Accueil(Dé)constuire la ville : saisir la décroissance urbaine comme opportunité

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(Dé)constuire la ville : saisir la décroissance urbaine comme opportunité

Deconstructing the city - urban ungrowth as an opportunity

Comment ? Pour qui ? Pour quoi ?

How? For whom? What?

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Publié le mercredi 26 juillet 2017

Résumé

Les villes décroissantes sont devenues un objet d’études et de recherches central dans la dernière décennie. Sur la base de phénomènes, plus ou moins combinés, de décroissance démographique et de déclin économique, ces dynamiques se sont étendues à des villes de tailles diverses et de spécialisation économique autre qu’industrielle à tel point que le phénomène de déclin urbain est parfois qualifié de structurel, une fois replacé dans les puissantes logiques du processus de métropolisation. Dans un contexte où la décroissance devient une figure de l’urbain, comment penser l’adaptation des villes à leur nouvelle taille en contexte métropolisé ?

Annonce

Argumentaire

Les villes décroissantes sont devenues un objet d’études et de recherches central dans la dernière décennie. Sur la base de phénomènes, plus ou moins combinés, de décroissance démographique et de déclin économique, les appellations varient : de la traduction de l’anglais shrinking cities en « villes rétrécissantes », à « villes en décroissance » ou « villes en déclin », en escamotant au passage des réalités urbaines contrastées. Ces appellations qui combinent les idées de rétrécissement, de dévalorisation et aussi de perte de vitalité sont apparues à la fin des années 1970 pour désigner les processus à l’œuvre dans les villes de l’ancienne manufacturing belt étatsunienne, devenue rust belt dans les années 1980. Le cas des villes est-allemandes dont les trajectoires ont été profondément affectées par les dynamiques géopolitiques de la réunification, est venu s’ajouter, dans les années 1990, aux cas « saisissants » de déclin urbain liés à la désindustrialisation et à la périurbanisation dans les villes nord-américaines. Depuis, ces dynamiques se sont étendues à des villes de tailles diverses et de spécialisation économique autre qu’industrielle à tel point que le phénomène de déclin urbain est qualifié de structurel par certains auteurs (Bernt and al., 2013), une fois replacé dans les puissantes logiques du processus de métropolisation. De manière très concrète, en France, ce sont aujourd’hui « 298 des 771 aires urbaines de France, principalement des villes de petite ou moyenne importance, ont perdu des habitants entre 2006 et 2011, notamment de jeunes ménages, au profit des métropoles » (Rey-Lefebvre, 2015). 

Face à ce phénomène – certes ancien mais, jusqu’aux années 2000, plutôt circonscrit aux régions industrielles malmenées par les recompositions du système capitaliste désormais mondialisé et « urbanisé » –, les acteurs oscillent entre déni et mise à l’agenda, entre euphémisation et affrontement, entre inaction(s) et action(s). Globalement, lorsqu’elles existent, les stratégies de « réponse » au déclin urbain, élaborées au niveau national et/ou local, peinent à se départir du dogme toujours dominant de la croissance (Schatz, 2010) et partant des politiques d’attractivité (Miot, 2012). Les stratégies de décroissance planifiée mises en œuvre aux Etats-Unis, qui ont pu être analysées, un temps, comme des politiques alternatives, sont aujourd’hui lourdement questionnées quant à leur caractère réellement innovant et/ou progressiste (Béal et al., 2016). Certains auteurs les inscrivent même dans une forme de continuité par rapport aux politiques de rénovation urbaine des années 1960  y compris au travers de leurs logiques ségrégatives les plus controversées à l’image du redlining (Aalbers, 2014). Ces stratégies tendent en effet souvent à se limiter à des opérations –  jamais neutres – de rightsizing c’est-à-dire d’ajustement des formes et services urbains aux réalités socio-démographiques dans lesquelles la démolition de logements est vue à la fois comme l’unique levier pour relancer des marchés immobiliers défaillants et pour réaffirmer la légitimité de la puissance publique (Highsmith, 2015 ; Hackworth, 2006). La volonté de recomposer et requalifier la ville existante n’est pas absente des politiques de rightsizing comme en témoignent, par exemple, le projet de Détroit de faire du paysage une nouvelle infrastructure urbaine (Sadoux, Meehan, 2014) ou les projets développés par les villes allemandes dans le cadre du programme de rénovation urbaine Stadtumbau Ost, développé à partir de 2002, qui apporte des aides aux communes pour la démolition des logements sans reconstruction systématique et, plus secondairement, pour la mise en œuvre de mesures de revalorisation (Bernt, 2009 ; Cunnigham-Sabot et Fol, 2010 ; Roth, 2011). En Europe, plus sans doute qu’ailleurs dans le monde, la requalification de la ville décroissante se heurte parfois et paradoxalement à des politiques de patrimonialisation prises entre volonté – toujours sélective (Veschambre, 2002) – de conserver un « bien commun » urbain – et ce faisant de produire « rassemblement et réconciliation » (Garnier, Castrillo Romón, 2013) – et de renouveler la valeur des biens et la rente urbaine (Alvarez Mora, 2013).  

