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Stones alive - anthropology of the living through the optic of stones

Pierres vivantes

Anthropologie du vivant au prisme des pierres

*  *  *

Published on Thursday, November 21, 2019

Abstract

Dans diverses sociétés, des pierres sont associées au monde du vivant : pierres de granite de centaines de tonnes qui tiennent en équilibre comme la « pierre branlante » dans le massif de Huelgoat ou la « pierre clouée » dans le massif de Sidobre, rochers nettoyés et sauvegardés en Islande lors de la construction de routes, pierres cheminée des fées considérées comme des pétrifications dans le Colorado. Ces exemples tirés de contextes ethnographiques très hétérogènes conduisent à renouveler les études anthropologiques sur les pierres mais également sur ce qu’être vivant veut dire. Dans cette journée, Il s’agira donc d’explorer le champ du vivant, de façon apparemment paradoxale, à travers l’étude des pierres, celles qui n’ont pas été transformées par l’homme. Cette focale conduit en effet à d'autres problématiques que celles posées traditionnellement par l’anthropologie économique (sur les échanges interethniques, la circulation, la reconstitution des filières socio-économiques), par l’anthropologie du religieux (sur le sacré, sur le pouvoir ou les propriétés imputés aux pierres) ou par l’anthropologie du patrimoine (sur le geste et la technique, l’artisanat, l’architecture).

Announcement

Argumentaire

Dans diverses sociétés, des pierres sont associées au monde du vivant : pierres de granite de centaines de tonnes qui tiennent en équilibre comme la « pierre branlante » dans le massif de Huelgoat ou la « pierre clouée » dans le massif de Sidobre, rochers nettoyés et sauvegardés en Islande lors de la construction de routes, pierres cheminée des fées considérées comme des pétrifications dans le Colorado. Ces exemples tirés de contextes ethnographiques très hétérogènes conduisent à renouveler les études anthropologiques sur les pierres mais également sur ce qu’être vivant veut dire. Il s’agira donc d’explorer le champ du vivant, de façon apparemment paradoxale, à travers l’étude des pierres, celles qui n’ont pas été transformées par l’homme. Cette focale conduit en effet à d'autres problématiques que celles posées traditionnellement par l’anthropologie économique (sur les échanges interethniques, la circulation, la reconstitution des filières socio-économiques), par l’anthropologie du religieux (sur le sacré, sur le pouvoir ou les propriétés imputés aux pierres) ou par l’anthropologie du patrimoine (sur le geste et la technique, l’artisanat, l’architecture).

Organisation

  • Nicolas Adell (Université Toulouse 2-Jean Jaurès, LISST-Centre d’Anthropologie Sociale)
  • Laurence Charlier (Université Toulouse 2-Jean Jaurès, LISST-Centre d’Anthropologie Sociale) 
  • Laurent Legrain (Université Toulouse 2-Jean Jaurès, LISST-Centre d’Anthropologie Sociale)

Programme

Vendredi 29 novembre 2019

Université Toulouse 2-Jean Jaurès

Bâtiment le Gai Savoir, Salle GA133

8h30 - Accueil des participants

9h-17h30

Session 1 – Introduction

Discutant : Nicolas Adell  (Université Toulouse 2 Jean Jaurès, LISST-Centre d’Anthropologie Sociale)

9h : Laurence Charlier (Université Toulouse 2 Jean Jaurès, LISST-Centre d’Anthropologie Sociale), Présentation

9h30 : Jean-Pierre Cavaillé (EHESS, LISST-Centre d’Anthropologie Sociale), Priapolithes et hystérolithes, pierres sexuelles et sexualité des pierres (XVII-XVIIIe siècles)

Les priapolithes sont des pierres qui ont la forme du sexe masculin. Elles furent ainsi nommées par le médecin Pierre Borel, médecin, polygraphe et collectionneur. Le priapolithe, bien sûr, était en bonne place dans son cabinet de curiosité castrais (sans jeu de mot!). Mais il était d’abord pour lui une preuve indiscutable de la vie des pierres, dont il est un défenseur résolu après Cardan, son autorité en la matière. On s’arrêtera sur les descriptions, les observations et les explications proposées par Borel de ces étranges pierres qui, un bon siècle plus tard, aux côtés des hysterapetra (pierres en forme de sexe féminin) sont encore considérées par l’encyclopédiste Jean-Baptiste René Robinet comme l’une des attestations de la vie de la matière sous toutes ses formes et de la présence en toutes les productions de la nature de l’anticipation de sa propre fin, la merveille des merveille : le corps humain sexué.

10h30 : Pause

Session 2 – Vivre et durer : la temporalité des pierres

Discutante : Laurence Charlier (Université Toulouse 2 Jean Jaurès, LISST-Centre d’Anthropologie Sociale).

