AccueilLa collaboration dans les pratiques et les recherches en violence conjugale : un vecteur de changement

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Publié le jeudi 26 janvier 2023

Résumé

Ce numéro thématique de la revue Service social vise à favoriser le partage d’expériences novatrices ou prometteuses dans une perspective de collaboration dans le domaine de la violence conjugale, ainsi que la reconnaissance des expertises complémentaires des milieux académiques et des milieux de la pratique, qu’ils soient communautaires ou institutionnels. Son objectif est de partager des pratiques inspirantes en ce qui a trait à la prévention et à l’intervention en contexte de violence conjugale, réalisées au Canada ou à l’international, afin d’alimenter la réflexion critique d’une grande diversité d’acteurs et d’actrices impliqués dans le domaine.

Annonce

Argumentaire

La violence conjugale (VC) est un important problème social encore trop répandu. Selon l’OMS (2017), une femme sur trois dans le monde a déjà été victime de violence de la part d’un partenaire intime. Au Québec seulement, 21 945 cas de VC ont été déclarés à la police en 2019, les trois quarts (76,2%) des victimes étant des femmes (MSP, 2022). Or, les experts sont d’avis que ces chiffres sous-estiment les cas de violence conjugale notamment parce que moins d’une victime sur cinq fait un signalement à la police et que ces statistiques ne prennent pas en compte les violences psychologiques (ASPC, 2018). Menée par l’Institut de la statistique du Québec et le Secrétariat à la condition féminine, une enquête populationnelle en cours permettra de brosser un portrait plus précis de l’ampleur du problème dans la population québécoise générale, au-delà des personnes qui déclarent la violence ou qui vont chercher de l’aide. Les données populationnelles disponibles dans d’autres pays permettent d’anticiper des chiffres beaucoup plus élevés. En effet, Johnson et al. (2008) ont mené une étude internationale couvrant 11 pays répartis sur les cinq continents. Les taux varient d’un pays à l’autre en fonction des adaptations méthodologiques qui ont été nécessaires, mais globalement, 44% des 23 000 femmes interrogées ont déjà vécu de la violence de la part d'un partenaire intime.

Depuis l’instauration de la Politique d’intervention en matière de violence conjugale (Gouvernement du Québec, 1995), la collaboration entre les ressources d’aide, ainsi que la recherche sont identifiées comme des conditions essentielles des réponses sociales en VC. Cela apparait encore plus crucial en période post-pandémique. En effet, selon les milieux de pratique spécialisés dans le domaine au Canada comme ailleurs dans le monde, la pandémie de COVID-19 a contribué à l’aggravation des violences vécues et a pu exacerber l'impression des victimes de ne pas être en mesure de se sortir d'une relation intime violente, en plus de nécessiter des transformations dans la nature des services offerts (Ibrahim, 2022; Lavergne et al., 2020; ONU, 2020; Roy et al., 2022). Parmi les indicateurs de l’aggravation des violences, on peut mentionner le nombre élevé de féminicides qu’a connu le Québec en 2021, soit 26, dont 18 en contexte conjugal (Berthiaume, 2021), alors que la moyenne annuelle est de 11 (MSP, 2022). Ces formes extrêmes de violence ont par ailleurs des conséquences importantes sur les autres membres de la famille, notamment les enfants, ainsi que sur les proches de la victime et de l’auteur de l’homicide (Institut national de santé publique du Québec, 2022).

Les conséquences de la VC sur les victimes sont très nombreuses, notamment : des problèmes de santé physique et mentale (par exemple, des troubles anxieux, du sommeil et de l’alimentation, de même que des symptômes de stress post-traumatique), des idéations suicidaires, de l’isolement social, une diminution des performances au travail (Institute for Women’s Policy Research, 2017; Laforest et Gagné, 2018; OMS, 2017). Les enfants souffrent aussi de la VC à laquelle ils sont exposés; certaines recensions et méta-analyses démontrant qu’ils peuvent être affectés dans plusieurs sphères de leur développement (Carter et al., 2020; Fong et al., 2019). L’exposition des enfants à la VC est l’une des formes de maltraitance les plus souvent prises en charge par les services de protection de l’enfance au Québec comme au Canada (Hélie et al., 2017). Découlant des recommandations du Rapport Laurent (2021), un nouvel article de loi vient d’ailleurs d’être ajouté à la Loi sur la protection de la jeunesse afin de mieux reconnaitre cette victimisation, distincte des autres maltraitances psychologiques (Gouvernement du Québec, 2022b). Quant aux personnes qui ont des comportements violents, en plus du risque important de briser les liens avec leur partenaire et leurs enfants et de la stigmatisation associée au rôle d'agresseur, la violence exercée entraîne, pour plusieurs d'entre elles, des conséquences d'ordre judiciaire qui impliquent des coûts sociaux importants (arrestation, emprisonnement, probation) (Zhang et al., 2013).

