AccueilDu cheval au bestiaire fantastique dans la légende arthurienne

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Du cheval au bestiaire fantastique dans la légende arthurienne

From horses to imaginary bestiaries in Arthurian legend

Chevaux, dragons, animaux fantastiques dans la légende arthurienne et ses réceptions

Horses, dragons and fantastic animals in Arthurian legend and its receptions

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Publié le mardi 05 septembre 2017

Résumé

Dans la légende arthurienne, la magie et le merveilleux sont toujours très liés à la nature. Les animaux appartiennent à cet univers sauvage qui échappe à la raison des hommes et qui est encore dirigé par des forces mystérieuses et anciennes. À ce titre, eux aussi possèdent une forme de magie, eux aussi peuvent être un lien entre le monde des hommes et le monde féerique.

Annonce

Argumentaire

Loin d’être quantités négligeables, les animaux sont des acteurs et des porteurs d’un symbolisme récurrent et primordial dans les civilisations anciennes et modernes. C’est pour cela que les études mythologiques ne sauraient exclure le rôle et la signification de ces êtres, accompagnateurs de l’homme. Des créatures aussi bien mythiques qu’ordinaires apparaissent dans la littérature médiévale arthurienne, celle-ci étant « peuplée d’animaux » (M. Zinc). Les chevaliers combattent dragons et sangliers sauvages ; les chiens révèlent la véritable identité de leurs maîtres ; et les chevaliers ne sont rien sans leurs montures. Les animaux jouent aussi un rôle dans les prophéties, prédisant les victoires d’Arthur et éclairant les événements récents.

Dans la légende arthurienne, la magie et le merveilleux sont toujours très liés à la Nature. Les animaux appartiennent à cet univers sauvage qui échappe à la raison des hommes et qui est encore dirigé par des forces mystérieuses et anciennes. A ce titre, eux aussi possèdent une forme de magie, eux aussi peuvent être un lien entre le monde des hommes et le monde féerique. 

Ces animaux peuvent avoir plusieurs fonctions : certains peuvent être, par exemple, des messagers ou des augures. Pour celui qui sait interpréter leur langage, ils peuvent révéler l'issue d'une quête ou un événement à venir. D'autres, comme le lion d'Yvain sont des compagnons qui aident les chevaliers à accomplir leur destinée. D'autres encore ne sont pas vraiment des animaux, mais un magicien ou une enchanteresse dissimulés sous les traits d'un cerf ou d'un corbeau. Quoi qu'il en soit, les animaux ont toujours une portée symbolique très forte, leur présence a toujours une signification bien particulière, et lorsqu'ils apparaissent au cours d'un récit, ce n'est jamais par hasard.

Aussi bien réel que métaphorique, le cheval est d'une richesse symbolique extraordinaire. Lié aux ténèbres du monde chtonien, il représente à la fois l'animal de la mort et de la vie. Il incarne également des caractéristiques comme la beauté, la vitesse, la vigueur sexuelle, la fougue et l’impétuosité. Humanisé dans la tradition des bestiaires, le cheval marque par sa loyauté l’association étroite et même l’identification entre le chevalier et le cheval. Le fidèle cheval de Tristan se nomme Passebruel, mais le plus célèbre des destriers est sans doute Gringalet qui, dans les légendes arthuriennes, est le cheval robuste et combatif de Sire Gauvain. Autre cheval de la légende arthurienne, Papillon, dans le récit d'Ogier le Danois en prose, devient la monture d'Ogier, capable de se déplacer à très grande vitesse et de cracher le feu. On n’oubliera pas non plus les différentes montures d’Arthur : Llamrei, Hengroen, Aubagu et Passelande.

Les chiens se caractérisent aussi pour leur fidélité et leur intelligence. Ils ont même parfois le don de guérison comme les lévriers associés à Lancelot. Les chiens de chasse montrent leur courage, comme Husdent, le chien de Tristan ou Cabal, celui d’Arthur.

