AccueilMission de recherche « Droit et justice » – appels à projets 2019

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Mission de recherche « Droit et justice » – appels à projets 2019

Law and justice research mission, calls for projects 2019

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Publié le jeudi 02 mai 2019

Résumé

La première vague d’appels à projets 2019 de la Mission de recherche Droit et Justice est lancée. Elle concerne les thématiques suivantes : les usagers des services d’accès au droit face à la dématérialisation des procédures d’accès à la justice ; l’appréhension des nouvelles technologies d’investigation et de surveillance par la procédure pénale ; justice et économie : les atteintes à la probité ; la mixité en prison.

Annonce

Thème 1 : Les usagers des services d’accès au droit face à la dématérialisation des procédures d’accès à la justice

Procédures dématérialisées, parloirs numériques, consolidation et sécurisation des systèmes informatiques : le ministère de la Justice s’est engagé dans un vaste processus de transformation numérique, érigé au rang de priorité, avec un objectif de 100% des démarches administratives numérisées en 2022. Dans le domaine civil, l’objectif est de dématérialiser totalement la chaîne, depuis la saisine des juridictions par le justiciable ou les auxiliaires de justice, via « Portalis », portail unique des juridictions, et de permettre le suivi de l’ensemble des affaires enregistrées sur le territoire national via le portail du Service d'accueil unique du justiciable (SAUJ)[1].

En 2016, 2017 et 2018, La Mission de recherche Droit et Justice a lancé trois appels à projets sur le thème  « Droit, justice et numérique » avec des axes de recherche variés : open data, numérisation des savoirs, justice « prévisionnelle », outils de cartographie, etc. Dans le contexte de dématérialisation croissante des procédures de justice, en lien avec les demandes des directions du Ministère et les besoins exprimés sur le terrain, la Mission a souhaité privilégier la thématique de l’accès au droit des usagers pour son appel 2019. L’enjeu est de permettre l’adaptation du service public de la Justice à la culture numérique en incluant l’ensemble des usagers-justiciables. L’objectif est de faire en sorte que les évolutions prévues n’aggravent pas les inégalités territoriales[2] (« fracture numérique ») et les exclusions déjà constatées de certaines catégories de la population (personnes âgées, illettrées, non francophones, détenues, sans domicile, en difficultés sociales, etc.). Au-delà des publics les plus fragiles, l’enjeu est d’accompagner les usagers dans l’appréhension de nouveaux services et de nouvelles manières d’accéder à leurs droits.

Un préalable de la recherche pourra consister en une mise en perspective de la construction socio-historique de l’« illectronisme » en France[3] et en Europe/dans le monde.  Dans quels contextes socio-politiques ce vocable a-t-il émergé ? Quelle définition peut-on en donner ? Dans une approche interactionniste, par quels acteurs ou groupes d’acteurs est-il porté ? Quel(s) public(s) recouvre-t-il ? Le manque ou l’absence totale de connaissances nécessaires à l’utilisation des ressources électroniques recoupe-t-il d’autres carences socioculturelles ? Depuis quand les pouvoirs publics, en général, et les services publics de la justice, en particulier considèrent-il l’illectronisme comme un problème ? Quelles actions ont-ils mis en place autour de ce dernier ? Ce vocable est-il approprié par les usagers concernés ? Quelles stratégies mettent-ils en place pour retourner ce « stigmate », le cas échéant[4] ?

Le parcours usager

L’évaluation des initiatives existantes et le recensement des bonnes pratiques pourront nourrir un premier axe de recherche. En partant d’expériences concrètes de personnes confrontées à des difficultés d’accès à leurs droits, il s’agira de déployer une réflexion prospective sur ce que pourrait être le « parcours usager », en clarifiant bien les freins relevant de la complexité des procédures en elles-mêmes et ceux liés au processus de dématérialisation. Des situations ou témoignages pourront ainsi être synthétisés et donnés à voir sous forme pédagogique (dessins, vidéos, schémas, etc.) aux professionnels de l’accès au droit afin de les aider à saisir la réalité de certaines démarches. Les problématiques du logement ou de la consommation-crédit, prépondérantes pour les usagers, pourront illustrer cet axe de recherche.

Comment les usagers perçoivent-ils les procédures de justice ? En quoi la dématérialisation affecte-t-elle la lisibilité de ces dernières auprès du grand public ? Les dispositifs d’accès au droit contribuent-ils à apaiser les tensions ? Ont-ils une influence sur les saisines de la justice ? Ce dernier enjeu nécessitera de définir une méthodologie permettant d’évaluer l’impact de l’accès au droit sur les saisines de la justice. Les défauts/défaillances d’accès au droit accroissent-il le recours à la justice ? A contrario, les bonnes pratiques de l’accès au droit permettent-elles de limiter celui-ci ?

Les lieux d’accès au droit hébergés dans des structures financées notamment par le Ministère de la Justice pourront constituer des terrains d’observation privilégiés : Maisons de la justice et du droit (MJD), antennes de justice, Points et Relais d’accès aux droits (PAD et RAD). Il en va de même des Services d’accueil uniques du justiciable (SAUJ), en tant que lieux d’accès à la justice, déployés au sein des juridictions.

Les réseaux territoriaux de l’accès au droit

La construction du parcours usager sur les territoires est une seconde porte d’entrée dans les enjeux de cet appel à projets. Comment mobiliser synergies interministérielles entre services publics et réseaux territoriaux autour du parcours usager, notamment dans les zones rurales où l’accès à Internet est limité ?

Quels partenariats et réalisations communes envisager entre les pouvoirs publics et les associations accompagnant les personnes en difficultés ? Quels premiers bilans qualitatifs peut-on faire de la mise en œuvre de la Charte nationale de l’accès au droit, signée entre la Ministère de la Justice et 7 associations ou fédérations (Droit d’urgence, les Restaurants du cœur, le Secours catholique, la Fondation Abbé-Pierre, Agir Tous pour la Dignité Quart monde, la Cimade, etc.)[5]. Comment mieux insérer la problématique de l’accès au droit dans les schémas départementaux ? L’évaluation des dispositifs expérimentés dans le cadre de la loi « Justice du 21e siècle » et des groupements d’intérêt public que sont les Conseils départementaux de l'accès au droit (CDAD) pourra être envisagée dans ce cadre.

