HomeÇa va bien aller ? Les enjeux et les défis de l'intervention psychosociale pendant et après la pandémie de la COVID-19
Ça va bien aller ? Les enjeux et les défis de l'intervention psychosociale pendant et après la pandémie de la COVID-19
Revue « Nouvelles pratiques sociales » (NPS) Vol. 34, no 1
Published on Wednesday, June 15, 2022
Summary
Ce numéro thématique vise à documenter les effets de la pandémie de la COVID-19 sur les pratiques sociales, à questionner les conséquences de la pérennisation des mesures sanitaires sur différentes populations, à définir les interventions sociales mises en place pour répondre aux besoins de ces populations et à réfléchir aux actions et aux possibles réformes des services sociaux et de santé à la lumière des lacunes observées.
Announcement
Argumentaire
La pandémie de coronavirus (SARS-COV-2) a bouleversé la vie de millions des personnes à travers le monde. Cette pandémie a mis en lumière la façon dont les inégalités sociales affectent la santé et le bien-être de certaines populations ainsi que la vulnérabilité des systèmes sociaux et de santé en Occident, déjà fragilisés par de nombreuses années de gestion néolibérale et hospitalocentriste (Dufour et Hébert, 2021).
D’une part, la crise sanitaire provoquée par le coronavirus a contraint plusieurs gouvernements occidentaux à prendre des mesures restrictives sans précédent dans les démocraties libérales depuis la Seconde Guerre mondiale. D’autre part, les mesures sanitaires ont profondément changé les structures sociales et ont fait émerger des nouveaux rapports et des nouvelles tensions entre les différents pouvoirs et savoirs.
Dans plusieurs sociétés, dont le Québec, la gestion de la pandémie de la COVID-19, dans des milieux d’hébergement comme les résidences pour personnes âgées ou encore dans des milieux fermés comme les centres de détention, a conduit à une remise en question du rôle étatique dans la gestion des défis posés par les exigences mondialisées de la santé publique. Encore, on assiste à une compétition technologique et financière qui ne fait qu’exacerber les inégalités sociales en empêchant entre autres l’accès équitable au vaccin. Si d’un côté les entreprises pharmaceutiques continuent de protéger leurs intérêts au détriment de l’intérêt commun, de l’autre côté, les pays riches, qui peuvent acheter massivement des doses, vaccinent leur population alors que les pays pauvres n’en ont pas les moyens.
L’ampleur de la crise et les populations les plus touchées
Selon l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), au 4 mai 2022, 15 036 décès attribués à la COVID-19 ont été enregistrés au Québec (INSPQ, 2022). Les taux de mortalité par COVID-19 reflètent des inégalités sociales. Les personnes âgées de 80 ans et plus ont été les principales victimes de la pandémie. Au Québec, elles représentent plus des deux tiers des décès imputables à la COVID-19 (INSPQ, 2022). Les femmes constituent une autre population surreprésentée parmi les cas au Québec. Elles représentent 55,6 % des cas et 50,5 % des décès, comparativement à des taux de 44,4 % et 49,5 % respectivement, chez les hommes (INSPQ, 2022). Toujours au Québec, les taux de décès par COVID-19 sont plus de trois fois plus élevés dans les quartiers où il y a plus de 25 % des personnes de minorités visibles (123,1 par 100 000 habitants) comparativement aux quartiers où il y a moins de 1 % (35,1 par 100 000 habitants) de résident.e.s appartenant à une minorité visible (Subedi et al., 2020). À Montréal, dans les quartiers où plus de 25 % des résident.e.s sont noir.e.s, le taux de mortalité lié à la COVID-19 était de 149,3 par 100 000 habitants comparativement à 88,1 par 100 000 habitants dans les quartiers comptant moins de 1% de résident.e.s noir.e.s (Subedi et al., 2020). D’autres groupes sociaux ont également été touchés de façon disproportionnée, dont les personnes vivant dans des conditions de défavorisation économique et sociale. Les données recueillies par la Direction régionale de santé publique du 1er avril au 16 mai 2020 montrent qu’à Montréal, on observe des écarts grandissant dans le nombre de personnes atteintes de la COVID-19 selon le niveau de défavorisation matérielle de leur milieu (indice construit à partir de trois caractéristiques partagées par les personnes vivant dans un même territoire géographique: le niveau de scolarité, le revenu moyen et le statut d’emploi). Si l’on exclut les personnes vivant en milieux fermés tels que les CHSLD, les résidences pour aînés, etc., le nombre de cas cumulatifs de COVID-19, en date du 16 mai 2020, était près de deux fois et demie plus élevé chez les personnes vivant dans des secteurs très défavorisés que chez celles vivant dans des secteurs très favorisés (3987 et 1603 respectivement).
Plusieurs populations sont davantage vulnérables aux complications associées à la COVID-19 en raison d’un état de santé précaire, dont les personnes en situation d’itinérance, celles ayant une consommation problématique de substances psychoactives, dont celles utilisant des opioïdes, confrontées déjà à une crise majeure de santé publique : celle de surdoses (Bertrand et al., 2020). Ces personnes sont également plus à risque de contracter la COVID en raison des difficultés à appliquer certaines mesures dont la distanciation sociale, l’isolement en cas de symptômes et l’accès à de l’équipement de protection individuel, entre autres (Bertrand et al., 2020).
