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Le corps sensoriel au sein des loisirs et divertissements

The sensorial body in leisure and entertainment

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Publié le mercredi 14 février 2018

Résumé

Pluridisciplinaire et internationale, cette rencontre, qui aura lieu les 22 et 23 février 2018, se veut l’occasion de porter une réflexion sur l’histoire des sensibilités comme axe de recherche au sein de l’histoire culturelle des loisirs et des divertissements au 18e siècle, amenant ainsi diverses disciplines des sciences humaines à se croiser et à s’imbriquer: histoire de l’art, littérature, philosophie, anthropologie, histoire, architecture, danse, théâtre.

Annonce

Argumentaire

Perpétuellement sollicités par l’environnement avec lequel ils entrent en relation, les sens réagissent aux stimuli et provoquent des sensations, des émotions, des sentiments de plaisirs ou de déplaisirs chez tout un chacun (Vigarello 2014; RMN 2002; Bernet 2001; Kant 2000; Freud 2010 [1920]). Ainsi, l’histoire des sens qui s’inscrit au sein de celle des sensibilités permet de définir ces nouvelles perceptions qui s’épanouissent au Siècle des Lumières (Corbin 1990, 1982). L’histoire du goût, de l’odorat, du toucher, de l’ouïe et de la vue peut sembler difficile à saisir et à cerner (Beck 2013; Roubin 1989; Serres 1985), toutefois il demeure possible de brosser un portrait du corps sensoriel au 18e siècle par l’entremise des témoignages dont les archives regorgent (Bouffard 2013; Vigarello 2014; Corbin 2005).

La première modernité catalyse la genèse des pratiques culturelles liées aux loisirs et aux divertissements: théâtres, musées, expositions temporaires, promenades, cafés, foires, danses, jardins (Turcot 2016). Ces activités placent l’individu dans un cadre spécifique, au cœur d’une action qui excite chacun des sens, et ce, à divers degrés. On ne saurait appréhender le corps sensoriel de manière unidirectionnelle, ainsi plusieurs éléments jouent un rôle essentiel dans l’appréhension de ce dernier: pensons au promoteur, au participant ou au public, à l’activité elle-même, à l’espace où se déroule cette activité et, bien entendu, aux cinq sens, chacun étant à mettre en relation avec les autres. Le promoteur, celui qui organise l’activité, semble chercher à repousser le participant ou le spectateur dans ses retranchements les plus singuliers et intimes pour provoquer un ensemble de sensations, de sentiments. Le fait-il consciemment? Quelles sont ses intentions? De quelle manière s’y prend-il? Le participant ou le public, quant à lui, appréhende-t-il les effets, les émotions qui germeront tout au long de l’activité? De quelle manière négocie-t-il avec eux? Quelles sont ses réactions? À quel degré l’activité ou l’espace interviennent-ils dans l’expérience sensorielle? Quelles sont les règles du jeu? Sont-elles prédéterminées? Les sens, (re)liés aux organes de la perception, se définissent et réagissent au contact du lieu ou des autres individus. Lesquels sont les plus sollicités, et pourquoi? L’allocution de la plénière qui sera prononcée par David Howes (Concordia) posera les jalons d’une histoire des sensibilités et cernera la question de la vie des sens dans la société de cette période (Howes 2006, 1991, 1990; Classen 1994; Corbin 1990; Mandrou 1959).

Pluridisciplinaire et internationale, cette rencontre, qui aura lieu les 22 et 23 février 2018, se veut l’occasion de porter une réflexion sur l’histoire des sensibilités comme axe de recherche au sein de l’histoire culturelle des loisirs et des divertissements au 18e siècle, amenant ainsi diverses disciplines des sciences humaines à se croiser et à s’imbriquer: histoire de l’art, littérature, philosophie, anthropologie, histoire, architecture, danse, théâtre.

Programme

Jeudi le 22 février

Local 3806-S

9h : Accueil des participants

9h30: Ouverture du colloque /  Mot de bienvenue

Séance I : Le Salon et la critique d’art (Présidence : Marc-André Bernier)

10h00

  • Dorit Kluge, Hochschule für Wirtschaft, Technik und Kultur, Berlin « ... dont le seul aspect échauffe les regards » – Perception et transposition sensuelles dans la critique d’art.

