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« Heureux ceux qui croient sans avoir vu »

Pouvoirs et limites, les paradoxes du sensible dans l’appréhension chrétienne du divin entre les XVe et XVIIe siècles

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Publié le jeudi 24 novembre 2022

Résumé

Dans une approche aussi bien multimédiale qu’interdisciplinaire, l’objectif de ces journées est de réfléchir ensemble aux diverses solutions (philosophiques, matérielles, juridiques, théologiques, dévotionnelle etc…) mises en place par la chrétienté moderne pour résoudre un paradoxe millénaire : comment réconcilier la nature de la perception humaine, avant tout sensorielle, avec celle de l’objet qu’elle tente de percevoir et dont la nature divine est justement infinie, inatteignable et insaisissable.

Annonce

Colloque international, 14-15 juin 2023, INHA (Paris), Salle Benjamin.

Argumentaire

Sentir Dieu ; percevoir l’Éternel par les sens. Un paradoxe qui fut le lieu d’un intense investissement aussi bien intellectuel que matériel. Parce que Dieu se rendit un jour présent en se faisant chair avant de mourir sur la croix pour ensuite ressusciter et enfin se retirer du monde, l’humain n’aura de cesse de le chercher. L’alternance entre expérience et témoignage, mise en doute et preuve structure le paradoxe de l’économie chrétienne dont l’épisode de l’incrédulité de saint Thomas se fait exemplaire : « Parce que tu m’as vu tu crois, dit le Christ à Thomas. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. » (Jn. 20, 29). Pourtant, le désir de sentir la présence de ce « corps manquant » (De Certeau) est partout et devient presque constitutif de la pratique dévotionnelle chrétienne. 

De la Dévotion moderne à « l’invasion mystique » (Bremond), le corps et l’expérience sensorielle se placent au cœur de la rencontre avec le divin. La performance de l’ensemble des dispositifs expérientiels conçoit que soit activée une présence potentielle qui peut se manifester via la conjonction de vecteurs matériels, sensoriels, cultuels et/ou virtuels. Elle a néanmoins, dès le début du christianisme, posé problème aux instances devant arbitrer la teneur et la légitimité de ces expériences vécues et décrites. Ces instances sont en effet confrontées à la difficulté de concilier d’un côté la promotion des signes sensibles de la présence divine sur Terre, et de l’autre la méfiance vis-à-vis de l’engagement du corps et des sens.

Du point de vue de l’anthropologie de l’art, d’où a émergé le propos de cet appel, force est de constater que malgré le Sensory Turn des années 80 et les récentes études sur la pluri-sensorialité de l’expérience cultuelle (Palazzo), sur la performance et l’agentivité de l’image-objet (Bartholeyns, Dierkens, Golsenne, Gell, Baschet, Bonne) ou le lien entre texte et image (Debiais, Hénin, etc.), ou encore sur la vision dans son acception double d’expérience et de captation sensorielle (Cassegrain ; Dekoninck ; Stoïchita ; Hamburger, etc.), peu de travaux ont visé la compréhension globale de la « scène » dévotionnelle comme une expérience relationnelle plurielle entre fidèles et divin.

La prise en charge de la multimédialité des manifestations du divin en lien avec leurs réceptions ont rarement été l’occasion d’un projet commun. Il s’agira donc de questionner le pouvoir et les limites du sensible comme expériences et preuves de la présence du divin en Occident du XVe au XVIIe siècle, et ce dans une double perspective : celle des médiations qui autorisent ces expériences (les objets dont les images, le culte, la pratique dévotionnelle, etc.) et celle des régulations qui en organisent et en contrôlent les possibilités.

Ainsi, pour restituer le plus justement l’ensemble des expériences et des acteurs les éprouvant et/ou les encadrant, il est nécessaire de mobiliser de manière intermédiale, interdisciplinaire, et non exclusivement dans l’ordre du visuel, les approches ayant travaillé aux spécificités de chaque parti, en droit, en histoire, en anthropologie, en art, etc., afin qu’un dialogue soit noué, au moins le temps d’une rencontre.

Nous avons donc retenu quatre aspects qui répartissent les enjeux méthodologiques propres à chaque discipline du point de vue des représentations et manifestations du divin ; de ses réceptions ; de sa régulation ; de sa théorisation :

  • Le premier point vise à questionner le rôle et les effets des productions matérielles dans la performance du divin.

