AccueilL’intérêt

AccueilL’intérêt

*  *  *

Publié le lundi 30 janvier 2023

Résumé

L’amplitude des champs disciplinaires préoccupés par la notion d’intérêt, en sciences humaines et sociales, laisse douter a priori de la possibilité d’en offrir une vision harmonieuse. Une rapide revue bibliographique témoigne à ce titre de ce que chacun – juriste, anthropologue, philosophe, économiste, historien, etc. – charge la notion de contenus et de problématiques propres à sa discipline ; autant d’approches cloisonnées que la démarche ici entreprise se propose de renouveler dans un esprit d’ouverture, dans le but de croiser les regards et d’envisager ensemble plusieurs perspectives possibles sur un objet commun.

Annonce

Argumentaire

L’intérêt, relevait le doyen Cornu, est une notion fondamentale, pourtant largement négligée. À défaut de pouvoir s’appuyer sur une définition juridique tout à fait précise, il est en tout cas possible d’avancer que l’intérêt, d’une façon générale, représente ce qui « préoccupe », « ce qui importe », ce qui « attire ». La notion est donc a priori pourvue d’une dimension éthique importante en termes de projection morale individuelle et sociétale. Hannah Arendt la décomposait encore comme ce qui « est-entre » (inter-est), entre les choses, entre les Hommes. L’intérêt constitue, dans cette optique, ce qui lie mais aussi se qui sépare, ce qui associe et ce qui s’interpose. Il se trouve alors au cœur du lien social qu’il est voué tantôt à construire, tantôt à déconstruire. On ne s’étonnera guère à ce titre que soient innombrables les travaux consacrés à la notion d’intérêt en sciences humaines et sociales. Toutefois, lorsque la notion est mobilisée spécifiquement dans le champ du droit, est-elle vraiment autonome ? Le juriste peut-il faire l’économie de questionnements, tant méthodologiques que conceptuels, sur ce que renferme l’intérêt par-delà le droit ? Certes, celui-ci est bien souvent qualifié (général, public, légitime, pour agir), voire classé (moral, patrimonial). Si des essais ont déjà entrepris de théoriser la notion d’intérêt en droit, la richesse des acceptions va au-delà du champ juridique, qui en connaît néanmoins de nombreuses occurrences (l’intérêt de l’enfant, le conflit d’intérêts, l’intérêt à agir, l’intérêt social, etc.). En effet, du critère utilitariste permettant d’évaluer les intérêts à l’argument de l’intérêt dit supérieur, l’intérêt apparaît tant dans les discours de morale que d’économie, de sociopolitique ou encore de philosophie.

L’amplitude des champs disciplinaires préoccupés par cette notion, en sciences humaines et sociales, laisse douter a fortiori de la possibilité d’en offrir une vision harmonieuse. Une rapide revue bibliographique témoigne à ce titre de ce que chacun – juriste, anthropologue, philosophe, économiste, historien, etc. – charge la notion de contenus et de problématiques propres à sa discipline ; autant d’approches cloisonnées que la démarche ici entreprise se propose de renouveler dans un esprit d’ouverture, dans le but de croiser les regards et d’envisager ensemble plusieurs perspectives possibles sur un objet commun.

Ce dernier peut assurément susciter des interrogations interdisciplinaires dont les enjeux tant théoriques et pratiques pourraient s’organiser en deux séries de questions.

D’une part, une première série de questions encourage à se demander : qu’est-ce qui est déclaré digne d’« intérêt » ? Pourquoi élever un intérêt au-dessus d’un autre et selon quels critères ? Qui a légitimité à établir cette primauté ? Quelles sont les formes de reconnaissance des intérêts ? Pour exemple, l'intérêt, traditionnellement associé au droit subjectif l'est-il toujours au regard des nouvelles approches de la responsabilité civile, comme en témoigne le préjudice écologique pur (un intérêt sans droit subjectif) ? L’intérêt, enfin, peut-il jouer comme instrument de légitimation intrinsèque et/ou extrinsèque au droit ?

D’autre part, lorsque l’intérêt devient pluriel – les intérêts – ou lorsque plusieurs intérêts sont mis en présence, c’est la question de leur coexistence qui vient à se poser. Le passage au pluriel marque ainsi l’irruption des conflits d’intérêts. Cette manifestation offrira donc la possibilité d’observer les intérêts étudiés dans leur dynamique, c’est-à-dire leur fonctionnement dans leur existence simultanée au sein de la société et du droit. Comment, d’ailleurs, celui-ci gère-t-il divergences et antinomies : sanction, neutralisation, harmonisation ? À cet égard, le détachement des droits subjectifs (issus majoritairement de la loi) au profit des intérêts (accroissant le rôle du juge) ne témoigne-t-il pas d’une inspiration croissante du droit continental par le système de la Common law qui présente le juge comme l’acteur prépondérant dans la balance des intérêts, des libertés et des obligations ? Aussi le sujet renouvelle-t-il la question de l’office du juge. Traditionnellement, « l’intérêt » traduit plutôt son office procédural : l’intérêt à agir, qui est une condition de recevabilité de l’action. Néanmoins, le juge du XXIème siècle, comme en atteste le rapport de la commission « Cour de cassation 2030 », devient aussi le juge substantiel des intérêts : si la notion de pondération ou de balance des intérêts n’est pas inédite, le contentieux très actuel du Barème Macron en droit du travail ravive la question du rôle normatif du juge dans le cadre du contrôle de proportionnalité (ou conventionnalité) in concreto.

