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Les « big data » au travail

Big Data at work - data professions, professional expertise and growth

Les métiers de la donnée entre expertises professionnelles et effets de croyance

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Publicado el lunes 15 de enero de 2018

Resumen

Ce dossier de la revue Politiques de communication se propose de sonder les activités numériques à la fois sous l’angle de la production exponentielle de données et de leurs usages par des « spécialistes » et, simultanément, sous celui des effets de croyance qui en résultent. Qui sont ces travailleurs (et promoteurs) de la donnée (data-analysts, community manager, etc.) ? Est-ce d’anciens agents rapidement reconvertis pour tirer profit des potentialités du numérique ou voit-on apparaître de nouveaux métiers ? Des hiérarchies professionnelles émergent-elles ? Une division du travail auteur de la professionnalisation du traitement de la donnée se dessine-t-elle ? Assiste-t-on à l’émergence d’un groupe professionnel ou de petits groupes segmentés, mobilisés autour d’enjeux économiques induits par le développement du numérique ?

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Argumentaire

« Les algorithmes sont la proie de tous les fantasmes ». Comme l’a souligné I. Falque-Pierrotin, la présidente de la CNIL en ouvrant en 2017 la consulation sur les enjeux éthiques des big data et de l’intelligence artificielle, « d’un côté, il y a la fascination technologique pour ces objets. D’un autre, il y aussi une peur irraisonnée[1] ». Le développement du numérique s’accompagne aujourd’hui de nombreuses promesses en termes d’exploitations et d’usages des données pour produire des savoirs précis (Harcourt, 2014) ou pour mieux vendre un produit, voire pour remporter une élection (Siegel, 2013 ; Silver, 2012). Grâce au pouvoir des algorithmes opérationnels, il serait possible de prédire le succès d’un film, personnaliser la relation client, rendre le marketing prédictif, cartographier les mobilités, modéliser des politiques publiques alternatives, visualiser la diffusion d’une information sur le web ou encore mesurer les sentiments sur le réseau (Bastard, Cardon, Fouetillou, Prieur et Raux, 2013). Ces nouvelles technologies suscitent également de nombreux débats de société aussi bien éthiques qu’économiques qui remettent en cause cette idée même de promesses technologiques, (Cardon, 2013), de l’élection controversée de D. Trump et du développement des fake news au rôle joué par le programme APB (Admission pos bac).

Pour dépasser cette tension, ce dossier de la revue Politiques de communication se propose de sonder les activités numériques à la fois sous l’angle de la production exponentielle de données et de leurs usages par des « spécialistes » et, simultanément, sous celui des effets de croyance qui en résultent. Qui sont ces travailleurs (et promoteurs) de la donnée (data-analysts, community manager, etc.) ? Est-ce d’anciens agents rapidement reconvertis pour tirer profit des potentialités du numérique ou voit-on apparaître de nouveaux métiers ? Des hiérarchies professionnelles émergent-elles ? Une division du travail auteur de la professionnalisation du traitement de la donnée se dessine-t-elle ? Assiste-t-on à l’émergence d’un groupe professionnel ou de petits groupes segmentés, mobilisés autour d’enjeux économiques induits par le développement du numérique ? Existe-il alors des effets de représentation similaires à la définition de la « classe créative » développée par Richard Florida ? Est-ce que la production et/ou manipulation des big data permet de conduire à des identifications réciproques liées aux structures actuelles des marchés du travail au niveau des secteurs d’activité, des branches ou encore des organisations ? Comment circulent les savoir-faire et les compétences requises pour exercer ces métiers ? Comment l’offre de formation affichée par certaines écoles de commerce ou d’ingénieurs renforce-t-elle la croyance en l’existence de domaines d’activités bien balisés ? Comment les acteurs définissent-ils eux-mêmes leur domaine d’intervention et font-ils la promotion de leur professionnalisme ?