Les métiers d’accompagnement à l’accès au droit

Un troisième axe de recherche pourra consister en une réflexion prospective sur l’évolution des métiers de l’accompagnement à l’accès au droit en lien avec le numérique. Quelles pourraient être les modalités de professionnalisation de la mission d’assistance/accompagnement des usagers à l’utilisation des services juridiques numériques ? Écrivains publics numériques, médiateurs, agents d’accueil, etc. : quels sont les nouveaux métiers que la numérisation des procédures a fait émerger ? Quelles sont ou pourraient-être les formations qui y conduisent ?

Quels sont les impacts de la dématérialisation des procédures sur les pratiques professionnelles des acteurs traditionnels du droit (avocats, notaires, huissiers de justice) vis-à-vis des usagers ? Quelles pourraient être les modalités d’articulation de leurs interventions avec celles des nouveaux professionnels de l’accompagnement au numérique ? Comment accompagner le changement vers le numérique et la dématérialisation et apaiser les résistances des acteurs impliqués ?

Attentes

La Mission de recherche Droit et Justice finance des recherches collectives pluridisciplinaires, portées par des équipes de chercheurs issus du CNRS et/ou des universités. Elle privilégie les approches de droit comparé et de droit international. Dans le cadre de cet appel à projets, les mises en perspective théorique et comparées (expériences européennes) couplées avec une approche empirique et des observations de terrain, au plus près des publics concernés, seraient particulièrement appréciées. Des disciplines telles que la socio-histoire, la sociologie, la psychologie et l’ethnologie/ethnographie pourraient être mobilisées. Les projets présentés en réponse à l’appel doivent idéalement couvrir les trois axes mentionnés.

Notes

[1] Ministère de la Justice, Transformation numérique de la Justice, novembre 2018.

[2] Régis Bigot, « Le « fossé numérique » en France. Des inégalités qui tendent à se réduire mais qui restent encore très élevées », Cahier de Recherche du Centre de Recherche pour l’Etude et l’Observation des Conditions de Vie, n° 177, novembre 2002.

[3] Deux articles de presse abordent cette problématique ainsi que le rapport annuel 2017 du Défenseur des droits (pages 53 et suivantes) :

https://www.lexpress.fr/actualites/1/societe/illectronisme-pres-d-un-quart-des-francais-ne-sont-pas-a-l-aise-avec-le-numerique_2020375.html

https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/09/20/demarches-administratives-en-ligne-le-defenseur-des-droits-interpelle-le-gouvernement_5357805_3224.html

https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/raa2017_num-accessibilite-10.04.2018.pdf

[4] Erving Goffman, Stigmate. Les usages sociaux des handicaps, Éditions de Minuit, 1975 (1963).

[5] http://www.justice.gouv.fr/le-ministere-de-la-justice-10017/charte-nationale-de-lacces-au-droit-premier-bilan-30903.html

Thème 2 : L’appréhension des nouvelles technologies d’investigation et de surveillance par la procédure pénale

Pour la quatrième année consécutive, la Mission de recherche Droit et Justice lance un appel à projets sur le thème Droit(s), justice et numérique. Cette année, l’un des sous-thèmes proposés porte sur l’appréhension des nouvelles technologies d’investigation et de surveillance par la procédure pénale.

Au cours des dernières décennies, notamment dans le contexte des attentats terroristes de 2015 et de l’état d’urgence qui s’en est suivi, les réformes législatives ont été nombreuses à introduire dans le droit français de nouvelles technologies destinées à renforcer les outils de surveillance et d’investigation[1]. Répondant à un impératif de protection de l’ordre public, ces mesures forment un ensemble spécifique qualifié de techniques spéciales d’enquête (TSE). Elles permettent des « intrusions à distance » dans la vie privée au moyen de procédés techniques sophistiqués tels que la sonorisation et la fixation d’image, la captation de données informatiques, l’accès à distance à des données stockées au moyen d’un identifiant informatique, l’enquête sous pseudonyme ou encore le recueil des données techniques de connexion (IMSI-catchers[2]).

Ces dispositifs mis en œuvre pour lutter contre les nouvelles formes et nouvelles manifestations de la criminalité ont donc paré le « glaive de la Justice » de nouveaux atouts[3]. Mais dans le même temps, ils ont bouleversé la pratique de la procédure pénale et cristallisé les discussions sur le caractère intrusif de ces technologies et sur leurs atteintes aux libertés fondamentales.

Cet appel à projets invite à examiner dans une perspective comparée l’appréhension de ces nouvelles technologies par la procédure pénale et les conséquences que cela implique.

Nouvelles technologies et pratique judiciaire

Si les travaux ne manquent pas sur les nouvelles technologies en droit pénal, ils se sont pour l’essentiel attachés à décrire ces outils techniques et leur fonctionnement, à analyser dans le contexte de managérialisation, les formes de rationalisation de la Justice alors à l’œuvre. En revanche, ils se sont moins avisés d’interroger la pratique judiciaire des professionnels, en l’occurrence celles des magistrats ; de l’interroger non pas au regard d’une transformation du métier afin de répondre à des exigences de compétitivité ou de performance, mais au sens d’un usage pratique afin de répondre à des exigences de compétence.

La mise en place de ces nouvelles technologies et notamment de ces techniques spéciales d’enquête (TSE) a profondément et durablement transformé les manières de faire et d’agir. Au-delà du recensement des divers procédés techniques utilisés et de l’analyse de leur régime juridique, il s’agirait d’analyser les conditions de recours à ces techniques. Entre nouveauté et sophistication, comment concrètement les magistrats se servent-ils de ces TSE ? Dans quelle mesure intègrent-ils ces dispositifs dans leur champ de compétence ?

