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Traditions théoriques et nouvelles technologies

Theoretical traditions and new technologies

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Publié le mardi 02 janvier 2018

Résumé

Dans quels cadres théoriques penser les nouvelles technologies ? Nous proposons de discuter la pertinence renouvelée ou les limites des différentes traditions théoriques mobilisées aujourd'hui pour penser l'effet du développement des technologies de l'information et de la communication.

Annonce

Colloque international – Université Paris-Nanterre – 20-21 juin 2018

Argumentaire

Le développement des technologies de l'information et de la communication, depuis la naissance de la cybernétique jusqu'à la régulation algorithmique des rapports sociaux, a rendu possible le traitement presque instantané de quantités d'information colossales, et affranchi leur transmission des pesanteurs de l'espace. L'émergence de réseaux sociaux à l'échelle mondiale ou de vastes communautés d'échange de pairs-à-pairs, le profilage et la surveillance de masse des populations, la coordination numérique à grande distance des échanges marchands - et financiers - et du travail, tous ces phénomènes marquants n'ont pas manqué d'interroger les catégories par lesquelles sont pensés la technique, l'expérience qu'on en a et les rapports sociaux qu'elle médiatise.

 Ainsi par exemple, la phénoménologie a récemment été le cadre d'élaboration d'outils philosophiques adaptés à l'appréhension de l'expérience perceptive ou des interactions constituées par les médiations techniques contemporaines (Don Ihde, 1990 ; Albert Borgmann, 1988 ; Peter-Paul Verbeek, 2005). La pensée de Marx, quant à elle, a constitué le socle d'une théorie de la subsomption renouvelée des interactions sociales dans la sphère du travail, d'une part via la tradition marxiste  de la sociologie mais aussi des sciences de l'information et de la communication anglosaxones, avec le concept de digital labour (Christian Fuchs, 2014 ; Antonio Casilli et Dominique Cardon, 2015 ; Ursula Huws, 2014), parfois enrichi des apports du féminisme matérialiste (Kylie Jarrett, 2016), d'autre part via le post-opéraïsme franco-italien, avec la théorie du capitalisme cognitif et de l'exploitation du travail immatériel (Antonio Negri & Michael Hardt, 2000 ; Yann Moulier-Boutang, 2007 ; Carlo Vercellone, 2014). Suivant une voie différente, ce sont tantôt les intuitions théoriques de la première génération de l'Ecole de Francfort (Lukacs, Adorno et Marcuse en particulier) qui ont été ressaisies dans une nouvelle dialectique de la réification et de la libération technologiques (Andrew Feenberg, 2002), tantôt les théories de l'espace public (Jürgen Habermas, 2012 ; Robin Celikates, 2015) ou de la reconnaissance (Olivier Voirol, 2010) qui ont été mobilisées pour appréhender les transformations structurelles à l'oeuvre. Enfin, la pensée foucaldienne du sujet et du pouvoir a nourri une bonne part des travaux sociologiques relatifs aux dispositifs de surveillance (David Lyon, 2006) ainsi que le récent programme de recherche sur la gouvernementalité algorithmique (Antoinette Rouvroy et Thomas Berns, 2013).

 Il ne s’agit plus simplement d’opposer la thèse du progrès technologique à celle de l’aliénation unilatérale, mais de se donner des cadres conceptuels pour saisir des réalités complexes et plurielles. Toutes ces entreprises théoriques ont pour ambition de rendre intelligibles une constellation de phénomènes apparentés (réseaux, échanges symboliques et économiques, travail et surveillance numériques) mais dont la compréhension systématique pose problème. C'est la constitution de l'objet même de la recherche, et de la totalité dans laquelle il s'inscrit, qui dépend des choix théoriques opérés en amont. Cette rencontre visera moins à présenter de nouveaux résultats empiriques qu’à travailler les concepts que la recherche empirique a rendu problématiques. Nous nous proposons ainsi de discuter la pertinence et les limites de la réélaboration de ces différentes traditions, de leur complémentarité ou de leur antagonisme, et d'essayer, à partir de là, de dégager des outils qui nous permettent de comprendre et d'intervenir dans l'évolution technique des sociétés contemporaines.