Le premier axe est centré sur le travail des données, leur production, leurs usages, ses spécificités et les stratégies qui le sous-tendent. Il se propose d’étudier les modalités de constitution du ou des groupe(s) professionnel(s) des travailleurs de la donnée et d’analyser les effets de ces recompositions professionnelles sur le travail des différentes catégories d’acteurs évoluant dans le monde de la communication. L’accent sera mis dans le deuxième axe sur la légitimation de ce groupe professionnel et sur l’efficacité de ces outils, constitutive de la reconnaissance de l’expertise. Il s’agira notamment d’analyser l’ambivalence de ces promoteurs de croyance, portés à faire miroiter la toute-puissance de leur production de données pour mieux faire valoir leurs offres de service au risque de susciter peurs et réticences.

Axe 1 – Travail des big data et métiers de la donnée

Ce projet de numéro entend interroger la professionnalisation des travailleurs de la donnée en tant que « processus d’émergence, de différenciation et d’autonomie d’activités professionnelles » (Demazière et al., 2009 : 85) et saisir les ressorts de la construction d’un éventuel « nouveau » groupe professionnel, c’est-à-dire « des ensembles de travailleurs exerçant une activité ayant le même nom, et par conséquent dotés d’une visibilité sociale, bénéficiant d’une identification et d’une reconnaissance, occupant une place différenciée dans la division sociale du travail, et caractérisés par une légitimité symbolique. » (Demazière, Gadéa, 2009, p. 20). Est-on face à la formation d’un groupe ou plutôt à la convergence d’acteurs sur une diversité d’objet n’ayant comme seul dénominateur commun, le traitement des données ? Il s’agit alors de questionner les contours formés par ces ensembles parfois distintcs, nommés ici « travailleurs de la donnée ».

 L’ambition est aussi de rendre compte de la fabrique des bases de données qualifiées et de leurs usages. Peut-on réellement extraire du sens de la prolifération des traces du web ? Comment sont construits les algorithmes prédictifs ? Quels sont les savoirs mobilisés ? Quelles sont les stratégies marchandes rendant relativement opérationnelles l’exploitation de ces données ? Nous souhaitons questionner le travail effectué sur les données, en portant le regard sur les modalités de construction de bases et les opérations d’interprétations en prenant en compte la position des acteurs : qui produit et qui interprète les données ? Quelles sont les propriétés et les positions sociales de ces agents ?

Nous souhaitons enfin questionner les enjeux de la circulation et de la transposition de ces normes professionnelles entre différents espaces économiques et entre différents pays. Dans ce cadre, les travaux proposant une approche comparative ou un regard sur l’usage des data outre-Atlantique seront bienvenus.

Axe 2 –Big data et effets de croyance

Nous souhaitons également comprendre comment l'institutionnalisation progressive de l’usage des données s’est imposé et comment des « croyances » ont été mobilisées et diffusées par les professionnels des data, par leurs employeurs et leurs commanditaires ou encore par ceux qui font commerce de ces données et des outils socio-techniques permettant de les mobiliser. Quels sont les ressorts imaginaires des discours « socio-techniques » visant leur promotion comme leur dénonciation ? Peut-on parler d’une croyance partagée par ces différents groupes professionnels ou d’une mise à distance en interne ? Dans cette optique, on peut s’appuyer notamment sur les travaux de P. Veyne (1992) et aux prolongements proposés par P. Bezès (2000) : l’usage des bases de données peut-il être questionné en termes de « mythes » ? A l’image des controverses générées par le développement des sondages, les big data peuvent-ils être analysés comme une nouvelle forme de « martingale prédictive » ?

Nous souhaitons également interroger les débats récents qui ont suivi la remise en cause de l’efficacité des algorithmes, aux Etats-Unis suite à la victoire de D. Trump[2] et en France suite à la primaire de la droite et du centre de 2016 où le succès promis d’A. Juppé n’a pas été au rendez-vous, malgré le recours important à la plateforme de collecte de données NationBuilder[3] par l’équipe du candidat (Theviot, 2016). Quelle a été la portée de ces « polémiques » au sein de la profession des travailleurs de la donnée ? Est-ce que ces débats sont restés circonscrits au seul cercle partisan et politique ou ont eu un écho pour l’ensemble de la profession des travailleurs de la donnée ? Est-ce l’on retrouve les mêmes logiques dans le champ politique que dans celui du marketing ? Les travaux proposant des approches comparatives pourront éclairer ces questionnements.

