HomeLocal elections, decentralisation and governance in North Africa: what changes after "the Arab revolts"?

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Local elections, decentralisation and governance in North Africa: what changes after "the Arab revolts"?

Élections locales, décentralisation et gouvernance en Afrique du Nord : quels changements après « les révoltes arabes » ?

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Published on Tuesday, July 03, 2018

Abstract

Nous souhaitons interroger les élections locales comme une composante du processus de décentralisation en Afrique du Nord. En effet, l’ensemble des États du Maghreb affiche dans leurs constitutions une volonté de transférer des compétences spécifiques cohérentes par rapport aux échelles de décision, et d’alléger le principe de tutelle de l'État central par la création d'une logique de partenariat mais aussi par l'organisation d'élections concurrentielles au suffrage universel d'assemblées représentatives afin de doter ce processus d’une relative légitimité. Cependant, les mises en œuvre institutionnelles de ces collectivités territoriales sont très différentes. Dans certains pays (Algérie et Égypte), les collectivités locales restent encore dépendantes du gouvernement central et l’administration. Au Maroc, la loi de 2015 a permis une plus forte autonomie politique des élus mais l’écrasante majorité des collectivités territoriales restent dépendantes financièrement de l’État central. En Tunisie, les élections de 2018 ont été organisées avant la publication des décrets d’application du nouveau code des collectivités territoriales.

Announcement

Argumentaire

Les processus politiques en Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Égypte) ont été abondamment analysés à l’échelle nationale notamment dans le cadre des transformations qui ont suivi les révoltes initiées en décembre 2010 en Tunisie avant de gagner l’ensemble de la région à partir de 2011. Par ailleurs, l’organisation d’élections concurrentielles a permis d’étudier les territorialités du vote et ainsi d’observer des géographies électorales distinctes attestant des audiences différenciées de certaines idéologies politiques comme l’islam politique notamment (Goeury 2014 ; Gana et Van Hamme 2012, 2016 ; Rougier 2012, Rougier et Bayoumi 2016 ; Desrues 2016). Ces analyses fines ont ainsi mis en avant des clivages urbain/rural mais aussi entre régions. Il a donc été possible de comprendre des logiques politiques à l’œuvre alors qu’elles avaient été longtemps masquées par des élections non concurrentielles (Tozy 1991, Ben Néfissa 2010).

Cependant, si les revendications démocratiques de 2011 ont été très rapidement suivies d'élections nationales, l’organisation des élections municipales n’a pas été systématique, amenant à des situations très différentes selon les États, malgré l'inscription du principe de décentralisation dans les nouvelles constitutions (Gobe 2017). En Algérie, les élections municipales ont été organisées en 2012 puis en 2017, en Libye en 2014, au Maroc en 2015, enfin en Tunisie en 2018. L’Égypte fait exception n’ayant toujours pas organisé d’élections locales depuis 2008 alors que le pays a connu de très nombreux suffrages nationaux.

Ici, nous souhaitons interroger les élections locales comme une composante du processus de décentralisation. En effet, l’ensemble des États du Maghreb affiche dans leurs constitutions une volonté de transférer des compétences spécifiques cohérentes par rapport aux échelles de décision, et d’alléger le principe de tutelle de l'État central par la création d'une logique de partenariat mais aussi par l'organisation d'élections concurrentielles au suffrage universel d'assemblées représentatives afin de doter ce processus d’une relative légitimité (Guionnet 1996). Cependant, les mises en œuvre institutionnelles de ces collectivités territoriales sont très différentes (Benmoumen 2017 ; Bras et Signoles 2017 ; Turki et Loschi 2017). Dans certains pays (Algérie et Égypte), les collectivités locales restent encore dépendantes du gouvernement central et l’administration. Au Maroc, la loi de 2015 a permis une plus forte autonomie politique des élus mais l’écrasante majorité des collectivités territoriales restent dépendantes financièrement de l’État central (Benmoumen 2017). En Tunisie, les élections de 2018 ont été organisées avant la publication des décrets d’application du nouveau code des collectivités territoriales.

Cette dynamique n’est pas sans poser la question de la circulation des modèles de gouvernance locale. En effet, le processus de construction de collectivités territoriales a été fortement influencé par des modèles européens en écartant les logiques historiques des États du Nord de l'Afrique, pour autant, cela n'a pas définitivement relégué les processus endogènes de négociation et de gouvernance (Hachemaoui 2012, 2013). Ainsi, d’une part, dans de nombreux lieux, perdurent des logiques communautaires spécifiques mais qui sont le plus souvent articulées autour de la gestion de biens communs (pâturage, sources d’irrigation, terres collectives). Dans plusieurs localités de la région d’étude, les mobilisations autour de l’accès aux ressources réactivent des solidarités anciennes pour proposer des systèmes de gestion s’inspirant également des modèles coopératifs ou de l’économie sociale et solidaire (Kadiri et Errahj 2010, 2015 ; Goeury et Leray 2017). D’autre part, l’administration centrale privilégie encore la cooptation de notabilités devant recevoir un assentiment populaire qui joue le rôle d’intermédiaire entre l’État et sa clientèle (El Iraki 2003 ; Tamin et Tozy 2010 ; Hachemaoui 2013). Parallèlement, des organisations internationales soutiennent de nouvelles dynamiques civiques portées par des collectifs associatifs pour transposer des modalités de participation selon de nouveaux standards internationaux comme le budget participatif (Goerhs 2017). Enfin, les élections locales n'ont aucunement éteint les foyers de contestations, les revendications localisées se sont démultipliées en interpellant directement les autorités centrales et disqualifiant tous les réseaux de médiation intermédiaires que peuvent constituer les conseils des collectivités territoriales même si ces derniers ont été démocratiquement élus comme au Maroc (Al Hoceima en 2017, Jerada en 2018). Il paraît donc important d'interroger l'ensemble de ces dynamiques politiques territorialisées en questionnant les logiques de transposition, de juxtaposition, d'hybridation voire d'évitement (Ben Néfissa 2011).