 1) Sujet

En suivant un premier axe, on pourra interroger la constitution des sujets dans les sociétés numériques, et ce selon plusieurs perspectives. Tout d’abord, les médiations numériques, omniprésentes et pas toujours visibles, représentent autant de potentiels dispositifs de pouvoir, orientant, canalisant ou limitant l’activité, ou de dispositifs de surveillance, mesurant et comparant les préférences et les conduites individuelles jusque dans l’intimité. Que devient le sujet, dès lors qu’il est pris dans des réseaux de pouvoir et de surveillance d’une étendue et d’une finesse inédite ? Ensuite, comment se caractérise le rapport du sujet à lui-même, au monde et aux autres, comment en fait-il l’expérience, dans un contexte où tout ceci lui apparaît de plus en plus à travers des dispositifs techniques ? Y a-t-il lieu de voir là des formes nouvelles d’aliénation, de perte de soi, ou des occasions de subjectivation inédites ?

 2) Travail

Un deuxième axe, incontournable, est celui du travail et des rapports de production. Des formes de travail d’une nature radicalement nouvelle ont-elles émergé avec les technologies de l’information ? Faut-il reconnaître l’existence d’un digital labour indistinct du loisir, travail du consommateur, immatériel, relationnel, affectif, directement productif ou indirectement reproductif, suscité et exploité par les réseaux sociaux numériques ? Comment comprendre par ailleurs la socialisation du travail par les plateformes – travail désormais coordonné, distribué et surveillé à distance –, qui a permis aussi bien l’exploitation brutale des travailleurs les plus précaires via Uber ou Amazon Mechanical Turk, que l’organisation démocratique du travail de programmation dans le cas de certains logiciels libres ? Plus généralement, quelle signification donner à l’avancée de l’automatisation portée par l’informatique ?

 3) Institutions, propriété, communs

Enfin, on envisagera les aspects juridico-institutionnels du changement technique. D’une part, la possibilité nouvelle de copier et faire circuler les contenus et les œuvres informationnels presque sans limite tend à redéfinir les formes de propriété. Doit-on alors parler de nouvelles enclosures, étant donné le rôle crucial des brevets pour le capitalisme contemporain, voire même d’un mode d’accumulation spécifique ? Quelle portée attribuer aux communs de la connaissance, et en particulier au logiciel libre ? D’autre part, l’accroissement exponentiel du flux d’information et la généralisation de la communication décentralisée représentent-ils une nouvelle transformation structurelle de l’espace public, ou bien au contraire sa liquidation dans les rapports marchands ou sa réduction à un voile idéologique jeté sur les formes de pouvoir et d’exploitation évoquées plus haut ?

Nous attendons des contributions avant tout théoriques – sans exclure des appuis empiriques, au contraire – qui cherchent à produire, avec ou contre ces traditions de pensée, les outils les plus aptes à répondre à ces questions. Toute proposition faite dans cet esprit, mais qui ne se retrouverait pas dans les différents thèmes suggérés, reste évidemment la bienvenue.

La langue de travail sera l’anglais. Nous vous demandons de communiquer en anglais, ou au minimum de présenter des diapositives en anglais, pour permettre à l’ensemble du public de participer. Nous assurerons la traduction des questions/réponses si besoin.

Chercheurs et chercheuses invité-e-s

  • Antonio Casilli (sociologue, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales),
  • Andrew Feenberg (philosophe, Simon Fraser University),
  • Ursula Huws (sociologue, University of Hertfordshire),
  • Kylie Jarrett (media studies, Maynooth University),
  • Antoinette Rouvroy (juriste, Université de Namur).

Soumettre une proposition

Merci de nous envoyer, joint à votre mail, un résumé anonymisé de 300 mots (maximum),

avant le 4 mars,

à l’adresse suivante : ict.theory.conference@gmail.com.

Merci d’indiquer si votre institution sera en mesure de vous défrayer ; pour celles et ceux qui n’ont pas de soutien financier, nous pourrons participer à couvrir le coût de votre venue.

Le programme et les informations pratiques seront postées sur https://icttheoryconference.wordpress.com.

Comité de sélection

  • Haud Guéguen,
  • Thomas Heller,
  • Camille Imhoff,
  • Maxime Mécréant,
  • Marc-Antoine Pencolé,
  • Hao Wang.