Si la VC fait des victimes de tout âge et de toute classe, certains groupes sont particulièrement affectés, notamment les femmes autochtones (Heidinger, 2022), immigrantes (Sasseville et al., 2022) et les populations LGBTQ2+ (Statistique Canada, 2019). L’Enquête sur la sécurité dans les espaces publics et privés révèle que les personnes issues des minorités sexuelles  sont plus susceptibles d’être victimes de VC que les personnes hétérosexuelles (Jaffray, 2021a; 2021b), bien que les recherches ne permettent pas de savoir si la violence a été vécue dans un couple de même sexe ni l’identité de genre de l’agresseur puisque les personnes peuvent avoir été en relation hétérosexuelle à un autre moment de leur vie. Par ailleurs, 63% des femmes autochtones au Canada ont subi des agressions physiques ou sexuelles au cours de leur vie, comparativement au tiers des femmes non autochtones (Heidinger, 2022). Ces agressions incluent la VC ainsi que les violences commises par d’autres personnes de l’entourage. 

Les personnes en situation de handicap sont aussi vulnérabilisées, car elles rencontrent des défis supplémentaires pour accéder à des ressources d’aide tenant compte à la fois de la violence vécue et de leur condition de handicap (Sasseville, 2022). Lorsque l’auteur de la violence est le fournisseur de soins physiques principal de la personne en situation de handicap, cela complique d’autant plus la recherche d’aide et augmente la vulnérabilité à subir de la violence, par exemple lorsque le handicap est utilisé comme un prétexte au contrôle économique, et ce, dans un contexte d’isolement social accru (Boisvert et al., 2022; Sasseville, 2022). 

Une grande diversité de contextes organisationnels sont concernés par l’offre d’aide psychosociale, juridique ou de santé aux victimes, aux auteurs ou aux enfants exposés à la VC (Gauthier et Montminy, 2012). Depuis plusieurs décennies, des organismes communautaires ont développé une précieuse expertise en VC, notamment les maisons d’aide et d’hébergement et les organismes d’aide aux conjoints qui ont des comportements violents. D’autres organismes québécois œuvrent plutôt en prévention auprès des enfants et des jeunes ou pour l’accueil et la référence en première ligne (par exemple, SOS Violence conjugale). Les services institutionnels (CAVAC, DPJ, CIUSSS, corps policiers, tribunaux) sont aussi concernés par la problématique. Des collaborations sont par ailleurs nécessaires et fréquentes entre les services institutionnels généraux, divers autres partenaires et les services spécialisés en VC. En effet, ces ressources représentent une porte d'entrée pour la population en recherche d'aide, en plus de jouer un rôle complémentaire face aux besoins souvent multiples des personnes aux prises avec une situation de violence.

Les organismes spécialisés dans l’accompagnement des populations marginalisées comme les communautés ethnoculturelles ou immigrantes, autochtones, LGBTQ2+, les personnes en situation de handicap, d’itinérance ou avec une problématique de santé mentale doivent aussi collaborer avec les ressources en VC pour favoriser des interventions mieux adaptées aux besoins de chaque personne. La plupart de ces ressources communautaires et institutionnelles sont regroupées dans des tables de concertation régionales ou locales. Qui plus est, les milieux de travail doivent dorénavant aider à protéger les victimes (Gouvernement du Québec, 2021). En fait, le rapport « Rebâtir la confiance » (Corte et Desrosiers, 2020), ainsi que la nouvelle stratégie gouvernementale 2022-2027 (Gouvernement du Québec, 2022a) qui en découle placent la collaboration entre les ressources d’aide communautaires, institutionnelles et judiciaires comme une condition incontournable pour l’offre d’une aide intégrée, cohérente et continue. Les projets pilotes de tribunaux spécialisés, de cellules régionales de crise ou de centres de services intégrés en cours d’implantation au Québec s’inscrivent directement dans ce courant axé sur la collaboration entre les ressources. 

Bien que la collaboration soit largement reconnue au Québec comme ailleurs en tant qu’ingrédient fondamental des réponses sociales en VC (Corte et Desrosiers, 2020; Gouvernement du Québec, 2022a; Stewart, 2020), la recherche dans le domaine identifie des défis liés à sa mise en application. Ces défis reposent notamment sur : les perceptions divergentes du problème et des solutions chez les groupes concernés, la méconnaissance des autres ressources, le sentiment chez certains acteurs ou actrices que leur expertise n’est pas suffisamment reconnue, les rapports de pouvoir entre les différents milieux de pratique ainsi que le temps et les ressources humaines et financières que requièrent les efforts de collaboration (Laing et al., 2018; Lalande, 2019; Lessard et al., 2017). Les initiatives visant à soutenir la collaboration, qu’elles soient locales, régionales, provinciales ou internationales, restent peu documentées. Pourtant, la documentation de ces pratiques favoriserait une meilleure compréhension des défis, des pièges à éviter et des solutions à promouvoir.