D’autres animaux apparaissent de façon récurrente dans la légende du roi Arthur, comme les cerfs et les biches blanches, le blanc étant, dans la mythologie celte, la couleur de l'Autre Monde. Les cerfs sont évidemment associés au monde de la chasse qui attire les chevaliers dans l’ombre des forêts magiques. Les oiseaux jouent aussi un rôle symbolique, que ce soit le corbeau, lié à Morgane, le faucon et la chouette, liés à l’histoire de Tristan, le perroquetdu Chevalier du Papegau, ou le pélican christique de Parzival. Autre animal explicitement christique, le lion symbolise pourtant la noblesse plus que le divin. Galahad est surnommé le « grand lion » et Arthur apparaît parfois dans des rêves tel un lion couronné. On connaît l’histoire d’Yvain, le « Chevalier au Lion » qui sauve le félin d’un serpent cracheur de flammes. Parfois menaçant, le lion est avant tout une créature incarnant la puissance.

Les sangliers sont des animaux féroces qui blessent les meilleurs chevaliers lors de chasses tel Lancelot. Dans le Mabinogion, le Twrch trwyth est un sanglier blanc fabuleux qui est l'objet d'une quête pour s'emparer du peigne et du ciseau logés entre ses deux oreilles. Ce sanglier mythique relève pour ainsi dire du monstre. Un monstre qui signale que le bestiaire arthurien ne se limite pas aux espèces réelles et non imaginaires. On sait que le monstre incite les héros à dominer leur peur et à faire leurs preuves. Le fait de vaincre un dragon, un serpent, ou d'autres monstres, constitue une sorte de rite initiatique. Le monstre est lié aux rites de passage, il est là pour dévorer le vieil homme pour que puisse naître le nouveau. C’est dans ce cadre que l’on retrouve le héros vainqueur des dragons, serpents, géants ou monstres.

On pourra ainsi s’intéresser aux redoutables dragons qu’on rencontre dans les récits de la Table Ronde. Ces créatures magiques gardent souvent des lieux appartenant à l'Autre Monde (le Val Sans Retour de la fée Morgane). Les dragons ont donc un lien privilégié avec les enchanteurs et les magiciennes (Merlin et Vortigern). Rappelons que le roi Arthur appartient à la lignée des Pendragon, ce qui signifie en breton « tête de dragon » ; le symbole du dragon apparaît ainsi doublement dans son nom ainsi que sur son étendard. Arthur est décidément associé au monde animal. Une des étymologies possibles d’Arthur est celle de « roi des ours », « roi des guerriers » ou « homme-ours ». Cet ours qui était jadis un emblème royal chez les Celtes, tout comme le lion le sera dans les monarchies européennes.

D’autres figures hybrides, donc monstrueuses, hantent la légende arthurienne telle la bête glatissante (beste glatisant), objet de quêtes de chevaliers comme Pellinore, Palamède et Perceval. La bête est le symbole de l'inceste et du chaos qui finiront par détruire le royaume d'Arthur. Le Chapalu est un chat monstrueux dont parlent des manuscrits médiévaux français rattachés à la légende arthurienne. Selon La Bataille Loquifer, le Chapalu, « diable aux yeux rouges », est le fruit du viol de la fée Brunehaut par le luiton (lutin) Gringalet et, maudit par sa naissance, cherche à redevenir humain.

Ces déclinaisons possibles du monde animal dans la légende arthurienne ne sont pas exhaustives. Le cheval est une figure prédominante mais d’autres animaux y apparaissent. Il est loisible d’étudier le bestiaire arthurien de manière sélective ou globale, d’y aborder son rôle et sa fonction, de procéder à une analyse comparative des textes évoquant la gente animale, de s’attacher aux bêtes « réelles » ou imaginaires, ou d’étudier leur dimension onirique, allégorique ou métamorphique. D’autres pistes sont possibles : la représentation animale dans l’iconographie, l’animal comme élément du décor (courtois ou sylvestre), la femme confrontée au monde animal, le rôle de l’animal dans la quête chevaleresque, le bestiaire dans les romans post-arthuriens (fantasy).

Inscription

Entrée libre.

Programme 

Matinée :

  • 9 h 15 : Hommage à Robert BAUDRY, décédé le 17 juin 2017. Docteur ès lettres et philosophie. Président fondateur du Centre d’Etudes et de Recherches sur le Merveilleux, l’Etrange et l’Insolite en Littérature (C.E.R.M.E.I.L.) 
  • 10 h : Eric MEILLAN : « Figures du sanglier, aspects symboliques », Docteur en sociologie juridique. Président régional des docteurs en droit.
  • 10 h 45 : Daniel BORDEAUX : « Image du dragon au temps de Chrétien de Troyes » Membre du groupe d’étude interne au C.E.N.A. Président du C.E.N.A
  • 11 h 30 : Georges BERTIN : « Le Pendragon et les deux dragons » Docteur HDR en sciences sociales,  socio-anthropologue. Membre du Centre International de Recherches sur l'Imaginaire (GRECO C.R.I.) 