Les mesures sanitaires prises pour éviter la propagation de la COVID-19, bien que nécessaires, ont généré des effets iatrogènes parmi certaines populations, notamment celles se trouvant déjà en situation de vulnérabilité. Une enquête menée au Québec en 2020, auprès de 6261 adultes, rapporte que 20% des répondant.e.s avaient des symptômes associés à un trouble d’anxiété généralisée ou de dépression majeure deux semaines précédant l’enquête. La présence de ces symptômes était plus élevée parmi les jeunes de 18 à 24 ans (37%) (Généreux, 2020).
Les mesures sanitaires et leurs conséquences
Le confinement est l’une des mesures sanitaires qui a eu des effets importants sur la population, notamment en termes d’isolement. Certaines populations ont souffert d’autres conséquences importantes en lien avec le confinement comme des ruptures de services dans le réseau de la santé et des services sociaux, une plus grande précarité financière et un plus grand contrôle de la police sur les personnes en situation d’itinérance. Le confinement a aussi mis en danger des personnes confrontées aux différentes formes de violence (familiale, homophobe, transphobe…) (Bertrand et al., 2020). Les personnes de la diversité sexuelle et de genre, particulièrement celles dont l’orientation sexuelle ou l’identité de genre n’est pas connue de leurs proches, ont été une des populations affectées par les mesures de confinement, en raison de la fermeture des ressources communautaires et des lieux de socialisation (Sanchez et al., 2020).
La pandémie et les mesures prises pour la combattre ont aussi été à l’origine de la recommandation et de la mise en place de plusieurs interventions novatrices, autant en milieu communautaire qu’institutionnel. En effet, des mesures telles que les interventions sociales par le biais des plateformes vidéo, les téléconsultations avec différents professionnels de la santé et des services sociaux, l’adaptation des règles dans les refuges pour personnes en situation d’itinérance, l’assouplissement de certaines restrictions associées aux traitements pour les personnes ayant un trouble d’utilisation d’opioïdes, entre autres (Bertrand et al., 2020). Cependant, la pérennisation de ces mesures n’est pas assurée une fois la pandémie contrôlée.
Ce que vise ce numéro thématique
La pandémie de la COVID-19 et ses multiples conséquences devraient nous pousser à réfléchir à des solutions durables aux inégalités sociales et de santé, à renforcer les liens entre la santé et d’autres facteurs sociaux et culturels ainsi qu’à repenser de façon critique les interventions dans le domaine de la santé et des services sociaux.
Ce numéro thématique vise à documenter les effets de la pandémie de la COVID-19 sur les pratiques sociales, à questionner les conséquences de la pérennisation des mesures sanitaires sur différentes populations, à définir les interventions sociales mises en place pour répondre aux besoins de ces populations et à réfléchir aux actions et aux possibles réformes des services sociaux et de santé à la lumière des lacunes observées. Nous proposons d’articuler les articles autour de trois axes non mutuellement exclusifs.
Les effets de la COVID-19 et des mesures sanitaires
Cet axe vise à documenter, par le biais d’articles empiriques ou de réflexions critiques, la façon dont la pandémie et les mesures prises pour y faire face ont affecté l’ensemble de la population et certains groupes sociaux. Une attention particulière sera portée aux populations en situation de vulnérabilité ou de précarité. Les questions qui suivent peuvent, à titre indicatif, guider les contributions dans cet axe :
- Comment comprendre le rôle de la santé publique et les mesures de contrôle et d’assauts de l’État de droit ?
- De quelle façon les mesures sanitaires ont-elles affecté des personnes se trouvant à l’intersection de différents types de vulnérabilité ? Comment ces personnes ont-elles vécu cette crise ?
- Les mesures sanitaires ont-elles pris en compte les inégalités sociales et les inégalités de santé ? Quelles critiques peut-on apporter à la façon dont ces mesures ont été développées ?
Les interventions mises en place pour faire face à la pandémie et aux conséquences des mesures sanitaires
Cet axe inclut des articles qui documentent le développement d’interventions (ou leur adaptation) mises en place pour répondre aux besoins des populations en situation de vulnérabilité dans le contexte de la pandémie de la COVID-19. Ce volet comprend des contributions qui se présentent sous forme de descriptions critiques de ces pratiques ainsi que des études évaluatives. Une discussion sur la pérennisation de ces interventions est encouragée. Les questions qui suivent peuvent, à titre indicatif, guider les contributions dans cet axe :
- Comment la crise sanitaire a-t-elle modifié les paradigmes et les formes d’intervention ?
- Des pratiques novatrices ont-elles été développées et évaluées ? Comment celles-ci peuvent-elles s’intégrer dans un modèle néolibéral de gestion de la santé et des services sociaux ?
- Quels sont les enjeux et les défis de la pérennisation d’interventions développées durant la crise sanitaire ?
