Announcement
K. Revue trans-européenne de philosophie et arts 11, 2/2023
Argumentaire
Des lettres gigantesques, lumineuses, hypnotisantes : JEANNE D’ARC. Filmées d’en bas, pour leur conférer encore plus de poids, elles apparaisent sur l’écran en diagonale, comme si elles se projetaient ailleurs. Un autre écrit lumineux, vertical, au second plan, précise le lieu où nous sommes : CINE. C’est clairement une invitation à entrer dans la salle obscure. Ici apparaît tout de suite au premier plan le visage souffrant de Jeanne d’Arc/Renée Falconetti. Le film projeté est La passion de Jeanne d’Arc de Dreyer (1928). Mais maintenant il est dans un autre film. Nous accompagnons en effet dans cette salle de cinéma une autre bouleversante, fragile, superbe fille, la Nana/Anna Karina de Godard (Vivre sa vie, 1962). Quelqu’un (Antonin Artaud) est en train d’annoncer à Jeanne d’Arc qu’elle sera bientôt amenée sur le bûcher. La fille pleure. Changement de plan montrant Nana qui commence à s’émouvoir. Nous voyons tout à travers ses yeux. Jeanne d’Arc pleure, mais pense aussi que la mort pourra finalement la libérer. Nana pleure, assise à sa place.
Une communauté de destin se dessine entre les deux personnages. Godard tente également de tracer un parallélisme existentiel entre une jeune fille accusée d’être (aussi) une prostituée et une prostituée qui a toute la pureté d’une jeune fille. Mais l’opération de Godard par rapport au film de Dreyer, et peut-être par rapport au mythe même de Jeanne d’Arc, revêt pour nous un sens plus large, presque vertigineux : la fragilité, l’impuissance – le pathos de Jeanne d’Arc –, incarnées dans ses larmes, trouvent leur force, apparemment paradoxale, dans leur capacité à être partagées. Dans cette transmission, elles révèlent aussi une formidable puissance politique destituante.
Le numéro de K consacré à Jeanne d’Arc voudrait, avant tout, sonder cette transformation de l’expression d’une douleur intime en une émotion collective, et, peut-être, en une politique de l’émancipation.
Le film de Dreyer se termine avec les images d’une révolte. Les larmes de la fille tandis qu’elle est transportée vers le bûcher parlent, elles s’adressent à ceux qui sont en train de la regarder, lesquels, justement grâce à ces pleurs, sortent de leur rôle de spectateurs en liesse, participent à sa douleur, qui devient la leur. Le notaire Boisguillaume témoigne : « Presque tous les assistants pleuraient ». C’est la sym-pathie de Nana, c’est la sym-pathie des femmes qui voient pleurer la fille conduite au bûcher qui rend possible une politique des larmes.
Comment est-il possible qu’une manifestation d’impuissance devienne une politique ? Ce sont surtout les femmes qui pleurent quand se matérialisent des crises historiques : Jeanne d’Arc pleure face à l’injustice de ses juges, Antigone pleure face à Créon, Haidi Giuliani pleure, les mères de Plaza de Majo pleurent, etc., etc. Toutes ces femmes n’ont pas le pouvoir, et surtout n’en veulent pas. Leurs larmes sont, en ce sens, le signe de leur fatigue, de leur exclusion, mais les femmes qui pleurent, précisément en vertu de cette impuissance, de leur altérité (politique, sociale, symbolique), parviennent à remettre en question le pouvoir, parfois elles arrivent même à le destituer.
La Révolution russe commence avec des larmes de femmes (pour les deuils de la guerre, pour la faim et le froid à la maison) qui deviennent petit à petit indignation, soulèvements, émancipation. Que s’est-il passé ? En reprenant certains éléments des textes que Derrida consacre à la question de la vision et du regard, nous pouvons dire que les yeux larmoyants de ces femmes ont touché d’autres yeux, les yeux des autres. Il y a eu rencontre, une communauté s’est créée, et donc une possibilité d’agir ensemble, précisément à partir de ces yeux qui, emplis de larmes, ne voient pas, mais touchent. D’après Derrida, en effet, afin que des regards se croisent, il faut qu’ils se touchent en aveugles : pour regarder le regard d’un autre il faut cesser de voir seulement ses yeux – il ne faut tout simplement pas les voir –, il est nécessaire, au contraire, qu’ils se touchent.
