AccueilLe blanchissement et l'éclaircissement de la peau humaine

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Le blanchissement et l'éclaircissement de la peau humaine

Whitening and lightening human skin - "La Peaulogie" journals

Revue « La peaulogie»

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Publié le vendredi 17 novembre 2017

Résumé

La Peaulogie, nouvelle revue de sciences sociales et humaines, a pour objet scientifique, la peau, appréhendée à travers des articles approfondis, qui peuvent laisser une place importante à une iconographie libre de droits ou bien dont les droits sont acquis par l’auteur·e. Il s’agira d’interroger le sens des différentes pratiques englobées sous les terminologies d’éclaircissement et de blanchissement de la peau humaine, à partir des rationalisations des sujets qui s’adonnent à ces pratiques, des arguments proposés par les industries de la cosmétique, les médias, les institutions de santé, etc. Faire de ces phénomènes les objets centraux du premier numéro de la revue signale l’intérêt que continuent de revêtir des traitements du corps, qui ne cessent de s’actualiser, en se mondialisant, au point qu’ils s’observent désormais sur tous les continents.

Annonce

Argumentaire

La Peaulogie, nouvelle revue de Sciences Sociales et Humaines, a pour objet scientifique, la peau, appréhendée à travers des articles approfondis, qui peuvent laisser une place importante à une iconographie libre de droits ou bien dont les droits sont acquis par l’auteur.e.

Dans cette optique, elle consacre son premier numéro à la problématique du blanchissement et de l’éclaircissement de la peau humaine. Il s’agira, dans les contributions proposées, d’interroger le sens des différentes pratiques englobées sous les terminologies d’éclaircissement et de blanchissement de la peau humaine, à partir des rationalisations des sujets qui s’adonnent à ces pratiques, des arguments proposés par les industries de la cosmétique, des médias, des institutions de santé, etc.

Faire de ces phénomènes les objets centraux du premier numéro de la revue signale l’intérêt que continuent de revêtir des traitements du corps, qui ne cessent de s’actualiser, en se mondialisant, au point qu’ils s’observent désormais sur tous les continents.

En réalité, ces pratiques que de nombreux contemporains découvrent aujourd’hui, sont un héritage qui remonte au moins à l’Antiquité occidentale.

  • En Europe, dans les milieux mondains, il s’est agi de soustraire par tous les moyens, la peau au rayonnement du soleil, pour 
l’empêcher de brunir. Pendant des siècles, jusqu’au début du XXe siècle, un culte sera voué au teint d’un blanc diaphane. Les peaux blanches tachées ou brunes étaient blanchies à l’aide des procédés chimiques comme le blanc de fard (carbonate de plomb), le blanc de perle (sous-nitrate de bismuth), le sulfate de baryte (poison contre les rats), tous sels métalliques « dangereux ennemis de la peau » (Perrot, 1984). Très tôt donc, une cosmétique éclaircissante est en usage chez les femmes en quête d’une peau à la blancheur aristocratique, contre la peau hâlée qui pâtissait de la représentation négative de relever du morbide et du populaire...
  • Chez les mélanodermes, en Amérique, en Afrique et dans la Caraïbe, les produits éclaircissants du teint en usage chez les occidentales sont substituées à des dermocorticoïdes (à base de cortisone, d’hydroquinone, de mercure, etc.), dont l’agressivité ne le cède en rien à celle des produits utilisés par les femmes leucodermes... les formules chimiques qui interviennent dans la fabrication des crèmes dépigmentantes, dont les peaux noires se servent aujourd’hui ne sont qu’une adaptation de procédés d’un usage déjà ancien dans certaines civilisations...
  • Dans le sous-continent indien, l’industrie de la cosmétologie décapante est florissante. Des corps entiers de professionnels en font grand usage, en toute légalité (Assayag, 1999). 
Considérées encore comme des pratiques d’embellissement du corps, mais surtout comme des marqueurs d’une origine sociale prestigieuse, ces phénomènes sont depuis longtemps sortis du champ de l’esthétique, pour investir la sphère du pathologique tributaire de l’agressivité des produits utilisés pour décaper la peau brune, et lui conférer la blancheur recherchée par les Européennes jusqu’au XXe siècle (mais substituée au bronzage d’aujourd’hui), tandis que la couleur « métisse » ou « café-au-lait » continue à faire l’objet d’une quête insatiable chez les femmes africaines, afrodescendantes et indiennes à peau sombre. 
Après avoir délaissé le champ de l’esthétique pour investir le champ du médical, les phénomènes de blanchissement et d’éclaircissement de la peau humaine interrogés ici pourraient être soumis à l’analyse sociologique suivante de Jean Baudrillard (Carnaval et cannibale, 15-10 ,2004), qui y voit un effet paradoxal de la modernité, de la prétention à l’universalisme et de la domination de l’Occident sur des peuples qu’il carnavalise :

