StartseiteL’individualisation de la formation professionnelle

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Veröffentlicht am Mittwoch, 26. Oktober 2022

Zusammenfassung

Dans plusieurs domaines de la vie sociale, la démonstration de l’existence d’un processus d’individualisation n’est plus à faire. Il n’en va pas différemment en matière de formation professionnelle continue pourtant ancrée à l’origine dans des logiques collectives de promotion sociale et d’émancipation. Ce dossier entend analyser les mécanismes de diffusion, d’appropriation, mais aussi de résistance à l’œuvre. Il s’agit de recueillir des travaux qui décryptent la manière dont ce processus participe à reconfigurer les pratiques et usages de la formation que ce soit par ceux et celles qui la pensent, la mettent en œuvre ou y recourent (ou non).

Inserat

Coordination scientifique

  • Aurélie Gonnet, Lise – CNAM, CEET, membre du RT46
  • Prisca Kergoat, Certop – Université Toulouse Jean Jaurès, membre du comité de rédaction de la NRT
  • Emmanuel Quenson, CPN – Université d’Evry – Paris Saclay, membre du RT46

Argumentaire

Dans plusieurs domaines de la vie sociale, la démonstration de l’existence d’un processus d’individualisation n’est plus à faire. Il n’en va pas différemment en matière de formation professionnelle continue pourtant ancrée à l’origine[1] dans des logiques collectives de promotion sociale et d’émancipation. Ces ambitions originelles n’allaient toutefois pas déjà sans certaines ambiguïtés, à une période où une forte demande de qualification était exprimée par les entreprises au nom de la compétition économique internationale (Quenson, 2011). De fait, la crise de la fin des années 1970 a rapidement revalorisé une perspective adéquationniste des relations formation-emploi (Dayan et al., 2017 ; Dubar, 2015). S’en est suivie la promotion d’une doctrine de la compétence dont les secteurs de l’éducation et de la formation ont été des vecteurs privilégiés (Neyrat, 2015 ; Tanguy, 1986). Au travail, cette doctrine se propose comme une autre manière de gérer la mobilité interne en s’appuyant davantage sur l’évaluation individuelle, contre le modèle de la carrière, de l’ancienneté et de la qualification jusque-là dominant. S’ils n’ont pas disparu, tant s’en faut, ces modèles ont perdu vigueur, ce que le politique a accompagné par l’individualisation de la formation et la démultiplication des certifications professionnelles (Maillard, 2017). Olivier Mazade et Catherine Negroni (2019) rappellent alors combien la formation a été construite comme le meilleur moyen pour transformer et adapter les travailleur·ses, en situation de reconversion et de requalification, participant à la diffusion de « la croyance dominante dans les vertus intrinsèques de la formation » (Garraud, 1995).

Rompant progressivement avec une ambition collective, les réformes de la formation adoptées depuis cinquante ans diffusent des pratiques, un vocabulaire et des dispositifs participant d’une forme de déresponsabilisation des entreprises en matière de développement professionnel. Du congé individuel de formation (CIF) au compte personnel de formation (CPF), en passant par le droit individuel à la formation (DIF), les modalités d’action en faveur du développement professionnel ont été progressivement individualisées, voire personnalisées. Ainsi, la loi n° 2018-771 dite « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel » promulguée le 5 septembre 2018 constitue la dernière étape dans ce processus, rattachant une partie des droits à la formation à la personne et non plus à son statut d’emploi.

Par-delà la mise au jour de ce processus d’individualisation de la formation, ce dossier entend analyser les mécanismes de diffusion, d’appropriation, mais aussi de résistance à l’œuvre. Il s’agit de recueillir des travaux qui décryptent la manière dont ce processus participe à reconfigurer les pratiques et usages de la formation que ce soit par ceux et celles qui la pensent, la mettent en œuvre ou y recourent (ou non).

Axe 1 - Les professionnel·les de la formation face à l’individualisation : métiers, modèles et modalités pratiques de l’individualisation de la formation

Depuis les années 1990, le marché de la formation s’est considérablement développé, nourrissant tout une gamme de prestataires et d’emplois. Simultanément, l’offre et les modalités pratiques de formation et de développement professionnel se sont diversifiées tout en promettant de répondre à des besoins de plus en plus personnalisés par une prise en charge adaptée, voire individualisée. Dès lors, qui sont ces « agents » de l’individualisation ? Quels sont leurs métiers ? En quoi consiste leur travail ? De quelle manière leurs conditions d’exercice (notamment la diffusion de statuts non salariés) façonnent-elles leurs représentations de ce qu’ils et elles font ? De quelle(s) manière(s) participent-ils et elles directement, ou via leurs dispositifs pédagogiques, à ce mouvement d’individualisation ? Peut-on, à l’image de la figure des « inséreurs insérés » (Mauger, 2001), repérer des « individualisateur·rices individualisé·es » ? Et quid des formes de structuration, d’organisation et de mobilisation collective chez les professionnel·les, eux et elles-mêmes frappé·es par l’individualisation à l'œuvre ?

