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La création cinématographique : coopérations artistiques et cadrages industriels

Cinematographic creation - artistic cooperation and industrial framing

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Publié le lundi 06 novembre 2017

Résumé

Ce colloque se propose d'interroger l'articulation entre les modes variés d'industrialisation du processus de production cinématographique et les interactions créatives entre les différents membres de l'équipe du film.

Annonce

Argumentaire

Entre une pratique dite « auteuriste » — la gestion personnelle des étapes de production d’un film et des tâches de réalisation — et le fonctionnement industrialisé des studios — l’organisation collective et la division stricte du travail de production et de réalisation —, les formes de coopération observables en matière d’organisation pratique du travail cinématographique sont très variables, d’une production à une autre comme d’une cinématographie à une autre.

Ce colloque se propose d’interroger plus particulièrement l’articulation entre les différents modes d’industrialisation du processus de production cinématographique et les interactions créatives entre les différents membres de l’équipe de film.

On cherchera à comprendre comment les procédés techniques influent sur le travail collectif : à quel point règlent-ils la place et la fonction de chacun ? Dans quelle mesure modèlent-ils les interactions entre les membres de l’équipe ? En quoi contribuent-ils à expliquer les particularités stylistiques propres à une production donnée ? Symétriquement, puisque la nécessité de domestiquer les objets et d’accorder les personnes impose des traitements au cas par cas, de quelle manière le protocole technique doit-il composer avec la dynamique relationnelle inhérente à toute production d’un prototype ? Au final, comment interagit et se modèle le collectif de cinéma en tant qu’entité par essence éphémère quand bien même ses temporalités, très variables, sont déterminées par les composantes industrielles qui le surplombent ?

En confrontant des périodes et des espaces divers, on cherchera à repérer des modèles et des spécificités, et éventuellement des périodisations. On pourra également s’interroger sur la pérennité de la notion d’équipe. En quoi le collectif de cinéma est-il un phénomène daté, susceptible de péricliter à l’ère numérique, au profit de collaborations plus morcelées ? Comment des individus, qui parfois ne se voient jamais, parviennent-ils néanmoins à créer collectivement ? La réflexion pourra également porter sur les contournements des normes de production : comment certaines œuvres se construisent-elles sur un écart revendiqué avec les modalités de coopérations habituelles ? Comment expliquer leur réussite ? Ont-elles entrainé effectivement une transformation pérenne de ces modalités de coopération ou n’ont-elles été que le moyen d’engager une carrière professionnelle dans le cadre traditionnel de l’industrie cinématographique ? Il s’agira ainsi d’interroger l’articulation entre créativité stylistique et organisation industrielle, investissement personnel et fonctionnement du collectif cinématographique, singularisation esthétique et répétition technique.

Axes thématiques

Trois axes sont proposés à la réflexion :

La création cinématographique en contexte intégré : le modèle du studio 

Qu’il s’agisse des studios hollywoodiens ou d’autres structures de production industrialisée comparables (on pense notamment aux studios de la UFA, ainsi qu’aux studios français, italiens ou encore soviétiques ou japonais), l’analyse du fonctionnement concret des équipes de création ainsi que l’observation des interactions entre les différents créateurs pourraient offrir des éclairages sur les différentes formes du cinéma dit « classique ». Quelles sont les spécificités propres à chacun de ces cas de figure ? Quels sont au contraire les invariants ? Dans quelle mesure ces différentes formes de coopérations artistiques contribuent-elles à expliquer les caractéristiques stylistiques communes à la période, mais aussi spécifiques à chacune des structures de production ? Comment l’expression personnelle des différents acteurs à l’œuvre s’y exprime-t-elle ? Plus largement, comment envisager l’articulation entre logique entrepreneuriale et création artistique au sein des différents contextes de production intégrée ?

