InicioMédias et propagande dans les décolonisations et les premières décennies des indépendances africaines (1945-1975)

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Médias et propagande dans les décolonisations et les premières décennies des indépendances africaines (1945-1975)

Media and propaganda in decolonisations and the first decades of African independence (1945-1975)

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Publicado el lunes 01 de julio de 2019

Resumen

Le premier numéro de la Revue d'histoire contemporaine de l'Afrique a pour but d'examiner le rôle des médias dans les empires coloniaux tardifs, les décolonisations et les premières décennies des indépendances africaines. S'intéresser au rôle des médias (presse, cinéma, radio, télévision...) durant cette période s'impose pour trois raisons. Il s'agit d'abord d'un moment médiatique très riche avec un premier âge d'or de la presse, l'essor du cinéma et de la radio, la première implantation de la télévision au moment où le continent s'émancipe de la tutelle coloniale. C'est ensuite un champ qui reste l'apanage de la littérature scientifique anglophone et qui est peu étudié par la recherche francophone. Enfin, le choix d'une chronologie qui encadre les principales décolonisations permet de mettre à jour les continuités et les ruptures médiatiques au delà de l'obtention de la pleine souveraineté.

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Présentation

Dans le cadre du lancement d’une nouvelle revue d’histoire francophone en open access, Revue d’Histoire Contemporaine de l’Afrique, nous diffusons un appel pour le premier numéro qui sortira à la fin de l’année 2020. L’histoire contemporaine du continent africain est un des parents pauvres des publications francophones en sciences sociales et humaines bien que plusieurs revues interdisciplinaires se concentrant sur le continent africain publient des articles sur l’histoire de l’Afrique. Des revues généralistes d’histoire ont par ailleurs accueilli récemment des numéros spéciaux traitant spécifiquement du continent. Un fait demeure cependant : dans le monde francophone, il n’existe plus de revue qui prennent exclusivement l’histoire contemporaine de l’Afrique comme objet. C’est fort de ce constat que nous proposons de lancer une revue entièrement consacrée à l’histoire contemporaine du continent. Loin de représenter un quelconque « repli disciplinaire », il convient au contraire d’affirmer que la riche et complexe histoire du continent, en particulier du 19ème siècle à nos jours, mérite une revue qui lui soit consacrée à part entière. 

Le premier numéro aura pour thème "Médias et propagande dans les décolonisations et les premières décennies des indépendances africaines (1945-1975)", coordonné par Thomas Leyris et Mehdi Djallal." Il a pour ambition d’examiner le rôle des médias et de la propagande dans les empires coloniaux tardifs, les décolonisations et les premières décennies des indépendances africaines.

S’intéresser à la question des médias en Afrique, des années 1940 jusqu’à l’effondrement des derniers empires coloniaux européens dans les années 1970 (décolonisations portugaises, 1975), s’impose aujourd’hui pour trois raisons. C’est d’abord, comme avancent Marie-Soleil Frère et Sylvie Capitant, un champ peu étudié dans la littérature scientifique francophone qui reste l’apanage de la recherche anglophone (2011). Ce champ connait cependant un important renouvellement grâce aux apports de l’histoire impériale et à des approches plus centrées sur la réception et le contenu des médias (Potter, 2012). C’est ensuite une période médiatique très riche et relativement peu connue (Dakhlia, Robinet, 2016). La presse y connaît un premier « âge d’or » (Tudesq, 1995 : 43), le cinéma s’y diffuse plus largement (Goerg, 2015), la radiodiffusion vit son véritable démarrage (Tudesq, 1983), et la télévision sa première implantation (Dioh, 2009). Enfin, la chronologie rassemble délibérément dans un même ensemble la période des empires coloniaux tardifs et les premières décennies des indépendances afin de souligner les ruptures et les continuités dans le domaine des médias au-delà de l’obtention de la pleine souveraineté.

Notre appel concerne toutes les formes médiatiques qui ont existé sur la période sur l’ensemble du continent. Il s’agit, bien entendu, de la presse écrite qui peut être officielle, clandestine, africanisée ou gérée par le colonisateur ou des colons, dans les langues européennes ou locales. Il s’agit de la photographie de presse, du cinéma de fiction ou d’actualité diffusé à l’époque. Il s’agit également de la télévision, qui connaît ses balbutiements dans les années 1960, mais surtout, enfin, de la radio qui s’impose, dès cette époque, comme le seul « des mass-médias de l’Afrique » (Tudesq, 1995 : 59). Dans l’Afrique colonisée d’après 1945, les médias deviennent l’enjeu de luttes entre colonisateurs et colonisés. Ces affrontements ont lieu, en particulier dans le cadre des dernières guerres coloniales et de la Guerre froide où ces médias apparaissent comme des moyens privilégiés de propagande (entendue comme une forme intentionnelle de persuasion ayant pour but d’influencer les opinions et les actions de groupes ciblés, Jeanneney, 1996).