Dans cette communication, Dorit Kluge abordera plus précisément l’expérience sensorielle des auteurs des critiques d’art. Elle s’arrêtera sur la présence et la formulation de l’expression des sentiments et de la sensualité dans la critique d’art. Elle s’interrogera d’abord sur la prédisposition sensuelle des critiques, les processus de perception lors des visites du Salon, exposition temporaire au 18e siècle, puis elle abordera la maîtrise des sens et de la communication/reproduction des impressions sensorielles lors de la rédaction des écrits.

10h40 

  • Gaëtane Maës, Université de Lille - SHS. Le spectacle de l’art au 18e siècle : 
loisir pour amateur ou exercice pour professionnel ?

La communication de Gaëtane Maës proposera une réflexion sur la vue qui, depuis Léonard de Vinci, était considérée comme le sens des privilégiés pour la délectation des œuvres d’art. Les débats du XVIIIe siècle ont pris un relief particulier avec la mise en place régulière d’expositions d’art ouvertes à un public élargi, rendant l’expérience directe de l’art possible pour de nouvelles franges de la société. Alors que certains, comme Diderot, estimaient que l’art était fait pour susciter l’émotion, d’autres, comme Dezallier d’Argenville, considéraient qu’il devait conduire à la connaissance. Chaque communauté de spectateurs, qu’elle soit ancienne ou nouvelle, s’est vue contrainte de définir sa conception du regard et ses priorités afin de se définir en expert compétent de l’art.

11h20 

  • Isabelle Pichet, Université du Québec à Trois-Rivières. Le Plaisir des sens au Salon de 1759

La visite du Salon de l’Académie royale de peinture et de sculpture s’intègre petit à petit tout au long du 18e siècle dans les habitudes et les loisirs des Parisiens. L’exposition des oeuvres des académiciens où vient s’entasser le peuple pour voir, se faire voir et savoir est, contrairement au Salon littéraire, le théâtre du plaisir des sens. L’ensemble des sens est appelé ou interpellé de manière variée et complexe à tout moment lors de la visite. De plus, le discours expographique proposé par le tapissier devient prescriptif pour la bonne réception de l’exposition, où s’entremêle la volonté de se divertir à celle de s’éduquer. À partir des écrits critiques produits au temps du Salon, cette communication s’intéressera tout particulièrement à comprendre comment s’établit, s’incarne et fonctionne le plaisir de chacun des sens au contact des oeuvres, du discours expographique et des autres visiteurs au Salon de 1759.

12h00 Dîner

Séance II : Spectateur et Théâtre(Présidence : Hervé Guay)

14h 

  • Edith Lalonger, Chorégraphe et chercheuse indépendante

Jean-Philippe Rameau, maître de nos sens.

Dans cette présentation Édith Lalonger se penchera sur l’omniprésence des sens dans l’œuvre de Jean- Philippe Rameau. En effet, Rameau et ses librettistes réussissent à mettre en relief cet appel aux sens : soit pour mettre en scène la naissance de la conscience, comme c’est le cas dans l’acte de ballet Pygmalion ; soit pour attirer l’attention du spectateur, comme dans les Fêtes de Polymnie ; soit, comme dans Zaïs, pour donner une perspective, un espace hors de la vue. Elle tentera de démontrer de quelle manière ces œuvres nous font écouter, regarder, prendre conscience de nos sens, et comprendre, voir et entendre autrement. Elle soulignera le lien insécable qui existe entre la musique, le texte et la danse dans chaque oeuvre.

14h40

  • Paola Ranzini, Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse. Le théâtre « sensoriel » au XVIIIe siècle

Dans cette communication, Paola Ranzini s’arrêtera pour démontrer que si tous les sens jouent un rôle important sur les planches et dans la réception des spectateurs, le théâtre sensoriel doit se construire autour de l’exaltation du rôle des sens dans la performance. Ainsi, les caractéristiques de chacun des éléments du théâtre doivent correspondre à la séparation idéale des cinq sens dans le corps sensoriel du spectateur. Suivant les théories de Dubos à Diderot pour qui un théâtre doit être émotionnel, doit être sensoriel, Paola Ranzini se propose d’étudier la présence et le rôle des sens dans les productions de ces théâtres (Théâtre italien de Paris, Théâtres de la Foire) en mettant au centre la pratique du corps sensoriel.