Nous souhaitons également porter l’attention sur la pluralité des modèles d’organisation intégrée du travail collectif, y compris au sein d’un même espace de production - des travaux récents s’attachent par exemple à mettre en évidence la pluralité des situations de production que cache l’appellation Bollywood. Comment expliquer ces différences d’organisation ? Dans quelle mesure conduisent-elles à de véritables différences dans les pratiques créatives ? Il serait également intéressant d’étudier les phénomènes de propagation et de contamination de ces modèles : on pense évidemment à l’influence du modèle hollywoodien durant la période classique ou encore à celle des studios japonais sur l’aire asiatique mais aussi par exemple à la circulation des modèles de production dans le bloc communiste après-guerre. Dans quelle mesure l’importation de modèles de production contribue-t-elle à façonner la production d’un pays ?

Enfin, nous voulons interroger les mutations de ces modèles d’organisation : comment évoluent-ils dans le temps et quelles sont les conséquences de ces transformations sur les modes de travail collectif ? Dans quelle mesure les différents mouvements de diffraction et de concentration qui jalonnent l’histoire des structures de production conduisent-ils à des recompositions en profondeur des modalités de travail collectif ? En quoi l'histoire des techniques interfère-t-elle dans ces processus ? Dans une perspective contemporaine, il serait également important d’analyser les modalités de perpétuation du modèle intégré : dans quelle mesure et sous quelle forme continue-t-il à influer sur des configurations organisationnelles plus récentes ? Quel(s) nouveau(x) mode(s) de fonctionnement humain et d'échange ces formes intégrées contemporaines privilégient-elles ? Dans quelle mesure le studio reste-t-il un moteur centripète face aux nouvelles formes disséminées de travail en son sein ?

Travailler en ordre dispersé : formes innovantes de collaborations 

Nous souhaitons également porter la réflexion sur les écarts, évolutions et recompositions contemporaines des formes collaboratives en contexte industriel. L’enjeu des mutations techniques — le numérique et l’accessibilité d’outils de réalisation longtemps réservés aux entreprises industrielles — traversera donc le questionnement : dans quelle mesure les formes de collaboration professionnelle et de coopération artistique s’en trouvent-elles transformées ? Dans un même mouvement, on s’intéressera à l’hyperspécialisation, à la polyvalence et au partage des tâches et on questionnera la manière dont les individus coopèrent dans des contextes de production éclatés, avec une attention particulière pour les collaborations transnationales et le rôle de nouveaux acteurs cinématographiques issus des « Suds ».

On pense notamment à l’essor des agents et intermédiaires. Par exemple, l’intervention de structures comme Initiative film – première société française de conseil spécialisé dans le développement – dans l’accompagnement sur mesure des cinéastes et producteurs mais aussi dans le processus d’écriture lui-même et le cadrage professionnel des projets mérite d’être questionnée : comment un story editor est-il susceptible de recomposer la coopération artistique au sein d’une équipe ? En outre, les montages parfois très complexes impliquant diverses structures de production et de post-production, et leurs possibles soustraitants, attirera notre attention. Comment coopère-t-on dans le cas de coproductions internationales où l’imbroglio de structures et de charges est susceptible de se compliquer davantage encore ? D’autant plus que, par-delà les déterminants économiques, ces dernières peuvent être conditionnées par des collaborations artistiques, comme cela a pu, entre autres, être le cas pour la coproduction gréco-francocroate Interruption (Yorgos Zois, 2015).

 La fonction des festivals, des marchés de coproduction et des liens qui s’y nouent entre des structures industrielles polymorphes pour la constitution d’équipes hétérogènes dans l’espace transnational pourra aussi être explorée en prolongement. Le rôle joué par des organisations économiques — association, coopérative, crowd-funding, etc. — et des réseaux de diffusion alternatifs à l’organisation industrielle classique devra par ailleurs être étudié. Enfin, sous quelle(s) forme(s) la continuité et l'unité sont-elles anticipées et préservées dans le recours aux tax shelters et autres crédits d'impôt qui poussent de nombreuses structures, qu'elles soient de petite ou de très grande envergure, à délocaliser la postproduction de l'autre côté de la frontière –– voire de l'autre côté du monde ? Dans quelle mesure peuton encore parler d’équipe de film dans ces cas de figure ? Quelle place et quel rôle se définissent pour des freelance ou des structures qui font le choix de s'implanter dans des pays comme l'Inde, la Chine, la Thaïlande, l'Australie, la Nouvelle-Zélande (etc.), au cœur de ces nouveaux enjeux de globalisation et de mondialisation, mais aussi de dématérialisation ?