L’ère nouvelle dessinée brouille désormais les frontières jusqu’alors les mieux établies entre prévention et répression[4]. Des formes de concurrence apparaissent entre police judiciaire et police administrative[5], entre magistrats du siège et le Parquet[6]. Des passerelles ont toutefois été mises en place : c’est ainsi que la loi du 3 juin 2016 a offert la possibilité aux juges de recourir au centre technique d’assistance (CTA) de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI)[7] pour la mise au clair des données chiffrées. Il s’agirait alors d’analyser comment s’effectue la ligne de partage entre renseignement et action judiciaire. Dans quelle mesure ces TSE renouvellent-elles les pratiques des professionnels (magistrats et enquêteurs) ? Quelles en sont les formes de légitimité dans un contexte de prééminence de la technique, nouveau terreau de la criminalité organisée et du terrorisme ? Quel contrôle de leur usage ou leur mésusage ? Quelle est leur force probante ? Autant de questionnements qui permettraient outre de cerner la pratique judiciaire et policière, de mieux comprendre la place désormais occupée dans les procédures pénales de ces techniques ; d’identifier les principales difficultés quant à leur mise en œuvre.

Il conviendra également d’examiner si ce type d’évolution s’observe dans d’autres pays démocratiques.

Nouvelles technologies et libertés fondamentales

En 2009, le XVIIIe Congrès international de droit pénal a conclu à une redéfinition des garanties procédurales, des règles constitutionnelles et des droits humains. Un rapport établi sur dix-sept pays montrait, notamment, que les mesures attentatoires à la vie privée remettaient en question l’équilibre entre le glaive et le bouclier, les citoyens n’étant plus protégés contre le jus puniendi de l’État[8]. En matière de dispositif intrusif, la Cour de cassation dans quatre décisions rendues en 2008 a eu l’occasion de rappeler les critères stricts d’application des dispositions légales en la matière[9].

Dans la décennie suivante, le développement de nouvelles technologies pour lutter contre le crime organisé et le terrorisme ravive la question de la conciliation de deux impératifs contradictoires : d’un côté, la protection efficace de l’ordre public ; de l’autre, la sauvegarde des droits et des libertés des individus. Pour le dire autrement, à la question de l’appropriation de ces TSE par la procédure pénale s’ajoute celle, sous-jacente, des intérêts (concurrentiels) à protéger. Comment sécuriser l’ordre public tout en ayant recours à des technologies dont le déploiement peut empiéter sur les droits et les libertés constitutionnellement et conventionnellement garantis ? Dans le contexte où les données personnelles peuvent être utilisées par des opérateurs privés et des sociétés commerciales, comment rendre légitime l’action des enquêteurs et des magistrats qui mobilisent ces TSE ? Le paradoxe est réel et mérite attention. Dans une perspective comparée, il serait intéressant d’évaluer les garanties instituées en France et dans d’autres pays pour la protection de la vie privée face à ces nouvelles technologies.

Attentes

Outre un éclairage sur les évolutions normatives et jurisprudentielles sur ces questionnements, les projets de recherche devront permettre de concourir à l’amélioration du dispositif actuel dans le souci de concilier au mieux l’efficacité des investigations et la protection des droits de la personne. Les rapports devront faire état de propositions.

Les projets de recherche devront être pluridisciplinaires (droit pénal, droit public, sociologie, criminologie, science politique) et aborder le thème dans une perspective comparée (France et autres pays). Ils devront également porter sur une approche théorique et empirique.

Références bibliographiques

Annales des Mines, « Les métiers du droit au défi du numérique » coordonné par Françoise Trassoudaine et Pierre Dardayrol, n°3, septembre 2018 [consulté en ligne : http://www.annales.org/enjeux-numeriques/2018/en_03_09_18.html].

Blay-Grabarczyk Katarzyna et Milano Laure (dir.), Le nouveau cadre législatif de lutte contre le terrorisme à l’épreuve des droits fondamentaux, Paris, Institut Universitaire Varennes, 2017.

Cahn Olivier, « Réflexions désabusées sur le chapitre 1 titre 1 de la loi n°2016-731 du 3 juin 2016 », AJ Pénal, n°9, 2016, p. 408-411.

Daubigney Christine, Garde-Lebreton Sylvie, Larvic Sabrina et Peretti Michel, « Les nouvelles technologies au service de la procédure pénale », dossier spécial, AJ Pénal, n°11, 2007.

Kaminski Dan, « Que font faire les technologies à la justice pénale ? », Déviance et Société, numéro spécial, n°3, 2013, p. 255-264.

TourÉ Aminata, L’influence des nouvelles technologies dans l’administration de la justice pénale, Paris, Dalloz, 2017.

Vervaele John A.E, « Mesures de procédures spéciales et respect des droits de l’homme. Rapport général », Utrecht Law Review, vol. 5, issue 2, october 2009, p. 110-152 [consulté en ligne : https://www.utrechtlawreview.org/articles/abstract/10.18352/ulr.105/].

Notes

[1]. Notamment le chapitre III sur l’utilisation des nouvelles technologies de la loi n°2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure ; le chapitre V sur le renforcement des moyens de prévention et d’investigations de la loi n°2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme ; la loi n°2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement modifie le titre V du livre VIII du Code de la sécurité intérieure en listant et en encadrant la collecte des données de connexion de la sonorisation, de l’interception des communications électroniques via des IMSI catchers ; la loi n°2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale qui modifie notamment les articles 706-89 et suivants du Code de procédure pénale ; la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice qui procède à une remise en ordre des dispositions relatives aux techniques spéciales d'enquête, la possibilité de mettre en œuvre celles-ci au-delà du champ de la criminalité organisée  ayant été censurée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019.

[2]. Matériel d’interception permettant de recueillir les numéros IMSI (immatriculation de la carte SIM) et IMEI (immatriculation du téléphone lui-même).

[3]. John A.E. Vervaele, « Mesures de procédures spéciales et respect des droits de l’homme. Rapport général », Utrecht Law Review, vol. 5, issue 2, octobre 2009, p. 121.

[4]. Christophe Barret, « Le point de vue d’un procureur de la République », in Katarzyna Blay-Grabarczyk et Laure Milano (dir.), Le nouveau cadre législatif de la lutte contre le terrorisme à l’épreuve des droits fondamentaux, p. 153.

