AccueilGenre et internet : sous les imaginaires, les usages ordinaires

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Genre et internet : sous les imaginaires, les usages ordinaires

Gender and internet: beneath the imagination, ordinary uses

Revue RESET (Recherches en sciences sociales sur internet)

RESET journal, the journal of social science research on the internet

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Publié le lundi 06 novembre 2017

Résumé

Ce numéro de RESET vise à accueillir des travaux originaux et empiriques interrogeant internet par le prisme des rapports sociaux de sexe. L’appel ne fixe pas de périmètre aux supports d’accès au réseau (ordinateurs, tablettes ou téléphone mobile) et entend couvrir les usages de façon large, personnels comme professionnels, usages de divertissement comme recherches d’informations. De même, il invite à ne pas aborder le genre comme un déterminant isolé mais comme un rapport social imbriqué dans d’autres dont l’âge, la « race » et la classe sociale. Cette ouverture de l’appel au niveau des objets traduit la volonté de favoriser une certaine approche. Deux angles d’analyse sont en effet privilégiés. Dans la lignée de la philosophie de RESET, le numéro répond d’abord au souci d’inscrire les pratiques numériques dans des évolutions de long terme. D’autre part, le numéro souhaite attirer l’attention sur les pratiques ordinaires.

Annonce

Argumentaire

Rarement une technologie aura nourri tant d’espoirs émancipateurs qu’Internet. Lorsque ce « réseau des réseaux » se diffuse dans les années 1990, d’abord en Amérique du Nord, il suscite l’enthousiasme parmi les chercheurs en sciences sociales quant aux transformations sociales qu’il semble permettre (Rheingold, 1993 ; Turkle, 1995). Cet enthousiasme est fort parmi les chercheurs féministes et concerne alors une possible reconfiguration des rapports de sexe. Concomitant à la diffusion des gender studies, Internet est d’emblée envisagé comme un espace qui sème le « trouble dans le genre » comme le suggérait Sherry Turkle (1995) en référence au livre fondateur de Judith Butler, Gender Trouble (2005 [1990]). La communication à distance permettrait de dissocier le corps physique (mâle/femelle) de l’identité sexuée (homme/femme) et favoriserait par là une fluidité des identités, remettant en cause la binarité sexuelle. Au milieu des années 1990, Allucquère Rosanne Stone annonce ainsi que « dans le cyberespace le corps transgenre est le corps naturel » (Stone, 1995 : 181).

Vingt ans plus tard, l’enthousiasme qui entoure Internet s’est affaibli mais la vision du réseau comme un espace de subversion des rapports de genre tend, elle, à persister. Les qualités prêtées à Internet – dont le caractère anonyme, démocratique et « expressif » – sont considérées comme propices à l’expression d’une pluralité de normes, de pratiques et d’identités sexuées. Pourtant, les travaux empiriques remettent souvent en cause cette image émancipatrice du réseau. La recherche de Claire Balleys, consacrée à la sociabilité adolescente en ligne, révèle des pratiques numériques fortement stéréotypées. Les usages qu’elle observe de la plateforme YouTube ne montrent pas de subversion, ou même de déplacement des rapports de genre, mais au contraire une forte revendication de l’appartenance à un sexe donné et une mise en scène de la binarité sexuelle (Balleys, 2016 ; 2017). D’autres travaux soulignent la misogynie et l’homophobie récurrente des interactions en ligne, notamment sur les sites de réseaux sociaux et dans les jeux vidéo (Marwick, 2013 ; Marignier, 2017). Loin d’une échappatoire aux rapports de sexe qui structurent la vie hors ligne, l’univers numérique paraît bel et bien traversé par des rapports de pouvoir, des inégalités et des luttes que l’on observe par ailleurs, et qu’il accentue même souvent. Ce faisant, il fournit un terrain propice pour étudier les logiques et les manifestations contemporaines du genre, tels qu’ils s’expriment à la fois online et offline.

