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L'université et le politique

Die Universität und das Politische

The university and politics

Professeurs, étudiants et pouvoirs publics en Europe (1848-1945)

Professoren, Studierenden und Staatsbehörden in Europa (1848-1945)

Professors, students and public powers in Europe (1848-1945)

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Publié le vendredi 17 novembre 2017

Résumé

Cette journée d’études souhaite, sur la période d’un siècle allant des révolutions de 1848 à la fin de la Seconde Guerre mondiale, interroger la relation entre l’université et le politique. Il s’agira de réfléchir aux liens multiples entre acteurs du champ universitaire, qu’ils enseignent, étudient ou administrent, et acteurs du champ politique, dans l’espace européen. Une problématique centrale que cette journée d’études propose de questionner est celle de l’autonomie du champ universitaire, de sa constitution et de son éventuelle limitation, par rapport au champ politique, dans une période où l’institution universitaire est en pleine expansion et transformée par la formation de nouvelles disciplines, liée professionnalisation et la spécialisation des métiers scientifiques et intellectuels.

Annonce

Lieu : Francfort/Main, Institut franco-allemand/Sciences historiques et sociales (IFRA-SHS)

Date : 7-8 juin 2018

Argumentaire

Il y a un siècle, le 7 novembre 1917, Max Weber prononçait à Munich sa célèbre conférence sur « la science comme profession-vocation », principalement devant des étudiants. Le texte qui en est issu, paru deux ans plus tard, est aujourd’hui toujours très commenté et finement analysé. Bien qu’il traite principalement de la situation allemande, en la mettant dans les premières pages au miroir des États-Unis, Weber évoque des problématiques pouvant être généralisées à d’autres pays, ainsi à propos des carrières universitaires, la précarité du statut de Privatdozent et les discriminations antisémites. Au-delà de la « neutralité axiologique », Weber y pense, et nous invite encore à penser, les liens entre université et politique.

Cette journée d’études souhaite, sur la période d’un siècle allant des révolutions de 1848 à la fin de la Seconde Guerre mondiale, interroger la relation entre l’université et le politique, en mettant l’accent sur les individus et les groupes. Il s’agira de réfléchir aux liens multiples entre acteurs du champ universitaire, qu’ils enseignent, étudient ou administrent, et acteurs du champ politique, dans l’espace européen[1]. Une problématique centrale que cette journée d’études propose de questionner est celle de l’autonomie du champ universitaire, de sa constitution et de son éventuelle limitation, par rapport au champ politique, dans une période où l’institution universitaire est en pleine expansion et transformée par la formation de nouvelles disciplines, liée professionnalisation et la spécialisation des métiers scientifiques et intellectuels, bien qu’à des degrés et selon des modalités variables entre les pays d’Europe[2]. L’intégration de ces nouvelles disciplines et professions au système universitaire mais également leur instrumentalisation par le pouvoir politique pourront ainsi être questionnées.

Cette journée s’adresse aux jeunes chercheuses et jeunes chercheurs de toutes les disciplines des sciences humaines et sociales travaillant dans une perspective historique. Les perspectives comparées, croisées et de transferts seront donc favorisées – entre différents pays, ou au sein d’un même État, entre plusieurs centres universitaires par exemple[3]. Trois axes thématiques principaux, se recouvrant en partie entre eux, sont proposés à la discussion.

1. Enseignants et étudiants en politique

Du milieu du XIXe au milieu du XXe siècle, on recense des formes multiples de participation active des enseignants et des étudiants à la vie politique, de la prise d’armes révolutionnaire à l’engagement dans un parti, en passant par des manifestations plus éphémères ou des candidatures aux élections, locales comme nationales[4]. Quelles formes d’engagement sont favorisées ? Lesquelles sont évitées ? En plus des stratégies politiques individuelles ou de petits groupes particulièrement mobilisés, enseignants et étudiants (ensemble ou séparément) portent régulièrement des revendications et idéaux politiques, les concernant spécifiquement en tant que membres de la « communauté universitaire » (réformes des statuts ou des cursus, questions budgétaires, demande des étudiants de pouvoir participer plus activement au système universitaire ou concernant leurs conditions de vie, etc.) ou plus généralement en tant que citoyens concernés par la situation politique de leur pays. On peut bien souvent étudier précisément ces demandes, formulées sous forme d’adresses ou de pétitions, publiées dans les journaux ou en brochure. Les périodes de « crise politique » (quelle qu’en soit la nature) sont-elles propices à un engagement accru des étudiants et des enseignants ? Ou au contraire, constate-t-on que les périodes de stabilité permettent un engagement plus certain, grâce à la solidité du pouvoir ? La période considérée est celle du développement des formes modernes de l’associationnisme étudiant dans la plupart des pays d’Europe, dont on pourra étudier les relations changeantes avec la politique (répression ou soutien du mouvement associatif estudiantin par les pouvoirs publics, création d’associations études politisées voire liées à un parti). On pourra de ce point de vue également s’intéresser aux liens ou au contraire aux antagonismes entre enseignants et/ou étudiants et les professionnels de leurs disciplines, dans le cadre du développement d’un syndicalisme des professions intellectuelles (notamment en médecine et en pharmacie, plus tardivement dans les métiers littéraires et artistiques)[5].