[5]. Floran Vadillo, « Techniques d’enquête numérique judiciaire : les défis d’une survie dans la modernité », Annales des Mines, « Les métiers du droit au défi du numérique », n°3, septembre 2018, p. 58-62.

[6]. Olivier Cahn, « Réflexions désabusées sur le chapitre 1 titre 1 de la loi n°2016-731 du 3 juin 2016 », AJ Pénal, n°9, 2016, p. 408.

[7]. Floran Vadillo, art.cité, p. 61.

[8]. Il s’agit du XVIIIe Congrès international de Droit pénal qui s’est tenu à Istanbul du 20 au 27 septembre 2009. John A.E. Vervaele, art.cit., p. 121. Voir également « Mesures procédurales spéciales et respect des droits de l’Homme », Revue internationale de droit pénal, vol. 80, 2009, p. 525-531.

[9]. En l’espèce, il s’agissait de l’application de l’article 706-95 du Code de procédure pénale prévoyant la sonorisation et la fixation d’images. Voir Crim. 13 février 2008, n°07-87.458 ; crim. 27 février 2008, n°07-88.275 ; crim. 9 juillet 2008, n°08-82.091 ; crim. 13 novembre 2008, n°08-85.456.

Thème 3 : Justice et économie : les atteintes à la probité

« Lutter contre la corruption n’est pas seulement une affaire de nouvelles lois, mais aussi une question d’éthique et de comportements individuels et cela implique souvent de changer les cœurs et les esprits des gens », a déclaré le président du Groupe d’États contre la corruption (GRECO) du Conseil de l’Europe, Marin Mrčela, lors de la journée internationale contre la corruption du 9 décembre 2016.

Phénomène ancien, la corruption qui consiste à « se jouer des apparences pour donner l’illusion du légitime[1] » s’est progressivement internationalisée sous l’effet de l’ouverture des frontières, de la mondialisation de l’économie, de la libre circulation des personnes et des capitaux. L’infraction, aux multiples définitions[2], a fait l’objet d’une attention particulière et accrue au cours des dernières décennies poussant les États soucieux de préserver la démocratie à développer des mécanismes de lutte nationaux et supranationaux. Ainsi sur un plan supranational, la France a signé une série de conventions[3] ; sur un plan national, elle s’est engagée, dès les années 1990, dans un cycle de réformes tous azimuts. En 1993, est créé le Service central de prévention de la corruption[4]. Dans les années 2010, le mouvement de structuration administrative pour lutter contre les différentes atteintes à la probité se poursuit. Afin de « mettre en œuvre une stratégie de prévention globale[5] » et pour « répondre à la défiance grandissante des citoyens envers leurs responsables publics[6] », une Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) est créée. Quelques mois plus tard, un Parquet national financier (PNF) voit le jour dont la compétence nationale, spécialisée et autonome, recouvre trois types d’infractions : les atteintes aux finances publiques, les atteintes au bon fonctionnement des marchés financiers, et les atteintes à la probité, à savoir la corruption, le trafic d’influence, le favoritisme et le détournement de fonds publics[7].

Conscients que les formes de répression pénale ne peuvent suffire sinon à endiguer du moins à faire régresser la corruption, les États dont la France décident d’obliger les acteurs de la société civile (entreprises, associations, administrations) à s’approprier la lutte contre la corruption. En 2014, un rapport du groupe de travail de l’OCDE sur la corruption recommande ainsi à la France « d’intensifier ses efforts de sensibilisation des entreprises françaises à la prise en compte, dans leurs programmes de conformité, du rôle de leurs filiales à l’étranger, ainsi que de promouvoir, en fonction des circonstances propres à chacune d’elles, l’adoption et la mise en œuvre de programmes de conformité au sein des PME impliquées dans le commerce international[8] ». Par la loi du 9 décembre 2016, à la suite du Service central de prévention de la corruption (SCPC), l’Agence française anticorruption (AFA) est créée avec pour principale mission le conseil et le contrôle[9].

Mais si les outils pour lutter contre les atteintes à la probité ne manquent pas, il semble que les citoyens interrogent leur effectivité. Plus encore, les récents travaux réalisés en sciences sociales font apparaître un paradoxe qui tient à cette ambiguïté : une tendance forte des citoyens à réprouver les atteintes à la probité coexistant avec une certaine tolérance à l’égard de certains abus de fonction de la part des acteurs publics[10]. L’objectif de cet appel à projets consiste, d’une part, à analyser le décalage entre perception de la corruption dans la société et expérience effective et, d’autre part, à examiner le traitement apporté par les acteurs institutionnels pour lutter contre les atteintes à la probité.

Perception et expérience de la corruption

Depuis près de quarante ans, les enquêtes d’opinion réalisées par les instituts de sondage révèlent une crise de confiance de la société française dans ses institutions, notamment dans les hommes et les femmes politiques qui les incarnent. En 1977, 38% des Français et des Françaises estimaient alors les hommes politiques corrompus[11]. En 2016, ce sont 77% des personnes interrogées qui considèrent que « la plupart des hommes et des femmes politiques sont corrompus[12] ». C’est donc cette opinion, en constante augmentation, qu’il convient d’interroger. Pour le dire autrement, il s’agirait d’analyser ce que la population perçoit comme étant de la corruption face aux différentes atteintes à la probité.