Ce numéro de RESET vise donc à accueillir des travaux originaux et empiriques interrogeant Internet par le prisme des rapports sociaux de sexe. L’appel ne fixe pas de périmètre aux supports d’accès au réseau (ordinateurs, tablettes ou téléphone mobile) et entend couvrir les usages de façon large, personnels comme professionnels, usages de divertissement comme recherches d’informations. De même, il invite à ne pas aborder le genre comme un déterminant isolé mais comme un rapport social imbriqué dans d’autres dont l’âge, la « race » et la classe sociale. Cette ouverture de l’appel au niveau des objets traduit la volonté de favoriser une certaine approche. Deux angles d’analyse sont en effet privilégiés.

Dans la lignée de la philosophie de RESET, le numéro répond d’abord au souci d’inscrire les pratiques numériques dans des évolutions de long terme. En supposant une trop forte spécificité d’Internet, on risque de passer à côté des continuités historiques et de l’imbrication des pratiques en ligne et hors ligne. Sans minimiser les changements qui accompagnent le réseau, la volonté est de replacer ces nouveautés dans le contexte des transformations plus larges des rapports sociaux de sexe, que ce soit dans le domaine du travail, de l’éducation, de la sexualité, du couple ou de la sociabilité par exemple. Cela implique d’accorder une importance égale à la reproduction et aux transformations du genre. Des travaux récents ont tendu à mettre l’accent sur les phénomènes de résistance à l’ordre établi et à la norme, contribuant à rendre peu visibles les processus de continuité des rapports de genre et la permanence des stéréotypes et des comportements sexués, voire sexistes.

D’autre part, le numéro souhaite attirer l’attention sur les pratiques ordinaires. Trop souvent, l’analyse des pratiques numériques se centre sur des usages relativement minoritaires du réseau et sur des utilisateurs « extraordinaires » tels que les hackers, les gamers ou les fans. Cette approche résonne avec celle de nombreux travaux sur le genre, consistant à éclairer la norme par les marges. Bien explorée, cette piste a montré sa force heuristique mais tend à laisser les pratiques dominantes dans l’ombre. Comme le soutien Wayne Brekhus (1998), les sociologues accordent une attention disproportionnée aux pratiques hors du commun ou déviantes, faisant preuve d’un certain exotisme qui risque non seulement de rendre invisibles les pratiques considérées banales ou insignifiantes, mais de renforcer les idées reçues ou mêmes les stéréotypes. Il semble aujourd’hui important d’opérer un rééquilibrage en renseignant de façon semblable l’ensemble des comportements, et non seulement les plus spectaculaires. Cette approche est aussi un appel à contribution des chercheurs non spécialistes du numérique, mais qui l’intègre dans leur analyse des faits genrés. En effet, les terrains sont souvent l’occasion de découvrir, au hasard d’observations ou de questionnements, des pratiques numériques dont l’existence ou l’importance était peu attendues. C’est là une preuve supplémentaire de la capacité des nouvelles technologies à s’insérer dans les « petits » actes de la vie ordinaire qui échappent souvent aux grandes enquêtes mais qui peuvent constituer des pistes importantes pour les sciences sociales.

Conditions de soumission

Les résumés des articles (3000 signes maximum) sont attendus

pour le 12 novembre 2017.

Ils sont à envoyer à l’adresse suivante : reset@openedition.org

Coordinatrices scientifiques du numéro

  • Marie Bergström marie.bergstrom@ined.fr
  • Dominique Pasquier dominique.pasquier@telecom-paristech.fr

Dates

  • dimanche 12 novembre 2017

Fichiers attachés

Mots-clés

  • genre, sexualité, internet, web, communication, média

Contacts

  • RESET
    courriel : reset [at] openedition [dot] org

Source de l'information

  • Marie Bergström
    courriel : marie [dot] bergstrom [at] ined [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Genre et internet : sous les imaginaires, les usages ordinaires », Appel à contribution, Calenda, Publié le lundi 06 novembre 2017, https://doi.org/10.58079/ypn

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