AccueilVêtir et se vêtir au Cameroun

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Vêtir et se vêtir au Cameroun

Clothing and dressing in Cameroon

Potentialités, pratiques et souveraineté vestimentaires

Potential, practices and vestimentary sovereignty

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Publié le vendredi 17 novembre 2017

Résumé

L’idée d’un ouvrage collectif sur la thématique du vêtement au Cameroun est une gageure tant l’objet semble banal parce que inscrit dans les habitudes quotidiennes des plus élémentaires. L’impression de tout savoir, ou de ne pas en savoir assez, à propos du vêtement, invite à creuser davantage, et ceci à travers une approche combinatoire en sciences sociales, pour faire le point sur les divers aspects de cet objet. Il s’agit globalement, pour les différentes contributions, d’élaborer sur les potentialités dans ce secteur, de décliner les différents savoir-faire et savoir-être en matière vestimentaire et d’en dresser des perspectives d’autonomisation pour le Cameroun.

Annonce

Argumentaire

La production et le port du vêtement relèvent du culturel et sont inscrits dans le registre des techniques mises en place par l’Homme dans sa quête d’indépendance par rapport à la nature et imposer la culture : il se protège et se pare.

Le Cameroun est une diversité, du point de vue vestimentaire, rarement comparée à d'autres pays subsahariens. La floraison de styles, en ce domaine, reflète l’histoire, l’écologie et les climats, toutes données qui font la particularité de cette Afrique en miniature. A chaque aire culturelle, on peut corréler un art complet de se vêtir ou un élément plus ou moins symbolique du vêtement : ndop dans les Grassfields (Lamb; 1981), ntieya dans le royaume bamoun (Maché; 1994); l'obom et dérivés dans le grand sud (Mveng; 1980), les vêtements de leppi et godo fabriqués du coton dans le septentrion (Bouba ; 2000).

Le vêtement dont il est question n'est pas quelque chose d'abstrait. C'est le réel qui est l'une des trois formes de vêtement (image, écrit et réel) dont parle Roland Barthes (1967: 13 et suiv). Il recouvre la surface de la peau, apparait comme un espace borne entre l’individu et les autres, mais en même temps l’agrège à la vie sociale. Le concept de vêtement, on l’aura compris, est générique et assez large pour permettre des contributions sur un ensemble de productions - costumes, habits, tenues, uniformes… - faites avec des matériaux de toute nature et qui « couvrent une surface appréciable du corps » (Leroi-Gourhan ; 1973 : 199).

L’objet qui est soumis au regard des spécialistes des sciences sociales et des professionnels du secteur textile, répond à un système de convenances qui définissent les frontières sociales du visible et du non invisible (Denizeau ; 2011 : 23) ; ainsi, il empêche à autrui de violer l’espace corporel intime par le regard. Donc, se vêtir est un acte hautement humain ; vêtir autrui, l'est tout autant. Le vêtement investit l’homme vivant, mort aussi. Dans beaucoup de sociétés, le mort est enterré, vêtu d’un linceul ; après l’enterrement, l’étoffe de deuil portée par des conjoints ou membres de la famille continue d'habiller sa mémoire.

Le projet se veut un lieu de convergence de disciplines scientifiques vers un même objet, le vêtement, avec des méthodes d'investigation différentes. C'est un domaine de recherche qui requiert une attention dans un contexte où l'ouverture vers le reste du monde doit être arrimée à une recherche inlassable de l'autonomie ou la maîtrise du développement endogène. Pour ce faire, il importe de mener des réflexions et des débats pour agiter tous les milieux sur la question du vêtir. Ceci permettra de mettre à jour, dans le domaine vestimentaire, tous les savoirs et savoir-faire, de questionner les besoins afin que des politiques de développement se mettent en place.

Axes thématiques

Les différentes contributions peuvent s’inscrire dans les axes - non exhaustifs - ci-dessous énumérés.

  • Offre vestimentaire, matières et technologie textile locales.

