HomeLes dirigeant·es des petites entreprises

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Published on Thursday, February 23, 2023

Abstract

La revue scientifique Sociologies pratiques propose un appel à contributions pour son numéro 49 qui paraîtra à l’automne 2024. Après un numéro dédié à la direction des grandes entreprises (parution cet automne), la revue souhaite maintenant s’intéresser aux dirigeantes et dirigeants des petites entreprises à travers trois axes proposés : qui sont les dirigeant·es des petites entreprises ? ; Comment se dirige une petite entreprise ? Comment des patron·nes de petites entreprises peuvent-il·elles s’engager ?

Announcement

Coordination scientifique

  • Sophie Louey (Science po – CSO)
  • Camille Noûs (Cogitamus)

Argumentaire

Les grandes entreprises ont pris une place cruciale dans les économies contemporaines (Chandler et Deams, 1980) suscitant des travaux particulièrement stimulants, consacrés aux « dynasties » patronales comme celle des Gilet (Joly, 2015) ou au travail de la direction de ces grandes corporations (Sociologies Pratiques n°47, à paraître en octobre 2023). Toutefois, que ce soit dans les médias ou encore dans le cadre de dispositifs de politiques publiques, la petite entreprise est l’objet de bien des attentions. Pourtant, ce type d’entreprises, que l’on a coutume de désigner sous le sigle de « PME » (Petites et Moyennes Entreprises), demeure mal connu. Cette moindre connaissance contemporaine des « petites entreprises » ne s’explique-t-elle pas, en partie, par la promotion de l’entrepreneuriat individuel et de l’indépendance comme réponse à une crise de l’emploi (Abdelnour, 2017) plutôt qu’à une création d’entreprise ayant vocation à employer et à devenir dirigeant·e d’une petite entreprise ?

Le numéro 49 de Sociologies Pratiques propose de compléter ces réflexions portant sur les dirigeant·es selon la « taille » des entreprises dont ils sont à la tête pour s’intéresser aux petites. L’entrée par la taille des entreprises conduit à s’intéresser aux critères objectifs de distinction de celles-ci. C’est généralement l’effectif de salarié·es qui est utilisé.

D’après la classification de l’INSEE, les petites et moyennes entreprises, occupent moins de 250 salarié·es. La catégorie des « petites entreprises » (PE) revient à un second niveau de distinction, fixé par un décret du 29 mai 2019, entre « petites » (moins de 50 salarié·es) et « moyennes » entreprises (ME) (de 50 à moins de 250 salarié·es). Les « petites » entreprises sont elles-mêmes divisées entre les « très petites » entreprises (moins de 10 salarié·es) et les « petites entreprises » (moins de 50 salarié·es). L’appel à contribution couvre ces deux sous- catégories en prêtant attention aux individus à la tête de ces structures : les dirigeant·es.

Mais ces seuils de taille recoupent-ils d’éventuels critères symboliques et différents usages de ces classements (Zalc, 2012) ? Les dirigeant·es de ces petites entreprises seraient alors des « petit·es » patron·nes distinct·es des « grand·es » patron·nes dans leurs trajectoires, leurs profils, styles de vie, quotidiens professionnels mais aussi peut-être dans leurs engagements. Pour autant, les « petit·es patron·nes » ne font-il·elles pas partie d’un patronat multiforme (Offerlé, 2017) loin d’être homogène ?

Pour éclaircir ces enjeux, cet appel propose trois axes de contribution sous forme de questions transversales :

  • qui sont les dirigeant·es des petites entreprises ? (1) ;
  • comment se dirige une petite entreprise ? (2)
  • et comment des patron·nes de petites entreprises peuvent-il·elles s’engager ? (3).

Comment devient-on dirigeant·e d’une petite entreprise ?

Devenir dirigeant·e d’une petite entreprise peut passer par plusieurs voies. Comme pour tout accès à une position de chef·fe d’entreprise, le·la patron·ne d’une petite entreprise peut avoir créé l’entreprise dirigée, l’avoir reprise (après en avoir hérité ou non) ou encore avoir été recruté à cette position professionnelle. Si les créations, reprises ou recrutements de/à la tête de « grandes entreprises » font l’objet de travaux, quelles sont les trajectoires qui conduisent à la direction d’une petite entreprise ?