L’objectif de ce colloque sera d’étudier les enjeux liés à la déconstruction en abordant plusieurs séries de questionnement :

La déconstruction comme opportunité

La décroissance urbaine peut-elle constituer une opportunité pour des acteurs à même de la concevoir comme telle et non pas seulement comme une perte, plus ou moins irrémédiable, de vitalité et d’atouts ? Peut-on penser que la décroissance permette de reconfigurer des villes souvent bâties à la hâte – les dites « villes-champignons » que l’on pourrait aisément requalifier en « villes de rapport » par analogie avec l’expression « immeuble de rapport » (Bonneval, Robert, 2013) ? A quelles conditions ? Quels obstacles conceptuels, sociaux, économiques, politiques pour penser la déconstruction comme une opportunité pour la ville et ses habitants ? Les politiques de patrimonialisation constituent-elles des obstacles spécifiques dans ce cadre ?

Peut-on requalifier la ville, tant globalement qu’à l’échelle des îlots ou des quartiers, en la dé-construisant ? Les démolitions peuvent-elles permettre de dé-construire la ville en même temps que la re-construire autrement et mieux, en prenant en compte les besoins et les aspirations des habitants ? A l’inverse, la déconstruction – en posant la question de savoir ce qui doit être préservé ou non – ne contribue-t-elle pas à renforcer les mécanismes de catégorisation et de hiérarchisation des types d’habitat, des quartiers, voire de leurs habitants ?

Les pratiques et politiques de déconstruction

Quelles sont les pratiques et politiques mis en place pour déconstruire les villes ? Comment nommer les actions pensées et mises en œuvre pour accompagner la décroissance dans un contexte où la durabilité rend suspecte la « dédensification » ? Plus spécifiquement, il s’agira également de comprendre à quelles conditions la dé-construction peut-elle « faire » un autre projet urbain ? Les acteurs urbains peuvent-ils trouver là matière à nourrir un projet de développement plus progressiste, notamment dans des configurations urbaines « moyennes » par leur taille et les conditions socio-économiques de leurs habitants qui, pour éloignées qu’elles soient de la figure métropolitaine dominante, n’en représentent pas moins le cadre de vie de millions de personnes ?

De manière plus pragmatique, quels sont – ou plutôt seraient – les outils techniques et financiers de la déconstruction, au sens où nous l’entendons comme opportunité de « (re)construire » la ville ? Quels acteurs et groupes d’acteurs sont susceptibles de se mobiliser pour porter ce type d’agenda ? Quelles expériences à l’œuvre aujourd’hui et dans quels contextes ?

Programme

Jeudi 5 octobre 2017

09h00 – 09h30 Accueil

09h30 – 09h45 Ouverture : Léla Bencharif (Présidente du CA de l’ENSA de Saint-Étienne) et Michèle Cottier (Présidente de l’Université Jean-Monnet de Saint-Étienne)

09h45 – 12h30 Session 1 - Adapter les villes en décroissance à leur nouvelle taille ? Du smart shrinkage à la déconstruction