Le post-pandémie
Cet axe s’intéresse à la réflexion critique autour des services sociaux et de santé dans un contexte post-pandémie ainsi qu’à une mise en discussion de ces derniers à la lumière des changements apparus dans les rapports sociaux, épistémologiques et politiques durant et après la pandémie. L’axe inclut, par exemple, des articles portant sur la nécessité de repenser le système de santé, sur les interventions auprès des personnes en situation de vulnérabilité ou encore sur des réflexions critiques sur l’accès inéquitable aux vaccins et les intérêts économiques des entreprises pharmaceutiques. Les questions qui suivent peuvent, à titre indicatif, guider les contributions dans cet axe :
- Comment repenser les systèmes de santé à la suite des expériences de la crise sanitaire ?
- Comment rendre ces systèmes de santé plus inclusifs et affirmatifs envers différentes populations ?
- Comment repenser les politiques publiques en matière de santé d’un point de vue global ?
Conditions de soumission
Dans le cadre de cet appel, Nouvelles pratiques sociales sollicite deux types de contribution :
Des articles scientifiques (rubrique Dossier)
Les articles scientifiques seront sélectionnés selon leur qualité́ scientifique et leur pertinence par rapport à la thématique du dossier et au créneau éditorial de Nouvelles pratiques sociales. Les articles sélectionnés seront soumis à un processus rigoureux et balisé d’évaluation par les pairs en double aveugle.
Les critères d’évaluation sont :
a) la pertinence et l’originalité ;
b) la qualité et la portée du cadre théorique ;
c) la cohérence et la rigueur de la méthodologie (s’il s’agit d’un article empirique) ;
d) la qualité de l’analyse ou de la discussion ;
e) la clarté, la structure du texte et la qualité de la langue.
Les articles acceptés à l’issue du processus d’évaluation seront publiés dans la rubrique Dossier du numéro.
Des contributions en provenance de la société civile et des milieux d’intervention (rubrique Échos de pratique)
Cette rubrique met en valeur les interventions et les actions réalisées dans divers milieux de pratique, qu’ils soient communautaires, institutionnels, syndicaux ou militants. Dans cette perspective, les textes seront consacrés à la description et à l’analyse de pratiques, d’actions ou d’interventions sociales. Ces articles seront sélectionnés selon leur pertinence et leur cohérence vis-à-vis du créneau éditorial de Nouvelles pratiques sociales. Nous porterons un intérêt particulier à des articles pouvant contribuer au renouvellement des pratiques.
Les critères d’évaluation sont :
a) la pertinence et l’originalité au regard du renouvellement des pratiques ;
b) la clarté de la présentation des pratiques discutées ;
c) la qualité de l’analyse ou de la discussion ;
et d) la structure du texte et la qualité de la langue.
Les textes retenus seront publiés dans la rubrique Échos de pratique du numéro.
Pour toute question relative à ce dossier thématique, les auteur.e.s sont invité.e.s à communiquer avec les responsables.
Les propositions de contribution sont à envoyer avant le 15 juillet 2022.
Les articles définitifs seront remis le 8 janvier 2023.
La publication du numéro est prévu pour le printemps 2023.
Coordination scientifique
- Jorge Flores-Aranda, Professeur, École de travail social, Université du Québec à MontréalTitulaire de la Chaire de recherche du Canada TRADIS (trajectoires, diversité, substances)
- Rossio Motta-Ochoa, Professeure adjointe, École de travail social, Université de Montréal
- Ida Giugnatico, Coordonnatrice de recherche, École de travail social, Université du Québec à Montréal
Références bibliographiques
https://www.inspq.qc.ca/covid-19/donnees
Sanchez, T. H., Zlotorzynska, M., Rai, M. et Baral, S. D. (2020). Characterizing the Impact of COVID-19 on Men Who Have Sex with Men Across the United States in April, 2020. AIDS and behavior, (9712133). doi:10.1007/s10461-020-02894-2.
Subedi, R., Greenberg, L., Turcotte, M. (2020). Taux de mortalité attribuable à la COVID-19 dans les quartiers ethnoculturels du Canada. Ottawa : Statistiques Canada.
Tremblay, E., Benigeri, M., Martin, M., Truchon, C. (2020). Première vague de la pandémie de COVID-19 au Québec : regard ssur les facteurs associés aux hospitalisations et aux décès. Montréal : Institut national d’excellence en santé et services sociaux.
Subjects
- Sociology (Main subject)
- Periods > Modern > Twenty-first century
- Society > Sociology > Sociology of health
- Society > Political studies > Governance and public policies
Date(s)
- Friday, July 15, 2022
Attached files
Keywords
- Intervention, travail social, COVID-19
Contact(s)
- Gabrielle Prince-Guérard
courriel : nps [at] courrier [dot] uqam [dot] ca
Reference Urls
Information source
- Gabrielle Prince-Guérard
courriel : nps [at] courrier [dot] uqam [dot] ca
License
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To cite this announcement
« Ça va bien aller ? Les enjeux et les défis de l'intervention psychosociale pendant et après la pandémie de la COVID-19 », Call for papers, Calenda, Published on Wednesday, June 15, 2022, https://calenda.org/1002295