Après-midi : 

  • 14 h 15 : Mathilde DALBION : « Les animaux guérisseurs dans le lai de Marie de France, Eliduc ». Docteur en Histoire Médiévale. ATER - Université Bordeaux-Montaigne. AUSONIUS - 5607
  • 15 h : Sophie COUSSEMACKER : « Les femmes et leurs montures dans les romans arthuriens en vers des XIIe – XIIIe siècles. » MCF HDR, Université Bordeaux-Montaigne,
  • 15 h 45 : Sylvain FERRIEU : « Aux extrêmes du bestiaire médiéval, les contradictions de la culture médiévale : le lion et le loup » Docteur en Histoire du Droit, enseignant en sociologie de la communication scientifique à l’université Denis Diderot (Paris VII). 
  • 16 h 30 : Lauric GUILLAUD : « Quelques exemples d’hybridité dans les récits arthuriens » Professeur émérite de littérature et civilisation américaine – Université d’Angers. Ancien président du Centre d’Études et de Recherches sur les Littératures de l’Imaginaire (C.E.R.L.I.) Directeur scientifique du C.E.N.A.
  • 17 h 15 : Gérard Byron CLOUZARD « Quelques figures du bestiaire dans l’héraldique arthurienne » Maître héraldiste à Angers, membre de l’O.I.T.R. et du C.E.N.A. 
  • 17 h 45 : Bilan du colloque par Lauric GUILLAUD

Abstracts des communications

  • Daniel Bordeaux, Image du dragon au temps de Chrétien de Troyes

Dans le roman de Chrétien de Troyes, Yvain ou le chevalier au lion, deux animaux entre en jeux : un lion, peu ordinaire, et, un serpent ou dragon, « extra-ordinaire ». Comme souvent dans ce type de récit, l’extravagance d’une situation, ou d’une présence, tente à signaler au lecteur une séquence relevant de la polysémie. Aussi, au-delà d’une interprétation théologique et moralisante, du type, lion = bien, et, serpent = mal, peut apparaître au lecteur moderne, familiarisé avec les textes hermétiques, une correspondance dans le domaine alchimique, que nous nous proposons d’étudier, ici, plus en détail.

Dans un autre registre, celui des mathématiques, il semblerait bien, que soient intriqués dans cette même séquence, les prémices de la constitution d’une « suite géométrique », dans la description du tronçonnage du serpent, par Yvain. Nous verrons si ces intuitions se trouvent confirmées, suite à un examen plus approfondi, où nous confronterons les données connues ; de chacun des deux domaines alchimique et mathématique ; aux éléments directement fournis par le texte de Chrétien. Nous nuancerons toutefois nos constatations, car, si probantes pourraient-elles être, nous ne devrons pas nous illusionner sur les connaissances réelles de Chrétien, en ces deux domaines spécifiques, que sont l’alchimie et les mathématiques au XIIe siècle.

Le dragon apparait comme un des éléments les plus emblématiques du bestiaire médiéval. Sa forme évolue du simple ver géant, au dragon ailé cracheur de feu, forme encore très présente dans notre imaginaire contemporain. La transformation passe d’ailleurs par une incorporation partielle de la forme du cheval. Cette évolution est au service d’une symbolique très riche, au travers d’un code presque universel se rapportant à la fois au macrocosme et au microcosme traditionnels. A l’intérieur de chacune de ces deux perspectives, les interprétations se révèlent foisonnantes. En référence, à un court extrait d’un roman du XIIe siècle : Yvain et le chevalier au lion, de l’auteur champenois Chrétien de Troyes, trois interprétations sont proposées. L’aspect macrocosmique du dragon hermético-alchimique et de son complémentaire le lion. Dans une approche intermédiaire, basée sur la raison, apparaissent des éléments mathématico-philosophiques. Et enfin, relevant du domaine microcosmique, « l’âme », du héros Yvain se trouve en partie révélée par son affrontement avec le dragon.