  • La décroissance urbaine comme opportunité ? Penser la « déconstruction » pour transformer la ville, Jean-Michel Dutreuil (architecte, GRF Transformations, ENSA de Saint-Étienne) et Christelle Morel Journel (géographe, EVS, Université de Saint-Étienne)
  • Les stratégies de « smart shrinkage », des stratégies alternatives ?, Vincent Beal (politiste-sociologue, SAGE, Université de Strasbourg), Sylvie Fol (études urbaines, Géographie-Cités, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne) et Max Rousseau (politiste, CIRAD),
  • Intervention d’un.e élu.e (contacts en cours)

Discutant : Vincent Veschambre (géographe, Le Rize – EVS)

14h00 – 17h00 Session 2 - Instruments et modalités de la déconstruction

  • Déconstruire Cleveland. Entre revanchisme et progressisme, Vincent Beal (politiste-sociologue, SAGE, Université de Strasbourg) et Max Rousseau (politiste, CIRAD)
  • Adapter la ville en décroissance sans le dire : exemple de l’îlot Emile Zola (Saint-Étienne), Pauline Chavassieux (architecte, EVS, ENSASE)
  • Le coût du vide. Réflexions à partir d’exemples en région stéphanoise, Frank Le Bail (architecte, Chaire Habitat du futur, ENSA de Grenoble)
  • Décroissance : des projets, des stratégies… Et c’est pas triste !, Jean-Pierre Charbonneau (conseiller en politiques urbaines et culturelles)

Discutant : Georges Gay (géographe, EVS, Université de Saint-Etienne)

17h30 – 19h00 Session 3 : exposition - Les villes décroissantes : nouveaux enjeux et questions pour l’enseignement du projet architectural et urbain

Présentation de l’exposition Habiter demain les villes décroissantes ? Projets de fin d’études du domaine « Habitat, culture, environnement », suivi d’une visite, Jean-Michel Dutreuil (architecte, GRF Transformations, ENSASE)

Vendredi 6 octobre 2017

09h30 – 12h30 Session 4 - Les bailleurs sociaux face à la décroissance urbaine

  • La ville décroissante, une opportunité pour une meilleure prise en compte de la diversité des dynamiques territoriales dans les politiques nationales de logement social, Marie Mondain (études urbaines, Géographie-Cités, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
  • Le métier de bailleur social en contexte détendu : retour d’expériences, Christophe Bouscaud (Directeur général d’Orne Habitat)
  • Démolir sans (presque) reconstruire. Retours sur quinze ans de démolitions à Vitry-le-François, Yoan Miot (études urbaines, LATTS, Université Paris Est Marne-la-Vallée) et Max Rousseau (politiste, CIRAD)
  • Firminy-Vert entre vacance de logements et préservation du patrimoine : transformer des impasses en atouts ?, Rachid Kaddour (géographe, GRF Transformations, ENSASE)
  • Patrimoine, patrimoine remarquable HLM en secteur détendu, Cécile Semery (responsable du département Architecture et Maîtrise d’ouvrage, Union Sociale pour l’Habitat)

Discutante : Sylvie Fol (études urbaines, Géographie-Cités, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne)

14h00 – 17h00 Session 5 - Déconstruire la ville en décroissance : diversité des expériences

  • Conflicting rationalities and messy actualities of urban renewal in Halle/Saale, East Germany, Nina Gribat (études urbaines, Université de Darmstadt)
  • Détruire pour (mieux) reconstruire ? Regard rétrospectif sur la pensée de la décroissance urbaine dans le projet architectural et urbain, Charline Sowa (architecte, MHAevt de l’ENSA de Grenoble)
  • Déconstruire Détroit : légitimer l’action publique au détriment des quartiers résidentiels ?, Henri Briche (politiste, TRIANGLE, Université de Saint-Étienne)
  • Déconstruire, c’est jardiner la ville. Exemples stéphanois, Eric Clavier (architecte, atelier Jardinier des villes ; GRF Transformations, ENSASE)

Discutante : Catherine Maumi (architecte, historienne de l’architecture, MHAevt, ENSA de Grenoble)

17h00 – 17h30 conclusion / synthèse

  • Jean Attali (philosophe, professeur honoraire en urbanisme et projet urbain, UMR-AUSser / CNRS n°3329)