11h : Valentina Vapnarsky (CNRS, Laboratoire d’Ethnologie et de Sociologie Comparative-EREA), Kuxa’an tuunich - Les pierres vivantes des Mayas yucatèques et lacandons

On s’interrogera sur les relations que les Mayas des Basses Terres, Yucatèques et Lacandons,  entretiennent avec certaines pierres, depuis les blocs que les Lacandons placent près de leurs maisons à des fins de protection, celles minuscules qu’ils insèrent dans leur encensoirs pour leur donner vie, jusqu’à différents types de vestiges de pierre –monticules cachés ou ruines majestueuses désormais touristifiées. On montrera d’abord que les vestiges agissent comme des catalyseurs spatiaux et matériels de l’historicité maya et qu’ils le font en contrastant des régimes de temporalité distincts : ceux de la régénérescence vs. de la latence, tout en s’ancrant toujours à des pierres « vivantes ». Il s’agira ensuite de mieux comprendre le caractère vivant de cette matière et les différentes modalités que cette qualité recouvre, depuis le processus physiologique de croissance attribué aux minéraux, jusqu’à la vitalité extraordinaire et au pouvoir de donner vie que seules certaines pierres possèdent, ou encore la vie que confèrent aux pierres certains de leurs résidents.

11h30 : Alexandre Melay (Docteur en Arts, esthétique et théorie des arts contemporains, Université de Lyon), Le pouvoir illimité des pierres depuis l’art des jardins japonais jusqu’au mouvement artistique Mono-ha

Dans le bouddhisme zen, la pierre symbolise l’ossature de l’univers, car elle se réfère à la stabilité. Selon la croyance animiste du shintoïsme, les pierres sont sacrées et peuvent être considérées comme des divinités, des kami, qui contiennent un esprit, un pouvoir envoûtant, un symbolisme, comme dépositaires de l’ordre et de la beauté du monde. Ce sont des objets inconnus qui trônent au milieu des jardins japonais ou sur le bord des routes : des pierres qui pourraient si l’on savait longtemps les regarder nous servir d’indices temporels. Dans la culture japonaise, il y a un questionnement sur la présence et l’absence de l’objet. Des jardins zen où elles y sont placées pour être contemplées aux œuvres minimalistes du mouvement artistique Mono-ha des années 70, les artistes japonais développent des processus révélant l’interdépendance des choses existantes, reprenant les idées bouddhistes selon lesquelles chaque chose n’existe qu’en relation avec les autres. Certains artistes les utilisent brutes tels des ready-mades re-sensibilisés, les collectent, les mettent en scène (Kishio Suga, Lee Ufan), quand d’autres les soumettent à des expérimentations en les transformant en monuments empreints de spiritualité et d’énergie (Shitamichi Motoyuki). Entre contemplation esthétique, croyance spirituelle ou magique et expérimentation scientifique, les pierres, par leur beauté spontanée, suggèrent un questionnement sur le monde passé, présent et à venir. Elles semblent à la fois contenir le passé originel, et même si elles semblent figer dans le temps, leurs strates sont le signe de l’évolution perpétuelle, du devenir, du transitoire, constituant ainsi une sorte de mémoire vive de la science et des grands mystères de notre planète. Et face à l’impermanence des choses et à l’instabilité du monde contemporain, elles symbolisent la chose la plus dure dans la « modernité liquide » à l’ère de la dématérialisation.

12h30 : buffet

Session 3 – Interroger la vie

Discutant : Ludovic Coupaye (University College London).

14h : Stéphane Cormier (chercheur associé à l’EA « Sciences, Philosophie Humanités »), Infravie : esquisse d’une anthropologie lithique renouvelée

Traditionnellement, l’archéologie, la paléoanthropologie, entre autres, tendent à nous présenter leurs études des « pierres », comme le paradigme de ce qui ne prend vie, valeur et signification que relativement à des contextes humains. Autrement dit, les « pierres » n’auraient pas d’existences « vivantes », indépendamment des multiples appropriations, projections ou transformations apportées par les humains à leurs supposées irréductibles inerties et stabilités. Mais, est-ce bien si certain? Ne pourrions-nous pas être à même d’imputer du vivant aux « pierres » entendu, non comme une qualité, mais bien plutôt comme une intensité en termes d’existence ? Que peuvent donc être des pierres « vivantes » pour l’anthropologie ?  Et, plus encore, qu’est-ce qu’être « vivant » peut bien vouloir dire ? Afin de pouvoir répondre à ces interrogations, nous vous proposons une caractérisation scientifique du vivant aux « pierres », nous amenant alors à concevoir des vies sans frontières, faisant de « l’animal machine » & « la machine animale », l’avers et l’envers d’une métaphore surannée du vivant. Cette épistémologie renouvelée du vivant à l’ombre de la vivacité des « pierres », nous la nommerons « Infravie », terme emprunté au biologiste moléculaire Thomas Heams (2019). Pour ce dernier, l’influence croisée et pérenne du biologique et du géologique invaliderait la proposition classique selon laquelle le vivant serait caractérisé par la singularité avec laquelle il se serait autonomisé du monde minéral. Ainsi, la matière vivante aurait non seulement pour origine les roches d’une terre alors abiotique, mais expliquerait, en retour, nos propres origines minérales. Pour ces raisons, notre problème d’une anthropologie lithique renouvelée ne serait donc plus, alors, de savoir pourquoi le vivant est autre chose que des « pierres », mais bien ce qui en chacune des « pierres », cristallise une forme, ô combien, rythmée et vivante, loin de toute pétrification de la pensée … !