Equipe d'organisation

  • Imhoff Camille (CNAM - Université Paris-Nanterre),
  • Mécréant Maxime (Université Paris-Nanterre),
  • Pencolé Marc-Antoine (Université Paris-Nanterre),
  • Wang Hao (Universiteit van Amsterdam).

Bibliographie

  • Borgmann Albert, Technology and the character of contemporary life: a philosophical inquiry, Paperback ed., 3. pr, Chicago, Univ. of Chicago Pr, 1988.
  • Cardon Dominique et Antonio Casilli, Qu’est-ce que le Digital Labor ?, INA, Bry-sur-Marne, coll. « coll. « Etudes et controverses » », 2015.
  • Celikates Robin, « Digital Publics, Digital Contestation: A New Structural Transformation of the Public Sphere? », dans R. Celikates, R. Kreide et T. Wesche (éd.), Transformations of democracy: crisis, protest and legitimation, London, Rowman & Littlefield International, Ltd, 2015.
  • Feenberg Andrew, Transforming technology: a critical theory revisited, New York, N.Y, Oxford University Press, 2002.
  • Habermas Jürgen, Isabelle Aubert et Katia Genel, « La démocratie a-t-elle encore une dimension épistémique ?: Recherche empirique et théorie normative (1) », Participations, vol. 4, n° 3, 2012, p. 209.
  • Hardt Michael et Antonio Negri, Empire, D.-A. Canal (trad.), Exils, Paris, 2000.
  • Ihde Don, Technology and the lifeworld: from garden to earth, Bloomington, Indiana University Press, coll. « The Indiana series in the philosophy of technology », 1990.
  • Jarrett Kylie, Feminism, labour and digital media: the digital housewife, 1 Edition, New York, NY, Routledge, Taylor & Francis, coll. « Routledge studies in new media and cyberculture ; 33 », 2016.
  • Fuchs Christian, Digital Labour and Karl Marx, Routledge, New York, 2014.
  • Huws Ursula, Labor in the global digital economy: the cybertariat comes of age, New York, Monthly Review Press, 2014.
  • Lyon David (éd.), Theorizing surveillance: the panopticon and beyond, Cullompton, Devon, Willan Publishing, 2006.
  • Moulier Boutang Yann, Le capitalisme cognitif: la nouvelle grande transformation, Paris, Éditions Amsterdam, coll. « Multitudes-idées », 2007.
  • Rouvroy Antoinette et Thomas Berns, « Gouvernementalité algorithmique et perspectives d’émancipation », Réseaux, n° 177, 1er avril 2013, p. 163-196.
  • Verbeek Peter-Paul, What things do: philosophical reflections on technology, agency, and design, R.P. Crease (trad.), University Park, Pa, Pennsylvania State Univ. Press, 2005.
  • Vercellone Carlo, « From the Mass-Worker To Cognitive Labour : Historical and Theoretical Considerations », dans M. van der Linden et K.H. Roth (éd.), Beyond Marx: theorising the global labour relations of the twenty-first century, Leiden, Brill, coll. « Historical materialism book series », n° 56, 2014.
  • Voirol Olivier, « Digitales Seblst: Annerkennung und Entfremdung », Westend: Neue Zeitschrift für Sozialforschung, vol. 7, n°2, 2010, p. 106-120.

Lieux

  • Nanterre, France (92)

Dates

  • dimanche 04 mars 2018

Mots-clés

  • TIC, philosophie de la technique, digital labour, digital social reproduction, gouvernementalité algorithmique, post-phénoménologie

Contacts

  • Marc-Antoine Pencolé
    courriel : marc-antoine [dot] pencole [at] outlook [dot] fr
  • Camille Imhoff
    courriel : cimhoff95 [at] gmail [dot] com
  • Maxime Mécréant
    courriel : mecreant [dot] maxime [at] gmail [dot] com
  • Hao Wang
    courriel : damon [dot] z [dot] wang [at] gmail [dot] com

URLS de référence

Source de l'information

  • Marc-Antoine Pencolé
    courriel : marc-antoine [dot] pencole [at] outlook [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Traditions théoriques et nouvelles technologies », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 02 janvier 2018, https://doi.org/10.58079/z5y

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