Dans tous les empires, une presse soutenue par le colonisateur ou animée par des colons étend son influence, parfois au-delà des indépendances comme le montre la Société Nationale des Entreprises de Presse (SNEP) qui finança plusieurs quotidiens nationaux dans les anciennes colonies françaises des années 1940 aux années 1990 (Dioh, 2018), ou l’intervention du Colonial Office en Afrique de l’Est pour développer une presse en langue africaine hostile aux nationalistes. Les colonisateurs britanniques et français ont été des précurseurs du développement de la radiodiffusion dans leurs empires. Celle-ci étant considérée au début comme un instrument de pouvoir au service du « colonialisme de développement », ces deux empires ont peu à peu transféré la gestion des stations aux premiers gouvernements locaux qui prenaient les responsabilités, et ont cherché, dès le début des années 1950, à les adapter aux goûts des auditeurs africains (Schaeffer, 1979). Au-delà des indépendances, les liens radiophoniques avec l’ancienne puissance coloniale ne sont pas rompus comme le montre l’action durable de la BBC et de l’Office de Coopération Radiophonique (OCORA) dans les années 1960.

Loin de rejeter la presse, le cinéma, la radio et la télévision comme des outils néfastes de l’Occident, les mouvements indépendantistes souhaitent au contraire les mettre à profit. C’est du côté africain que la presse connaît son plus important renouvellement des années 1940 à la fin des années 1950, avec une explosion du nombre de titres favorisée par un assouplissement des lois. La presse africaine devient ainsi un vecteur privilégié des revendications nationalistes, même si les modalités de son fonctionnement et son impact sont différents selon les empires. Par la suite, l’arrivée au pouvoir de partis uniques dans de nombreux pays ont réduit la liberté d’expression, sans toutefois que le pluralisme ne disparaisse complètement, et que l’éclosion d’une presse clandestine ou contestataire soit empêchée. Enfin, avant même les indépendances, les médias audiovisuels, sont considérés comme des « couteaux suisses » au service de l’État postcolonial en formation. Dans des pays où l’analphabétisme est important, l’image et le son apparaissent comme les meilleurs moyens d’entrer en contact avec les populations, de fonder un sentiment national, de promouvoir le développement économique et social. Cela pose la question de l’impact et de la réception de ces objectifs.

En outre, l’étude des médias au temps des décolonisations et des indépendances invite à la prise en compte des différents niveaux d’échelle dans lesquels ils étaient intégrés. Par exemple, la Société de Radiodiffusion de la France d’outre-mer (SORAFOM), fondée en 1956, agissait à l’échelle de l’empire français et devait sauvegarder l’unité de l’Union française dans le domaine radiophonique. Mais, cette société devait composer, dans les territoires d’outre-mer, avec des dirigeants qui souhaitaient de plus en plus de véritables radios nationales et non plus de simples stations dépendantes d’un réseau français. Après les indépendances de 1960, malgré l’affirmation des États et la fondation de 13 radiodiffusions nationales, l’échelon impérial ne disparaît pas. Il se transforme en système de coopération et les circulations de personnels, de pratiques, de programmes se poursuivent presque comme auparavant. Cette approche, qui permet de s’intéresser à la fois aux dynamiques et aux circulations au sein des espaces impériaux, a été permise par l’apport d’une nouvelle histoire impériale. Ainsi, Simon J. Potter pour l’empire britannique (2012), Nelson Ribeiro (2014) pour l’empire Portugais, Thomas Leyris pour l’empire français (2018), étudient la radio en liant ce qui se passe en métropole et outre-mer. Loin d’adopter un point de vue surplombant ou abstrait, ces études s’intéressent aux acteurs (journalistes, militants politiques, animateurs de programmes, coopérants, etc.), et aux réseaux qu’ils tissent, mais aussi aux pratiques quotidiennes des médias (émissions, divertissement, propagande etc.) et à leur réception par les populations. Elle permet aussi de mieux comprendre les phénomènes de diffusion de modèles médiatiques ou culturels (Rambaud, 2009), qui, avec les indépendances, échappent de plus en plus aux anciennes puissances coloniales. Ainsi, une analyse impériale ou transnationale des médias au temps des décolonisations et des indépendances africaines ne s’oppose pas à une approche plus « micro » de ce phénomène et ouvre de nouvelles perspectives.