Comment, par exemple, les socialisations familiales contribuent-elles à l’héritage et la reprise de petites entreprises patrimoniales ? En s’appuyant respectivement sur le secteur viticole et industriel, les travaux de Céline Bessière ou de Charlotte Delabie suggèrent par exemple que les petit·nes patron·nes sont socialisé·es par la famille et l’école tant à l’exercice des métiers de production qu’à la gestion d’une entreprise (Bessière, 2003 ; Delabie, 2019). Par ailleurs, quel rôle attribuer à la socialisation secondaire ? Les carrières patronales peuvent en effet être marquées par des effets de sociabilités bien illustrés par les présidents de clubs de football professionnel, majoritairement dirigeants de petites entreprises (Schotté, 2016). Existe-t-il des dispositions patronales à la direction d’une petite entreprise ? L’analyse des trajectoires des dirigeant·es de petites entreprises montre-t-elle des traits communs selon des secteurs d’activités spécifiques ? Selon des territoires ? Selon le type d’accès à la position patronale (héritage, reprise, recrutement) ?

Un autre biais d’entrée par les carrières pourrait être de porter la focale sur une dimension sociale singulière des dirigeant·es de petites entreprises (Genre, classe, race) comme cela a pu être fait pour des femmes dirigeantes de grandes entreprises (Rabier, 2013) ou encore des dirigeant·es racisé·es participant à des clubs les rassemblant explicitement (Mesgarzadeh, 2017). Comment une approche intersectionnelle peut-elle être intégrée à la compréhension des trajectoires patronales ?

En ce sens, un premier axe pourrait concerner l’analyse des carrières des dirigeant·es de petites entreprises en prêtant attention à leurs origines sociales, socialisations familiales, leurs parcours et réseaux scolaires et professionnels.

Quelles sont les pratiques professionnelles de direction d’une petite entreprise ?

Diriger une entreprise, y compris une petite entreprise, renvoie à un éventail de pratiques. Ces dernières peuvent varier selon la trajectoire d’accès et le type de position du dirigeant (propriétaire, co-propriétaire, salarié sans propriété, etc.), selon l’organisation de l’entreprise, le secteur d’activité, ou encore le « style » de direction qu’aura le·la dirigeant·e. Le quotidien des dirigeant·es des petites entreprises peut varier, notamment selon qu’il·elles soient à la tête d’une ou de plusieurs petites entreprises ou encore que l’organisation de l’entreprise nécessite de superposer des tâches inhérentes par exemple à la production et à la gestion. Des propositions pourraient porter sur les temporalités de ces tâches professionnelles

Parmi les tâches de direction de l’entreprise, les patron·nes de petites entreprises, en leur qualité d’employeur·es, sont amené·es à recruter et manager des salarié·es. Comment les dirigeant·es recrutent-il·elles leurs employé·es ? Comment managent-il·elles leurs salarié·es ? Dirige-t-on vraiment seul·e une petite entreprise ? Des propositions pourraient également s’intéresser aux articulations entre vie professionnelle et vie privée des dirigeant·es. Elles pourraient par exemple porter sur l’analyse de la « maisonnée patronale » (Louey, 2021) qui, en miroir de la maisonnée politique (Gris, 2016), permet d’interroger les effets de la conjugalité et de la parentalité (dans ses formes et divisions des tâches) sur les façons dont la position professionnelle peut-être occupée. Comment les chef·fes des petites entreprises articulent- il·elles vie professionnelle et vie familiale ? La direction d’une petite entreprise relève-t-elle de l’affaire familiale même quand elle n’est pas patrimoniale ?

Le dialogue social est souvent étudié à partir des pratiques de négociations et plus particulièrement du côté des salariés. Il pourrait dès lors être intéressant de ces travaux dans les petites entreprises (Borisova et Rey, 2014 ; Regnault, 2011) et du point de vue du patronat. Comment les dirigeant·es se préparent-il·elles au dialogue social dans leur entreprise ? Comment le préparent-il·elles ?

La pratique de direction de l’entreprise passe aussi par un travail au long cours de maintien et de projection de l’activité qui peut être semé d’embuches. Comment maintient-on son activité économique? Comment les dirigeant·es peuvent-il·elles être accompagné·es dans le développement de leur activité ? Comment vivent-il·elles des expériences de redressements ou encore de faillites ?