Comment ces médiations (sanctuaires et retables, objets votifs, liturgiques ou miraculeux, etc.) organisent les rapports à la fois affectifs et effectifs qu’entretiennent les fidèles avec ces dispositifs de présentification du divin ?

  • Le second point veut interroger les rencontres avec la présence du divin et explorer les relations (expérientielles, dévotionnelles, miraculeuses, mystiques etc.) qu’y entretiennent Ciel et Terre.

Des rencontres avec le divin les plus ordinaires aux plus éclairées, du quotidien laïc à l’expérience mystique, comment est ressentie et exprimée cette présence de Dieu, qu’elle soit interne ou externe ? Comment ces rencontres témoignent de données socio-culturelles sous-jacentes ? 

  • Le troisième point veut rendre compte des enjeux problématiques que de telles appréhensions du divin peuvent soulever. Il s’agira d’interroger les instances et les règles qui encadrent et légifèrent, autorisent ou censurent les dispositifs de présentification du divin.

Quelle preuve fournir à la présence du divin ? Quelle place occupe le sensible dans le procédé probatoire ? Comment est régulée la pratique du divin et l’ensemble de ses signes en lien avec leurs appréhensions ? 

  • Enfin, l’apparat théorique informant les modalités de ces expériences sera questionné et envisagé en dialogue, dans ses proximités et écarts, avec la “pratique” du divin, de sa présence et de ses mises en scène.

Le problème de l’incompatibilité entre la nature charnelle de l’humain et celle de Dieu se pose très tôt. Comment l’humain peut-il percevoir quelque chose d’aussi incommensurable que Dieu et quelle sont les solutions théoriques mises en place par les penseur.e.s chrétien.ne.s pour résoudre cette aporie ? (la théologie, l’exégèse, la littérature spirituelle, etc.).

En parallèle de ces questions, sera soulevée celle plus méthodologique de la terminologie employée. En effet, de nombreux termes (vision, apparition, dispositif, présence, performance, sensoriel, sensitif, signe, représentation etc.) voient leur sens varier en fonction du champ d’étude dans lequel ils sont employés. Nous souhaiterions qu’apparaisse si possible, au cours de ce colloque, une mise en situation épistémologique, afin que la discussion puisse réfléchir, en plus des sujets au cœur de ces deux journées, aux vocabulaires et méthodes qui les travaillent.

Mots clés :

  • Mise en présence, représentation, culture matérielle, dispositif, performance
  • Expérience religieuse, réception, récit, pratique dévotionnelle
  • Régulation, encadrement spirituelle, témoignages, preuves
  • Spiritualité, discernement des esprits, spiritualisation du corps, démonologie

Modalités de contribution

Les propositions de communication (600 mots) pourront être écrites en français ou en anglais et devront être envoyées, accompagnées d’un CV aux deux adresses suivantes : clara.lieutaghi@ehess.fr et clara.zajdela@outlook.fr

avant le 6 janvier.

Les réponses seront envoyées à la fin du mois de janvier.

Comité scientifique

  • Clara Lieutaghi (Doctorante Arts et Langages, Centre d'Histoire et de Théorie des Arts (Cehta-Cral), École des Hautes Études en Sciences Sociales)
  • Clara Zajdela (Doctorante Contractuelle en Histoire de l'Art, Université Grenoble Alpes, LARHRA - Laboratoire de Recherche Historique Rhône-Alpes)

Lieux

  • INHA, 6 rue des petits champs
    Paris, France (75002)

Format de l'événement

Événement uniquement sur site


Dates

  • vendredi 06 janvier 2023

Mots-clés

  • expérience religieuse, réception, récit, pratique dévotionnelle, régulation, témoignage, preuve, discernement des esprits, démonologie

Contacts

  • Clara Zajdela
    courriel : clara [dot] zajdela [at] outlook [dot] fr
  • Clara Lieutaghi
    courriel : clara [dot] lieutaghi [at] ehess [dot] fr

Source de l'information

  • Clara Zajdela
    courriel : clara [dot] zajdela [at] outlook [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« « Heureux ceux qui croient sans avoir vu » », Appel à contribution, Calenda, Publié le jeudi 24 novembre 2022, https://doi.org/10.58079/1a0u

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