Objectifs du dossier

Notre dossier se fixe trois objectifs. Il s’agit d’abord de donner à voir des éléments qui ont constitué l’unité de la période dans le domaine médiatique, en termes de continuités (persistance de la censure et de la présence du colonisateur, radio éducative, etc.), ou de ruptures (créations de médias internationaux comme au Ghana et au Sénégal, restriction de la liberté d’expression au nom de la construction nationale, coopération avec de nouveaux États une fois l’indépendance obtenue, etc.). Nous souhaitons ensuite que l’étude des phénomènes médiatiques qui traversent cette période (diffusion de genres musicaux, de modèles journalistiques, de normes techniques, formation du personnel, etc.) articule les différentes échelles du local au global. Enfin, nous souhaitons que notre dossier donne à voir les pratiques quotidiennes des médias de cette période, la réception des programmes ou des journaux par les populations dans une approche au « ras des sources » ou « au ras des ondes ».

Trois axes principaux seront explorés dans ce numéro, même si cet appel reste ouvert à d’autres thématiques en lien avec le sujet de l’appel.

Axe 1. Acteurs des médias des empires tardifs, des décolonisations et des nouveaux États 

Dans un premier axe nous souhaitons recevoir des articles qui se focalisent sur les acteurs des médias et qui présentent leur rôle, leur itinéraire, leur trajectoire durant la période. Si ces acteurs peuvent être des États, des entreprises, des sociétés, des journaux, etc., nous souhaitons privilégier l’analyse du rôle et des itinéraires d’individus ou de groupes d’individus. Ils peuvent être choisis parmi celles et ceux qui ont eu des carrières nationales ou parmi celles et ceux qui ont effectué de véritables parcours impériaux ou trans-impériaux dans la cadre des médias africains de l’époque. Nous pensons par exemple aux stagiaires africain.e.s envoyés au Studio-Ecole de Maisons-Laffitte de la SORAFOM, aux coopérants européens en poste dans les radios, télévisions et journaux d’Afrique, aux Africain.e.s journalistes, animateurs de programmes qui travaillent dans des pays du continent dont ils ne sont pas originaires. Enfin, il faut penser aux acteurs des guerres coloniales comme les militants nationalistes qui se forment aux techniques de propagande et assurent la diffusion d’idées d’émancipation à partir d’antennes étrangères (La Voix des Arabes, Radio-Moscou, Radio Kinshasa, etc.) et aux militaires des armées coloniales formés à l’action et à la guerre psychologique (Villatoux et Villatoux, 2005).

Axe 2. Quels contenus pour quelle réception ?

Cet axe pose d’abord la question de la difficulté d’accéder aux sources papier et surtout audiovisuelles du temps des décolonisations compte tenu du fait qu’elles dépendent d’une technologie obsolète et que les États n’ont guère les moyens de conserver et numériser leurs fonds. Comment relever ce défi ? Quels matériaux privilégier ? Les témoignages sont-ils la seule source possible pour l’histoire des radios et des télévisions ? Cet axe pose également la question des contenus. Que disaient les journaux, la radio, la télévision, les films, les tracts ? À qui parlaient-ils et dans quelles langues ? Il pose enfin la délicate question de la réception. Qui lisait ? Qui écoutait ? Que pensaient les gens ? Quels étaient leurs goûts ? Quel fut l’impact de la publicité et des émissions de divertissement sur la diffusion de nouveaux modèles sociaux et familiaux ? Nous savons qu’il existait des enquêtes d’opinion réalisées par des producteurs radio. En AEF, les réponses à une enquête de 1957 étaient en décalage avec ce que les producteurs imaginaient être une radio africaine. La question de la réception se repose dans le cadre de la propagande de guerre. Par exemple, la Voix de l’Angola, radio de l’armée portugaise, appela systématiquement à la désunion entre les populations et l’ennemi indépendantiste stigmatisé comme terroriste, sans que cela ne transforme décisivement le cours de la guerre.

Axe 3. Pratiques et stratégies médiatiques des États (post)coloniaux et de leurs opposants

Dans un troisième axe, nous attendons des contributions qui se focalisent sur les stratégies médiatiques des États (post)coloniaux et de leurs adversaires. Le but est de mettre en valeur les ruptures, ou au contraire les continuités de part et d’autre des indépendances. Qu’impliquait, par exemple, dans le domaine médiatique, la rupture complète avec la puissance coloniale comme en Guinée en 1958, au Congo Belge en 1960 ou au Mozambique et en Angola en 1974 ? Les formes de censures pratiquées sous la période coloniale ont-elles été reconduites telles quelles au lendemain des indépendances comme le suggère le transfert du contrôle politique des radios par la France aux nouveaux États ? Qui finançait les médias et jusqu’à quel point ? Quelle dépendance cela impliquait au temps de la coopération ? La question des différents traitements médiatiques des conflits internes aux nouveaux États se pose aussi. Comment, par exemple, les conflits du Biafra au Nigéria, du Katanga ou du Kasai au Congo étaient-ils rapportés dans les anciennes métropoles et dans les anciennes colonies ?