Ici, l’on peut avoir affaire à deux orientations. La première porte sur l’offre vestimentaire. Cetaxe invite à une réflexion sur les créations et les créateurs de mode : biographies, produits, audiences, espaces de diffusion. Il intègre aussi des monographies sur des espaces ou des centres de création textile. Sera d’un intérêt pratique, un regard critique sur les curricula des formations en textile dans les institutions universitaires publiques et privées. La seconde orientation, quant à elle, devra faire le point sur les matières premières textiles et dégager les rapports, s'ils existent, entre leur disponibilité et le marasme socio-économique des producteurs-riverains ; inventorier les techniques de production et les produits endogènes en élaborant sur leur valorisation et leur modernisation sur les champs économique et culturel, national et international. En plus de sa valorisation, la pérennité du système local de production vestimentaire doit être aussi questionnée dans le but de dégager des voies de complémentarité, à l’exemple de ce qui se fait dans une bonne partie de l’Ouest-africain où le paysage textile se caractérise, justement, par la complémentarité entre l’artisanat et l’industrie (Grosfilley ; 2005 :141).

  • Costumes ethniques, costumes régionaux.

Saisir dans une perspective macro-régionale les différentes constructions identitaires autour du vêtement ; comment ces identités naissent, se maintiennent, se régénèrent, se perpétuent, se déploient et se rendent visibles à travers des prestations culturelles. Cette sorte de résilience ethnico-identitaire offre également des matériaux à la mode, aux nouvelles manières de se vêtir aujourd’hui, ici et ailleurs, parce que déjà, certains auteurs (Konig ; 1967 : 33, 35) ont avancé l’idée selon laquelle la mode affecte avant tout une parure traditionnelle dont elle s’inspire.

  • Vêtements, communication et sociétés.

De plus en plus, les débats débordent la simple explication de la fonction esthético-utilitariste, c'est-à-dire une présentation du vêtement comme destiné à couvrir le corps ou à le rendre beau. Le vêtement n’est pas vêtement : c’est un mensonge, une dissimulation, une absence de franchise, une tartufferie, bref une convention qui cache la vérité du corps pour en offrir une autre réalité. Le vêtement va au-delà du vêtement, c'est une valeur à laquelle on se réfère pour produire de la distinction sociale, pour instituer une communication non verbale. Dans ce sens, Barthes (1967:30-31) faisait déjà les correspondances vêtement/langue et habillement/parole. Le vêtement est la langue, une institution sociale et l'habillement la parole, acte individuel et manifestation actualisée de la fonction de la langue. C'est la dimension sémiotique du vêtement qu'il convient d'interroger ici. Il donne sens et informe sur ce que l’on est ou n’est pas (Actes sémiotiques, no 117, 2014). Il s’agit de dégager les codes de lecture des messages que véhiculent certaines catégories d’habits que portent les Camerounais.

  • Vêtement et politique.

L'imbrication entre le politique et le vestimentaire peut être approfondie en interrogeant, entre autres, le vestiaire des hommes politiques postcoloniaux, le phénomène d’imitation du chef (Bazanquisa;1992) et les structures des pouvoirs traditionnels. L’intronisation d’un nouveau chef est un moment important dans la prise de pouvoir. La cérémonie mobilise un certain nombre de rites qui font appel au vêtement. Les autorités traditionnelles et les hommes politiques font de la distribution du vêtement un acte purement politique afin de s'attacher la fidélité des sujets et des partisans politiques. Un ordre politique peut être contesté par un acte de dénudation ou de mise à l'envers d'un habit. L’usage politique du vêtement se lit aussi à travers des pagnes de propagande estampillés des effigies des personnalités politiques. Donc, un décryptage de dons, de gestes d’investiture, du refus et de l’iconographie vestimentaire peut mener à une compréhension du rôle politique du vêtement.

  • Se vêtir à/de la friperie.

