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Affaires de foi

The Business of Faith

Réformes religieuses, reconfigurations économiques et transformations sociales (XVIe-XVIIe siècles)

Economic reform and social change in the age of reformation

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Publié le jeudi 07 décembre 2017

Résumé

En critiquant le monopole exercé par Rome dans l'administration des biens du salut ainsi que leur marchandisation, les mouvements réformateurs ébranlent toute l’économie traditionnelle de la foi. Sur le plan théologique, l’économie du salut passe du modèle de l’achat (rachat de la faute) à celui du don gratuit (effacement gracieux de la dette). Sur le plan pécuniaire, la gestion vénale de la fortune terrestre de l’Église est dénoncée. Mais les réformateurs s'emparent aussi d’autres questions, renouvelant les discours sur la dette, le prêt à intérêt, la charité publique, etc. Reste à savoir si la refonte de l’économie de la foi opérée par la Réforme a vraiment donné lieu à l’émergence de nouvelles pratiques, éthiques et conduites économiques.

Annonce

Argumentaire

Lorsque, en 1517, Luther publie ses 95 thèses contre le commerce des indulgences, ce n’est pas seulement la vénalité de Rome et de ses agents que le moine augustin s’emploie à dénoncer. A travers la critique de la marchandisation des biens du salut, c’est toute l’économie traditionnelle de la foi qui se trouve ébranlée. A une vision mercantile et comptable de l’au-delà, Luther oppose la gratuité du salut, don que Dieu accorde aux hommes sans contrepartie, en souvenir du sacrifice du Christ. Au-delà de la coïncidence des lexiques utilisés pour décrire ces phénomènes, il semble bien que deux ordres de réalité économiques soient visés par la Réforme initiée par Luther. Sur le plan théologique, l´économie du salut passe du modèle de l’achat à celui du don gratuit. Sur le plan pécuniaire, l’économie de l’Eglise, c’est-à-dire l’administration de la fortune terrestre de l’institution romaine, est radicalement rejetée.

Rien d’étonnant dès lors que la critique des dérives financières de l’Eglise déborde rapidement vers d’autres sujets de plaintes économiques. La dénonciation du luxe de l’Eglise et de l’abandon des principes de charité, argument phare des premières années de la Réforme, est vite rejointe par des arguments économiques d’ordre plus général. On voit ainsi Luther, mais aussi Zwingli, Bucer, Calvin et bien d’autres réformateurs prendre position sur l’usure, les prêts à intérêts, les formations commerciales monopolistiques, la concentration du capital, la fuite de la monnaie, les recouvrements de dettes, la prise en charge publique des nécessiteux, etc. De même, les penseurs de la Réforme catholique, aussi bien ceux qui entendent préserver l’ancienne économie des dévotions que ceux qui militent pour une rénovation de l’ordre économique, ne laissent pas de côté la prise en compte des réalités pécuniaires de leur temps.

Reste à se demander si le renouvellement des discours sur l’économie de la foi opéré par la Réforme et son articulation théorique aux affaires économiques du temps ont aussi donné lieu à l’émergence de nouvelles pratiques, éthiques et conduites économiques selon l’adhésion des acteurs historiques à l’ancien ou au nouveau régime religieux. En somme, peut-on mesurer l’efficacité des discours et doctrines religieuses sur les comportements économiques des acteurs historiques, et ce, aux différents niveaux de la société : individuel, familial, communautaire, municipal, étatique, etc. ? Il ne s’agit pas, ici, de revisiter les thèses bien connues de Max Weber sur l’éthique protestante et l’esprit capitaliste dans le métarécit de la modernité. Trop d’études considèrent le cadre théorique du sociologue allemand comme un horizon d’attente indiscutable de la Réformation. Nous proposons ici non pas d’aller à l’encontre de Weber, mais de renoncer à une généalogie unique reliant capitalisme moderne et protestantisme par le biais exclusif de l’éthique calvinienne du travail et de l’accumulation des richesses. La période séminale des XVIe et XVIIe siècles permet d’explorer la diversité des positions des réformateurs de la première génération sur une économie chrétienne idéale, leurs portées divergentes sur les nouvelles manières de gérer ses affaires conformément à sa confession de foi et la pluralité des expériences économiques. Elle permet de bousculer le récit téléologique de la rencontre prédestinée du protestantisme et du capital.  