Ce numéro thématique de la revue Service social vise à favoriser le partage d’expériences novatrices ou prometteuses dans une perspective de collaboration dans le domaine de la VC, ainsi que la reconnaissance des expertises complémentaires des milieux académiques et des milieux de la pratique, qu’ils soient communautaires ou institutionnels. Son objectif est de partager des pratiques inspirantes en ce qui a trait à la prévention et à l'intervention en contexte de VC, réalisées au Canada ou à l’international, afin d’alimenter la réflexion critique d’une grande diversité d’acteurs et d’actrices impliqués dans le domaine. Nous recherchons des articles de type récits de pratique, qui permettront de faire connaitre des programmes ou services novateurs, ainsi que des articles rapportant des résultats de recherche (études originales ou recensions d’écrits empiriques), s’inscrivant dans l’un des axes suivants : 1) la collaboration entre les différents secteurs de pratique et 2) la collaboration recherche-pratique pour le développement des services et des connaissances en VC. 

Direction du numéro

  • Sonia Gauthier, École de travail social (Université de Montréal)
  • Valérie Meunier, Groupe d’aide aux personnes impulsives (GAPI)
  • Sylvie Lévesque, Département de sexologie (Université du Québec à Montréal)
  • Caroline Robitaille et Geneviève Lessard, École de travail social et de criminologie (Université Laval)

Calendrier

  • Date limite de soumission de la lettre d'intention (résumé) : 15 avril 2023
  • Retour aux personnes autrices (acceptation ou non de la proposition) : 15 mai 2023
  • Soumission de la version complète des articles : 30 septembre 2023

Modalités de soumission

Nous demandons aux autrices et aux auteurs qui prévoient soumettre un article de rédiger une lettre d’intention (résumé) et de l’acheminer en format Word au secrétariat de la revue Service social [revueSS@tsc.ulaval.ca]

au plus tard le 15 avril 2023.

Une réponse sera transmise au plus tard le 15 mai (proposition acceptée ou non). 

La lettre d’intention (1 page) doit contenir les informations suivantes, dans l’ordre :

  1. Le titre provisoire de l’article
  2. Type de contribution : a) article original présentant des résultats empiriques ; b) recension des écrits ; c) récit de pratique.
  3. Les noms et les coordonnées de l’ensemble des personnes contributrices : prénom et nom, statut (professeur·e, étudiant·e, intervenant·e, gestionnaire, etc.), département et université (ou organisation) d’attache, courriel professionnel
  4. Un résumé de la proposition (300 à 500 mots maximum)

Les manuscrits complets (entre 7 000 et 10 000 mots pour un article empirique ou une recension des écrits, incluant les tableaux, les graphiques, les références et les notes de bas de page, et entre 3 000 et 5 000 mots pour un récit de pratique) des propositions retenues devront être soumis au plus tard le 30 septembre 2023. 

À propos de la revue

Éditée par l’École de travail social et de criminologie de l’Université Laval (Québec, Canada), Service social est une revue scientifique qui s’adresse aux intervenant·es et chercheur·es du travail social et aux autres disciplines qui s’intéressent aux problèmes sociaux et aux pratiques d’intervention. On y retrouve des études sur le travail social professionnel, des analyses fondées sur les disciplines de base du travail social, des résultats de recherche dans différents domaines du bien-être, des études sur les méthodologies fondamentales du travail social, ainsi qu’une information sur la législation et les politiques sociales. La revue Service social est une revue évaluée par les pairs publiée deux fois par année.


Dates

  • samedi 15 avril 2023

Mots-clés

  • violence conjugale, violence entre partenaires, collaboration, partenariat, intervention, pratique, intersectionnalité, travail social

Contacts

  • Kévin Lavoie
    courriel : kevin [dot] lavoie [at] tsc [dot] ulaval [dot] ca

URLS de référence

Source de l'information

  • Kévin Lavoie
    courriel : kevin [dot] lavoie [at] tsc [dot] ulaval [dot] ca

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« La collaboration dans les pratiques et les recherches en violence conjugale : un vecteur de changement », Appel à contribution, Calenda, Publié le jeudi 26 janvier 2023, https://doi.org/10.58079/1af0

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