Accueil(Dés)identification de la création artistique

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(Dés)identification de la création artistique

Dis-identification of artistic creation

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Publié le mardi 08 août 2017

Résumé

Depuis que Platon en a fait un être inspiré, l’artiste a bénéficié d’une identité distincte des autres. Le thème du génie a maintenu cette spécificité jusqu’à la crise de la modernité qui y a mis fin avec l’abandon de l’autonomie de la sphère de l’art. Dès lors, l’identité de l’artiste est semblable à celle du « commun des mortels ». Il semblerait qu’on ait assisté à deux stratégies différentes. D’une part, des artistes se fondent dans une masse anonyme et se désidentifient (Erving Goffman). D’autre part, des artistes font de leurs identités le cœur – voire le moteur – de leur pratique artistique. Ce constat ne donnerait lieu qu’à une dichotomie si le critère de la construction identitaire n’était pas inégalement convoqué par la réception selon l’origine – occidentale ou non – de l’artiste. L’enjeu de ce colloque est d’examiner les aspects les plus problématiques des déterminations identitaires au vu de l’esthétique.

Annonce

Colloque organisé par l’équipe d’accueil Écritures et l’université de Lorraine les 5 et 6 décembre 2017 à Metz

Argumentaire

Depuis que le mythe de l’autonomie de la sphère de l’art a éclaté et que les pratiques artistiques sont vues comme des activités culturelles dépourvues de toute référence au génie, l’art est devenu un objet d’étude offert aux investigations d’autres champs disciplinaires. Que ces démarches soient ethnologiques, sociales ou encore psychanalytiques, elles véhiculent l’idée d’une relation forte entre l’art et l’appartenance identitaire – individuelle ou collective – de l’artiste.

L’enjeu de ce colloque est d’examiner les aspects les plus problématiques des déterminations identitaires au vu de l’esthétique. En effet, sans aucunement vouloir redorer le blason de l’autonomie de l’art ou questionner l’importance des déterminismes dans la pratique et la réception artistique, la forte relation entre la création artistique et l’appartenance identitaire est problématique justement dans sa tension entre l’individuel et le collectif. Le principal problème est que le critère de la construction identitaire est inégalement convoqué selon l’origine de l’artiste : une production artistique non-occidentale, par exemple, semble plus fréquemment rattachée à l’identité collective de l’artiste alors qu’une production occidentale sera perçue comme relevant de son identité individuelle. Ce biais persiste à véhiculer l’illusion d’un libre-arbitre occidental face à un déterminisme non-occidental. Conceptions et regards sont encore loin d’être décolonisés et les études post-coloniales ont encore de beaux jours devant elles en théorie de l’art.

Les discussions sur la construction identitaire ne se limitent pas à l’étude des racines et des origines, certaines se centrent davantage sur l’appartenance à des sous-cultures – et l’étude des sous-cultures est peut-être un des meilleurs moyens de dissoudre le premier clivage évoqué. À ce sujet, il faut insister ici sur la fracture entre identité (sous-culturelle) revendiquée par l’artiste et identité plaquée a posteriori par l’institution artistique comme paradigme explicatif de certaines pratiques. Toutefois, même revendiquées, ces identités sont toujours issues de constructions venues de l’extérieur, d’une déviance par rapport à la norme (sociale, culturelle, sexuelle, etc) dans un processus de différenciation, d’Othering, qui construit du même coup l’identité dominante. Leur revendication participe donc d’un processus de réappropriation de ce qui fait la différence. Dès lors, selon quels critères évaluer les œuvres qui exposent cette dernière ? Faudrait-il continuer d’aller vers une spécialisation et un outillage théorique propre à chaque identité et son corpus artistique ? Comment penser la tension entre affirmation identitaire de déviance à une norme et souscription à cette même norme à travers le langage dominant des arts ? Quelle est ici la fonction de l’art ? La réflexion gagnerait également à se confronter aux œuvres d’art censément non-identitaires, universelles, mais qui pourraient tout autant être vues comme de simples expressions d’une identité – identité qui, si elle n’est pas nécessairement majoritaire, est du moins hégémonique. Ne serait-il pas imaginable, même dans ces cas universaux, que les œuvres participent toujours de l’identité des artistes ? Ces œuvres seraient-elles sinon issues d’un processus de désidentification (Erving Goffman et Beverley Skeggs) construisant de ce fait une identité universelle de l’artiste ? Comment cette appartenance informe-t-elle les regards sur l’œuvre ?

