et l’incorporation de nouvelles normes éthiques peuvent‐ils contribuer à des trajectoires d’ascension sociale, ou participer au contraire à des formes de déclassement ? La question de la distinction est aussi centrale et on pourra s’interroger sur le rôle de l’appartenance religieuse comme marqueur de respectabilité et de prestige social, pour des individus avantagés ou désavantagés sur le plan matériel.Les « styles » de congrégation ou de pratique religieuse pourront également être mis en lumière. Il s’agira de comprendre si les répertoires de prière, les sermons, la liturgie et la mise en scène religieuse se structurent selon le statut social (Sean McCloud, 2007). Dans la mesure où la plupart des travaux se concentrent sur la pratique religieuse populaire, on veillera à visibiliser également les pratiques des classes supérieures.Enfin, on s’interrogera sur le rôle de l’appartenance de classe dans les reconfigurations contemporaines du religieux, en particulier sous l’angle du « bricolage » et des compétences distinctives qu’il mobilise : le « bricolage » religieux est‐il l’apanage des classes supérieures ? Qui invente de nouvelles façons de vivre le religieux ? Et dans quelle mesure le rapport à l’altérité, qui inspire aujourd’hui un certain nombre d’appropriations personnelles de traditions religieuses « exotiques » (Véronique Altglas, 2014), est‐il déterminé par la position sociale ?

Axe 3 Catégories et luttes de classement

Un dernier axe, de nature plus épistémologique, interrogera l’usage des représentations et des catégories, et notamment la notion de « religion populaire » (qui avait beaucoup marqué les débats scientifiques au cours des années 1960‐1970) ou de « religion par le bas » (Guy Duboscq, Bernard Plongeron & Daniel Robert, 1979 ; Serge Bonnet, 2016). Dans quels contextes utilise‐t‐on ces notions ? Faut‐il les comprendre en relation avec une religion bourgeoise, aristocratique, cléricale ou savante dont elles constitueraient le contrepoint ? Les milieux populaires ont ainsi été accusés de déformer les systèmes de croyances et les pratiques orthodoxes, de préférer le « merveilleux » et l’« émotionnel » au « rationnel », en un mot de transformer la religion en superstition ou folklore. Le christianisme rural et populaire a par exemple longtemps été analysé comme porteur d’éléments « païens » ou agraires mal assimilés. Par ailleurs, certaines religions, comme le pentecôtisme et dans une certaine mesure l’islam, sont principalement associées aux classes populaires et aux catégories sociales dominées. Ces représentations sont‐elles toujours vérifiées empiriquement ? Traduisent‐elles aussi des logiques de classement, fondées par exemple sur

l’opposition implicite entre, d’une part, la maîtrise de soi et la raison revendiquées par les dominants, et de l’autre, l’émotion et l’enthousiasme des dominés ?
L’enjeu des hiérarchies de classe internes à chaque religion, ainsi que leurs effets sur la production du savoir religieux et la définition de l’orthodoxie, question fréquemment soulevée dans le cas du judaïsme par exemple (Béatrice de Gasquet, 2012), sera aussi à prendre en compte.Enfin, la question du « fondamentalisme » (et plus récemment celle de la « radicalisation »), longtemps décrit comme le fait de classes populaires non éduquées (alors même que les données empiriques ne vont pas toujours dans ce sens, voir Susan Harding, 1991) pourra être abordée.

Comité d'organisation et de sélection des propositions

  • Anthony FAVIER, docteur en histoire contemporaine (chercheur associé LARHRA) Yannick FER, chargé de recherche CNRS (GSRL)
  • Juliette GALONNIER, docteure en sociologie (OSC/Sciences Po)
  • Ana PERRIN‐HEREDIA, chargée de recherche CNRS (CURAPP‐ESS) 

Modalités de soumission

Les propositions de communication sont à envoyer pour

le 10 septembre 2017.

Doivent y figurer les nom et prénom de l’auteur, son institution de rattachement, son adresse e‐mail, une courte notice biographique, le titre de la communication, l’axe de rattachement et un résumé d’une page précisant le contenu de la communication et les données mobilisées.Elles sont à envoyer au format Word ou PDF à Anthony Favier (anthony.favier@live.com), Yannick Fer (yannick.fer@gsrl.cnrs.fr), Juliette Galonnier (juliette.galonnier@gmail.com), et Ana Perrin‐Heredia (aperrinheredia@gmail.com). Les auteurs recevront une notification au sujet de leur participation début octobre 2017.

Lieux

  • Paris, France (75)

Dates

  • dimanche 10 septembre 2017

Mots-clés

  • religion, classe sociale, inégalité

Contacts

  • Yannick Fer
    courriel : yannick [dot] fer [at] ens [dot] psl [dot] eu
  • Anthony Favier
    courriel : favier1 [at] icloud [dot] com
  • Juliette Galonnier
    courriel : juliette [dot] galonnier [at] sciencespo [dot] fr
  • Ana Perrin Heredia
    courriel : aperrinheredia [at] gmail [dot] com

URLS de référence

Source de l'information

  • Yannick Fer
    courriel : yannick [dot] fer [at] ens [dot] psl [dot] eu

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Religion et classes sociales », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 27 juin 2017, https://doi.org/10.58079/y0e

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