Les infractions d’atteintes à la probité sont par nature dissimulées. L’absence de victime directe et physique, et la propension des auteurs à ne pas se considérer comme criminels les font apparaître comme une criminalité invisible. Il s’agirait alors d’identifier ce que l’opinion publique qualifie de “corruption”, ce qu’elle comprend par “atteinte à la probité”. Quelles sont les qualifications prises en considération qui permett(rai)ent de cerner les phénomènes corruptifs ? Il s’agirait de questionner les clivages : femme/homme ; ville/campagne ; les différentes régions françaises et les différences entre génération. Plus encore, quel est le poids des appartenances sociales dans la perception de ce qui constitue des atteintes à la probité ? Existe-t-il des secteurs économiques plus exposés à la corruption ? Ces questionnements conduisent du coup à interroger ce qui forge l’opinion publique à la matière. La place des médias mérite attention. Quel traitement médiatique est-il fait de ces atteintes à la probité ? Dans quelle mesure pèse-t-il sur la réaction sociale ? La dédramatisation médiatique de ces faits a été relevée par certains travaux[13]. Quelles stratégies les acteurs économiques, convaincus d’atteintes à la probité, ont-ils développé pour freiner voire empêcher la publicité de leur condamnation[14] ? Le rôle des ONG (Anticor, TI France) mérite également d’être analysé.

Traitement des atteintes à la probité

En 2017, les atteintes à la probité représentaient 48% des procédures en cours au Parquet national financier[15]. Les infractions – corruption, favoritisme, trafic d’influence, détournement de fonds, prise illégale d’intérêts et concussion – qui constituent la catégorie plus large des atteintes à la probité méritent attention.

Au-delà de l’engagement de l’action publique et des formes de répression mises à l’œuvre pour lutter contre les atteintes à la probité, il conviendrait également d’analyser les actions de prévention. Un rapport de la Commission européenne de 2017 recommandait à la France de porter une attention accrue à « la réalisation d’une évaluation très complète afin de repérer les risques spécifiques de corruption au niveau local et de fixer les priorités pour les mesures anticorruption afférentes aux mécanismes de contrôle dans les marchés publics ». Quelles sont les secteurs ciblés par les actions de prévention ? Quels outils sont développés ? Sont-ils suffisamment adaptés ?

Attentes

Ces pistes pourraient ainsi définir des hypothèses pour expliquer le décalage entre l’opinion de la population sur la corruption et son expérience effective dans la société française. Il s’agirait de tirer de la compréhension des mécanismes de perception une meilleure effectivité des mécanismes de prévention et de répression. Les travaux permettraient également d’apporter des réponses aux demandes internationales d’adaptation des dispositifs de prévention de la corruption aux secteurs géographiques et économiques les plus exposés.

Les projets devront porter prioritairement sur la France et dans une perspective pluridisciplinaire (sociologie, droit, histoire, économie, géographie) en incluant une recherche empirique notamment auprès des professionnels de différents secteurs économiques.

Références bibliographiques

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Bezzina Anne-Charlène, « Les trois ans du Parquet financier : économie d’une institution financière », Revue française de droit constitutionnel, n°112, 2017, p. 795-820.

Brigant Jean-Marie (dir.), Le risque de corruption, Paris, Dalloz, 2018.

Hunault Michel (dir.), La lutte contre la corruption, le blanchiment, la fraude fiscale, Paris, Presses de Sciences Po, 2017.

Lascoumes Pierre (dir.), Favoritisme et corruption à la française. Petits arrangements avec la probité, Paris, Presses de Sciences Po, 2010.

Lascoumes Pierre et Nagels Carla, Sociologie des élites délinquantes. De la criminalité en col blanc à la corruption politique, Paris, Armand Colin, 2018 [2014].

Louis Guillaume, « De l’opacité à la transparence : les limites de l’indice de perceptions de la corruption de transparency internationale », Déviance et société, vol. 31, 2007, p. 41-64.

Paquot Thierry, « La transparence est-elle le gage de l’honnêteté ? Les paradoxes contemporains de la transparence », Revue française d’éthique appliquée, n°6, 2018, p. 32-43.

Roux Adrien, La corruption internationale : essai sur la répression d’un phénomène transnationale, thèse, Université d’Aix-Marseille, décembre 2016.

Tumultes, « L’État corrompu », n°45, 2015.

Notes

[1]. Guillaume Louis, « De l’opacité à la transparence : les limites de l’indice de perceptions de la corruption de Transparency internationale », Déviance et Société, vol. 31, 2007, p. 41. 

[2]Ibid., p. 44-46. 

[3]. La Convention de l’OCDE du 17 décembre 1997 sur la lutte contre la corruption des agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales ; la Convention du Conseil de l’Europe sur la corruption du 27 septembre 1999 ou encore la Convention des Nations Unies contre la corruption du 31 octobre 2003.

[4]. Loi n°93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques.

[5]. Jean-Jacques Urvoas, « Propos introductifs », in Jean-Marie Brigant (dir.) Le risque de corruption, actes du colloque du 1er décembre, Paris, Dalloz, 2018, p. 7.

[6]. Loi n°2013-907 du 11 octobre 2013. Voir aussi le décret n°2013-960 du 25 octobre 2013 portant création d’un Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales. Voir également David Ginocchi, « Actualité du contrôle des déclarations de patrimoine et d’intérêts par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique », in Jean-Marie Brigant, op. cit., p. 21-30.

[7]. La loi n°2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.

[8]. OCDE, Rapport de suivi de la phase 3 de la mise en œuvre de la Convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption, 2014, p. 38 [consulté en ligne : https://www.oecd.org/fr/daf/anti-corruption/France-Rapport-Suivi-Ecrit-Phase-3-FR.pdf].

[9]. Loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Voir également Renaud Jaume, « L’Agence française anticorruption : une agence qui sanctionne », in Jean-Marie Brigant, op. cit., p. 15-20.

[10]. Voir l’enquête ESS (European Social Survey) réalisée en 2006 ; voir également les travaux de Pierre Lascoumes et al. : Favoritisme et corruption à la française, Paris, Presses de Sciences Po, 2010 et Sociologie des élites délinquantes. De la criminalité en col blanc à la corruption politique, Paris, Armand Colin, 2014.

[11]. Pierre Lascoumes (dir.), Favoritisme et corruption à la française, Paris, Presses de Sciences Po, 2010, p. 73.

[12]. IPSOS, « Que sera la politique de demain ? », sondage d’opinion préparé pour la 25e journée du prix du livre politique, mars 2016, p. 14.

[13]. Pierre Lascoumes et Carla Nagels, Sociologie des élites délinquantes, op. cit., p. 130.