Par ailleurs, le déploiement du conseil en évolution professionnelle (CEP) comme de la certification Qualiopi questionnent à nouveaux frais la professionnalisation des professionnel·les de la formation face au constat de l’hétérogénéité des pratiques, de la qualité variable des prestations, mais aussi du manque de coopération entre les acteur·rices notamment aux niveaux locaux et territoriaux. En effet, la démultiplication de dispositifs de sécurisation des parcours professionnels réactive des enjeux liés au mouvement de marchandisation de la formation continue comme des dispositifs attenants, laquelle pousse à la distinction des pratiques et des offres de services. En quoi cela impacte ou se nourrit de la manière dont les professionnel·les traduisent les logiques d’individualisation ?

Enfin, parmi les agents de la formation apparaissent les formateur·rices, figures historiques (Lescure, Frétigné, 2010) aux côtés d’une multitude d’intervenant·es et d’activités se référant à différents modèles théoriques et pratiques qui relèvent alternativement de l'accompagnement, du tutorat, du mentorat, de la guidance ou encore du coaching. Autant de modèles qui promeuvent cette approche individualisée. Comment se traduit concrètement l’individualisation de la formation et de la sécurisation des transitions professionnelles ? Quelle étendue de pratiques peut être décrite sous le régime de l’individualisation, et quelles limites rencontre-t-elle ? Si l’individualisation de la formation est, le plus souvent, analysée sous le prisme d’une perspective critique, peut-on repérer des inversions de mécanismes, des résistances plus ou moins actives de la part des professionnel·les et la construction d’alternatives ? Et quid des formes et tentatives de régulation des pratiques, des usages et des dispositifs de formation, de la part du politique, des organisations professionnelles, syndicales, etc. ?

Axe 2 - Ce que l’individualisation de la formation fait aux collectifs de travail et aux travailleur·ses

La formation professionnelle est un des domaines de négociation paritaire les plus anciens, ayant été institué en partie pour pacifier les relations sociales par le dialogue social (Tanguy, 2007). Si elle ne fait que rarement l’objet de mobilisations et de revendications collectives ou syndicales, que ce soit en dehors ou à l’intérieur des espaces de travail – hormis à l’occasion de plans sociaux – la formation a historiquement contribué à transformer l’organisation du travail et les parcours de formation, mais aussi à construire des identités collectives tant au niveau de métiers que d'entreprises (Divert, 2018 ; Dubar, Engrand, 1986). Alors que d’un côté on assiste au passage d’une organisation productive centrée sur le poste du travail à une organisation supposée valorisante et créatrice de compétences pour l’individu salarié, de l’autre, on passe d’un système d’enseignement centré sur les savoirs à un système d’apprentissage axé sur l’apprenant·e, devenu·e acteur ou actrice de son parcours. Dès lors, comment la formation professionnelle contribue-t-elle à un rapprochement entre école et entreprise et quelles en sont les conséquences, tant sur les formes d’expression collectives que sur les rapports au travail et au savoir ? Dès lors, la formation conduit-elle de fait à dépolitiser les individus et les collectifs ou au contraire, peut-elle aussi participer du développement d’un esprit critique, d’un désir d’émancipation, de dépassement des assignations socioprofessionnelles et in fine d’une transformation des rapports sociaux ? La formation, en transformant les travailleurs, transforme-t-elle également les rapports de classe ?

Et qu’en est-il de ces dynamiques dans un contexte d’individualisation de la formation ? Peut-elle toujours être pensée comme un outil pour construire de la mixité sociale ? La diffusion d’une approche individualisée de la formation comme des parcours professionnels participe-t-elle avant tout de la déstructuration des collectifs ou repère-t-on aussi des formes de « re-collectivisation » des enjeux et pratiques de formation au travail ? Et quid de l’externalisation croissante de la gestion des parcours professionnels (Monchatre, 2007 ; Gonnet, 2020) dont témoigne la création du CPF ? Favorise-t-elle une libération des possibilités de développement professionnel ou contribue-t-elle d’abord et avant tout à une déresponsabilisation des employeurs en la matière ?