Par extension, on pourra également s’interroger sur l’identité de l’artiste en tant que tel par rapport au reste de la société. Qu’est-ce que le fait d’être artiste implique ? En retour, une conscience de l’identité sociale d’artiste peut-elle avoir un impact sur l’œuvre ou sa réception, par exemple dans des œuvres d’art participatif ?

L’identité peut donc se faire l’étendard de revendications qu’il serait malheureux de chercher à déconstruire ou à invalider. Encore faudrait-il préciser en quoi le fait que l’artiste possède l’identité revendiquée est constitutif de la démarche. En effet, cette importance se confronte à deux écueils. D’une part, dans le cas des identités individuelles, elle semble rejouer sous cape le mythe de l’art comme pure expression – qui certes se distingue du génie dirigé par la nature, mais qui véhicule encore l’illusion de la plus totale spontanéité. D’autre part, dans le cas des identités collectives, elle pose le problème de la consécration artistique : la revendication n’aurait-elle pas plus à perdre qu’à gagner à être étiquetée « art » ?

L’inégalité du critère identitaire en théorie de l’art justifie pleinement un intérêt pour une déconstruction identitaire de la création artistique. Il serait intéressant de tisser une généalogie critique rendant compte de la manière dont les identités se sont construites comme piliers de la création artistique. Aussi, une façon de déconstruire l’identité pourrait passer par sa propre multiplication au regard d’un renversement entre culture et sous-cultures. Encore, d’un point de vue épistémologique, on pourrait se demander dans quelle mesure l’esthétique profite de la construction identitaire de la création artistique : l’expérience esthétique n’aurait-elle pas parfois besoin au moins de l’illusion de l’autonomie de l’art ? Peut-elle seulement en faire l’économie ?

Enfin, on pourrait envisager des contributions proposant des interprétations monographiques analysant les œuvres d’art par un biais opposé aux habitudes des mondes de l’art – et donc opposé aux clichés identitaires réducteurs.

Modalités de participation et calendrier

  • 10 septembre 2017 : envoi des propositions,

d’une page environ, à l’adresse suivante : contact@revue-proteus.com

  • 5-6 décembre 2017 : colloque à Metz
  • 31 décembre 2017 : remise des articles pour la publication conjointe au numéro 14 de la revue Proteus

Nous espérons être en mesure de prendre en charge l’intégralité des frais de transport et de logement.

Comité scientifique

  • Stéphanie Bertrand (MCF EA ÉCRITURES)
  • Dominique Chateau (PR-émérite UMR ACTE)
  • Phoebe Hadjimarkos-Clarke (doctorante UMR ACTE)
  • Pierre Halen (PR EA ÉCRITURES)
  • Laurent Husson (MCF EA ÉCRITURES)
  • Claire Lahuerta (PR EA CREM)
  • Valentina Litvan (MCF EA ÉCRITURES)
  • Olivier Schefer (MCF-HDR UMR ACTE)
  • Bruno Trentini (MCF EA ÉCRITURES)

Direction scientifique

Manifestation scientifique et numéro de revue sous la direction de Phoebe Hadjimarkos-Clarke et Bruno Trentini

Lieux

  • Université de Lorraine
    Metz, France (57)

Dates

  • dimanche 10 septembre 2017

Contacts

  • Bruno Trentini
    courriel : bruno [dot] trentini [at] univ-lorraine [dot] fr
  • Phoebe Hadjimarkos-Clarke
    courriel : phoebe [dot] a [dot] h [dot] clarke [at] gmail [dot] com

Source de l'information

  • Phoebe Clarke
    courriel : contact [at] revue-proteus [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« (Dés)identification de la création artistique », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 08 août 2017, https://doi.org/10.58079/y53

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