[14]. Voir les procédures dites « bâillon ».

[15]. Voir Parquet national financier, Synthèse 2017, p. 5 : https://www.tribunal-de-paris.justice.fr/sites/default/files/2018-03/synthese_PNF_2017_2.pdf

Thème 4 : La mixité en prison

La Mission de recherche Droit et Justice a soutenu plusieurs recherches consacrées à l’institution carcérale. Outre les propositions qui lui ont spontanément été soumises par des équipes issues du CNRS et d’universités, la Mission a lancé plusieurs appels à projets sur les thématiques suivantes : « les établissements pénitentiaires pour mineurs » (2007), « Le vieillissement et la perte d’autonomie en milieu carcéral » (2011), l’« architecture carcérale » (2013) et « les longues peines » (2017).

Conformément à sa programmation scientifique 2019, la Mission souhaite à présent susciter des travaux sur les « mixités en détention ». La notion de « mixités », éminemment plurielle tant la population des personnes détenues est composite (nationalité, origine ethnique, âges, catégorie-socio-professionnelle, genre, type d’infractions, durée des peines, etc.) sera dans un premier temps abordée sous les angles de la mixité femmes/hommes et de la mixité des profils pénaux (type d’infraction, durée de détention, caractéristiques de comportement en détention, etc.).

L’enjeu de cet appel à projet est d’abord de dresser un l’état des lieux des expérimentations de mixité conduites en France et à l’étranger et d’évaluer leurs impacts réels. Il s’agit ensuite d’engager une réflexion prospective sur quelles pourraient être les conditions concrètes de mise en œuvre d’espaces et de temps partiellement ou intégralement mixtes dans les détentions, qui seraient pertinents pour la socialisation des personnes détenues tout en préservant leur sécurité et celle des surveillants pénitentiaires.

 La mixité femmes/hommes

Dans son avis relatif à la situation des femmes privées de liberté[1], la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, pointe les discriminations subies par les femmes détenues du fait de leur faible nombre et de l’application du principe de séparation d’avec les détenus hommes : éloignement géographique vis-à-vis de leurs attaches familiales, accès aux soins, au régime de semi-liberté, à la formation et à certaines activités entravé, etc. Elle souligne la situation « d’enclavement » des quartiers de détention réservés aux femmes dans les établissements pénitentiaires accueillant les deux genres. Comme l’article 28 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 le permet à titre dérogatoire, quelques établissements français proposent des activités mixtes, ouvertes tant aux hommes qu’aux femmes détenus : activité parentalité du relais enfants-parents (maison d’arrêt de Nice), activité de chorale et atelier de travail en concession unique (centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan), atelier de slam et enseignement (centre pénitentiaire de Metz). Les établissements pour mineurs de Quiévrechain, de Lavaur et du Rhône accueillent des mineurs des deux sexes et peuvent proposer des activités mixtes[2]. À la maison d’arrêt d’Epinal, la mixité filles/garçons est également expérimentée en détention.

La Contrôleure générale préconise une introduction progressive de la mixité lors des temps collectifs de la détention, comme cela se pratique dans les établissements psychiatriques, sous condition de volontariat des personnes détenues.

Un préalable à la recherche souhaitée, pourrait consister en une mise en perspective socio-historique de la séparation femmes-hommes en prison : dans quels contextes s’est-elle imposée, alors qu’elle n’a pas toujours été pratiquée ? Une recherche qualitative interdisciplinaire, étayée par une comparaison internationale pourra ensuite être menée, afin d’analyser l’impact des expériences de mixité sur la détention pour les adultes et les mineurs, tant du point de vue de la vie quotidienne que des pratiques professionnelles, et sur l’insertion-réinsertion des personnes détenues. Une réflexion sur les conditions de leur généralisation pourra être initiée (encadrement, formation des personnels, etc.).

Une attention particulière pourra être portée à la gestion des circulations au sein de l’établissement pénitentiaire (flux des cellules vers les lieux de promenades et ateliers de travail, etc.) et à l’utilisation du bâti (localisation des différents quartiers, espaces d’activités, etc.)[3]. Des préconisations pourraient être émises quant à l’architecture de futures prisons.

La mixité entre les personnels de surveillance et entre les personnels de surveillance et les détenus (femmes affectées à la surveillance d’un quartier d’hommes[4], par exemple) pourra être l’un des objets de l’analyse en établissements pénitentiaires pour adultes, comme en établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM). Un récent rapport de l’Inspection générale de la justice (IGS)[5] a souligné la non-mixité[6] de la profession de surveillant pénitentiaire au profit des hommes[7] et celle de la profession de Conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation au profit des femmes. Quelles en sont les conséquences ? Quelles préconisations en tirer en termes pratiques (maintien des quotas de femmes au concours de surveillants pénitentiaires, par exemple ?) ? Des comparaisons avec des expériences étrangères (Danemark, Belgique, Espagne, par exemple), mais aussi avec d’autres corps professionnels de sécurité (police[8], armée) seraient bienvenues.

La mixité des profils pénaux

La circulaire du 21 février 2012[9] rappelle la vocation des différents établissements pénitentiaires : maisons d’arrêt pour les courtes peines, les personnes en attente de jugement et les fins de peine ; centres de détention ; maisons centrales ; centres de semi-liberté ; établissements pénitentiaires pour mineurs. Certaines maisons centrales sont spécialisées dans l’accueil des personnes détenues auteures d’infractions à caractère sexuel (maison centrale de Saint Martin de Ré et maison centrale d’Ensisheim). Les détenus présentant des troubles du comportement sont orientés de manière privilégiée vers la maison centrale de Château-Thierry où ils peuvent bénéficier d’un suivi spécifique.