15h20

  • Louise Pelletier, UQAM. L’analogie de l’architecture avec nos sensations

La présentation de Louise Pelletier s’intéressera à la théorie que développe Le Camus de Mézières (1780), sur l'expression architecturale, qui suppose que toutes les formes, les couleurs, la lumière et les textures utilisées dans la conception d'un bâtiment agissent sur les sens pour induire « certaines sensations prévisibles chez l'observateur ». Le Camus emprunte au théâtre un mode d'expression où la complexité des décors et des effets d'éclairage qui transmettent un large éventail d'émotions chez le spectateur, afin que l'architecture ne soit plus limitée à un langage codifié pouvant être lu sans ambiguïté. Dans cette communication, elle explorera l’influence du théâtre comme mode d’expression pouvant créer de fortes émotions en architecture, et sa source dans la philosophie sensualiste de John Locke et Étienne Bonnot de Condillac au XVIIIe siècle.

16h30 : Visite

Exposition Perte de signal à la Galerie R3 de l’Université du Québec à Trois-Rivières.

Vendredi le 23 février

Local 3806-S

Séance III : Danse, fêtes et Jardins  (Présidence : Laurent Turcot)

9h00

  • Pauline Valade, CEMMC – Bordeaux Montaigne

Les corps de la joie publique ou les vertiges sensoriels au service du régime monarchique

Véritables « promoteurs » de plaisirs sensoriels, le gouvernement royal et la Ville de Paris concevaient ses sujets comme des individus dotés d’une forte capacité à ressentir la gloire de l’événement fêté. La beauté du coup d’œil, toujours souhaitée mais parfois critiquée, l’interminable tocsin souvent jugé étourdissant, l’ivresse fantasmée des fontaines de vin et le goût froid de la viande jetée aux visages, les nombreuses sensations de toucher inhérentes à la foule pressée autour du feu d’artifice ne sont que quelques-unes des sensations perceptibles dans les témoignages. Cette communication se proposera donc d’analyser ces diverses sensations corporelles dans le cadre des plaisirs et divertissements de la joie publique, mais également d’interroger le prisme politique au travers de l’intérêt stratégique qu’en avait alors le gouvernement.

9h40

  • Morgane Degrijse, Université libre de Bruxelles

La police des loisirs fait sensation. La dimension sensorielle de la règlementation des loisirs dans l'espace public à Bruxelles au XVIIIe siècle.

Dans cette communication, Morgane Degrijse tentera de mettre en évidence les frontières symboliques, physiques et temporelles dessinées par la réglementation des pratiques de loisirs, et ce, à partir du cas bruxellois, particulièrement bien documenté. Elle proposera une lecture sensorielle de la réglementation spécifique aux loisirs extérieurs au cours du long XVIIIe siècle. Elle s’interrogera tout d’abord sur les effets que provoquaient les fêtes et les jeux urbains en plein air sur chacun des sens, puis tentera de discerner si la réglementation des loisirs agissait explicitement ou implicitement sur le corps sensoriel. Enfin, elle se questionnera pour comprendre si cette règlementation diffère en fonction des espaces, des moments ou des types de divertissements afin de déceler de possible variation et modulation dans l’expérience sensorielle des individus qui expérimentaient ces espaces publics et ces activités de loisirs.

10h20

  • Jan Synowiecki, EHESS. Voir, entendre, sentir et toucher le jardin à Paris au XVIIIe siècle

Cette communication permettra de brosser un portrait des jardins parisiens comme espace de loisirs et de divertissements qui mobilisent et stimulent les sens. Plusieurs problématiques seront ainsi abordées, telles que les mauvaises expériences sensorielles (croassement des corbeaux, exhalaisons des latrines, premières pollutions industrielles au Jardin du Roi), ou les normes de perception qu'imposent les activités sociales des jardins face à celles du reste de la ville. De plus, il s'interrogera sur les intérêts des acteurs dans l'organisation du jardin, à instrumentaliser les nuisances sensorielles dans le cadre de conflits, comme ce fut le cas au Jardin du Roi dans les années 1770. Enfin, Jan Synowiecki tentera de souligner la sensibilité accrue de chacun pour ce que doit être le jardin dans un environnement urbain à l’époque.

11h00 Pause

11h15

  • Atelier préparé par Isabelle Pichet, UQTR. La richesse des archives sous-exploitées : le cas du Théâtre de la Gaîté et de Jean-Baptiste Nicolet

Le Fonds Gaîté (Théâtre de la), conservé à la Bibliothèque nationale de France, contient une quarantaine de planches sur lesquelles se retrouve le portrait de plusieurs des acteurs du Théâtre de la Gaîté vêtus de costume de scène. Soulignons que ce Fonds n’a encore jamais été traité ni utilisé dans le corps d’une recherche explicite. Ces portraits, fait au lavis, à l’aquarelle, au fusain ou à la sanguine, racontent une histoire du corps sensoriel des acteurs de ce théâtre; l’atelier cherchera à faire (re)vivre cette histoire de la sensibilité du monde des loisirs et divertissements du 18e siècle.