La cécité nous conduit vers une autre question décisive chez Jeanne d’Arc, que nous voudrions ré-élaborer. Vierge, guerrière, sorcière, enfant, putain, sainte… diverses et contradictoires sont les images que l’hitoire nous a laissées d’elle, mais il y en a une qui les parcourt toute, et c’est aussi, d’un point de vue historique, la plus certifiée, car sur cette image se focalisera le procès contre elle : Jeanne d’Arc est une voyante. Elle voit des anges, des saintes, des saints qui l’incitent, à travers des « voix » qu’elle seule comprend (dans quelle langue parlent-elles ?, lui demanderont les juges), à accomplir des actions militaires et politiques voulues par Dieu. Elle est envoyée par Dieu et à ce titre s’arroge même le droit de se soustraire à l’autorité du Tribunal, au point d’en arriver à menacer ses juges : « Vous dites que vous êtes mon juge, mais prenez garde à ce que vous faites, parce qu’en vérité je suis envoyée par Dieu et vous vous mettez vous-mêmes en grand danger ». C’est plus qu’une contestation du pouvoir religieux et politique : Jeanne d’Arc ne le reconnaît pas du tout. Et elle décide de l’esquiver, ou essaie de l’esquiver, justement parce qu’elle pense être et se comporte comme une prophétesse.
D’après la poétesse-philosophe Christine de Pizan (1364-1430), Jeanne d’Arc appartient à la tradition des grandes prophétesses bibliques, comme Judith, Esther, Débora. Mais, comme le montre Claude Gauvard, dans le contexte historique de Jeanne d’Arc le phénomène du prophétisme féminin est également très diffus dans le règne de France. Entre 1350 et 1450 une vingtaine de femmes au moins sont reconnues pour avoir des dons de prophétie. Ces femmes parviennent, dans des moments de crise, autorisées par une parole qui vient d’en-haut, à sortir du silence, et même à imposer leur voix, à indiquer à tous un chemin à accomplir – les révoltes nécessaires. Beaucoup d’entre elles viennent des frontières du règne, de ses bords extrêmes, et sont d’origine modeste. C’est précisément cette condition marginale – comme celle de Jeanne d’Arc, qui vient de Lorraine, humble bergère, analphabète – qui confère davantage de force à leur parole divine.
Charles Péguy définit Jeanne d’Arc la « jeune fille espérance ». C’est une synthèse efficace que nous entendons problématiser dans ce numéro pour tenter de comprendre comment la parole, les gestes d’une jeune fille ont réussi à cristalliser, quelques longs mois durant, les aspirations de tout un peuple. La prophétie de Jeanne d’Arc déchire la monotonie et l’inévitabilité du présent principalement parce qu’elle est capable d’allumer en lui une lueur d’espoir. En s’insérant dans la conjoncture historique, à partir des « voix » qu’elle entend, Jeanne d’Arc réussit à faire bifurquer l’histoire.
Il apparaît évident que la guerre, à laquelle la femme est appelée et à laquelle elle-même appelle, est quelque chose de bien plus élevé et profond qu’une simple défense des frontières de la patrie. S’il n’en était pas ainsi, Jeanne resterait dans la continuité de l’histoire. Au contraire, elle essaie de suspendre le cours normal de l’histoire (la prophétie bouleverse le temps historique). Peut-être que, comme le dit Bensaid, sa guerre s’étend sur une frontière plus universelle, une frontière immense. Celle qui sépare, injustement, le monde des riches de celui des pauvres. La guerre de Jeanne d’Arc est un épisode de l’interminable et interminée « guerre des pauvres », de Spartacus à Müntzer, pour arriver jusqu’à la résistance des paysannes mexicaines qui, après l’échec de leur révolution, constituent des « Brigades féminines Sainte Jeanne d'Arc » pour continuer la lutte. Jeanne Dark revient aussi dans les usines du vingtième siècle, chez Brecht, avec une organisation religieuse qui se bat pour les droits des ouvriers.
Les larmes de Jeanne d’Arc creusent des empreintes, des sillons, des parcours. Révélatrices d’une fragilité de fond, intrinsèquement solitaires, elles s’avèrent être, au contraire, puissamment politiques, brisant l’homogénéité même de l’histoire. Les yeux embués de larmes entrevoient un autre horizon des événements. En suivant ces lignes, nous pouvons proposer quelques points sur lesquels les contributions devraient se concentrer :
- Jeanne d’Arc est une image. Les multiples modalités selon lesquelles Jeanne est “faite image” dans l’histoire du cinéma et, plus généralement, dans l’histoire des arts, imposent une réflexion sur le rapport entre les images et une politique à venir. Aucune image qui atteste les traits réels de Jeanne d’Arc n’est parvenue jusqu’à nous, et son corps a été réduit en cendres. Comme si l’impossibilité de traduire en images ses visions inimaginables, et pour lesquelles personne ne peut témoigner, s’incarnait dans l’inimaginabilité même de son corps, et que de son existence et de ses visions ne restaient que des voix. Même si le cinéma et les arts n’ont jamais cessé de la représenter, elle continue à échapper à toute tentative d’identification (comme cela advient de façon exemplaire chez Godard, pas seulement dans Vivre sa vie, mais aussi dans Notre musique, 2004). À partir de là, il est peut-être possible de penser que dans les multiple représentations, incarnations de Jeanne, dans ses inimaginables visions de voix, soit en question une tentative de soustraire sa figure dans l’image – tentative qui semble faire allusion à un statut paradoxal, sans image, d’une image (de la) politique à venir.