La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 prévoit l'homogénéisation des régimes de détention pour chaque catégorie d'établissements pénitentiaires et la faculté de différenciation des régimes de détention selon le profil de la personne détenue. Les régimes différenciés portent sur deux aspects : la liberté de mouvement accordée à la personne et les conditions de prise en charge. En fonction de son appréciation du comportement d'un détenu, l'administration pénitentiaire peut ainsi l'affecter dans une unité plus ou moins sécurisée. Des critères tels que la personnalité, la santé, la dangerosité et les efforts en matière de réinsertion sociale de la personne détenue (article 89) peuvent intervenir dans la détermination du régime de détention. La question de la dispersion ou du regroupement des détenus terroristes islamistes (TIS) en détention ordinaire ou de leur regroupement dans des unités spécifiques s’est aussi régulièrement posée depuis les attentats de janvier 2015[10].

L’article 88 de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice prévoie la possibilité d'incarcérer à titre exceptionnel les prévenus dans un établissement pour peines, au regard de leur personnalité ou de leur comportement, et d’incarcérer les condamnés en maison d’arrêt, au sein d’un quartier spécifique.

Certains regroupements et séparations des profils pénaux sont motivés par des raisons de sécurité : protection des personnes détenues fragiles, prévention des tentatives d’évasion, des agressions entre co-détenus et contre les personnels pénitentiaires, limitation du prosélytisme. D’autres sont justifiés dans une optique de réinsertion : régimes de sécurité allégés, quartiers de semi-liberté, de préparation à la sortie. D’autres interviennent de facto au gré des contraintes de gestion de la détention par les chefs d’établissements.

Quelles conséquences ces regroupements et séparations formels ou informels ont-ils sur la situation des personnes détenues et leur accès aux différentes activités possibles en détention : pratiques sportives, formation, travail, promenade, parloir, soins, etc. ? Quels sont leurs impacts réels sur la sécurité et la réinsertion ? Là encore, l’organisation du bâti pour la différenciation des régimes de détention pourra être questionnée. Quelles dispositions et choix architecturaux pourraient être préconisés pour les détentions les plus sécurisées et les moins contraignantes ?   

Attentes

En réponse à cet appel à projets, la Mission de recherche Droit et Justice attend une réflexion prospective couplée avec une démarche empirique, une évaluation des initiatives actuelles, en France et à l’étranger, mais aussi des recommandations visant à renforcer l’égalité des droits des personnes détenues et leur accès aux différentes activités (travail, formation, ateliers socio-culturels, etc.) et services (soins, parloirs familiaux, etc.) possibles en prison.

La Mission de recherche Droit et Justice finance des recherches collectives pluridisciplinaires, portées par des équipes de chercheurs issus du CNRS et/ou des universités. Elle privilégie les approches de droit comparé et de droit international. Dans le cadre de cet appel à projets, des disciplines telles que l’histoire, la sociologie, la psychologie et l’ethnologie pourraient être mobilisées. Les projets présentés en réponse à l’appel peuvent couvrir les deux axes mentionnés ou seulement l’un d’entre eux

Notes

[1] Contrôleur général des lieux de privation de liberté, Avis du 25 janvier 2016 relatif à la situation des femmes privées de liberté.

[2] L’article R57-9-10 du Code de procédure pénale prévoit la mixité des activités dans les établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM).

[3] Les travaux suivants pourraient être prolongés : Sylvain Ferez, Laurent Solini et Jennifer Yeghicheyan, Fabriquer la prison.  Pour une étude des "spatialités" au sein de cinq prisons belges et françaises, rapport pour la Mission de recherche Droit et Justice, juillet 2016.

[4] Guillaume  Malochet. « Des femmes dans la maison des hommes. L'exemple des surveillantes de prison », Travail, genre et sociétés, vol. nº 17, no. 1, 2007, pp. 105-121 ; Anne-Christine Le Gendre, Femmes surveillantes – Hommes détenus, L’Harmattan, mai 2017.

[5] Rapport « La Féminisation des métiers du Ministère de la Justice », Inspection générale de la justice, octobre 2017 n° 041-17.

[6] Un métier est reconnu comme mixte lorsque aucun des deux sexes n’y est représenté à plus de 60 %.

[7] Guillaume  Malochet, op.cit.

[8] Geneviève Pruvost, « Des femmes dans « un métier d'homme » (de la Brigade des mineurs à la Police nationale, 1935-1983) », Cahiers de la Sécurité Intérieure, 3ème trimestre 2001, n°45, p. 89-109 ;  « Les effets de la mixité du corps policier sur l'exercice de la violence légale », Alternative non violente, printemps 2001, n°118, p. 27-33.

[9] Circulaire du 21 février 2012 relative à l’orientation en établissement pénitentiaire des personnes détenues.

[10] L’Administration pénitentiaire a opté pour qu’un nombre limité d’entre eux soient regroupés dans des quartiers spécifiques (QER),  à des fins d’évaluation, avant d’être dispersés en détention ordinaire ou dans des unités spécialisés, cf. Gilles Chantraine, Enquête sociologique sur les « quartiers d’évaluation de la radicalisation » dans les prisons françaises, rapport de recherche pour la Direction de l’administration pénitentiaire, avril 2018.

Conditions et dossier de candidature

Tout dossier de soumission à la Mission d’un projet de recherche dans le cadre d’un appel à projets doit obligatoirement comprendre en 5 exemplaires papier les documents suivants :

  1. un projet de recherche,
  2. une note de présentation des chercheurs et des laboratoires devant participer à ce projet,
  3. une fiche de renseignements administratifs et financiers.

Ces documents devront être établis avec le plus grand soin, faute de quoi les dossiers ne pourront être examinés par le comité de sélection. Toute autre pièce jugée pertinente pourra être jointe à l'appui de la demande.

