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(Im)matéréalités

L’objet pop peut-il être éthique ?

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Publicado el miércoles 16 de noviembre de 2022

Resumen

Cette première journée d’étude du projet de recherche (Im)matéréalités, entend interroger les différentes manières dont l’objet pop, quelle que soit sa forme, semble devenir de plus en plus fréquemment vecteur d’éthique, tant des modes de production que de consommation. Qu’il s’agisse d’habillement ou d’accessoires, d’articles de décoration, d’artéfacts culturels, de moyens de transport ou d’outils de communication, les objets qui peuplent notre quotidien disent quelque chose de l’époque que nous traversons, à l’heure des pénuries de matières premières ou de composants, et des restrictions de productions pour causes climatiques et/ou sanitaires. L’objet pop peut-il aujourd’hui être éthique ? Ou les rouages de l’hypercapitalisme sont-ils encore suffisamment résistants dans ce « monde d’après » pour transformer cette dimension en une nouvelle manne lucrative ?

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Argumentaire

Cette série de rencontres – deux journées d’étude poursuivies par un colloque international – s’appuiera sur un partenariat entre le laboratoire LIS de l’université de Lorraine et le laboratoire 3L.AM de Le Mans université, dont la ligne directrice sera d’interroger la place et les valeurs de l’objet de consommation pop et son inscription dans les cultures matérielles de nos réalités quotidiennes.

« Les objets et les artefacts, en particulier les produits de consommation, qui nous sont utiles dans notre vie quotidienne et qui proviennent de la culture populaire de masse, sont souvent négligés et dévalués par les chercheurs » écrit Yuniya Kawamura dans son ouvrage consacré aux sneakers récemment traduit en français (Sneakers : Mode, genre et masculinité, du Bronx à la marchandisation, p. 15). Le domaine de l’habillement semble être, à cet égard, un premier champ d’investigation particulièrement fertile : que nous disent les phénomènes cycliques de mode aux temporalités de plus en plus indéfinies ? Comment les marques cherchent-elles à se singulariser toujours davantage, menant à un monde où cohabitent désormais des styles toujours plus éclectiques ? De quelle manière les grandes maisons de la mode autant que les enseignes bon marché de la fast-fashion modifient-elles simultanément leurs discours et leurs pratiques de production afin de retenir leurs consommateurs ? En quoi sacs bananes, casquettes ou t-shirts deviennent-ils à leur tour des étendards pop, se revendiquant eux-mêmes d’une culture geek avec leurs symboles, citations ou inscriptions ?

Ainsi estampillé, l’objet pop s’inscrit dans le champ plus spécifique des produits dérivés et de leurs gammes parfois fantasques, interrogeant autant les aspirations mercantiles hégémoniques des producteurs que l’agentivité variable des consommateurs : qu’en est-il du choix dans une société de pairs 2.0 où les réseaux sociaux deviennent le lieu de vitrines privées, et où les influenceurs sont légion ? Gilles Brougère (La Ronde des jeux et des jouets, p. 8) analyse l’abondance toujours accrue de ces produits dérivés comme une saturation du réel de leurs usagers (au premier rang desquels les enfants) par l’inscription quotidienne et domestique d’objets reprenant les licences et franchises fétiches de la pop culture destinée à la jeunesse – de Goldorak à Pat’ Patrouille en passant par Les Tortues Ninja ou Dragon Ball Z, autant de fictions et désormais aussi de marques déposées qui engendrèrent et engendrent encore des objets fonctionnels en tout genre : pots de moutarde et verres en devenir, linge de lit, pyjama, vêtements…. Il y aurait ainsi une déclinaison du fictionnel vers le fonctionnel que cette série de rencontres pourrait permettre de conceptualiser.

Postulant qu’il existe une sociologie des claquettes-chaussettes, du survêtement du PSG, du t-shirt Iron Maiden, de la trousse Avengers ou du pot de moutarde Petit Ours Brun, ces différentes journées chercheront toutefois à dépasser le strict fonctionnalisme par le truchement d’une réflexion interdisciplinaire chère aux études culturelles en mêlant notamment la réflexion sémiologique (que signifient les objets pop dans nos réalités ?) à la réflexion socio-anthropologique (de quelles (sous-)cultures ou plus spécifiquement, de quelles pratiques culturelles sont-ils le révélateur ou le signe distinctif ?). De ce point de vue, placer l’interrogation sous le prisme de la consommation – et non sous celui de la technique – revient à inclure notre réflexion dans ce que les anglophones nomment material culture et, en France, dans le champ épistémologique emblématisé notamment par les œuvres désormais classiques de Jean Baudrillard (Le Système des objets puis La Société de consommation).