- Jeanne d’Arc est mille nuances, souvent contradictoires. C’est une sainte, mais aussi une putain. C’est une enfant qui ne cesse de pleurer, mais aussi une belle femme (une des premières images de Jeanne d’Arc est esquissée en marge d’un registre civil du Parlement de Paris par le greffier Clément de Fauquembergue, qui retranscrit les comptes rendus des séances et rapporte également les événements principaux, comme la nouvelle de la victoire de la « Pucelle » à Orléans, et l’imagine alors dans un dessin rapide en femme à moitié dévetue, au large décolleté…). C’est une sorcière et une prophétesse… De très grandes actrices l’ont incarnée au cinéma et sur les scènes des théâtres pour souligner ou renforcer l’un des différents aspects de son image caléidoscopique. Est-il possible de reconstruire ces images à partir d’un point de vue féminin ? Les actrices qui ont incarné Jeanne d’Arc ont-elles eu ce rôle ?
- Jeanne d’Arc est une femme. La question du genre se révèle être décisive pour affronter notre problème du pouvoir destituant, qui est précisément ce geste, johannique aussi, de défier le pouvoir sans vouloir le renverser, sans vouloir en prendre la place. Il s’agit d’une mise à nu du pouvoir : c’est ce que nous dit la hardiesse de Jeanne d’Arc durant le procès. Esquiver le pouvoir en vigueur, ne pas le reconnaître signifie ouvrir un espace nouveau pour la politique.
- Jeanne d’Arc est une pauvre. Elle agit à partir d’une position sociale et culturelle (et géographique) absolument autre par rapport aux centres de pouvoir de son temps. Il s’agit de voir si, dans cette action si décidée et surprenante, Jeanne d’Arc n’a voulu que défendre le sol de la patrie contre les envahisseurs et les traîtres, selon l’image qu’a produit d’elle le persistant « mythe national », ou bien si elle a aussi cristallisé des aspirations populaires, en une ennième « guerre des pauvres », comme ses résurgences, contre ce mythe national, justement, l’ont laissé entrevoir. - Jeanne d’Arc est une prophétesse. Elle se met en chemin depuis la Lorraine lointaine parce qu’elle entend des « voix ». Ces « voix », et ses succès militaires, lui donnent une légitimité vis-à-vis du peuple qui croit vraiment en elle. En ce sens, sa figure suscite un espoir. Il faudra élaborer, à partir de figures féminines, à partir des lamentations, des pleurs, le rôle que la prophétie joue dans les crises de l’histoire pour imposer une autre direction aux événements.
Modalités de contribution
Envoi des propositions avant le 5 mars 2023
(max. 2.500 caractères) à l’adresse : krevuecontact@gmail.com
Si la proposition est acceptée, la contribution devra être remise avant le 17 septembre 2023. Après cette date, la contribution sera automatiquement exclue du numéro de la revue.
Évaluation
Les articles sont sélectionnés par l'ensemble de la rédaction ; ce choix est validé par les deux directeurs de la revue : Luca Salza (MCF, Université de Lille) et Pierandrea Amato (Professeur, Université de Messine, Italie).
Directeurs
Pierandrea Amato, Luca Salza
Comité scientifique
- Thamy Ayouch,
- Etienne Balibar,
- Michèle Bompard-Porte,
- Alain Brossat,
- Alessia Cervini,
- Fabio Ciaramelli,
- Georges Didi-Huberman,
- Thomas Dutoit,
- Michèle Guillemont,
- Stéphane Hervé,
- Jean-Paul Manganaro,
- Gianluca Miglino,
- Pietro Montani,
- Giorgio Passerone,
- Camille Schmoll,
- Gianluca Solla,
- Enrico Terrinoni,
- Enzo Traverso,
- Maurizio Zanardi.