Les récentes recherches menées sur « l’économie de la religion » (Rachel McCleary, Anne Koch) démontrent bien les limites explicatives du modèle situant l’irruption d’un nouvel ethos économique dans la sphère exclusive du protestantisme. Par ailleurs, les historiens de l’économie insistent depuis une décennie sur les dimensions culturelles, matérielles et performatives du fait économique (Inga Klein, Sonja Windmüller, Hartmut Berghoff, Jacob Vogel). Enfin, de plus en plus d’économistes (Thomas Piketty, Geoffroy Hodgson, Giacomo Corneo) et anthropologues (David Graebner) font valoir la nécessité d’ancrer les analyses macro-économiques dans des contextes socio-historiques précis et particuliers. C’est en suivant ces nouvelles pistes de recherches que nous aimerions explorer l’articulation des discours et pratiques économiques dans le sillon de la Réforme aux XVIe-XVIIe siècles, en prenant soin de rattacher les cas d’études à des contextes sociaux, économiques et politiques précis. Nous tenons aussi à encourager la discussion interdisciplinaire entre historiens, théologiens, anthropologues et économistes sur ces questions. Plusieurs pistes de recherches pourront être envisagées :

  • les conditions de production des discours économiques issus de la Réforme : impact de la Guerre des Paysans sur la pensée de Luther, défense des banquiers par Pirckheimer à Nuremberg, situation économique de Strasbourg au miroir des positions de Bucer, etc.
  • les expériences socio-économiques des communautés de foi issues de la Réforme radicale : revendications économiques durant la Guerre des Paysans, économie interne aux communautés anabaptistes, mise en commun des biens, etc.
  • la gestion financière et économique des institutions cléricales : sécularisation et réaffectation des biens ecclésiastiques, financement des clercs ; persistance de l’économie monastique et émergence de nouvelles pratiques économiques dans les ordres de la Réforme catholique.
  • les conversions religieuses et reconversions économiques : parcours individuels des clercs convertis ou des clercs fidèles à Rome obligés de renoncer à leurs anciens bénéfices ; trajectoires migratoires et économiques des religieuses et des religieux hors du couvent. Du côté protestant, on pourra se pencher sur le rôle des femmes de réformateurs, notamment des plus connues (Katharina von Bora, Anna Bullinger, etc.) dans l’administration économique du foyer pastoral.
  • les politiques économiques et financières publiques : débats et actions des pouvoirs temporels en faveur ou contre la transformation des pratiques économiques, mise en place de crédits publics, prise en charge des nécessiteux, etc.

Modalités de soumission

Date limite d’envoi: 25 janvier 2018

Pièces à joindre: un titre et un résumé de la communication envisagée (max. 500 mots) au format PDF ou Word.

Adresse d’envoi: fabrice.flueckiger@unine.ch

Comité de sélection

  • Marion Deschamp,
  • Eléna Guillemard,
  • Fabrice Flückiger.

Lieux

  • 1 espace Louis Agassiz
    Neuchâtel, Confédération Suisse (2000)

Dates

  • jeudi 25 janvier 2018

Mots-clés

  • protestantisme, réforme, économie, économie du salut

Contacts

  • Fabrice Flückiger
    courriel : fabrice [dot] flueckiger [at] unine [dot] ch
  • Marion Deschamp
    courriel : marion [dot] deschamp [at] univ-lorraine [dot] fr
  • Eléna Guillemard
    courriel : elena [dot] guillemard [at] unine [dot] ch

Source de l'information

  • Fabrice Flückiger
    courriel : fabrice [dot] flueckiger [at] unine [dot] ch

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Affaires de foi », Appel à contribution, Calenda, Publié le jeudi 07 décembre 2017, https://doi.org/10.58079/z1e

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