« La logique de la modernité voulait que nous l’imposions au monde entier, que 1e fatum des Blancs soit celui de la race de Caïn, et que nul n’échappe à cette homogénéisation, à cette mystifi¬cation de l’espèce. [...] Lorsque les Noirs tentent de se blan¬chir, ils ne sont que le miroir déformé de la négrification des Blancs, auto-mystifiés dès le départ par leur propre maîtrise. Ainsi tout le décor de la civi¬lisation moderne multiraciale n’est-il qu’un univers en trompe l’œil où tou¬tes les singularités de race, de sexe, de culture, auront été falsifiées jusqu’à de¬venir une parodie d’elles-mêmes. Si bien que c’est l’espèce entière qui, à travers la colonisation et la décolonisa¬tion, s’autoparodie et s’autodétruit dans un gigantesque dispositif de simulation, de violence mimétique où s’épuisent aussi bien les cultures indigènes que l’occidentale. [...] C’est toute la blancheur qui enterre la négritude sous les traits du Carnaval. Et c’est toute la négritude qui absorbe la blancheur sous les traits du Cannibale. Cannibalisation contre carnavalisation. »

Il resterait à tenter une analyse intégrée d’un phénomène qui continue à être appréhendé de manière cloisonnée à travers ses différentes variantes, dans les différentes cultures et aux différentes époques où il s’observe. L’un des effets de cette atomisation de la recherche contemporaine dans ce domaine est la difficulté qu’il y a à mettre au jour d’éventuelles transversalités susceptibles de renseigner à une plus grande échelle le sens des stratégies des acteurs des sociétés contemporaines mondialisées, soumis aux normes d’une esthétique de plus en plus tyrannique, mais portée par un même souci de conformité aux formes de présentation de soi et de traitements du corps standardisés, qui sont valorisés dans leurs cultures respectives. Se pourrait-il que la société de consommation, qui n’a de cesse de réifier les corps, soit en train d’en faire le dénominateur commun d’un monde dans lequel ceux- ci se voient progressivement désinvestis de toute identité culturelle, transformés qu’ils sont en « capital à faire fructifier » ? Des corps nouveaux qui, au rythme de la mondialisation, se mettent à ne plus fonctionner que comme « une valeur signe » (Baudrillard, 1986) ? Dans la perspective d’apporter des éléments de réponse à ces interrogations, l’approche comparative pourrait se révéler féconde. En effet, le sens de la pratique de l’éclaircissement visant l’obtention d’une peau brune chez les mélanodermes reste à chercher dans ses connections avec la pratique du bronzage, qui s’est substituée au blanchissement, chez les leucodermes.

L’effort qui est attendu des contributrices et des contributeurs est de sortir les phénomènes de blanchissement et d’éclaircissement de la peau humaine de leurs cantonnements traditionnels, pour en proposer une lecture transversale, transculturelle même, qui aiderait à saisir les nouvelles socialités (et humanités ?) dont elles seraient les indices. La coloration de la peau est soumise, en effet, à de trop nombreuses manipulations, et ceci dans toutes les sociétés modernes (ou postmodernes), pour que seules les variables sociales et socio-économiques que sont la société de consommation mondialisée, l’uniformisation des modes de consommation, les dominations Nord versus Sud, les inégalités économiques, etc., en soit les uniques explications, en termes d’attribution de causalité.