Dans ce numéro, nous souhaiterions nous focaliser sur le processus de désignation par des élections. Plusieurs entrées sont possibles dont il est ici possible de présenter trois aspects sans prétendre à l’exhaustivité.

L’impact des choix techniques ayant déterminé le cadre juridique et tout particulièrement le découpage électoral et le choix du mode de scrutin

La création de nouveaux découpages territoriaux, comme les régions au Maroc en 2015 ou les communes en Tunisie en 2018, imposent de nouvelles logiques de solidarité politique justifiées le plus souvent par de potentielles nouvelles dynamiques de projet. Les critères de découpage ont largement été débattus dans les pays concernés et les logiques techniques ou politiques qui les sous-tendent doivent être interrogés à l’aune des stratégies électorales. En effet, les arguments fonctionnalistes souvent mis en avant comme des arguments techniques à objectif de performance économique ne doivent pas écarter les logiques parfois identitaires ou politiques qui restent particulièrement fortes (Turki et Gana 2015 ; Badreddine 2017 ; Benmoumen 2017).

Par ailleurs, les modalités électorales locales varient entre le choix de la représentativité territoriale au conseil municipal par la subdivision de l’entité en circonscriptions uninominales amenant à choisir des individualités ou le fait de privilégier des logiques partisanes par la mise en place de circonscriptions uniques pour organiser un scrutin de liste à la proportionnelle au plus fort reste. Là aussi, il semble nécessaire d’interroger ces choix et leur impact à la fois sur la mobilisation électorale mais aussi sur la constitution des conseils élus.

L’intrication des enjeux locaux et des enjeux nationaux dans les thèmes de campagne et la mobilisation des citoyens

Les élections locales s’inscrivent dans des séquences politiques amenant des positionnements spécifiques des candidats entre des stratégies partisanes nationales ou au contraire des logiques d’autonomie affirmant la primauté du local. Dès lors, il s’agit d’interroger les ressources et les registres d’action mobilisés par les candidats et leur réception par les électeurs locaux pour mieux comprendre la place des élections locales dans un cadre politique plus large. Ce type d’analyse permettra aussi d’interroger l’importance des dispositifs de gouvernance locale alternatifs dans les processus électoraux. Les initiatives collectives, qu’elles soient traditionnelles ou importées, amènent-elles à des logiques de mobilisation ou au contraire d’évitement voire de contestation des élections ? Il sera aussi possible d’interroger la place des élections locales dans des contextes de revendications fortes voire de tensions. Ces dernières permettent-elles d’assurer de nouveaux consensus ou au contraire entretiennent-elles la conflictualité ?

Les conséquences des mobilisations, leurs effets sur les comportements électoraux et la construction des nouvelles légitimités politiques. Quelles spécificités à l’échelle locale ?

Considérées comme un instrument majeur de démocratisation et de légitimation du pouvoir politique, les élections post-révoltes arabes ne mobilisent pas toujours les électeurs. Dans les différents pays de la région, elles n'ont pas nécessairement conduit à renforcer la légitimité des élus et des gouvernements en place. Si, dans certaines localités, les élections ont permis de faire émerger de nouvelles figures politiques, dans d'autres, les différentes échelles de gouvernance continuent de faire l’objet de vives contestations localisées de la part de citoyens revendiquant un meilleur accès aux ressources et une amélioration de leur cadre de vie. Dans quelle mesure les élections locales permettent-elles de mieux prendre en compte ces demandes et de construire des légitimités politiques ? Cette question est à explorer à travers une analyse de l'offre politique et des comportements électoraux afin de mieux cerner les attentes des citoyens en matière de gouvernance locale ainsi que les registres normatifs qui façonnent leur rapport au politique.

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Instruction aux auters

Les intitulés (en français et en anglais), les résumés (en français et en anglais) et les mots-clés (en français et en anglais) doivent être envoyés

avant le 15 septembre 2018

par le formulaire en ligne suivant : https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLSd40_WV1NZBt0bE34Bp30Ktvfzw8Z0TyQD94d2ze_j9Kip3SA/viewform?usp=sf_link

Les articles ne doivent pas dépasser les 60 000 signes espaces compris et respecter les normes de publication de L’Espace politique [En ligne : http://espacepolitique.revues.org/1302].

Les textes finaux seront à faire parvenir avant le 15 décembre 2018 à l’adresse suivante : david.goeury@gmail.com


Date(s)

  • Saturday, September 15, 2018

Keywords

  • Elections, décentralisation, gouvernance, communes, Maghreb,

Contact(s)

  • David Goeury
    courriel : mediation-s [at] sciencesconf [dot] org

Reference Urls

Information source

  • David Goeury
    courriel : mediation-s [at] sciencesconf [dot] org

License

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To cite this announcement

« Local elections, decentralisation and governance in North Africa: what changes after "the Arab revolts"? », Call for papers, Calenda, Published on Tuesday, July 03, 2018, https://doi.org/10.58079/10ju

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