  • Mathilde DalbionLes animaux guérisseurs.

Je souhaiterais vous présenter ce sujet au travers du lai de Marie de France, Eliduc. Dans ce récit une belette est tuée par le serviteur de la femme du chevalier Eliduc. La compagne de cette belette parvint à la ressusciter en glissant une herbe médicinale dans la bouche de son ami. D’autres fables présentent des animaux connaisseurs des herbes médicinales ou fruits magiques qui peuvent apporter divers bienfaits à leurs congénères et aux hommes. Certaines espèces sont-elles privilégiées en tant qu’animaux guérisseurs ? Certains animaux sont-ils tout désignés pour remplir ce rôle de médecin/magicien ou ne servent-ils qu’à donner une leçon  aux hommes qui assistent à leurs « pratiques médicales » ?  Quels sont les bonnes paroles et les bons gestes qu’ils offrent en exemple aux hommes ? On utilisera à titre comparatif plusieurs fables du Calila et Dimna, notamment celle de l’oiseau Catra.

  • Georges BertinLe Pendragon et les deux dragons.

Pen-dragon est traditionnellement interprété comme signifiant « tête(s) de(s) dragon(s) » ou « chef de guerriers » en gallois (composé de pen « tête, chief » et dragon « dragon, guerrier(s) » La légende d’Uther Pendragon l’associe à cet animal fantastique. Une tradition prétend qu'il portait à sa selle les têtes de deux dragons, un blanc et un rouge, qui vivaient autrefois sous terre ; réveillés par le poids de la tour que le roi Vortigern faisait construire au-dessus d'eux, ils s'entre-tuèrent en sortant de terre.

C’est Merlin qui est à l’origine de la prophétie.

"Roi Vortigern,  dit Merlin, tu veux savoir pourquoi ta tour ne peut tenir ? C'est qu'il y a dessous la terre, à l'endroit où elle s'appuie, deux dragons qui ne voient goutte, l'un roux et l'autre blanc, qui dorment sous deux grandes pierres. Quand ils sentent le poids de la tour, ils se tournent, et elle croule. Si ce que je dis est faux, condamne-moi au feu ; et si c'est vrai, accuse tes clercs et tes astronomes qui prétendent connaître tout et ne savent rien."

Il prédisait ainsi la victoire d’Uter Pendragon  sur Vortigern. Partant de cet épisode de la légende arthurienne, nous examinerons l’occurrence du dragon en double figure dans les imaginaires à l’œuvre à l’époque de la composition de ces récits et, dans quelques réceptions pour en tirer une signification anthropologique.

  • Sophie Coussemacker, Maître de conférences habilitée à diriger des recherches, Université Bordeaux-Montaigne, EA 3656 AMERIBER, « Les femmes et leurs montures dans les romans arthuriens en vers des XIIe – XIIIe siècles. »

Dans les romans arthuriens en vers des XIIe – XIIIe siècles, cinq types de cavalières peuvent être distingués : les messagères servant de « cravache » à l’action, en précipitant le héros en quête (le chevalier errant) ; les compagnes, i.e. les accompagnatrices du héros masculin pendant une grande partie ou la totalité du récit, qu’elles soient unies à lui par un lien sentimental ou pas ; les demoiselles en détresse, personnage indispensable à la mise en valeur du chevalier errant, qui finissent par être un stéréotype presque parodique au début du XIIIe siècle, par exemple dans l’Âtre périlleux ; les manipulatrices, hostiles et opposantes ; et enfin les adjuvantes, qui peuvent même devenir brièvement l’héroïne par substitution, notamment la sœur de Méléagant délivrant Lancelot de sa prison, juchée sur sa brave mule.