Les très nombreuses études portant sur l’objet corps seront avantageusement consultées, dans cet objectif. De même que les efforts d’interprétation entrepris par des sociologues-anthropologues (cf. David Le Breton, 2006 ,1992), et portant sur des pratiques d’écriture de leur histoire à même le corps par de nombreux groupes sociaux. Tout aussi fécond sera le recours aux sources historiques et médicales, qui renseignent sur des pratiques « esthétiques » de plus en plus borderline, dont la finalité vise le positionnement du sujet dans la catégorie sociale et chromatique valorisée par la société. Excès qui renseignent sur la société elle-même. Enfin, les nombreux documents écrits et audiovisuels réalisés par des spécialistes du corps médical africain relatifs au problème de santé publique auquel ils ont à faire face depuis plusieurs décennie, tant les méthodes utilisées pour parvenir à l’éclaircissement des peaux sombres sont iatrogènes, contribueront à renseigner les études monographiques relatives à des pratiques qui n’ont pas fini d’étonner par les trésors d’ingéniosité que déploient les adeptes de l’éclaircissement pour parvenir à leurs fins.

Références

Assayag J., (1999). « La « glocalisation » du beau. Miss Monde en Inde, 1996 », Terrain. Anthropologie & sciences humaines, 32, 67 - 82 Baudrillard J., (2004). Carnaval et cannibale, Paris, Cahiers de L'Herne.
Baudrillard J., (1970 ,1986). La Société de consommation. Ses mythes, ses structures, Paris, Gallimard, Collection Folio essais.
Le Breton D., (1992). Sociologie du corps, Paris, PUF, collection que sais-je ?

Le Breton D., (2006). « Souffrances de vie et attaques au corps : femmes et scarifications », communication donnée le 26 novembre, salle Pasteur, Palais Universitaire, Strasbourg.
Mahé A., (2010). « Utilisation cosmétique de produits dépigmentants », Images en dermatologie, 3/ 1, 25 - 30
Perrot Ph., (1984). Le corps féminin, XVIIIe-XIXe siècles, Paris, Éditions Points.

Contributeur.e.s

chercheur.e.s, jeunes chercheur.e.s et doctorant.e.s en Sciences Humaines et Sociales

Comité éditorial

Stéphane Héas (dir.) ; Christophe Dargère ; Corinne Gérinard

Comité scientifique

Bernard Andrieu ; Grégory Beriet ; Christian Bromberger ; Philippe Charlier ; Jean Da Silva ; Adeline Grand-Clément ; Camille Gravelier ; Claire Lahuerta ; Philippe Liotard ; Juliette Sméralda ; Ivan Ricordel ; Valérie Rolle ; Meryem Sellami

Calendrier

Propositions de contributions attendues de novembre 2017 à janvier 2018.

Date butoir de remise des articles : 24 février 2018


La publication du numéro est prévue au printemps 2018

Modalités de réponse à l’appel

  • Soumission en ligne via www.lapeaulogie.fr/soumission
  • La soumission n’a pas été publiée auparavant, ou qu’elle n’ai pas été examinée par une autre revue (sinon, merci 
de nous faire part de cette information en commentaire).
  • Le fichier de soumission est au format de fichier de document OpenOffice ou Microsoft Word.
  • Le fichier nommé de manière anonyme : lapeaulogie_date_titre (ex : lapeaulogie_20171022_titre )
  • Lorsqu’elles sont disponibles, les URL pour les références ont été fournies.
  • La présentation des articles est la suivante : titre, résumé en français, liste de mots-clés en français, corps de 
l’article, références.
  • Le texte est en interlignage simple ; en arial de taille 12 ; utilise l’italique plutôt que de souligner (sauf avec les 
adresses URL) ; et toutes les illustrations, figures et tableaux sont placés dans le texte aux points appropriés, 
plutôt qu’à la fin.
  • Le texte respecte les exigences stylistiques et bibliographiques décrites dans les lignes directrices de la revue, que l’on retrouve dans Politique Editoriale

Dates

  • samedi 24 février 2018

Fichiers attachés

Mots-clés

  • peau, blanchissement, éclaircissement, peaulogie

Contacts

  • Stéphane Héas
    courriel : publication [at] lapeaulogie [dot] fr

URLS de référence

Source de l'information

  • Stéphane Héas
    courriel : publication [at] lapeaulogie [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Le blanchissement et l'éclaircissement de la peau humaine », Appel à contribution, Calenda, Publié le vendredi 17 novembre 2017, https://doi.org/10.58079/yuq

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