Calendrier

1 octobre 2019 : date limite d’envoi des propositions d’articles inédits, une page maximum en français ou en anglais à l’adresse suivante : jemediasdecolonisations@gmail.com

mi-octobre 2019 : notification aux auteur.e.s des propositions retenues

1 janvier 2020 : date limite d’envoi des articles rédigés (50 000 signes maximum)

Responsables scientifiques 

  • Thomas Leyris (thomas.leyris@univ-lille.fr)
  • Mehdi Djallal (mehdi.djalla@univ-lille.fr)

Références

Bebey Françis, La radiodiffusion en Afrique Noire, Issy-Les-Moulineaux, Éditions Saint-Paul, 1963.

Capitant Sylvie, Frère Marie-Soleil, « Les Afriques médiatiques. Introduction thématique », Afrique contemporaine, 2011, vol. 240, no 4, p. 25‑41.

Dakhlia Jamil, Robinet François, « Présentation. Afrique(s) : les médias entre histoire et mémoire », Le Temps des médias, 2016, no 26, p. 5-25.

Dioh Tidiane, Histoire de la télévision en Afrique noire francophone, des origines à nos jours, Paris, Karthala, 2009.

Dioh Tidiane, « Grandeur et décadence de l’empire médiatique français en Afrique » in N. Loum et I. Sarr (dir.), Les médias en Afrique depuis les Indépendances : bilan, enjeux et perspectives, Paris, L’Harmattan (coll. « Etudes africaines »), 2018, 276 p.

Goerg Odile, Fantomas sous les tropiques, aller au cinéma dans l’Afrique coloniale, Paris, Vendémiaire, 2015.

Jeanneney Jean-Noël, Une histoire des médias des origines à nos jours, s.l., Le Seuil (coll. « Point Histoire »), 1996.

Leyris Thomas, La Société de Radiodiffusion de la France d’Outre-mer et les indépendances des Etats africains (1959-1960). Une institution impériale dans la décolonisation, Mémoire de Master 2, Université de Lille, Lille, 2018.

Loum Ndiaga et Sarr Ibrahima, « Le journalisme et la politique au Sénégal : approche diachronique d’une relation complexe entre deux acteurs majeurs de la démocratie » in N. Loum et I. Sarr (dir.), Les médias en Afrique depuis les Indépendances : bilan, enjeux et perspectives, Paris, L’Harmattan (coll. « Etudes africaines »), 2018, p. 67‑100.

Potter Simon J., Broadcasting Empire. The BBC and the British World, 1922-1970, Oxford, Oxford University Press, 2012.

Rambaud Brice, « Réflexions sur les trajectoires africaines de deux modèles médiatiques occidentaux. Analyse comparative de la presse écrite du Burkina-Faso et du Kenya » in D. Darbon (dir.), La politique des modèles en Afrique. Simulation, dépolitisation et appropriation, Paris, Karthala-MSHS, 2009, p. 171‑185.

Ribeiro Nelson, « Broadcasting to the Portuguese Empire in Africa : Salazar’s singular policy », Critical arts, vol. 28, 2014, p. 920-937.

Schaeffer Pierre, Les antennes de Jericho, Paris, Stock, 1979.

Tudesq André-Jean, Feuilles d’Afrique. Etude de la presse en Afrique sub-saharienne, Talence, Bordeaux, Editions de la maison des sciences de l’homme d’Aquitaine, 1995.

Tudesq André-Jean, La radio en Afrique Noire, Paris, Pedone, 1983.

Villatoux Paul, Villatoux Marie-Catherine, La République et son armée face au péril subversif : guerre et action psychologique en France, 1945-1960, Paris, Les Indes savantes, 2005.


Fecha(s)

  • martes 01 de octubre de 2019

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Palabras claves

  • décolonisation, médias, Afrique, indépendances, radio, télévision, presse, cinéma, propagande, guerres coloniales

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  • Thomas Leyris
    courriel : thomasleyris [at] hotmail [dot] com
  • Mehdi Djallal
    courriel : mehdi [dot] djallal [at] univ-lille [dot] fr

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  • Thomas Leyris
    courriel : thomasleyris [at] hotmail [dot] com

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Para citar este anuncio

« Médias et propagande dans les décolonisations et les premières décennies des indépendances africaines (1945-1975) », Convocatoria de ponencias, Calenda, Publicado el lunes 01 de julio de 2019, https://doi.org/10.58079/133f

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