2. Les diverses formes de l’entre-soi élitaire

Enseignants, étudiants et personnel politique peuvent tisser de nombreux liens, tout particulièrement au sein d’organisations non-ouvertement (ou non-primairement) politiques, associations, cercles, groupes d’experts, etc. Quelles formes associatives sont privilégiées – larges associations, clubs fermés, sociétés secrètes ? Au-delà de la sociabilité bourgeoise qui y est entretenue (lecture des journaux, conversations et débats, etc.)[6], ces relations (relativement) informelles conduisent-elles à la formation de réseaux scientifiques et politiques ? Ces liens entre scientifiques-intellectuels et politiques sont-ils mis en avant (publication d’annuaires[7], organisation de banquets ou conférences ouverts au public) ? Ou au contraire, conduisent-ils à des réactions de fermeture, de la part d’universitaires voulant affirmer leur autonomie ? Outre l’existence d’associations étudiantes politiques (cf. 1), les membres d’associations se disant apolitiques doivent toujours entrer en contact avec les pouvoirs publics (pour des demandes d’autorisation et de subventions par exemple). On pourra s’interroger plus largement sur la place qu’ils accordent aux politiciens dans leurs organisations (invitations pour des conférences, statut de membre honoraire, etc.). En plus des associations, on pourra s’interroger sur le rôle du positionnement des universitaires face à la politique dans les revues et congrès scientifiques.

3. Les professionnels de la politique et l’enseignement supérieur

Si des réformes importantes de l’enseignement supérieur ont été entreprises avant le milieu du XIXe siècle (les plus importantes d’entre elles étant bien évidemment celle menées par Wilhelm von Humboldt en Prusse dans les années autour de 1810) et si d’importants chantiers sont lancés dans la seconde moitié du XXe siècle (même avant les révoltes de 1968), le siècle que nous nous proposons d’étudier constitue une période cruciale dans la transformation et la modernisation de l’enseignement supérieur. C’est également le moment d’une professionnalisation du métier (de) politique. Des hommes et femmes politiques se distinguent-ils durant la période par un intérêt particulier pour les questions ayant trait à l’enseignement supérieur, du fait de leurs fonctions ou pour des raisons plus spécifiques ou personnelles ? En plus de l’étude de leurs profils sociaux et politiques, on pourra s’intéresser aux réformes qu’ils et elles défendent ou combattent. On peut ici penser à des changements institutionnels concrets comme la recréation des universités en 1896 en France ou le droit accordé en 1899 aux écoles supérieures techniques allemandes (Technische Hochschulen) de décerner le titre de docteur, mais aussi à des  projets plus généraux comme le développement de l’enseignement supérieur dans les colonies ou des mesures à prendre face à la concurrence internationale grandissante du marché de l’enseignement supérieur. Une autre perspective peut être celle des éventuelles pressions que ces politiques cherchent à exercer (ou à empêcher) sur les universitaires, et leurs différentes formes.

Soumission des candidatures

Cette journée d’études se tiendra à l’Université Goethe de Francfort/Main (Allemagne), les jeudi 7 et vendredi 8 juin 2018. Les frais de transport et d’hébergement (1 nuit) seront pris en charge par les organisateurs. Cette manifestation s’adresse prioritairement aux jeunes chercheurs et chercheuses (masterant·e·s avancé·e·s, et surtout doctorant·e·s et post-doctorant·e·s). Les langues de travail seront le français et l’allemand (et éventuellement l’anglais).

Les propositions de communication sont à adresser à Antonin Dubois : antonin[point]dubois[at]ehess[point]fr

avant le 15 janvier 2018.

Elles peuvent être soumises en français ou en allemand et ne doivent pas excéder 500 mots. Prière d’y joindre un CV avec mention des éventuelles publications et des compétences linguistiques. Un comité scientifique s’occupera de la sélection des propositions et donnera sa réponse le 15 février 2018 au plus tard.

Comité scientifique

  • Antonin Dubois, doctorant, EHESS/Universität Heidelberg
  • Pierre Monnet, directeur d’études, EHESS, directeur de l’IFRA-SHS

Notes et références

[1] Précision : récemment, la Gesellschaft für Universitäts- und Wissenschaftsgeschichte a organisé un colloque sur un thème proche (« Hochschule und Politik »), du Moyen Âge à nos jours. Cependant, les communications qui y ont été présentées, outre qu’aucune d’entre elles ne porte sur la période 1848-1918, ne traitent pas les thématiques et perspectives que cette journée d’étude propose d’explorer, et se limitent toutes à l’espace allemand. Voir : https://guw-online.net/item/114-hochschule-und-politik (27/10/2017).