14h30 : Jean-Pierre Albert (EHESS, LISST-Centre d’Anthropologie Sociale), La mythologie européenne des pierres d’animaux. Une pensée de la vie ? 

De l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien aux collectes européennes des folkloristes du XIXe siècle, une tradition continue évoque l’existence de « pierres d’animaux » créditées de pouvoirs magiques ou thérapeutiques. Ces pierres sont produites par l’animal, en lui ou hors de lui, ou simplement collectées dans des espaces inconnus des hommes. Bon nombre des animaux concernés, certains réels et d’autres imaginaires tels les dragons et les vouivres, participent d’un imaginaire de l’immortalité. Leurs pierres semblent concentrer leur pouvoir vital, qui peut aussi être exploité à des fins thérapeutiques par l’ingestion d’autres substances corporelles – par exemple la chair ou le venin des serpents, les bois de cerf réduits en poudre, etc. Mais pourquoi rapporter ces vertus à des pierres ? Mon propos sera d’expliciter les conceptualisations de la vie à l’œuvre dans ce système de représentations, en particulier le lien qui est fait entre l’idée d’une substance vitale (ou d’un support substantiel de la vie) et sa concrétisation sous la forme d’une pierre.

15h30 : Pause

Session 4 – Rencontrer des pierres

Discutant : Laurent Legrain (Université Toulouse 2 Jean Jaurès, LISST-Centre d’Anthropologie Sociale)

16h : Céline Tastet (Muséum National d’Histoire Naturelle-Paris 7, Éco-Anthropologie), Indio Vignes (Muséum National d’Histoire Naturelle-Paris 7, Éco-anthropologie), Morgane Costes-Marre (Directrice de l’Entente Causses et Cévennes), Richard Dumez (Muséum National d’Histoire Naturelle, Éco-anthropologie), La « pierre vive » des Causses

Une enquête anthropologique sur les clapas en tant qu’attribut du Bien du patrimoine mondial Causses et Cévennes, nous a permis de saisir en quoi la pierre joue un rôle très important dans la vie caussenarde. En effet, la pierre est perçue comme une entité vivante, ce qui exige des pratiques continues de gestion et un travail quotidien de la part des agriculteurs. Ces derniers catégorisent cette pierre calcaire de la même façon que les végétaux envahissants qui entravent l’agriculture : un élément gênant. Les pierres sur les terres arables sont nommées « roc » ou « clap » et font du champ un « grabas », peu propice à l’exploitation. La pierre « vive », une fois domestiquée, est mise en tas et devient ainsi un objet mort pour les caussenards. Elle sert alors de repère spatial et temporel pour les habitants des causses et peut désormais entrer dans le champ patrimonial pour les gestionnaires d’espaces naturels, non sans tensions autour des valeurs attribuées à ce “déchet” agricole.

16h30 : Gilles Raveneau (Université Paris Nanterre, Laboratoire d’Ethnologie et de Sociologie Comparative), Laurent, cristal de quartz vivant

Les catégories animale, végétale et minérale, accompagnées par les disciplines scientifiques correspondantes que sont la zoologie, la botanique, la minéralogie et la géologie supposent que la distinction entre les êtres vivants et non vivants est l’un des principes fondamentaux du monde et la base de nos classifications. Or, dans certains contextes des minéraux et des cristaux sont considérés comme vivants. Ils le sont de deux manières. D’une part, parce qu’ils naissent, grandissent et meurent sur une échelle temporelle qui n’est certes pas la nôtre, mais qui la rencontre lorsque ces minéraux sont découverts par des humains et mis en collection. D’autre part, pour les plus prestigieux d’entre eux, ils portent un nom et une histoire. Ils ont une biographie et sont chargés d’une puissance d’action. Ils entrent dans un régime de singularité. Je partirai d’une étude de cas, celle de « Laurent », dont j’ai accompagné la découverte dans le massif du Mont Blanc avec un cristallier en 2006 jusqu’à son acquisition finale par le Muséum d’Histoire Naturelle quelques années plus tard.

Cette journée d’études a reçu l’aide financière du Labex SMS portant la référence ANR-11-LABX-0066

Subjects

Places

  • Bâtiment le Gai Savoir, Salle GA133 - 5 Allée Antonio Machado
    Toulouse, France (31)

Date(s)

  • Friday, November 29, 2019

Keywords

  • Pierres, Vivant, ethno-écologie, comparatisme

Contact(s)

  • Laurence Charlier
    courriel : laurencecharlierzein [at] gmail [dot] com

Information source

  • Laurence Charlier
    courriel : laurencecharlierzein [at] gmail [dot] com

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Stones alive - anthropology of the living through the optic of stones », Study days, Calenda, Published on Thursday, November 21, 2019, https://doi.org/10.58079/13zg

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