Expertises techniques et coopérations artistiques

Les orientations commerciales ou les évolutions technologiques requièrent le recours à des ingénieurs ou des spécialistes de techniques bien spécifiques dont le statut, le degré de contribution et responsabilité dans la définition du projet ne sont pas fixés a priori et peuvent être très variables au sein de l'organisation conventionnelle de l'équipe. On pourra alors se demander dans quelle mesure leur présence, parfois rapidement incontournable, induit une reconfiguration des champs d'expertise et des modes habituels de coopérations artistiques, dans le champ de la fiction comme du documentaire. Quel nouveau regard, quelle nouvelle considération, peut-on porter sur le rôle joué par certains artistes, techniciens ou producteurs dans les transformations des modalités de coopération ?

Il s’agit, d'une part, de relever et de comprendre les spécificités d’intégration et de reconnaissance d’un métier technique au sein d’une coopération artistique. Les premiers ingénieurs du son, les superviseurs des effets visuels, les DIT, les directeurs de postproduction, les coloristes, les infographistes, etc. : comment de « nouveaux » métiers, qui prennent le train en marche, s’intègrent-ils aux équipes existantes ? Quel rapport de force entre expertise technique et coopération artistique peut alors apparaître, au risque de perturber un temps les rouages bien huilés des modes de fonctionnement des équipes ?

D’autre part, quelles sont les conséquences de l’intervention d’experts extérieurs dans le processus créatif ? On s’intéressera ici non seulement à l’effet de la participation d’experts patentés — comme un graphiste 3D dans la conception d'une previz, ou bien un stéréographe dans le cas d'un film tourné en relief — mais aussi au rôle joué par l’acteur-informateur du film documentaire. Citons par exemple la réussite d’Être et avoir et la discorde qu’elle a causée entre le réalisateur et l’acteur. On pense également à la contribution de l’acteur individuel ou collectif possédant une technicité spécifique, qu’il s’agisse soit d’un “filmopéra” (comme le Don Juan de Losey), de l’adaptation d’un spectacle collectif (Le Bal, de Scola) ou d’une comédie musicale. Bref, certaines formes de technicité, les techniques du corps y compris, entrainent des modalités particulières de coopération : comment se justifient-elles artistiquement ? Quelles tensions suscitent-elles ?

Programme

Jeudi 23 novembre

9h30-10h Accueil des participant·es autour d’un café

10h-10h15 Introduction par le comité d’organisation du colloque

Discutant de la journée : Joël Augros

Session 1 – Formes innovantes de collaborations au XXIe siècle

Président de séance : Léo Souillés-Debats

  • 10h15-10h40 Kira Kitsopanidou et Christophe Cariou, « Formes et enjeux de la collaboration numérique dans le domaine de la création cinématographique : du crowdfunding à l’écriture collaborative »
  • 10h40-11h05 Gwénaële Rot, « Créer des décors cinématographiques en contexte mondialisé »

11h05-11h15 Discussion

11h15-11h45 Pause

  • 11h45-12h10 Pauline Gallinari, « L’Atelier Paris-Ludwigsburg : former des professionnels du cinéma dans une perspective européenne »
  • 12h10-12h35 Olivier Alexandre, « L’Unité fictions d’Arte, un studio à la française »

12h35-12h45 Discussion

12h45-14h15 Déjeuner

Session 2 : Expertises techniques et coopérations

Présidente de séance : Caroline Renouard

14h15-15h30 Table ronde "Le métier de Technical Director: hybridation entre expertise technique et création artistique au sein des pipelines d'effets spéciaux numériques".