Comité de rédaction
- Pierpaolo Ascari (coordinateur),
- Irene Calabro,
- Mariavita Cambria,
- Dario Cecchi,
- Massimiliano Coviello,
- Rosa Alba De Meo Fanny Eouzan (coordinatrice),
- Stefania Guglielmo,
- Dorothée Haag,
- Andrea Inzerillo,
- Costanza Jori,
- Fabien Lacouture,
- Beatrice La Tella,
- Francesco Mancuso Marie Morisset,
- Matilde Orlando,
- Melinda Palombi,
- Fabio Domenico Palumbo,
- Michele Pavan,
- Marie Rebecchi,
- Victoria Rimbert, Giuliana Sanò (coordinatrice),
- Nadège Sieckelinck (secrétaire de rédaction)
- , Marco Tabacchini Francesco Zucconi.
K. Revue trans-européenne de philosophie et arts 11, 2/2023
Argument
Joan of Arc’s tears Giant, luminous, mesmerising letters: JEANNE D'ARC. Shot from below to give them even more weight, they appear on the screen diagonally, as if they were projected elsewhere. In the background, another vertical lighted sign specifies where we are: CINE. It is an invitation to enter the dark room. Here, in the foreground the suffering face of Joan of Arc/Renée Falconetti appears immediately. The film shown is Dreyer's The Passion of Joan of Arc (1928). But now it is inside another film. We are following another poignant, fragile, beautiful girl inside that cinema hall: Godard's Nanà/Anna Karina (Vivre sa vie, 1962). Someone (Antonin Artaud) is telling Joan of Arc that she will soon be burnt at the stake. The girl start crying. The camera frames Nanà, who is getting uptight.. We see everything through her eyes. Joan of Arc is weeping but she also thinks that death will finally set her free. Sitting in her place, Nanà is weeping as well.
A common destiny emerges between the two characters. Godard also attempts to draw an existential parallel between a girl accused of being (also) a prostitute and a prostitute who has all the purity of a girl. However, compared to Dreyer's film, and perhaps compared to the myth of Joan of Arc itself, Godard's operation takes on a broader, almost vertiginous significance for us: the fragility, the impotence - the pathos of Joan of Arc - embodied in her tears, find their strength, apparently paradoxical, in their capacity to be shared with others. In their transmission of this feeling, they also reveal a formidable destituent political charge.
First of all, the issue of K dedicated to Joan of Arc would like to sound out this transformation of an expression of intimate pain into a collective emotion and, perhaps, into a politics of emancipation. Dreyer's film ends with the images of a riot. The tears of the girl as she is carried to the stake speak for themselves: they are addressed to those who are watching her, who, thanks to that weeping, step out of their role as spectators in celebration and take part in her pain, they make it their own. The notary Boisguillaume writes: “Almost everyone who was there, was crying'. It is Nana’s sym-pathy, it is the sym-pathy of those women who see that girl conducted at the stake that make a politics of tears possible.
How is it possible for a manifestation of powerlessness to become political? It is mainly women who weep when historical crises materialise. Joan of Arc cries in the face of the injustice of her judges; Antigone cries in the face of Creon; Haidi Giuliani cries; the mothers of Plaza de Majo cry, and so on. These women do not have power, but,above all, they do not want to have it. Their tears are, in this respect, a sign of their weariness and exclusion, but it is thanks to their powerlessness and otherness (a political, social and symbolic one) that the women who cry can question power. Sometimes they can go as far as destituing it.
The Russian Revolution began with women's tears (for mourning in the war, for the hunger and cold at home) which slowly became indignation, riots, and emancipation. What happened? By taking some cues from the texts in which Derrida addresses the question of vision and the gaze, we can say that the tearful eyes of those women touched other eyes: the eyes of the others. An encounter took place, a community was created and thus a chance to act together. This can begin precisely from those tearful eyes which do not see, but do touch. According to Derrida, in order to make eye contact, the eyes must touch each other blindly: to meet the gaze of another, one must cease to look only at their eyes - one must not simply look at them - instead, it is necessary for them to touch each other.
Blindness leads us to a further decisive issue in Joan of Arc, an issue we would like to re-examine. Virgin, warrior, witch, child, whore, saint... the images that history has left of her are different and contradictorybut there is one that runs through them all, and from a historical point of view, it is also the most certified one because the trial against her focusses on it: Joan of Arc is a seer. She can see angels and saints who incite her to carry out God-sent military and political actions , through 'voices' that only she can understand (« What language do they speak ?» The judges ask her), She is sent by God, and for this reason she also claims the right to escape the authority of the Court, even going so far as to threaten her judges: «Vous dites que vous êtes mon juge, mais prenez garde à ce que vous faites, parce qu’en vérité je suis envoyée par Dieu et vous vous mettez vousmêmes en grand danger».