Précarité financière ou indigence vestimentaire des populations «réduites à se vêtir avec les poubelles de la bonne conscience occidentale» Grosfilley (2017: 11)? Vêtements bon marché ? Attrait pour la mode occidentale ? Quels impacts sur l'économie locale ? CesDead whiteman’s clothes (Bredeloup et Lombard ; 2008 : 392) n’offrent-ils pas des possibilités d’emplois à ceux qui en cherchent ? Toutes ces interrogations devront conduire à un regard croisé d'historiens, de sociologues, d'anthropologues, d'économistes, de médecins… pour saisir la complexité de ces  «montagnes de vêtements, déchargés des camions sur la terre battue» (Orsenna; 2006 : 52)  qu'on consomme dans la méconnaissance de l'origine et des conséquences qu'ils peuvent provoquer sur les corps.  

  • Normes vestimentaires nouvelles.

Nous vivons une ère des nouvellestendances au niveau des jeunes, notamment la mode sexy (strings, slim, taille basse, décolletés, minijupes, destroy…) qui conduit à une hypersexualisation du vêtement. Au-delà du simple constat de cette tendance, il faudra rechercher ses causes : est-ce une contestation d’un conformisme vestimentaire dépassé qui ne tient plus compte de leurs aspirations ? D’ailleurs, des établissements universitaires se voient obligés de publier des codes éthiques : serait-ce pour éviter de laisser proliférer de « groupe social problématique » qui pourrait menacer la quiétude dans l’espace scolaire (Caron ; 2012 :121)? Il est intéressant de décrire les territoires dans lesquels se déploie cette mode, de tenter un vocabulaire, une nomenclature, qui pourrait éclairer ce paradoxe des adolescents qui veulent se vêtir sans être vêtus, mais qui provoquent plutôt « une panique morale ».

  • Vêtement criminalisé.

Certaines manières de se vêtir ont soulevé de débats qui ont divisé jusque dans les cercles de pouvoirs politiques. Des textes règlementaires ont vu le jour pour réglementer des comportements vestimentaires (burkini, burqa, niqab) susceptibles de jeter le trouble dans l’espace public de certaines républiques occidentales. Dans le contexte de l’extrémisme violent et dans un mouvement frénétique de lutte contre l’insécurité, des styles ont été frappés d'interdiction dans la sphère publique au Cameroun, parce qu’ils etaient percus comme vecteurs de dangers. Tout ceci renvoie à une criminalisation du vêtement et les différentes contributions qui éliront ce champ pourront en approfondir l’analyse.

  • Muséification du patrimoine vestimentaire.

Dans plusieurs pays, les musées dédiés aux textiles, aux costumes anciens occupent une place de choix dans les politiques publiques. C’est une documentation muséale qui participe à la rédaction de l’histoire culturelle des peuples. De plus en plus, les donnés s'accumulent à travers l'exhumation de vêtements, surtout de l'Egypte ancienne, et permettent ainsi une reconstitution de l'histoire de l'humanité (Johnstone ; 2015 : 36). On peut noter le cas de la France où le département d’Afrique noire du musée de l’Homme héberge, à Paris, d’importantes collections de vêtements d’origine africaine. Concernant le Cameroun, quelle peut être la part réservée aux vêtements dans les différents musées ? Quelles stratégies de collecte et de conservation mises en place ? L’archéologie a-t-elle un apport dans la recherche et la sauvegarde des textiles anciens ? Un inventaire dans les différents musées permettra de mesurer le niveau d’attention que la société et les pouvoirs publics accordent aux civilisations du vêtement. 

Comité scientifique

  • Hamadou Adama, Professeur, FALSH, Université de Ngaoundéré ;
  • Bazenguissa-Ganga Remy, Directeur d’Etudes, EHESS, Paris ;
  • Saibou Issa, Professeur, ENS, Université de Maroua ;
  • Idrissou Alioum, Maître de Conférences, Université de Maroua ;
  • Mamoudou, Maître de Conférences, FALSH, Université de Ngaoundéré ;
  • Kossoumna Liba’a Natali, Maître de Conférences, ENS, Université de Maroua ;
  • Funteh Mark Bolak, Maître de Conférences, ENS, Université de Maroua ;
  • Mimche Honoré, Maître de Conférences, IFORD, Université de Yaoundé II ;
  • Gormo Jean, Maître de Conférences, ENS, Université de Maroua ;
  • Njoya Idrissou, Chargé de Cours, IBAF, Université de Dschang ;
  • Bana Barka, Chargé de Cours, ENS, Université de Maroua.