Les cavalières du XIIe s. jouissent d’une grande autonomie sur les chemins fictionnels du royaume de Logres, ou de ses avatars ultérieurs, souvent égales des hommes, voire supérieures à eux sauf dans le domaine du combat guerrier qui est le seul où elles n’interviennent jamais. Mais cette liberté d’action s’amenuise à mesure que l’on avance dans le XIIIe s., et disparaît peu à peu dans les remaniements en prose, que l’on n’étudiera qu’à titre comparatif. On y voit toujours des messagères, par ex., mais elles ne se déplacent qu’avec une solide escorte de cavaliers. Il semble y avoir là un reflet de la situation juridique et sociale de la femme à cette date, perdant son autonomie en étant cantonnée dans un monde de l’intériorité. D’autre part, ces personnages féminins, choisis en fonction de leur mobilité, sont définis par leur rapport au cheval, parfois quasiment métonymique : l’état, le statut, la beauté et la santé du cheval sont le reflet de celle qui le monte et réciproquement. Si le personnage d’Enide est évidemment le plus emblématique, d’autres, à l’instar de l’acariâtre Demoiselle Hideuse du Conte du Graal (Cundrie dans Parzival) ou de la vieille demoiselle d’un épisode de Méliadus (Guiron le Courtois) sont liées de façon tout aussi intrinsèque à leur monture.

  • Sylvain Ferrieu, Aux extrêmes du bestiaire médiéval, les contradictions de la culture médiévale : le lion et le loup 

La comparaison entre le lion et le loup a pour vocation de dépasser une préoccupation uniquement typologique pour apporter une réflexion sur deux points ; le premier serait celui des archétypes, car les deux animaux choisis présentement se veulent plus emblématiques qu’il n’y paraît, et leur emploi dans la littérature arthurienne, par exemple, confine au fantastique, en particulier pour ce qui concerne le loup dont bien des chevaliers prétendent endosser les valeurs, de Tristan à Lionel, en passant par Yvain, si proche de son lion qu’il en fait un réel animal de compagnie, qu’on serait presque tenté de voir comme un chevalier à part entière, simplement dénué de la parole. Est-ce que le loup peut prétendre à un tel traitement ? Absolument pas. A part dans le cas d’Ulfius (Ulfin) ou de Lucan le Bouteiller, bien peu de chevaliers admettent d’être associés à un animal si mal vu. En cela, ils ne font que suivre l’état des connaissances qui, concernant la nature et les animaux, passe par une littérature à laquelle il serait bien difficile de donner le sobriquet de « scientifique ». Dans les bestiaires, on trouve tout autant de fantastique que dans la littérature elle-même, avec un lion qui a remplacé l’ours celtique (Artos) en tant que roi des animaux, et qui bénéficie de son image merveilleuse, christique et bienveillante. En cela, il illustre l’instauration de l’ère chrétienne qui vient supplanter les vieilles croyances. Mais comme à tout Dieu, il faut son diable, et comme il faut toujours un mal aimé pour mettre en valeur son opposé, le loup se retrouve dans cette situation d’exécration générale. Et voilà deux animaux placés aux antipodes l’un de l’autre.

Si tous les animaux sont des créations de Dieu qui, selon Saint Thomas d’Aquin, donnent par la nature un exemple à suivre à l’homme, comment expliquer une telle différence de traitement entre les deux bêtes, pourtant pas si différentes. C’est le second objet de notre étude : la culture et la science médiévales reposent sur un mécanisme relativement éloigné de la logique moderne, car ils tentent de transmettre une conception de la nature qui passe moins par l’observation que par le symbolisme. Telle est la compréhension que les bestiaires médiévaux ont de l’exemplum naturalis, et leur message confine davantage au conte de fées qu’à l’analyse rationnelle. Cette constatation permet de prolonger l’analyse pour tenter de comprendre la science au Moyen Age. Certes, elle ne dispose pas des moyens qu’on connaît aujourd’hui, mais elle n’a pas non plus ses préoccupations, car elle œuvre de concert avec une foi qui doit illustrer par l’exemple non simplement une quête de connaissances mais une leçon de vie. C’est sans doute une particularité de l’esprit médiéval qui ne considère pas la connaissance indépendamment de sa communication, mais voilà l’aspect bien moins glorieux de cette culture, dont nous payons encore aujourd’hui les conséquences – qui a une tendance fâcheuse à prendre des raccourcis pour atteindre un public large et peu éduqué. Cette vulgarisation entraîne une simplification des sciences naturelles que n’embarrasse pas une trahison de la vérité scientifique –telle que nous nous la représenterions- pour y substituer une vérité théologique dans laquelle les créatures porteuses de valeurs exemplaires ne sont pas toutes traitées à la même enseigne ; on y trouve des favoris comme des mal aimés, sur lesquels il serait sans doute temps de porter, enfin, un regard plus juste.