It is more than a challenge to the religious and political power: Joan of Arc does not recognise it. And she decides to dodge it or tries to dodge it precisely because she thinks and behaves like a prophetess.
According to the poet-philosopher Christine de Pizan (1364-1430), Joan of Arc belongs to the tradition of the great biblical prophetesses, such as Judith, Esther, and Deborah. But, as Claude Gauvard shows, the phenomenon of female prophetism is also widespread in the kingdom of France in the historical context of Joan of Arc. Between 1350 and 1450, at least twenty women are known for their gifts of prophecy. In moments of crisis, these women, empowered by a word coming from above, manage to come out of silence, even to impose their voice, to show everyone a way forward - the necessary revolts. Many of them come from the borders of the Kingdom, from its extreme boundaries, and are of modest origin. It is precisely this marginal condition - like that of Joan of Arc, who comes from Lorraine and is said to be a humble shepherdess - that gives their divine word a greater strength. Charles Péguy calls Joan of Arc the “jeune fille espérance”. This representation is an efficient synthesis, and we intend to problematise it in this issue in order to understand how the words and gestures of a girl were able to crystallise the aspirations of an entire people, for a few very long months,. The prophecy of Joan of Arc rips up the monotony and inevitability of the present mainly because it can ignite a spark of hope within. By inserting herself into the historical juncture, starting from the 'voices' she hears, Joan of Arc succeeds in bifurcating history. It becomes clear that the war, to which she is called and to which she calls to, represents something higher and deeper than a mere defence of patriotic borders. Were it not so, Joan would remain within the continuity of history. Instead, she attempts to suspend the traditional course of history (prophecy disrupts historical time). Perhaps, as Bensaid mantains, her war extends to a universal boundary, an immense frontier. An outer reach/boundary/border which unjustly separates the world of the rich from that of the poor. Joan of Arc’s war is an episode in the endless and interminable 'war of the poor', from Spartacus to Müntzer, all the way down to the resistance of the Mexican peasant women who, after the defeat of their revolution, set up the 'St. Joan of Arc Women's Brigades' to continue their struggle. Joan Dark recurs also in the 20th centuries factories, in Brechtwith a religious organisation fighting for the rights of workers. Joan of Arc’s tears dig footprints, furrows, and paths. Intrinsically solitary, they uncover an underlying fragility but they prove to be politically powerful, breaking the very homogeneity of history. The clouded-by-tears eyes glimpse at another horizon of events. The lines of research may thus focus around the following areas of investigation: - Joan of Arc is an image. The ways in which Joan has been transformed into an image throughout the history of cinema and the arts impose a reflection on the relationship between image and politics. No image has survived to testify Joan’s the real features; her body has been reduced to ashes. It is as if the impossibility of transforming her unimaginable visions into images - to which one cannot but be a witness - was embodied in the very unimaginability of her body. It is as if what it remains of her existence and visions were voices. Although cinema and the arts have never ceased to represent her, she continues to escape any attempt at identification (as is the case with Godard, not only in Vivre sa vie but also in Notre musique, 2004). Hence, it is perhaps possible to think that in Joan’s multiple representations and incarnations, in her unimaginable visions of voices, an attempt to subtract her figure in the image is at stake. This seems to allude to a paradoxical image-less status of an image (of) the politics to come.
Joan of Arc is a thousand shades, often contradictory. She is a saint but also a whore. She is a little girl who never stops crying, but also a beautiful woman (one of the first images of Joan of Arc is sketched on the margins of a civil register of the Paris Parliament by Clément de Fauquembergue. The chancellor who transcribes the minutes of the sessions and reports the main events, such as the news of the victory of the 'Maid' at Orleans, then imagines her in a quick drawing as a discreet woman with ample cleavage...). She is a witch and a prophetess. Great actresses have embodied her on film and on the theatre stage to emphasise or reinforce one of the varied aspects of her kaleidoscopic image. Is it possible to reconstruct these images from a female point of view? Did the actresses who embodied Joan of Arc play this role?
Joan of Arc is a woman. The question of gender proves to be decisive in addressing our problem of the destituent power, which is precisely that gesture, also Joannesque, of challenging the power without wanting to overthrow or replace it. It is about laying power bare: this is what Joan of Arc's audacity during her trial tells us. To lay bare the existing power and not recognise it means to open up a new space for politics.