Dates à retenir

  • 25 novembre 2017 : date limite de réception des propositions de chapitres (résumé en français ou en anglais d’une page maximum en Times New Roman, interligne simple) à l’adresse bouba_hamman@yahoo.fr

  • 1er décembre 2017 : Notification aux contributeurs des propositions
  • 1er février 2018 : Date limite de réception des versions complètes des textes retenus
  • 2è trimestre de 2018 : Publication de l’ouvrage

NB : Les consignes de présentation seront envoyées aux auteurs des textes retenus

Références

  • Balut, Pierre-Yves, 2013, Théorie du vêtement, Paris, L’Harmattan
  • Barthes, Roland, 1967, Système de la mode, Paris, Seuil.
  • Bazanquisa, Remy, 1992, «La Sape et la politique au Congo» Journal des africanistes, t.62,  fasc.1, pp. 151-157.
  • Bouba Hamman, 2000, « Les textiles leppi au Nord-Cameroun : production, usages et mutations » mémoire de maitrise en Histoire, Université de N'Gaoundéré.
  • Bredeloup Sylvie et Lombard Jérôme, 2008, « Mort de la fripe en Afrique ou fin d’un  cycle ? », Revue du Tiers-Monde, 2008/2, no 194, pp. 391-412
  • Caron, Caroline, 2012 « Filles et hypersexualisation : des points de vue (et des corps) situés  qui comptent », Jeffrey Denis et Lachance Jocelyn, (eds), Codes, corps et rituels dans  la culture jeune, Québec, Presses de l’Université Laval : pp.119-138
  • Delaporte, Yves, 1980, « Le signe vestimentaire », L’Homme, juillet-septembre, 1980, vol  XX, no 3, pp. 109-142
  • Denizeau, Laurent, 2011, « Le nu et le vêtu », Lumière & Vie, no 292, octobre-décembre  2011, pp.21-30
  • Grosfilley, Anne, 2005, L’Afrique des textiles, Paris, Edisud
  • Grosfilley, Anne, 2017, Wax & Co. Anthologie des tissus imprimés d'Afrique, Paris, Editions  La Martinière.
  • Johnstone, Janet, 2015, «Lost and found: the Rediscovery of the Tarkhan Dress» in Stevenson  Alice, (ed), The Petrie museum of Egyptian Archaeology, Characters and Collections,  UCLPress, University College, London, p.36.
  • Konig, René, 1967, « La diffusion de la mode dans les sociétés contemporaines » in Cahiers  internationaux de Sociologie, vol XLIII, juillet-décembre 19671, pp. 33-43
  • Lamb, Venice and Alastair, 1981, Au Cameroun: Weaving-Tissage, Hertingfordbury, Roxford Books
  • Leroi-Gourhan, André, 1973, Evolution et techniques. Milieu et techniques, Paris, Albin Michel
  • Mache, Bernard Dadié, 1994, « Les enjeux historiques du costume dans le royaume bamun : 1889- 1931 », Mémoire de maîtrise d’histoire, Université de Yaoundé I.
  • Mveng, Engelbert, 1980, L’Art et l’Artisanat africains, Yaoundé, CLE.
  • Orsenna, Erik, 2006, Voyages aux pays du coton. Petit précis de mondialisation, Paris, Fayard

Dates

  • samedi 25 novembre 2017

Mots-clés

  • Cameroun, vêtement, textile, vêtir, pratique vestimentaire

Source de l'information

  • Hamman Bouba
    courriel : bouba_hamman [at] yahoo [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Vêtir et se vêtir au Cameroun », Appel à contribution, Calenda, Publié le vendredi 17 novembre 2017, https://doi.org/10.58079/yw4

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