Ces expériences économiques soulèvent aussi des enjeux de santé des dirigeant·es eux·elles- mêmes dans les petites entreprises (Darbus et Legrand, 2022). Ces travaux montrent que la taille de l’entreprise peut conduire des individus à taire leurs douleurs pour des motifs variés. Les dirigeant·es des petites entreprises ne sont pas exempt·es de ces problématiques de santé, qu’il s’agisse d’en rencontrer eux·elles-mêmes ou encore d’en organiser la prévention. Comment les dirigeant·es prennent-il·elles « soin » d’eux·elles ? Comment les dirigeant·es incluent-il·elles ou non les enjeux de santé dans leurs façons de manager ?

Ainsi, un second axe concernerait les pratiques de direction des petites entreprises.

Comment les dirigeant·es des petites entreprises s’engagent-il·elles ?

Les dirigeant·es des petites entreprises peuvent s’engager dans des collectifs de façon à défendre leurs intérêts (individuels et collectifs). Ces groupes patronaux peuvent être des structures syndicales (syndicats professionnels et interprofessionnels), des institutions légales (les chambres consulaires), des groupes de représentation spécialisée (des associations sectorielles), des think tanks (collectifs défendant des intérêts par des pratiques de lobbying notamment) ou enfin des clubs d’entrepreneurs (Offerlé, 2009). Si la participation à de tels collectifs s’inscrit parfois dans un syndicalisme de service (Giraud et Healy, 2015), elle peut aussi s’inscrire dans des intérêts plus variés tels qu’apprendre à se former à ses fonctions de dirigeants, faire des affaires, s’engager pour la cause patronale, se divertir et faire des rencontres ou encore sortir de la solitude patronale en rejoignant un entre soi professionnel (Louey, 2022). Quels que soient les motifs des participations à des collectifs patronaux, les dirigeant·es des petites entreprises peuvent être amené·es à se socialiser à l’engagement patronal et au rôle de représentant·e des petit·es patron·nes dans ces espaces (Gassier, 2019). Quelles formes prennent les engagements des petit·es patron·nes dans des collectifs patronaux ? Quels sont les coûts et les rétributions de tels engagements ?

Au cours de ces dernières années, des actions collectives ont réuni ou attiré des patron·nes de petites entreprises comme « Les Pigeons », « Les bonnets rouges » ou encore « Les Gilets Jaunes ». Si certaines mobilisations patronales sont analysées, les outils de mobilisation spécifiques des répertoires d’actions patronales pourraient être davantage renseignés à partir d’une approche socio-historique ou encore d’une analyse de mobilisations contemporaines. Comment des dirigeant·es de petites entreprises s’engagent-il·elles et construisent-il·elles une mobilisation collective ? Quels moyens utilisent-il·elles pour se mobiliser ?

Les rapports à la politique des dirigeant·es montrent que l’engagement partisan ne va pas de soi. Des travaux ont permis d’éclairer quels rapports des patron·nes, notamment des « petit·es » peuvent entretenir avec la politique qu’il s’agisse de commerçant·es (Mayer, 1986) ou encore de dirigeant·es de divers secteurs d’activités (Offerlé, 2019). Comment des dirigeant·es « entrent »-il·elles dans un engagement partisan ? Comment des engagements politiques peuvent-ils être articulés ou séparés de l’exercice d’une position professionnelle de dirigeant·e ?

Dès lors, un troisième axe porterait sur les rapports à l’engagement des dirigeant·es des petites entreprises que ce soit au niveau professionnel ou partisan voire les deux.

Modalités de contribution

Sociologies pratiques s’adresse aux chercheur·euses académiques et universitaires tout autant qu’aux professionnel·les, intervenant·es, consultant·es qui mobilisent la sociologie pour leurs travaux. Les articles attendus peuvent donc être de deux natures. D’une part, des analyses réflexives et sociologiques fondées sur des recherches empiriques récentes (analyses de témoignages, études de cas, débats critiques, etc.). D’autre part, des analyses de pratiques professionnelles (témoignages de pratiques et réflexion sur les conditions de l’action, les justifications de l’action et les conséquences sur l’action). Dans l’un comme dans l’autre cas, les articles doivent être analytiques et traiter de l’une des questions soulevées dans l’appel. Les articles qui croisent différents axes développés dans l’appel sont les bienvenus.

Procédure de soumission d’article :

Adresser une intention d’article de 5000 signes maximum (espaces compris) par voie électronique à l’adresse suivante : sp49@sociologies-pratiques.com

avant le lundi 15 mai 2023.