12h15 Dîner

Séance IV : Le corps (Présidence : Isabelle Pichet)

14h15

  • Claire Sourdin, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Les corps sensoriels et sensuels dans la pastorale galante, entre nature et artifice

La présentation de Claire Sabourin se veut une exploration de la pastorale picturale au XVIIIe siècle, peinture où la nature foisonnante, les amants, le bruissement d’un cours d’eau ou la dégustation de grappes de raisin sont autant d’attributs qui mettent les sens en exergue. Le décor bucolique et la thématique amoureuse, loin des troubles de la civilisation, et l’artifice de la mise en scène et des déguisements des fêtes galantes permettront d'aborder cette question essentielle du sentiment ; ceux des figures présentées dans les oeuvres tout comme ceux du spectateur.  Ce sera donc l’occasion d’étudier la mise en tension d’un imaginaire faussement pérenne à celle de la nature et de la réalité du spectateur.

14h55

  • Nicole Pellegrin, IHMC/CNRS-ENS Paris. Les commodités de la robe de chambre masculine au XVIIIe siècle. Littératures, beaux-arts et objets textiles

L’histoire de la robe de chambre masculine reste à écrire. Dans ses formes, ses usages et ses connivences avec les plaisirs du lit, du farniente et du… travail intellectuel ou artistique. L’apanage des hommes de lettres, des artistes et des milieux aisés vivant « en chambre » une partie de leurs journées, cet objet de parade autant qu’instrument domestique de confort et d’individualisation de soi, jugée peu virile mais liée au plaisir physique, est signe de « mélancolie », en plus de faire, parfois, de celui qui s’en affuble un excentrique voire un sensible. La communication de Nicole Pellegrin s’arrêtera donc pour saisir les diverses caractéristiques de la robe de chambre et en comprendre les valeurs ambigües, à partir d'œuvres visuelles diversement conventionnelles, de textes normatifs et de fictions romanesques ou autobiographiques, comme celles notamment de Marivaux, Diderot ou Rousseau.

15h35 Pause

Plénière

16h00

  • David Howes, Anthropologue et Directeur du Centre of Sensory studies, Concordia. Transformations in the social, intellectual and aesthetic life of the senses during the long eighteenth century

This presentation opens with an account of the "sensory turn" in the humanities and social sciences, which has precipitated an intense focus on the social formation of the senses and historicity of perception, and challenged the monopoly of psychology over the study of the senses and sensation. Thereby, sensory studies involve a cultural approach to the study of the senses and a sensory approach to the study of culture. Taking into account the social and aesthetic life of the senses in the eighteenth century, I will address the following themes: 1) the way early museums (e.g. Ashmolean Museum, est 1683; British Museum, est. 1753) functioned as a sensory gymnasiums; 2) a history of the construction and perception of the environment, with particular reference to the garden as a site for sensory delight and instruction; 3) a case study of the life and work of the great British aesthete William Beckford (1760-1844), author of the novel Vathek and builder of Fonthill Abbey, a veritable temple to the senses. The particular focus of this last section is on an orientally-inspired entertainment Beckford staged at Fonthill Abbey at Christmas 1781

17h00 Mot de la fin

Lieux

  • LOCAL 3806-S
    Trois-Rivières, Canada

Dates

  • jeudi 22 février 2018
  • vendredi 23 février 2018

Fichiers attachés

Mots-clés

  • sens, corps sensoriel, émotions, sentiments, plaisirs, sensibilités, loisirs, divertissements; promoteur, public, Ancien Régime, long 18e siècle, théâtre, exposition, promenade, jeux, foire, jardin, danse, architecture

Contacts

  • Isabelle Pichet
    courriel : rc [dot] hist [dot] multi [at] gmail [dot] com

Source de l'information

  • Isabelle Pichet
    courriel : rc [dot] hist [dot] multi [at] gmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Le corps sensoriel au sein des loisirs et divertissements », Colloque, Calenda, Publié le mercredi 14 février 2018, https://doi.org/10.58079/zlv

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