Bibliographie

  • Aalbers, M., “Do maps make geography? Part 1: Redlining, planned shrinkage, and the places of decline”, ACME, 2014, 13, 1-1.
  • Alvarez Mora A., « Le concept de patrimoine bâti, alibi des modèles urbains soumis à la rente foncière en Europe », Espaces et sociétés, 2013/1, n°152-153, p. 19-33.
  • Béal, V., Fol, S., Rousseau, M., “De quoi le ‘smart shrinkage’ est-il le nom ? Les ambiguités des politiques de décroissance planifiée dans les villes américaines”, Géographie, économie, société, 2016, 18(2), 211-234.
  • Bernt M., « Partnership for Demolition: The Governance of Urban Renewal in East Germany’s shrinking cities », IJURR, 33-3, 2009, p. 754-769.
  • Bernt, M. and al., “How does(n't) Urban Shrinkage get onto the Agenda? Experiences from Leipzig, Liverpool, Genoa and Bytom”, International Journal of Urban and Regional Research, 2014, 38: 1749–1766.
  • Bonneval L. et Robert F., L’immeuble de rapport. L’immobilier entre gestion et spéculation. Lyon, 1860-1990, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2013.
  • Fol S. & Cunningham-Sabot E., « Déclin urbain » et Shrinking Cities : une évaluation critique des approches de la décroissance urbaine », Annales de Géographie, 2010, n°674, p. 359-383.
  • Garnier J.-P. et Castrillo Romón M., « Éditorial », Espaces et sociétés, 2013/1, n°152-153, p. 7-17.
  • Hackworth, J. “Demolition as urban policy in the American rustbelt”, Working paper, 2016.
  • Highsmith, A. R. (2015). Demolition Means Progress: Flint, Michigan, and the Fate of the American Metropolis. University of Chicago Press.
  • Kaddour R., Quand le grand ensemble devient patrimoine : réflexions sur le devenir d'un héritage du logement social et la fabrication du patrimoine à partir de cas exemplaires en région stéphanoise, Thèse pour le doctorat en géographie - aménagement de l'espace, Université de Saint-Etienne, 2013
  • Miot, Y., Face à la décroissance urbaine : l’attractivité résidentielle ? Le cas des villes de tradition industrielle de Mulhouse, Roubaix et Saint-Etienne, Thèse pour le doctorat en Aménagement et Urbanisme, Université de Lille 1, 2012.
  • Rey-Lefebvre I., « Ces villes où il faut démolir des logements », Le Monde, 30 juillet 2015.
  • Roth H., « Les « villes rétrécissantes » en Allemagne », Géocarrefour [En ligne], 2011, Vol. 86/2 | 2011. URL http://geocarrefour.revues.org/8294
  • Sadoux S. et Meehan T., « Vers une typologie des inversions urbaines par l'infrastructure. L'exemple de Detroit, Michigan », in Beauguitte L., Croissance et décroissance des réseaux : Actes de la troisième journée d’études du groupe FMR (Flux, matrices, réseaux), 2014, http://halshs.archives-ouvertes.fr/FMR/
  • Schatz L. (2010), What helps or hinders the adoption of « good planning » principles in shrinking cities? A comparison of recent planning exercises in Sudbury, Ontario and Youngstown, Ohio, PhD thesis, University of Waterloo.
  • Schilling, J. and Logan, J., “Greening the rust belt: A green infrastructure model for right sizing America's shrinking cities”, Journal of the American Planning Association, 2008, 74(4), 451-466.
  • Veschambre V., « Une mémoire urbaine socialement selective. Réflexions à partir de l’exemple d’Angers », Les Annales de la recherché urbaine, 1992, n°92, p. 65-73.

Lieux

  • Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Saint-Etienne - 1 rue Buisson
    Saint-Étienne, France (42)

Dates

  • jeudi 05 octobre 2017
  • vendredi 06 octobre 2017

Fichiers attachés

Mots-clés

  • ville en décroissance, politiques urbaines, architecture, urbanisme, déconstruction

Contacts

  • Julie Colombier
    courriel : julie [dot] colombier [at] st-etienne [dot] archi [dot] fr

Source de l'information

  • Christelle Morel Journel
    courriel : christelle [dot] morel [dot] journel [at] univ-st-etienne [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« (Dé)constuire la ville : saisir la décroissance urbaine comme opportunité », Colloque, Calenda, Publié le mercredi 26 juillet 2017, https://doi.org/10.58079/y5q

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