Les dossiers papier doivent être constitués en un seul tenant, imprimés recto-verso. Une version électronique (format PDF) du dossier doit également être envoyée en un seul document, par mail, à : mission@gip-recherche-justice.fr

Pour répondre à ces appels à projets, vous pouvez télécharger ou consulter les documents suivants :

  • Dossier administratif et financier en word
  • Modèle de convention

Composition du dossier

Projet de recherche

  • Solidement argumenté, il n'excédera qu'exceptionnellement une dizaine de pages (annexes non comprises). Seront mentionnées les références théoriques auxquelles il sera fait appel et distingués, parmi celles-ci, les travaux sur lesquels les chercheurs comptent particulièrement s'appuyer.
  • L'objet même de la recherche sera défini avec précision et le dispositif méthodologique (hypothèses, objectifs, approches ...) devra être exposé en détail.
  • Les données nécessaires à l'étude devront être présentées selon leur nature, leur mode de recueil et les principes de leur exploitation.
  • Les conditions d'accès au terrain seront explicitées. La plus grande insistance est mise par la Mission de recherche sur la nécessité d’apporter la preuve de l’accès aux données, à des personnes-clés, au terrain en général, condition essentielle de la faisabilité de la recherche.
  • Il conviendra d'exposer les différentes phases d'exécution de la recherche. Leur durée ainsi que celle, globale, de la recherche, devront faire l'objet d'une évaluation précise.
  • La durée de la recherche devra être explicitement mentionnée.

Note de présentation du chercheur ou de l'équipe devant conduire la recherche

  • Seront présentés (nom, qualité, statut, institution ou équipe d'appartenance) les chercheurs devant participer au projet de recherche. Une attention particulière sera portée aux responsables scientifiques (CV synthétique), lesquels seront clairement identifiés.
  • Un résumé sommaire (2 à 3 pages maximum) des travaux de recherche et des orientations scientifiques des équipes auxquelles se rattachent les chercheurs est également attendu.
  • La collaboration entre plusieurs équipes est bien évidemment possible, surtout si elle apporte une dimension interdisciplinaire. Un responsable par équipe devra alors être désigné.
  • Une coopération avec une équipe ou plusieurs équipes de recherche étrangères, dûment présentées, est possible.

Fiche de renseignements administratifs et financiers

  • Cette fiche de renseignements peut être téléchargée à partir du site internet de la Mission : www.gip-recherche-justice.fr (rubrique « Appel à projets de recherche »).
  • La partie administrative de cette fiche est, pour l’essentiel, une reprise synthétique de certains renseignements contenus dans les deux documents précédents (Projet de recherche et note de présentation du chercheur ou de l’équipe).
  • La partie financière est consacrée au budget prévisionnel de la recherche, la demande de crédits devant être justifiée avec le plus grand soin, poste par poste. Un RIB devra être joint au budget prévisionnel.

Dispositions diverses

Après évaluation des dossiers par des comités de sélection ad hoc, il pourra être demandé que des modifications soient apportées aux projets de recherche et aux budgets initiaux.

Les modalités d'exécution des projets retenus seront précisées par convention entre l’organisme demandeur et le groupement d'intérêt public Mission de recherche Droit et Justice.

Sauf exception, cette convention prévoit la remise, par le chercheur ou l’équipe de recherche, de documents à la Mission de recherche Droit et Justice :

  • une note méthodologique, à échéance variable selon la durée de la recherche (entre 1 et 3 mois après notification de la décision budgétaire),
  • un rapport intermédiaire de mi-étape,
  • un rapport final, une note de synthèse et un résumé, présentant les résultats de la recherche.

Conformément à sa vocation de service public, la Mission de recherche procédera à la diffusion et à la promotion des documents finaux, via tout support qu’elle estimera adapté (site internet notamment).

La validation de ces documents par la Mission de recherche Droit et Justice entraînera la mise en paiement de la partie correspondante du budget.

Modalités de dépôt

Jusqu'au vendredi 17 mai 2019 (cachet de la poste faisant foi)

Les projets déposés en réponse aux appels à projets ne peuvent en aucun cas être déposés pour examen par le Conseil scientifique, en tant que projet spontané de recherche.

Dépôt dans les locaux de la Mission de recherche (avant 16 heures), prévenir Sophie Sebag au 01 70 22 70 67

Mission de recherche Droit et Justice Ministère de la justice – Site Olympe de Gouges 35, rue de la Gare – 75019 Paris

Pour y venir :

Métro Ligne 7 « Corentin Cariou » + Navette fluviale (embarcadère à 3 minutes de marche, quai de la Charente) ou Ligne 12 « Front Populaire » + Bus RATP ligne 239 direction Rosa Parks – arrêt « Parc du Millénaire ».

Tram : T3B direction porte d’Asnières « Rosa Parks », puis 7 minutes à pied.

RER E – station Rosa Parks

Ou

Envoi postal : (cachet de la poste faisant foi) Mission de recherche Droit et Justice Ministère de la justice – Site Olympe de Gouges – 13, place Vendôme – 75042 Paris cedex 01

Un exemplaire PDF, en un seul fichier, doit obligatoirement être adressé à l’adresse suivante : mission@gip-recherche-justice.fr

Modalités de sélection

La sélection des projets se fait par un comité constitué pour chaque appel à projets. Ces comités sont constitués, après la date limite de dépôt des projets, en fonction des thématiques des appels à projets. Ils sont constitués de chercheurs, d’enseignants chercheurs et de praticiens. Les projets sont évalués par ces comités ad hoc.

Contacts référents

  • Pour les deux appels d'offres « Les usagers des services d’accès au droit face à la dématérialisation des procédures d’accès à la justice » et « Mixités en prison » : Jeanne Chabbal chabbal@gip-recherche-justice.fr
  • Pour les deux autres appels d'offres « L’appréhension des nouvelles technologies d’investigation et de surveillance par la procédure pénale » et « Les atteintes à la probité en France » : Victoria Vanneau vanneau@gip-recherche-justice.fr

Lieux

  • 35 rue de la Gare
    Paris, France (75019)

Dates

  • vendredi 17 mai 2019

Mots-clés

  • droit, justice, numérique, accès au droit, exclusion, service public, illectronisme, démarche administrative, prison, personnel pénitentiaire, genre, profil pénal, discrimination

Contacts

  • GIP Mission de recherche Droit et Justice
    courriel : mission [at] gip-recherche-justice [dot] fr

Source de l'information

  • GIP Mission de recherche Droit et Justice
    courriel : mission [at] gip-recherche-justice [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Mission de recherche « Droit et justice » – appels à projets 2019 », Appel d'offres, Calenda, Publié le jeudi 02 mai 2019, https://doi.org/10.58079/12le

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