[2] Voir entre autres : Christophe Charle, La République des universitaires (1870-1940), Paris, Seuil, coll. « L’univers historique », 1994 ; Christophe Charle et Jacques Verger, Histoire des universités (XIIe-XXIe siècle), Paris, Presses universitaires de France, coll. « Quadrige manuels », 2012 ; Fritz K. Ringer, The decline of the German mandarins:  the German academic community, 1890-1933, Hanover London, University press of New England, 1990 (1969) ; Fritz K. Ringer, Fields of Knowledge. French academic culture in comparative perspective, 1890-1920, Cambridge, New York, Port Chester, Paris, Cambridge University Press, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1992 ; Walter Rüegg (dir.), Geschichte der Universität in Europa, vol. 3 Vom 19. Jahrhundert zum Zweiten Weltkrieg (1800–1945), Munich, C. H. Beck, 2004.

[3] Deux exemples : Christophe Charle, Les intellectuels en Europe au XIXe siècle. Essai d’histoire comparée, 2e éd., Paris, Éditions du Seuil, coll. « Points histoire », 2001 (1996) ; Sonja Levsen, Elite, Männlichkeit und Krieg. Tübinger und Cambridger Studenten 1900-1929, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, coll. « Kritische Studien zur Geschichtswissenschaft », n˚ 170, 2006.

[4] Sur étudiants et professeurs dans la révolution de 1848, voir entre autres : Peter Borowsky, Schlaglichter historischer Forschung. Studien zur deutschen Geschichte im 19. und 20. Jahrhundert, Hambourg, Hamburg University Press, 2005, chap. V.1 « Studenten in der deutschen Revolution 1848 », pp. 187-199 ; Jean-Claude Caron, Générations romantiques. Les étudiants de Paris et le Quartier latin (1814-1851), Paris, Armand Colin, 1991 ; Stanley Z. Pech, « Studenten in der böhmischen Revolution von 1848 », in Wilfried Forstmann et Horst Stuke (dirs.), Die europäischen Revolutionen von 1848, Königstein/Ts., Verlagsgruppe Athenäum, Hain, Scriptor, Hanstein, 1979, pp. 189-197 ; Priscilla Robertson, « Students on the Barricades: Germany and Austria, 1848 », Political Science Quarterly, 1969, vol. 84, no 2, pp. 367-379 ; Gernot Stimmer, « Die Mythologisierung der Revolution von 1848 als Modell einer Studentenrevolution », in Christian Helfer et Mohammed Rassem (dirs.), Student und Hochschule im 19. Jahrhundert. Studien und Materialien, Göttingen, Vandenhoeck und Ruprecht, coll. « Studien zum Wandel von Gesellschaft und Bildung im neunzehnten Jahrhundert », n˚ 12, 1975, pp. 243-302.

[5] Gisèle Sapiro (dir.), « L’organisation des professions intellectuelles », Le Mouvement social, 2006/1, n° 214.

[6] Maurice Agulhon, Le Cercle dans la France bourgeoise 1810-1848. Étude d’une mutation de sociabilité, Paris, A. Colin et École des hautes études en sciences sociales, coll. « Cahiers des Annales », n˚ 36, 1977 ; Matthias Asche et Dietmar Klenke (dirs.), Von Professorenzirkeln, Studentenkneipen und akademischem Networking.  Universitäre Geselligkeiten von der Aufklärung bis zur Gegenwart, Wien, Köln, Weimar, Böhlau Verlag, coll. « Abhandlungen zum Studenten- und Hochschulwesen », n˚ 19, 2017.

[7] Les réflexions de Luc Boltanski, « L’espace positionnel. Multiplicité des positions institutionnelles et habitus de classe », Revue Française de Sociologie, janvier 1973, vol. 14, no 1, pp. 3‑26 pouvant servir à l’analyse de telles publications.

Lieux

  • IG-Farben-Haus - Norbert-Wollheim-Platz 1
    Francfort-sur-le-Main, Allemagne (60329)

Dates

  • lundi 15 janvier 2018

Mots-clés

  • université, enseignement supérieur, professeur, étudiant, politique, intellectuel, Europe, éducation, science, engagement, révolution, parti, discipline scientifique, association

Contacts

  • Antonin Dubois
    courriel : colloque [dot] kaiserreich [at] gmail [dot] com

Source de l'information

  • Antonin Dubois
    courriel : colloque [dot] kaiserreich [at] gmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« L'université et le politique », Appel à contribution, Calenda, Publié le vendredi 17 novembre 2017, https://doi.org/10.58079/yuz

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