Joan of Arc is a poor woman. She acts from a social and cultural (and geographical) position far removed from the power centres of her time. The question is whether, in this decisive and surprising action, Joan of Arc only tried to defend the soil of her homeland from invaders and traitors, according to the image that the enduring 'national myth' has created of her. Or whether she also crystallised popular aspirations into yet another 'war of the poor', just as her resurgences, not surprisingly against that national myth, have allowed us to glimpse.
Joan of Arc is a prophetess. She sets out from distant Lorraine because she hears 'voices'. These 'voices', and her military successes, legitimise her to the people who believe in her. In this sense, her figure arouses 'hope'. It is necessary to elaborate, from female figures, from laments, from cries, the role that prophecy plays within the crises of history to impose another direction on events.
Submission guidelines
Submit a proposal by March 5th 2023 (2,500 characters max.)
Send to: krevuecontact@gmail.com
If the proposal is accepted, the paper must be delivered by September 17 2023. After this date, the selected contribution will be automatically excluded from the journal issue.
K. Revue trans-européenne de philosophie et arts 11, 2/2023
Argomento
Lettere gigantesche, luminose, ipnotizzanti: JEANNE D’ARC. Riprese dal basso, per conferirgli ancora più peso, appaiono sullo schermo in diagonale, come se si proiettassero altrove. Un’altra scritta luminosa, verticale, in secondo piano, precisa il luogo in cui siamo: CINE. È chiaramente un invito a entrare dentro la sala oscura. Qui appare subito in primo piano il volto sofferente di Giovanna d’Arco/Renée Falconetti. Il film proiettato è La passione di Giovanna d’Arco di Dreyer (1928). Ma ora è dentro un altro film. Infatti stiamo accompagnando dentro quella sala di cinema un’altra struggente, fragile, bellissima ragazza, la Nanà/Anna Karina di Godard (Vivre sa vie, 1962). Qualcuno (Antonin Artaud) sta annunciando a Giovanna d’Arco che fra poco sarà portata sul rogo. La ragazza piange. Stacco della camera che inquadra Nanà che inizia a commuoversi. Guardiamo tutto attraverso i suoi occhi. Giovanna d’Arco piange ma pensa anche che la morte potrà finalmente liberarla. Nanà piange seduta al suo posto.
Una comunità di destino si delinea fra i due personaggi. Godard tenta anche di tracciare un parallelo esistenziale fra una ragazzetta accusata di essere (anche) una prostituta e una prostituta che ha tutta la purezza di una ragazzetta. Ma l’operazione di Godard rispetto al film di Dreyer, e forse rispetto allo stesso mito di Giovanna d’Arco, assume per noi un significato più ampio, quasi vertiginoso: la fragilità, l’impotenza – il pathos di Giovanna d’Arco –, incarnate nelle sue lacrime, trovano una loro forza, apparentemente paradossale, nella loro capacità di essere condivise. In questa loro trasmissione, esse rivelano anche una formidabile carica politica destituente.
Il numero di K consacrato a Giovanna d’Arco vorrebbe, innanzitutto, scandagliare questa trasformazione di un’espressione di un dolore intimo in una emozione collettiva, e, forse, in una politica dell’emancipazione.
Il film di Dreyer finisce con le immagini di una rivolta. Le lacrime della ragazza mentre viene trasportata verso il rogo parlano, si indirizzano a coloro che la stanno guardando, i quali, proprio grazie a quel pianto, escono dal loro ruolo di spettatori in festa, partecipano del suo dolore, lo fanno proprio: il notaio Boisguillaume testimonia: “Quasi tutti i presenti piangevano”. È la sim-patia di Nanà, è la sim-patia delle donne che vedono piangere la ragazza condotta al rogo a rendere possibile una politica delle lacrime.
Come è possibile che una manifestazione di impotenza diventi una politica? Piangono soprattutto le donne quando si materializzano crisi storiche: piange Giovanna d’Arco di fronte all’ingiustizia dei suoi giudici, piange Antigone di fronte a Creonte, piange Haidi Giuliani, piangono le madri di Plaza de Majo, ecc. ecc... Tutte queste donne non hanno il potere, ma soprattutto non lo vogliono. Le loro lacrime sono, in questo senso, il segno della loro stanchezza, della loro esclusione, ma le donne che piangono, proprio in virtù di questa impotenza, della loro alterità (politica, sociale, simbolica), riescono a mettere in discussione il potere, talvolta arrivano anche a destituirlo.