  1. Le loup et le lion aux antipodes de la littérature chevaleresque
  2. Le loup et le lion archétypes fantastiques des bestiaires médiévaux
  3. Le loup et le lion, exemplaires et incompris dans la culture médiévale
  • Lauric GuillaudQuelques exemples d’hybridité dans les récits arthuriens

Le Moyen Âge n'a pas hésité à inventer de nouveaux êtres fabuleux, combinant les animaux entre eux, avec une imagination débordante. Ainsi ont fleuri sur les chapiteaux, dans les enluminures, dans les lettrines et les marges des manuscrits, à partir du XIIIe siècle, de nombreux êtres hybrides, figures animales et anthropomorphes. Les métamorphoses successives finissent par faire s’accorder dans ces chimères des portions d’êtres fabuleux qu’on trouvera dans les récits arthuriens : licornes, phénix, griffons et dragons. Arthur lui-même est lié au monde animal, appartenant à la lignée des Pendragon (en breton « tête de dragon ») et associé étymologiquement au « roi des ours », « roi des guerriers » ou « homme-ours » -ours jadis emblème royal chez les Celtes.

L’hybridité tératologique suscite l’effroi mais figure aussila monstration initiatique. Le monstre est là pour dévorer le vieil homme pour que puisse naître le nouveau. Dans toutes les cultures, on aperçoit en effet des monstres avaleurs, androphages, et psychopompes. La présence du monstre est donc nécessaire pour qu'une régénération soit possible. De même, l’hybridité du griffon mi-aigle et mi-lion synthétise ces deux animaux qui règnent l’un dans le ciel, l’autre sur la terre, passant au Moyen Âge, du statut d’être démoniaque à celui de symbole christologique.

Cette communication s’attachera à l’étude de quelques hybrides qu’il s’agira d’interpréter à la lumière des récits initiatiques du monde arthurien, en particulier la « bête glatissante » (« the Questing Beast »), objet de quêtes de chevaliers fameux comme PellinorePalamède, et Perceval.

Bibliographie succincte

  • Theresa Bane, Encyclopedia of Beasts and Monsters in Myth, Legend and Folklore, e-book, 2016
  • Dimitri Nikolai Boekhoorn, « Bestiaire mythique, légendaire et merveilleux dans la tradition celtique : de la littérature orale à la littérature écrite », Thèse de doctorat, Discipline : Breton et Celtique, Université Rennes 2, 2008
  • J.-P. Clébert, Dictionnaire du symbolisme animal, Albin Michel, 1971
  • Laurence Harf-Lancner (dir.), Métamorphose et bestiaire fantastique au Moyen Âge, Paris, École normale supérieure de jeunes filles, coll. « Collection de l'École normale supérieure de jeunes filles » (no 28), 1985, 333 p.
  • Laurence Harf-Lancner, Héros et merveilles du Moyen Âge, La Société d'Éditions Scientifiques, novembre 2007
  • Lise Fuertes Regnault, « Quels beste ce pooit estre ». Merlin et le bestiaire dans trois Suites du Merlin en prose. D’une poétique du personnage à une poétique du roman », Doctorat de Lettres Modernes, spécialité Littérature Médiévale, Université de Bourgogne, 2016.
  • Julien Ribot, Le Bestiaire Dans le Haut Livre du Graal, Perlesvaus: Roman Arthurien en Prose, Editions Le Manuscrit / Manuscrit.com, 2009
  • ELISABETH LORANS (éd.), Le cheval au Moyen Âge, Presses universitaires François Rabelais, 2017, 450 p.
  • https://www.librosartemedieval.net/producto/le-cheval-au-moyen-age/

Lieux

  • Salle Davier - 5 boulevard Daviers
    Angers, France (49100)

Dates

  • samedi 30 septembre 2017

Fichiers attachés

Mots-clés

  • bestiaire, imaginaire, cheval, fantastique

Contacts

  • Georges Bertin
    courriel : georges [dot] bertin49 [at] gmail [dot] com

URLS de référence

Source de l'information

  • Georges Bertin
    courriel : georges [dot] bertin49 [at] gmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Du cheval au bestiaire fantastique dans la légende arthurienne », Journée d'étude, Calenda, Publié le mardi 05 septembre 2017, https://doi.org/10.58079/y9y

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