Enfin, face au constat régulièrement renouvelé d’une incapacité de la formation à réduire les inégalités sociales, que produit son individualisation ? Peut-on repérer des situations dans lesquelles elle permet de vaincre certains déterminismes socioprofessionnels ? Et si oui, à quelles conditions ? Est-ce qu’à l’inverse, elle contribue à renforcer les inégalités interindividuelles ? Quelles ressources spécifiques permettent ou empêchent (quand elles manquent) de faire valoir ses droits à la formation et par ce biais, de se développer professionnellement ou encore de sécuriser son parcours ? En somme, dans quelles conditions les travailleur·ses peuvent-ils / elles faire usage de leur « liberté à choisir son avenir professionnel », ainsi que le formule la loi de 2018 ?

Modalités de soumission

Merci d’adresser les propositions d’article (format Word ou Odt) exclusivement à : nrtravail@gmail.com

au plus tard le 1er septembre 2023.

Les propositions d’articles ne doivent pas dépasser les 45 000 signes (espaces et bibliographie compris), les métadonnées (noms, résumés et mots clés en français et anglais) figurant dans un fichier à part.

Règles de mise en page indiquées sur https://journals.openedition.org/nrt/531

Références bibliographiques

DAYAN Jean-Louis, LESCURE Emmanuel de, VEZINAT Nadège (2017), « De la formation continue à la sécurité professionnelle : une longue marche », Sociologies pratiques, n° 35, 13‑18.

DIVERT Nicolas (2018), « Construire une identité professionnelle par la formation. Les usages d’une école interne à la Société générale, de 1960 à 1983 », Éducation permanente, n° 217, 139-150.

DUBAR Claude (2015), La formation professionnelle continue, Paris, La Découverte.

DUBAR Claude, ENGRAND Sylvie (1991), « Formation continue et dynamique des identités professionnelles », Formation Emploi, n° 34, 87-100.

GARRAUD Philippe (1995), « La mise en œuvre des politiques de lutte contre le chômage par la formation : les contraintes du service public de l'emploi en France », Sociologie du travail, n° 4, 675-696.

GONNET Aurélie (2020), Des orientations au travail. Une sociologie de la construction sociale des parcours, des expériences et des qualités professionnelles dans le cadre du bilan de compétences, Thèse de doctorat en sociologie, Paris, CNAM.

LESCURE Emmanuel de, FRETIGNE Cédric (dir.) (2010), Les métiers de la formation. Approches sociologiques, Rennes, Presses universitaires de Rennes.

MAILLARD Fabienne (2017), « La politique de certification tout au long de la vie : Vers la labellisation des actifs ? », Sociologies pratiques, n° 35, 37‑47.

MAUGER Gérard (2001), « Les politiques d’insertion. Une contribution paradoxale à la déstabilisation du marché du travail », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, n° 136‑137, 5‑14.

MONCHATRE Sylvie (2007), « Des carrières aux parcours… en passant par la compétence », Sociologie du Travail, n° 4, 514‑530.

NEGRONI Catherine, MAZADE Olivier (2019), « Entre contrainte et choix, regards sur les reconversions professionnelles subies et les reconversions professionnelles volontaires », Recherche formation, n° 90, 87‑102.

NEYRAT Frédéric (2015), Une sociogenèse de la compétence, Mémoire en vue de l’obtention de l’HDR en sociologie, Paris, Science Po.

QUENSON Emmanuel (2011), « Les salariés des grandes entreprises face à l’individualisation de la formation », Regards sociologiques, n° 41‑42, 115‑130.

TANGUY Lucie (2007), « La fabrication d’un bien universel », dans BRUCY Guy, CAILLAUD Pascal, QUENSON Emmanuel & TANGUY Lucie (dir.), Former pour réformer. Retour sur la formation permanente (1945-2004), Paris, La Découverte, 31-68.

TANGUY Lucie (1986), L’introuvable relation formation/emploi. Un état des recherches en France, Paris, La Documentation Française.

Note

[1] Loi n° 71-575 du 16 juillet 1971 portant organisation de la formation professionnelle continue dans le cadre de l'éducation permanente

Orte

  • 23 rue des Ecoles
    Paris, Frankreich (75005)

Daten

  • Freitag, 01. September 2023

Schlüsselwörter

  • sociologie, formation, individualisation, emploi, travail

Kontakt

  • Olivier CLÉACH
    courriel : nrtsecretariat [at] gmail [dot] com

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Informationsquelle

  • Olivier CLÉACH
    courriel : nrtsecretariat [at] gmail [dot] com

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Zitierhinweise

« L’individualisation de la formation professionnelle », Beitragsaufruf, Calenda, Veröffentlicht am Mittwoch, 26. Oktober 2022, https://doi.org/10.58079/19se

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