La Rivoluzione russa inizia con delle lacrime di donne (per i lutti in guerra, per la fame e il freddo a casa) che diventano piano piano indignazione, sommosse, emancipazione. Cos’è successo? Riprendendo alcuni spunti dai testi in cui Derrida si dedica alla questione della visione e dello sguardo, possiamo dire che gli occhi lacrimosi di quelle donne hanno toccato altri occhi, occhi di altri. C’è stato incontro, si è creata comunità, e dunque una possibilità di agire insieme, proprio a partire da quegli occhi che, colmi di lacrime, non vedono, ma toccano. Secondo Derrida, infatti, affinché degli sguardi si incrocino, occorre che si tocchino da ciechi: per guardare lo sguardo di un altro bisogna cessare di vedere solo i suoi occhi – non li si deve semplicemente vedere – è necessario, invece, che essi si tocchino.
La cecità ci conduce verso un’ulteriore questione decisiva in Giovanna d’Arco che vorremmo rielaborare. Vergine, guerriera, strega, bambina, puttana, santa… diverse e contraddittorie sono le immagini che la storia ha lasciato di lei, ma ce n’è una che le percorre tutte, ed è anche, dal punto di vista storico, quella più certificata, perché su di essa si focalizzerà il processo contro di lei: Giovanna d’Arco è una veggente. Vede degli angeli, delle sante, dei santi che la incitano a compiere, attraverso delle “voci” che solo lei intende (in quale lingua parlano, le chiederanno i giudici?), delle azioni militari e politiche volute da Dio. È inviata da Dio e in questa veste si arroga anche il diritto di sottrarsi all’autorità del Tribunale, arrivando finanche a minacciare i suoi giudici: “Vous dites que vous êtes mon juge, mais prenez garde à ce que vous faites, parce qu’en vérité je suis envoyée par Dieu et vous vous mettez vous-mêmes en grand danger”. È più che una contestazione del potere religioso e politico: Giovanna d’Arco proprio non lo riconosce. E decide di schivarlo, oppure cerca di schivarlo, proprio perché si pensa e si comporta come una profetessa.
Secondo la poetessa-filosofa Christine de Pizan (1364-1430), Giovanna d’Arco appartiene alla tradizione delle grandi profetesse bibliche, come Giuditta, Ester, Debora. Ma, come mostra Claude Gauvard, il fenomeno del profetismo femminile è anche molto diffuso nel regno di Francia nel contesto storico di Giovanna d’Arco. Tra il 1350 e il 1450 almeno una ventina di donne sono riconosciute per i loro doni di profezia. Queste donne, dentro dei momenti di crisi, autorizzate da una parola proveniente dall’alto, riescono ad uscire dal silenzio, anche ad imporre la loro voce, ad indicare a tutti un cammino da compiere – le rivolte necessarie. Molte di esse vengono dalle frontiere del regno, dai suoi bordi estremi, e sono di origine modesta. È proprio questa condizione marginale – come quella di Giovanna d’Arco, che viene dalla Lorena, un’umile pastorella, analfabeta – che conferisce maggiore forza alla loro parola divina.
Charles Péguy definisce Giovanna d’Arco la “jeune fille espérance”. È una sintesi efficace che intendiamo problematizzare in questo numero per cercare di capire come la parola, i gesti di una ragazza abbiano saputo cristallizzare, per qualche lunghissimo mese, le aspirazioni di tutto un popolo. La profezia di Giovanna d’Arco squarcia la monotonia e l’inevitabilità del presente soprattutto perché è in grado di accendere una favilla di speranza dentro di esso. Inserendosi nella congiuntura storica, a partire dalle “voci” che sente, Giovanna d’Arco riesce a far biforcare la storia. Appare evidente che la guerra, alla quale la donna è chiamata e alla quale lei stessa chiama, è qualcosa di ben più alto e profondo che una mera difesa dei confini patri. Se così non fosse, Giovanna resterebbe dentro la continuità della storia. Invece, lei tenta di sospendere il normale corso della storia (la profezia sconvolge il tempo storico). Forse, come dice Bensaid, la sua guerra si estende su una frontiera più universale, una frontiera immensa. Quella che separa, ingiustamente, il mondo dei ricchi da quello dei poveri. La guerra di Giovanna d’Arco è un episodio dell’interminabile e interminata “guerra dei poveri”, da Spartaco fino a Müntzer, arrivando fino alla resistenza delle contadine messicane che, dopo lo scacco della loro rivoluzione, costituiscono delle “Brigate femminili Santa Giovanna d’Arco” per continuare la lotta. Giovanna Dark ritorna anche nelle fabbriche del Novecento, in Brecht, con un’organizzazione religiosa che si batte per i diritti degli operai.
