AccueilDocumenter les « expériences du choc » de la migration

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Documenter les « expériences du choc » de la migration

Documenting the "shock experiences" of migration

Pour une transformation des représentations sociales ?

For a transformation of social representations?

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Publié le jeudi 15 février 2018

Résumé

Ce colloque international clôture le programme de rencontres scientifiques « Représenter l’expérience de la migration ». Après l’étude de ces sources que sont les récits et les images produits par les exilés, la question des représentations a été abordée sous l'angle des discours, des récits et des images qui, depuis un siècle, ont représenté de manière dissensuelle la figure du « réfugié ». Le colloque a pour ambition à la fois d’approfondir et d’étendre les réflexions engagées au cours de ces différentes étapes, en gardant le cap établi à partir de la notion d’expérience. Il se situera du côté de ces personnes en situation de migration qui, le plus souvent exilées et « illégalisées », ont vécu des expériences « où le choc est devenu la norme » (Walter Benjamin).

Annonce

Colloque international, MSHS de Poitiers, Salle des conférences, du 7 au 9 novembre 2018

Argumentaire 

Ce colloque international clôture le programme de rencontres scientifiques « Représenter l’expérience de la migration » inauguré en mars 2016 par une Journée d’étude sur les « Récits d’exilés ». Après l’étude de ces sources que sont les récits des exilé.e.s pour la connaissance des migrations, la question des représentations a été abordée sous deux autres angles : celui des images que les exilé.e.s produisent aussi en nombre afin de documenter leurs parcours migratoires (Journée d’étude, novembre 2016) ; puis celui des discours, des récits et des images qui, depuis un siècle, ont représenté de manière dissensuelle la figure du.de la « réfugié.e » (Journée d’étude, avril 2017). Le colloque a pour ambition à la fois d’approfondir et d’étendre les réflexions engagées au cours de ces différentes étapes, en gardant le cap établi à partir de la notion d’expérience : en ouvrant la parole aux premier.ère.s acteur.rice.s de la migration que sont les personnes migrantes, en l’ouvrant également aux chercheur.euse.s, aux journalistes, aux artistes et aux activistes, il se situera du côté de ces personnes en situation de migration qui, le plus souvent exilées et « illégalisées », ont vécu des expériences « où le choc est devenu la norme » (Walter Benjamin). 

Axe 1 : Analyse et critique des représentations sociales

Il se propose de partir d’une analyse critique des représentations sociales les plus répandues, qui présentent trop souvent le phénomène migratoire comme un mal en soi contre lequel il conviendrait de lutter. On tâchera de situer ces représentations en déterminant d’où elles émanent et comment elles circulent entre les sphères de pouvoir politique et/ou économique, les organismes nationaux et européens dédiés aux questions d’immigration et d’asile, les instances judiciaires, les médias… Les études de cas, en particulier relatives aux représentations institutionnelles, seront les bienvenues ; on pourra poser la question de savoir si les représentations sont le producteur ou au contraire (alternativement ?) le produit des mécaniques institutionnelles, par exemple dans le cadre des procédures d’asile. L’enjeu sera d’analyser la façon dont ces représentations sont construites – et ce, sur différents plans historiques, géographiques, sociologiques, politiques, juridiques, économiques, etc. –, et dont elles sont incorporées dans des pratiques sociales. On se demandera dans quelle mesure elles relèvent de l’idéologie, entendue ici au sens de « falsification, en général concertée, des faits » ; dans quelle mesure aussi elles sont tributaires ou instrumentalisent des émotions. On s’interrogera en outre sur leur efficience historique dans tel ou tel contexte, eu égard non seulement à leur diffusion dans l’espace public mais aussi, conjointement, au rôle qu’elles jouent dans la détermination de politiques de contrôle. On étudiera enfin l’articulation de ces représentations sociales aux savoirs sur les migrations, étant donné que ceux-ci sont produits par de multiples acteurs et qu’ils sont convoqués par certains pour justifier de telles politiques sécuritaires. 