Elle devra contenir une présentation du questionnement sociologique, du terrain, de la méthodologie et des résultats proposés.

La revue retournera son avis aux auteurs dans le courant du mois de juin 2023. L’acceptation de l’intention d’article ne présume pas de l’acceptation de l’article final. Toute intention d’article, comme tout article, est soumis à l’avis du Comité de lecture de la revue, composé des coordinateurs, des membres du Comité de rédaction et d’un relecteur externe.

Les articles (au format de 27000 signes, espaces compris) seront à retourner à la revue pour le lundi 4 septembre 2023 et donneront lieu à échanges au sein du comité de lecture.

La sortie du numéro est prévue pour mi-octobre 2024.

Plus d’informations sur la revue

Bibliographie citée

Abdelnour Sarah, Moi, petite entreprise. Les auto-entrepreneurs de l’utopie à la réalité, PUF, 2017. Bessière Céline, « Une profession familiale : les trois dimensions de la vocation agricole », dans Gojard Séverine, Gramain Agnès et Weber Florence (dir.), Charges de familles, La Découverte, 2003, p. 237-273.

Borisova Ksenia et Rey Frédéric, « Conflits et régulations sociales dans les PME françaises », Idées économiques et sociales, n°178, 2014, p. 19-26. Chandler Alfred D., Deams Herman (dir.), Managerial hierarchies. Comparative Perspectives on the Rise of the Modern Industrial Entreprise, Harvard University Press, 1980.

Darbus Fanny et Legrand Emilie, Santé et travail dans les TPE, ERES, 2022.

Delabie Charlotte, «Re-construire les masculinités patronales en s’adaptant aux transformations du travail », Cahiers du genre, n°67, 2019, p. 73-96.

Dudouet François-Xavier et Grémont Eric, « Les grands patrons et l’Etat en France », Sociétés contemporaines, n°68, 2007, p. 105-131.

Gassier Yolaine, « Apprendre à jour (de) son rôle. L’acculturation des représentants artisans au jeu syndical institutionnel », Politix, n°128, 2019, p. 115-142.

Giraud Baptiste et Healy Aisling, « Le syndicalisme patronal comme syndicalisme de services », Sociétés contemporaines, n°98, 2015, p. 19-48.

Gris Christelle, La maisonnée politique. La contribution des conjointes d’élus à la carrière élective, Thèse de science politique, Université Panthéon Sorbonne, 2016.

Joly Hervé, Les Gillet de Lyon : Fortunes d’une grande dynastie industrielle (1838-2015), Droz, 2015. Louey Sophie, « Pourquoi adhérer à une organisation patronale ? », Connaissance de l’emploi, n°182, juin 2022.

Louey Sophie, La grandeur patronale. Ethnographie des engagements et des sociabilités de chefs d’entreprise, Université de Picardie Jules Verne, 2021.

Mayer Nonna, La boutique contre la gauche, Presses de Sciences Po, 1986.

Mesgarzadeh Samira, Les « clubs » de cadres et dirigeants racialisés en région parisienne : un espace de regroupement et de mobilisation polarisé, Thèse de science politique Paris-Lausanne, 2017.

Offerlé Michel, « “Les patrons” ou “des patrons” avec Emmanuel Macron » dans Dolez Bernard, Fretel Julien et Lefebvre Rémi (dir.), L’entreprise Macron, 2019, p. 79-92.

Offerlé Michel, Patrons en France, La Découverte, 2017.

Rabier Marion, Entrepreneuses de cause : contribution à une sociologie des engagements des dirigeants économiques en France, Thèse de science politique, EHESS, 2013.

Regnault Gérard, Les mondes sociaux des petites et moyennes entreprises, L’Harmattan, 2011.

Schotté Manuel, « Monter en première division. Trajectoires de notabilisation des présidents de clubs de football professionnel (1960-1999) », Politix, n°114, 2016, p. 99-120.

Places

  • Paris, France (75)

Date(s)

  • Monday, May 15, 2023

Keywords

  • entreprise, dirigeant, PME, TPE

Contact(s)

  • GREGORY LEVIS
    courriel : gregory [dot] levis [at] univ-paris8 [dot] fr

Information source

  • GREGORY LEVIS
    courriel : gregory [dot] levis [at] univ-paris8 [dot] fr

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Les dirigeant·es des petites entreprises », Call for papers, Calenda, Published on Thursday, February 23, 2023, https://doi.org/10.58079/1ami

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