D’autres produits comme d’autres logiques de consommation seraient aussi à analyser, à l’image des pratiques diverses de collections dont la pop culture semble être un puissant catalyseur, et une marque comme Funko l’un des symboles de l’époque contemporaine. La collection c’est l’objet abstrait de sa fonction qui s’abolit dans la passion de la propriété privée, le lieu, comme l’énonce Baudrillard, « où la prose quotidienne des objets devient poésie, discours inconscient et triomphal » (Le Système des objets, p. 122). En ce sens, la collection manifeste deux dynamiques connexes autour de l’objet pop ainsi érigé : d’une part son artialisation, de l’autre la possible muséalisation des pratiques culturelles dont il devient le vecteur. Ces deux faces de la même pièce (de collection ?) interrogent ainsi la porosité des domaines du savant et du populaire, toujours sujette à débat, près de vingt ans après ce dont Dominique Pasquier rendait compte au travers de multiples oppositions sémantiques qui « renvoient toutes à l’idée d’une hiérarchie culturelle : high/low – et sa variante highbrow/lowbrow – élite/masse, savant/populaire, légitime/non légitime, culture cultivée/culture populaire, etc. » (« La Culture populaire à l’épreuve des débats sociologiques », Hermès, 2005/2, n° 42, p. 61).

La trajectoire réflexive de ces événements de recherche entend ainsi interroger le matérialisme de nos réalités contemporaines et du modèle de crise permanente dans lequel elles s’inscrivent : matéréalités. Il s’agira également d’explorer comment ces dernières, devenues indissociables des multiples usages des outils numériques sur lesquels elles reposent, investissent l’immatériel des espaces digitaux et de leurs enjeux grandissants, influence majeure de ce qui pourtant demeure insaisissable : immatéréalités.

Premier volet - L’objet pop peut-il être éthique ?

Journée d’étude, Université de Lorraine, Nancy, 14 Avril 2023

“’Cause we are living in a material world / And I am a material girl”.

La confession consumériste et hédoniste de Madonna réalisée en chanson durant l’année 1984 semble désormais quasi hors de propos près de quarante ans plus tard. C’est ce dont témoigne un récent article du magazine en ligne Nylon pointant une potentielle contestation contemporaine de l’hypercapitalisme, particulièrement vive parmi les générations Z et alpha. Celle-ci semble reposer sur l’idée d’une fin du « printemps perpétuel » jadis associé à la consommation de masse par Baudrillard en lien avec le développement des centres commerciaux (La Société de consommation, p. 24, 26) et un potentiel refus des jeunes générations d’être encore « des héritières […] non plus seulement des biens, mais du droit naturel à l’abondance » (Id., p. 29), cette abondance dont on nous a récemment annoncé la fin au sommet de l’Etat.

Ne nous y trompons pas toutefois : il s’agit peut-être davantage d’une mutation plurielle de l’hyperconsommation que de sa fin. De ce point de vue, la question la plus immédiate semble être celle de l’écologie et du développement durable. La pop culture, en ce qu’elle est avant tout une culture de consommation définie par Eloy Fernández Porta comme « un élan primordial : celui de la dévoration […], la destruction des biens et des services par l’usage qui en est fait » (Homo Sampler : Culture et consommation à l’ère afterpop, p. 10), est-elle par nature anti-eco friendly ? De multiples domaines peuvent être ici mobilisés, au premier rang desquels celui des fashion studies afin de rendre compte d’une mode contemporaine marquée par les condamnations de plus en plus virulentes des marques produisant encore des vêtements jetables dans les conditions que l’on sait – Zara, Primark, Shein – mais aussi par l’essor des friperies devenues tendance auprès d’une clientèle de plus en plus jeune. La nostalgie et le goût du vintage alimentant un « marché de l’ancien » qui n’est plus, contrairement au moment où Baudrillard écrit Le Système des objets, réservé au domaine des antiquaires, reflètent-ils l’élan d’une green pop qui ne saurait donc être qu’une consommation anachronique par nature, ou bien sont-ils symptomatiques d’une expression politique autour des enjeux climatiques que les gouvernants semblent toujours prendre à rebours ?