  • Animé par Anne-Laure George-Molland, avec Cédric Plessiet (ATI Paris 8), Étienne Pecheux (Mac Guff Lines) et Dominique Vidal (BUF Compagnie – sous réserve)

15h30-16h Pause

  • 16h-16h25 Bérénice Bonhomme, « France/USA, Les techniciens français aux États-Unis (2000-2017) »
  • 16h25-16h50 Kristian Feigelson, « Les techniciens du cinéma : anonymes en crise ? »

16h50-17h Discussion

17h-17h20 Pause

  • 17h20-17h45 Caroline Damiens, « Le tournage comme espace de négociation et co-construction. Le rôle des guides et des acteurs autochtones dans les films ethnographiques soviétiques des années 1920-1930. »
  • 17h45-18h10 Tatiana Monassa, « Garrett Brown et l’invention de l’“opérateur Steadicam” »

18h10-18h20 Discussion

Vendredi 24 novembre

9h-9h30 : accueil autour d’un café

Discutant de la journée : Jean A. Gili

Session 3 : Studios et spécificités nationales

Président de séance : Fabrice Montebello

  • 9h30-9h55 Frédéric Monvoisin, « L’Association des artistes cinéastes »
  • 9h55-10h20 Réjane Hamus-Vallée, « Un studio dans le studio ? Les départements d’effets optiques hollywoodiens, de l’industrie à la création »
  • 10h20-10h45 Soraya Hamache, « Le studio Prabhat de Poona (1934-1953) : un studio de cinéma indien modèle ? »

10h45- 10h55 Discussion

10h55-11h25 Pause

Session 4 : (Re)modélisations et diffusion des pratiques

Présidente de séance : Katalin Pór

  • 11h25-11h50 Nedjma Moussaoui, « De l’impact du travail collectif “à l’allemande” dans la production française des années 1930 ? »
  • 11h50-12h15 Morgan Lefeuvre, « De l’avènement du parlant aux premiers accords de coproductions de l’après-guerre : vingt ans d’influences, d’échanges et de coopérations entre studios français et italiens (1929-1949) »

12h15-12h25 Discussion

12h30-14h00 Déjeuner

  • 14h00-14h25 Guillaume Vernet, « L’expérience d’avant-garde de Claude Autant-Lara et Max Douy ou l’idéal de la “construction démocratique” face au mode de production hollywoodien (1945-1951) »
  • 14h25-14h50 Clara Giannini, « 1950s Italian cinema industry: Ponti-De Laurentiis Cinematografica »

14h50-15h00 Discussion

15h00-15h30 Pause

Session 5 – Interactions alternatives

Présidente de séance : Mélisande Leventopoulos

  • 15h30-15h55 Catherine Roudé, « Une organisation contestataire du travail collectif : du cinéma militant au documentaire de création »
  • 15h55-16h20 Cécile Sorin et Emna Mrabet, « L’hétérotope du film guérilla »
  • 16h20-16h45 Ece Vitrinel, « I Made a Film: Me, Myself and I »

16h45-16h55 Discussion

16h55-17h15 Pause

17h15-17h40 Conclusion du colloque par Jean-Marc Leveratto

Lieux

  • Campus de Saulcy, Bâtiment A. - Université de Lorraine
    Metz, France (57)

Dates

  • jeudi 23 novembre 2017
  • vendredi 24 novembre 2017

Mots-clés

  • économie du cinéma

Contacts

  • Jean-Marc Leveratto
    courriel : jean-marc [dot] leveratto [at] univ-lorraine [dot] fr
  • Mélisande Leventopoulos
    courriel : melisande [dot] leventopoulos [at] gmail [dot] com
  • Katalin Pór
    courriel : katalin [dot] por [at] univ-paris8 [dot] fr
  • Caroline Renouard
    courriel : carolinerenouard [at] gmail [dot] com

Source de l'information

  • Mélisande Leventopoulos
    courriel : melisande [dot] leventopoulos [at] gmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« La création cinématographique : coopérations artistiques et cadrages industriels », Colloque, Calenda, Publié le lundi 06 novembre 2017, https://doi.org/10.58079/yps

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