Ces questionnements n'épuisent pas le sujet. Ils en appellent d’autres et le présent colloque pourra encore, notamment, accueillir une réflexion concernant l’émergence du droit souple dans la régulation des intérêts : plutôt qu’une adjudication verticale des droits subjectifs, l’apparition et la concrétisation de nouvelles formes et de nouvelles logiques de régulation ne poussent-elles pas à envisager une négociabilité horizontale des intérêts en présence ?

C’est dire, en définitive, que les discussions autour de l’intérêt et des intérêts questionneront leur reconnaissance – leur hiérarchisation, leur formalisation – et leur coexistence – régulation imposée, négociée, pondérée – et auront vocation à faire dialoguer des réflexions issues de toutes sciences humaines et sociales.

La journée qui sera consacrée au sujet s’articulera donc autour de deux axes de réflexion 

  • Premier axe de réflexion: « De l’intérêt au(x) droit(s) : la reconnaissance des intérêts ».
  • Second axe de réflexion: « Des conflits au droit : la coexistence des intérêts ».

Axes de réflexion

1. De l’intérêt au(x) droit(s) : la reconnaissance des intérêts

  • La notion d’intérêt légitime
  • Les nouveaux intérêts juridiquement protégés
  • Le passage de l’intérêt au droit : la naissance des droits subjectifs
  • Les formes de reconnaissance de l’intérêt
  • La notion de libertés civiles
  • Les controverses du passage de l’intérêt au droit : les droits « à » (la fonction rhétorique et politique de l’expression des droits « à »).
  • L’appréhension des intérêts illicites (qui est le juge de l’illicéité des intérêts ?)

2. Des conflits au droit : la coexistence des intérêts

  • La coexistence des intérêts privés et publics (général et particulier)
  • La coexistence d’intérêts structurellement antagonistes (consommation, droit du travail)
  • La hiérarchie des intérêts (existe-t-il une hiérarchie des intérêts ?)
  • Les méthodes traditionnelles de régulation des conflits entre les intérêts (fondées notamment sur la responsabilité).
  • Les conditions procédurales de la coexistence : les problématiques liées à l’intérêt à agir (intérêt à agir des associations environnementales etc.)
  • Les méthodes renouvelées : pondération, mise en balance des intérêts
  • Le contrôle de proportionnalité in concreto (qui participe de la fondamentalisation du droit).
  • Les modes de résolution négociés des conflits entre les intérêts.

Les sous-points précités sont autant de pistes à explorer et n’ont nullement vocation à limiter le champ d’investigation offert par le sujet. La liste est ouverte.

Modalités de contribution

Le laboratoire du CERDP tend à favoriser l’interdisciplinarité, c’est pourquoi ce colloque est ouvert aux doctorants en sciences humaines et sociales (droit, sociologie, anthropologie, histoire, économie, éthique, philosophie…).

Les contributions sont attendues en langue française.

Le titre et le résumé de la contribution (300-400 mots), ainsi qu’un CV, devront parvenir aux deux adresses e-mail suivantes : marie.garnier-zaffagnini@univ-cotedazur.fr et mario.pirrotta@univ-cotedazur.fr

avant le 15 mars 2023.

Le colloque se tiendra à l’Université de Nice, en présentiel et en distanciel, le vendredi 9 juin 2023. Les actes du colloque seront publiés dans la Revue Lex Société courant septembre 2023.

Organisateur·ices

  • Marie Garnier-Zaffagnini (Docteure en droit et ATER à l’Université Côte d’Azur).
  • Mario Pirrotta (Docteur en droit et chargé d’enseignement à l’Université Côte d’Azur).

Lieux

  • Faculté de droit Trotabas - Av. Doyen Louis Trotabas
    Nice, France (06)

Format de l'événement

Événement hybride sur site et en ligne


Dates

  • mercredi 15 mars 2023

Fichiers attachés

Mots-clés

  • intérêt, hiérarchie, conflit, règlementation, négociation, droit subjectif

Contacts

  • Marie Garnier-Zaffagnini
    courriel : marie [dot] garnier-zaffagnini [at] univ-cotedazur [dot] fr
  • Mario Pirrotta
    courriel : mario [dot] pirrotta [at] univ-cotedazur [dot] fr

Source de l'information

  • Marie Garnier-Zaffagnini
    courriel : marie [dot] garnier-zaffagnini [at] univ-cotedazur [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« L’intérêt », Appel à contribution, Calenda, Publié le lundi 30 janvier 2023, https://doi.org/10.58079/1afv

Archiver cette annonce

  • Google Agenda
  • iCal
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search