Axe 2 : Analyse et critique du faisceau de sources documentaires

Le colloque se propose ensuite d’étudier les représentations qui entreprennent de faire pièce à ces formes de négation en documentant et en analysant les réalités vécues par les personnes migrantes. Là aussi, on aura le souci de situer ces représentations, ce qui supposera, de la part des intervenant.e.s, un effort de réflexivité. Quelles vérités cherche-t-on à rétablir, comment s’y prend-on et quel but poursuit-on, chacun.e depuis la place qu’il.elle occupe ? Comment les chercheur.euse.s, les journalistes, les artistes et les activistes qui n’ont pas d’expérience de migration se positionnent-ils.elles par rapport aux personnes migrantes, et quels ponts s’établissent éventuellement entre les représentations des un.e.s et des autres ? On accordera une attention particulière – mais pas exclusive – aux projets documentaires de ces différent.e.s acteur.rice.s sociaux.ales qui ont abouti à des œuvres en littérature, au cinéma, au théâtre, en photographie, en bande dessinée ou dans les arts plastiques et cartographiques. On produira une analyse et une critique de ce corpus en se demandant si l’élaboration esthétique sert bien toujours opportunément le projet éthique de dire la vérité, rien que la vérité, toute la vérité au sujet d’une expérience migratoire individuelle ou collective. Car, sous prétexte de combattre la diabolisation des migrations, des œuvres tombent dans le panneau inverse d’idéaliser ces nouvelles « odyssées » et autres nouveaux.elles « héros.oïnes », et quittent ainsi le terrain de l’histoire pour celui de la légende. 

Axe 3 : Analyse et critique de la violence

L’hypothèse de ce colloque est que la valeur critique des représentations de ces expériences migratoires peut s’estimer à l’aune de la tâche de documenter les violences subies par les personnes migrantes. La violence, qui entre en tant que condition dans la définition de l’exil, éclaire nécessairement les représentations qui visent à faire imaginer cette expérience. Encore s’agit-il, à la lumière de celles-ci, de s’accorder sur ce que l’on désigne comme une violence : spécialement, les violences documentées correspondent-elles toujours à ce que recouvre la notion de « persécution » promue par la Convention de 1951 relative au statut des réfugié.e.s ? Ces violences sont si protéiformes, au demeurant, qu’elles affectent dans ces représentations d’autres étapes du parcours migratoire que le départ en exil, tendant ainsi à se lier également à la définition de la migration. En ce début de xxie siècle, une telle réflexion s’impose notamment au regard des très nombreuses morts documentées de personnes migrantes aux frontières de l’Union européenne et de l’espace Schengen, par exemple dans des témoignages de rescapé.e.s édités en livres ou recueillis dans des films ; mais cette documentation contemporaine d’une ampleur inédite marque-t-elle un tournant dans l’histoire des représentations de l’expérience migratoire ? Qu’en est-il donc de la forme, de la place et de la fonction prises par le thème de la violence dans ces représentations d’une époque à une autre ? Est-il possible que celles-ci invitent à se figurer les migrations plus anciennes comme des expériences collectivement moins sujettes aux violences ? À partir de ces représentations, un enjeu du colloque sera non seulement de décrire les formes de violence spécifiques liées au contrôle des frontières mais encore de les théoriser, étant donné leur caractère de dispositif. S’agit-il d’une « guerre aux migrants » (Migreurop) ? d’un « conflit de mobilité » (Charles Heller) ? d’un « crime de paix » (Maurizio Albahari) ? d’une « thanatopolitique » (Achille Mbembe) ?... Y a-t-il lieu d’inventer un nouveau chef d’accusation juridique afin que ces violences ne demeurent pas impunies ? 