Dans la plupart des pays européens, la protection des données individuelles est bien plus importante qu’aux Etats-Unis, même si celle-ci s’avère sur de nombreux points obsolète par rapport aux possibilités techniques actuelles (Bensamoun, Zolynski, 2015). Les enjeux financiers qui entourent désormais les données interrogent sur les enjeux éthiques de leur marchandisation. La réflexion s’étend au respect général des libertés individuelles, de l’intimité de la vie privée et plus largement du secret de l’individu[4].

Ce numéro invite à une approche interdisciplinaire. Les travaux relevant des sciences de l’information et de la communication, des sciences de gestion, de la sociologie des professions, de la science politique, de l’anthropologie ou encore de l’informatique et/ou proposant une approche croisant ces disciplines sont bienvenus.

Modalités de soumission

Les articles sont à adresser

au plus tard le 1er septembre 2018

aux deux adresses suivantes :

  • - politiquesdecom.revue@uvsq.fr
  • - atheviot@uco.fr
  • - eric.treille@laposte.net

Pour tout renseignement pratique, les futurs contributeurs peuvent se reporter au site de la revue ou contacter directement Anaïs Theviot et Eric Treille.

Comité de rédaction et conseils

Comité de rédaction

Olivier Baisnée (IEP de Toulouse), Ludivine Balland (U. de Nantes), Clémentine Berjaud (U. Paris 1), Julie Bouchard (U. Paris 13), Isabelle Charpentier (U. de Picardie), Ivan Chupin (UVSQ), Jean-Baptiste Comby (U. Paris 2), Pascal Dauvin (UVSQ), Benjamin Ferron (U. Paris Est), Nicolas Hubé (U. Paris 1), Nicolas Kaciaf (IEP de Lille), Pierre Leroux (UCO), Philippe Le Guern (U. de Nantes), Sandrine Lévêque (U. Lyon 2), Clément Mabi (U.T. de Compiègne), Jérémie Nollet (IEP de Toulouse), Aurélie Olivesi (U. Lyon 1), Julie Sedel (U. de Strasbourg), Anaïs Théviot (UCO), Sandra Vera Zambrano (U. Iberoamericana - Mexico).

Conseil scientifique

Loïc Blondiaux (U. Paris 1), Eric Darras (IEP de Toulouse), Charles Gadéa (U. de Nanterre), Didier Georgakakis (U. Paris 1), Fabien Granjon (U. Paris 8), Jean-Paul Gehin (U. de Poitiers), Pascal Lardellier (U. de Bourgogne), Chistian Le Bart (IEP de Rennes), Jean-Baptiste Legavre (U. Paris 2), Brigitte Le Grignou (U. Paris Dauphine), Gérard Mauger (CESSP-CSE CNRS), Erik Neveu (IEP de Rennes), Caroline Ollivier-Yaniv (U. Paris Est), Yves Poirmeur (UVSQ), Rémy Rieffel (U. Paris 2), Jean-Claude Soulages (U. Lyon 2).

Conseil éditorial international

Patrick Amey (U. de Genève), Stefanie Averbeck-Lietz (U. de Brême), Rodney Benson (U. de New York), Marcel J. Broersma (U. de Groningue), Aeron Davis (Goldsmiths College - Londres), Oliver Fahle (U. de la Ruhr, Bochum), Andreas Fickers (U. du Luxembourg), Fiorenza Gamba (U. de Sassari), Eric Georges (U. du Québec - Montréal), Oliver Hahn (U. de Passau – Bavière), François Heinderyckx (U. libre de Bruxelles), Sylvain Lefèvre (U. du Québec - Montréal), Nadine Machikou Ndzesop (U. Yaoundé II), Victor Manuel Marí Sáez (U. de Cadix), Liz Moor (Goldsmiths College - Londres), David Morley (Goldsmiths College - Londres), Spiros Moschonas (U. d’Athènes), Valentina Pricopie (U. Valahia de Târgoviste), Veneza Mayora Ronsini (U. of Santa Maria - Brésil), Klaus Schonbach (U. de Vienne), Roland Schroeder (U. d’Iserlohn - Rhénanie-du-Nord-Westphalie), Rui Torres (U. Fernando Pessoa - Porto), Jean Zaganiaris (EGE - Rabat).