De plus en plus de ces jeunes dont l’on brocarde régulièrement le peu d’intérêt pour la politique ou la fragilité d’un engagement « entre populisme et exigence démocratique » (Claudine Attias-Donfut & Martine Segalen, Avoir 20 ans en 2020 : Le Nouveau fossé des générations, p. 175) semblent désormais afficher leurs convictions écologiques dans leurs habitudes de consommation. Ainsi, cette époque marquée par l’anxiété écologique et la solastalgie dont les jeunes générations seraient les premières victimes, est aussi celle qui semble impliquer que, désormais, l’engagement puisse (doive ?) prévaloir sur la tendance. Pour qu’il fasse sens, le style doit être en prise directe sur les nécessités environnementales davantage que sur les prescriptions des chantres institutionnels du bon goût, comme en attestent les multiples scandales de ces derniers mois associés au monde de la mode, au premier rang desquels le défilé organisé par la marque Yves Saint-Laurent dans le désert marocain. Et si la tendance se définissait désormais par l’éthique, réalisant ainsi la prédiction faite par Lipovetsky dès 1991 : « il n’est plus d’utopie que morale, “le XXIe siècle sera éthique ou ne sera pas” » (Le Crépuscule du devoir, p. 11) ? Dans un autre registre, les polémiques actuelles entourant la prochaine coupe du monde de football au Qatar et les multiples boycotts de l’événement annoncés – qu’ils soient le résultat d’un choix individuel ou de celui de municipalités entérinant l’absence de diffusion des rencontres sur écran géant – en attestent également. Objets, pratiques et manifestations ne pourraient-ils donc plus être pop qu’à la condition d’être éthiques ?

À cet égard, Jean Baudrillard, en ouverture du Miroir de la production, indique qu’« un spectre hante l’imaginaire révolutionnaire : c’est le phantasme de la production. Il alimente partout un romantisme effréné de la productivité. La pensée critique du mode de production ne touche pas au principe de la production. Tous les concepts qui s’y articulent ne décrivent que la généalogie, dialectique et historique, des contenus de production, et laissent intacte la production comme forme. » (Le Miroir de la production, p. 9). À l’heure d’une révolution environnementaliste attendue par toute une génération, l’objet pop éthique serait-il celui qui module simultanément le mode, le principe, les contenus et la forme de la production ?

Nos pratiques changent et notre rapport aux objets dans le temps se modifie aussi. Ainsi, les marchés circulaires semblent de plus en plus attirer, et non plus seulement les bobos, hispters, zadistes ou écolos de toutes sortes. Ils deviennent en effet quasi mainstream, ce que prouvent fort bien les sites et applications fondés sur la réparation et la revente d’objets, synonymes d’un refus de sacrifier à l’obsolescence programmée (Back Market, Vinted, ou le célèbre Bon coin, 9e site le plus visité par les Français en septembre 2022, juste derrière… Amazon).

Ce qui peut s’appliquer au domaine vestimentaire ou à celui des fétiches et reliques de la pop culture semble plus complexe en lien avec le marché des produits dérivés. En effet, l’actuelle contestation de l’hypercapitalisme par la jeunesse émane aussi potentiellement des générations peut-être les plus engagées – dans tous les sens du terme – au sein et autour des univers fictionnels desquels découlent les innombrables objets pop. Certes, la généralisation des logiques de produits dérivés durant la décennie 70 (Les Dents de la mer puis Star Wars) peut apparaître comme une logique hyperconsumériste de boomer, mais l’investissement des jeunes générations dans les fictions de masse semble difficile à dissocier d’un capitalisme des émotions qui trouve à s’incarner dans des pratiques diverses de consommation. De fait, une obsession de la quantité se lit encore dans les pratiques culturelles des fans et des geeks, nourrie peut-être par les nouvelles exhibitions de leurs possessions matérielles permises par les réseaux sociaux (multitude de (beaux) livres mis en scène à travers BookTok, mise en scène des collections de figurines, de DVDthèques/blu-raythèques/ludothèques, etc.), autant d’esthétisations de multitudes d’objets peu compatibles avec la réduction de la consommation. Au surplus, cette logique quantitative se déploie à la fois du côté du matériel, mais aussi de l’immatériel, comme en atteste la quantité toujours accrue d’artefacts culturels proposés par les industries du divertissement, reçus et « consommés », y compris dématérialisés sur les plateformes de streaming. Ne peut-il y avoir de pop éthique qu’au prix d’un ralentissement des logiques de production, en somme, qu’au prix d’une slow pop culture ?