Le lacrime di Giovanna d’Arco scavano orme, solchi, percorsi. Rivelatrici di una fragilità di fondo, intrinsecamente solitarie, esse si dimostrano, invece, potentemente politiche, spezzando la stessa omogeneità della storia. Gli occhi annebbiati dalle lacrime intravedono un altro orizzonte degli eventi. Secondo queste linee possiamo proporre alcuni punti su cui i contributi dovrebbero concentrarsi:
- Giovanna d’Arco è un’immagine. Le molteplici modalità in cui Giovanna è “fatta a immagine” nella storia del cinema e, più generalmente, nella storia delle arti, impongono una riflessione sul rapporto fra le immagini e una politica a venire. Non è pervenuta alcuna immagine che attesti le reali fattezze di Giovanna, e il suo corpo è stato ridotto in cenere.
Come se l’impossibilità di tradurre in immagini le sue visioni inimmaginabili, e per le quali non si può testimoniare, si incarnasse nell’inimmaginabile stesso del suo corpo, e che della sua esistenza e delle sue visioni non rimanessero altro che voci. Anche se il cinema e le arti non hanno mai smesso di rappresentarla, lei continua a sfuggire a ogni tentativo di identificazione (come avviene esemplarmente in Godard, non solo in Vivre sa vie, ma anche in Notre musique, 2004). Da qui, è forse possibile pensare che nelle molteplici rappresentazioni, incarnazioni di Giovanna, nelle sue inimmaginabili visioni di voci, sia in questione un tentativo di sottrarre la sua figura nell’immagine – tentativo che sembra alludere a un paradossale statuto senza immagine di un’immagine (della) politica a venire.
- Giovanna d’Arco è mille sfumature, spesso contraddittorie. È una santa, ma anche una puttana. È una bambina che non smette di lacrimare, ma anche una bella femmina (una delle prime immagini di Giovanna d’Arco è tratteggiata sui margini di un registro civile del Parlamento di Parigi dal cancelliere Clément de Fauquembergue, che trascrive i resoconti delle sedute e riporta anche gli avvenimenti principali, come la notizia della vittoria della “Pulzella” à Orléans, e lui allora l’immagina con un disegno veloce come una donna discinta, dall’ampia scollatura…). È una strega, e una profetessa. Grandissime attrici l’hanno incarnata al cinema e sulle scene dei teatri per sottolineare o rafforzare uno in particolare dei variegati aspetti della sua immagine caleidoscopica. È possibile ricostruire queste immagini da un punto di vista femminile? Le attrici che hanno incarnato Giovanna d’Arco hanno svolto questo ruolo?
- Giovanna d’Arco è una donna. La questione del genere si rivela decisiva per affrontare il nostro problema del potere destituente che è precisamente quel gesto, giovannesco anche, di sfidare il potere senza volerlo rovesciare, senza volerne prendere il posto. Si tratta di una messa a nudo del potere: questo ci dice l’arditezza di Giovanna d’Arco durante il processo.
Schivare il potere vigente, non riconoscerlo significa aprire uno spazio nuovo per la politica.
- Giovanna d’Arco è una povera. Essa agisce da una posizione sociale e culturale (e geografica) assolutamente altra rispetto ai centri di potere del suo tempo. Si tratta di vedere se, in questa sua azione così decisa e sorprendente, Giovanna d’Arco abbia voluto solo difendere il suolo patrio dagli invasori e dai traditori, secondo l’immagine che di lei ha confezionato il perdurante “mito nazionale”, oppure se essa abbia anche cristallizzato delle aspirazioni popolari, in una ennesima “guerra dei poveri”, così come le sue risorgenze, non a caso contro quel mito nazionale, hanno lasciato intravedere.
- Giovanna d’Arco è una profetessa. Essa si mette in cammino dalla lontana Lorena perché sente delle “voci”. Queste “voci”, e i suoi successi militari, la legittimano nei confronti del popolo che crede veramente in lei. In questo senso, la sua figura suscita una “speranza”. Bisognerà elaborare, a partire da figure femminili, dai lamenti, dai pianti, il ruolo che la profezia gioca dentro le crisi della storia per imporre una altra direzione agli eventi.
Modalità di partecipazione
Invio proposta entro il 5 marzo 2023 (2.500 battute max.)
al seguente indirizzo: krevuecontact@gmail.com
Nel caso in cui la proposta venga accolta, la consegna dell’elaborato deve avvenire entro il 17 settembre 2023. Dopo questa data si prevede l’automatica esclusione del contributo selezionato dal numero della rivista.