Références citées

Bastard I., Cardon D., Fouetillou G., Prieur C. et Raux S., « Travail et travailleurs de la donnée », InternetActu.net, 13 décembre 2013, http://www.internetactu.net/2013/12/13/travail-et-travailleurs-de-la-donnee/#note04

Beer D., « How should we do the history of Big Data? », Big Data & Society, 3, 1, 2016.

Bensamoun A. et Zolynski C., « Cloud computing et big data. Quel encadrement pour ces nouveaux usages des données personnelles ? », Réseaux, 1, 189, 2015, p. 103-121.

Bezès P., « Les hauts fonctionnaires croient-ils à leurs mythes ? L’apport des approches cognitives à l'analyse des engagements dans les politiques de réforme de l'État. Quelques exemples français (1988-1997) », Revue française de science politique, 50, 2, 2000, p. 307-332. 

Cardon D., « Politique des algorithmes. Les métriques du web », Réseaux, 2013/1, n°177, 2013.

Demazière D. et Gadéa C.(dir.), Sociologie des groupes professionnels. Acquis récents, nouveaux défis, Paris, La Découverte, 2009.

Demazière D. et Le Lidec P., « La politique, un objet pour la sociologie du travail. », Sociologie du Travail, 50, 2, 2008, p.137-146.

Harcourt B., « Governing, Exchanging, Securing: Big Data and the Production of Digital Knowledge », Columbia Public Law Research Paper n°14‑390, 2014. http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=2443515

Michael M. et Lupton, D., « Toward a manifesto for the ‘public understanding of big data’ », Public Understanding of Science, 25, 1, 2016.

Siegel E., Predictive Analytics: The power to predict who will click, buy, lie or die, Hoboken, John Wiley & Sons, 2013.

Silver N., The signal and the noise. Why so many predictions fail – but some don’t, New York, The Penguin Press, 2012.

Theviot A., « Les primaires : terrain d’expérimentation de l’innovation politique ? Le cas de la campagne d’A. Juppé en 2016 : une mobilisation « scientifique » orchestrée par les data », in Lefebvre R. et Treille E. (dir.), Les primaires ouvertes en France, PUR, 2016, p.213-238.

Veyne P., Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ? Essai sur l'imagination constituante, Paris, Le Seuil, 1992 (1re éd. : 1983).

Notes

[1] Le Monde, 24 janvier 2017.

[2] « L’élection de Trump et l’échec du big data électoral », Le Monde, 16 novembre 2016.

[3] Fondé en 2009 à Los Angeles par J. Gilliam, NationBuilder se décrit comme un « système d’exploitation de communauté ». Utilisé lors de la campagne de B. Obama en 2012, il a été employé aussi bien par le Labor Party australien que par Amnesty International, AirBnb ou Handicap International.

[4] Voir par exemple, au Royaume-Uni, le Data Protection Act de 1984 et la loi de 1978 sur l’informatique et les libertés en France.


Fecha(s)

  • sábado 01 de septiembre de 2018

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Palabras claves

  • big data, professionnalisation, expertise, algorithme, communication politique

Contactos

  • Anais Theviot
    courriel : atheviot [at] uco [dot] fr

Fuente de la información

  • Anais Theviot
    courriel : atheviot [at] uco [dot] fr

Licencia

CC0-1.0 Este anuncio está sujeto a la licencia Creative Commons CC0 1.0 Universal.

Para citar este anuncio

« Les « big data » au travail », Convocatoria de ponencias, Calenda, Publicado el lunes 15 de enero de 2018, https://doi.org/10.58079/z9w

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