Cette première journée d’étude sera suivie d’une seconde intitulée « Du musée pop à l’artialisation populaire » qui se déroulera au Mans en avril 2024 puis le colloque « Im-matéréalités : l’objet pop à l’épreuve du digimodernisme » viendra parachever cet arc réflexif.

Modalités de soumission

De par la nature intrinsèquement transdisciplinaire des problématiques évoquées, des chercheuses et chercheurs de tous horizons sont invités à participer aux journées (im)matéréalités. Les propositions de communications de 350 mots maximum, accompagnées d’une brève notice bio-bibliographique, seront à envoyer aux deux adresses suivantes : charles.joseph@univ-lemans.fr et victor-arthur.piegay@univ-lorraine.fr

pour le 8 janvier 2023 au plus tard.

Les notifications d’acceptation ou de refus seront envoyées autour du 20 janvier 2023.

Comité scientifique

  • Charles JOSEPH, Le Mans Université, Labo 3L.AM
  • Victor-Arthur PIEGAY, Université de Lorraine, Labo LIS

Bibliographie indicative

ATTIAS-DONFUT, Claudine & SEGALEN, Martine, Avoir 20 ans en 2020 : Le Nouveau fossé des générations, Paris : Odile Jacob, 2020.

BAUDRILLARD, Jean, Le Système des objets, Paris : Gallimard, 1968.

BAUDRILLARD, Jean, La Société de consommation, Paris : Gallimard, 1970.

BAUDRILLARD, Jean, Le Miroir de la production ou l’illusion critique du matérialisme historique, Paris : Galilée, 1973.

BROUGERE, Gilles (dir.), La Ronde des jeux et des jouets : Harry, Pikachu, Superman et les autres, Paris : Editions Autrement, 2008.

CHESNEY, Marc, A Permanent Crisis: The Financial Oligarchy’s Seizing of Power and the Failure of Democracy, New York, Palgrave Macmillan, 2018.

EAGLETON, Terry, The Illusion of Postmodernism, Oxford: Blackwell, 1996.

EAGLETON, Terry, The Idea of Culture, Oxford: Blackwell, 2000.

EAGLETON, Terry, Materialism, New Haven: Yale University Press, 2016

FERNANDEZ PORTA, Eloy, Homo Sampler : Culture et consommation à l’ère afterpop, Paris : Editions Inculte, 2011.

GANS, Herbert J., Popular Culture & High Culture: An Analysis and Evaluation of Taste, New York: Basic Books, 1999.

HARRIS, Marvin, Cultural Materialism: The Struggle for a Science of Culture, New York: Alta Mira Press, 2001, [1979].

JULIEN, Marie-Pierre, ROSSELIN, Céline, La Culture matérielle, Paris : La Découverte, 2005.

KAWAMURA, Yuniya, Sneakers : Mode, genre et masculinité, du Bronx à la marchandisation,

LIPOVETSKY, Gilles, Le Crépuscule du devoir, Paris : Gallimard, 1992.

LIPOVETSKY, Gilles, SERROY, Jean, L’Esthétisation du monde, Paris : Gallimard, 2013

PASQUIER, Dominique, « La Culture populaire à l’épreuve des débats sociologiques », Hermès, 2005/2, n°42.

SWIRSKY, Peter, From Lowbrow to Nobrow, London: McGill Queen’s University Press, 2005.

Lugares

  • Nancy, Francia (54)

Fecha(s)

  • domingo 08 de enero de 2023

Archivos adjuntos

Palabras claves

  • étude culturelle, consommation, production, éthique, culture populaire

Contactos

  • Charles Joseph
    courriel : charles [dot] joseph [at] univ-lemans [dot] fr

Fuente de la información

  • Charles Joseph
    courriel : charles [dot] joseph [at] univ-lemans [dot] fr

Licencia

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Para citar este anuncio

« (Im)matéréalités », Convocatoria de ponencias, Calenda, Publicado el miércoles 16 de noviembre de 2022, https://doi.org/10.58079/19y6

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