Axe 4 : Analyse et critique de la valeur d’usage des représentations documentées

Documenter les « expériences du choc » de la migration est un besoin impérieux face aux représentations sociales qui les nient. Pour le mesurer, on sera attentif.ive.s spécialement aux documents personnels que sont les récits et les images produit.e.s par les personnes migrantes et à ce qu’ils transmettent de concret et de sensible, vu l’importance pour les auteur.rice.s d’attester les faits. Cependant, l’enjeu critique n’est pas seulement de faire ressortir que des représentations documentées en réfutent d’autres, mensongères. Le problème essentiel qui se pose est relatif à la responsabilité des représentations répulsives dans les violences qui sont commises. De fait, représenter les migrations comme un mal en soi passe souvent par un argument juridique : on se fonde sur le fait que, nonobstant la liberté de circulation inscrite dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, à l’époque des États-nations, les migrations sont illégalisées. Or, nombreuses sont les représentations documentées qui dénoncent précisément la judiciarisation des parcours des personnes migrantes, ces dernières étant contraintes de s’affronter à des dispositifs policiers, administratifs et judiciaires de plus en plus sophistiqués. Dès lors, on s’interrogera sur la valeur d’usage des connaissances accumulées dans les travaux tels que ceux de ce colloque : qu’en est-il des retombées de cette activité sociale dans le domaine public, que ce soit dans une visée de critique de la politique ou de justice nationale ou internationale ? 

Axe 5 : Analyse et critique des représentations victimaires

Un dernier axe problématique du colloque déplacera l’attention de la représentation des migrations vers celle des personnes migrantes elles-mêmes. Au-delà de la question de l’obtention ou non du statut de réfugié.e, une représentation victimaire des personnes migrantes tend à s’imposer. Dans un sens, celle-ci peut constituer légitimement une reconnaissance des violences subies avant et durant la migration. Cependant, cette représentation sociale a un revers, que le statut juridique de réfugié.e entérine du fait de son ambiguïté : celui de l’essentialisation de la personne migrante comme victime ou paria, par quoi elle s’émancipe des expériences historiques bien réelles vécues par les personnes concernées. Or une telle représentation essentialisante n’est paradoxalement pas imputable seulement à des préjugés xénophobes, racistes et/ou coloniaux. Elle ressort aussi parfois d’une esthétisation de la « condition exilique » suivant laquelle les personnes migrantes sont figurées comme des personnages métaphysiques, représentatifs d’une condition universelle. On se demandera dès lors dans quelle mesure, tout en documentant les violences subies, les représentations de l’expérience migratoire se démarquent de cette représentation victimaire. Le combat des personnes migrantes pour leur survie, leur dignité, leur vérité, leurs droits est-il aussi, lorsqu’elles témoignent, un combat pour transformer cette représentation sociale ? 

Modalités pratiques d'envoi des propositions

Les propositions de communication (maximum 300 mots) seront accompagnées d’une notice biobibliographique de l’auteur.rice et seront à envoyer à l’adresse frederik.detue@univ-poitiers.fr d’ici

le mardi 15 mai 2018.

Elles seront examinées par le Comité scientifique du colloque, qui transmettra sa réponse au plus tard dans la deuxième quinzaine de juin. 

Responsable : Frédérik Detue (FoReLLIS, B3)

Partenaires : les laboratoires FoReLLIS et Migrinter et le programme ANR MECMI

Comité scientifique

  • Karen Akoka (MCF Université Paris Ouest Nanterre / ISP)
  • Olivier Clochard (CR-CNRS / Migrinter)
  • Cristina del Biaggio (MCF Université Grenoble Alpes / Le Pacte)
  • Frédérik Detue (MCF Université de Poitiers / FoReLLIS)
  • Raphaëlle Guidée (MCF Université de Poitiers / FoReLLIS)
  • Charles Heller (post-doctorant, The Graduate Institute, Genève / Université de Bologne)
  • Nicolas Jaoul (CR-CNRS / Iris)
  • Carolina Kobelinsky (CR-CNRS / LESC, Programme ANR MECMI)
  • Lilyane Rachédi (Professeure à l’UQÀM, Canada / Programme ANR MECMI)

Lieux

  • Maison des Sciences de l'Homme et de la Société - Bâtiment A5, Salle des conférences - 5 rue Théodore Lefebvre
    Poitiers, France (86)

Dates

  • mardi 15 mai 2018

Mots-clés

  • migration, exil, représentation, savoir, violence

Contacts

  • Frédérik Detue
    courriel : frederik [dot] detue [at] univ-cotedazur [dot] fr

Source de l'information

  • Frédérik Detue
    courriel : frederik [dot] detue [at] univ-cotedazur [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Documenter les « expériences du choc » de la migration », Appel à contribution, Calenda, Publié le jeudi 15 février 2018, https://doi.org/10.58079/zm0

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