StartseiteLes « nouvelles villes-capitales » des Suds à l’époque contemporaine

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Veröffentlicht am Mittwoch, 05. April 2023

Zusammenfassung

Les Cahiers d'outre-mer/Suds lance un appel à contribution pour un numéro spécial consacré aux « nouvelles villes-capitales » des Suds à l’époque contemporaine : projets, vécus, bilans critiques. Ce numéro poursuit la réflexion sur les « capitales en balade » proposée par Yves Marguerat (1991) à propos des villes africaines à l’époque coloniale, mais en l’élargissant géographiquement aux Suds et en privilégiant l’époque post-indépendance. Nous proposons de mettre le projecteur non seulement sur les projets de nouvelle capitale en cours, mais aussi sur les capitales abandonnées et sur les déplacements de capitale achevés ou inachevés, voire avortés, que cette entreprise de capitalisation s’inscrive dans des trajectoires de construction nationale postcoloniales, post-soviétiques, post-guerre civile (Soudan du Sud) ou qu’elle se déploie dans des États auto-proclamés, en attente de reconnaissance internationale.

Inserat

Coordinatrices

  • Karine Bennafla, Professeure de géographie à l’Université Jean Moulin Lyon 3, UMR 5600 -Environnement, Ville, Société. Contact : karine.bennafla@univ-lyon3.fr
  • Judicaëlle Dietrich, Maîtresse de conférences en géographie à l’Université Jean Moulin Lyon 3, UMR 5600 -Environnement, Ville, Société. Contact : judicaelle.dietrich@univ-lyon3.fr

Argumentaire

Depuis la dernière décennie, on assiste à une recrudescence des projets de « nouvelles capitales » dans les pays des Suds, c’est-à-dire à la promotion politico-administrative de lieux destinés à abriter les organes du pouvoir d’État, qu’il s’agisse de villes bâties ex-nihilo ou à partir d’un noyau ancien de peuplement (village, ville provinciale). Nusantara (Indonésie, 2024) ou la Nouvelle Capitale Administrative (NCA) en chantier, depuis 2015, à l’est du Caire font aujourd’hui écho aux nouvelles capitales d’hier : Brasilia (1960), Yamoussoukro (1983), Abuja (1991), Putrajaya (Malaisie, 1999), Astana (Kazakhstan), Naypyidaw (Birmanie, 2004) ou Melekeok (îles Palaos, 2006) pour citer les plus connues. Les exemples se déclinent à différentes échelles administratives : capitale d’État ou de rang inférieur à l’échelon d’une région ou d’un État fédéral, comme par exemple Amaravati en Inde (Leclerc 2015).   

La mobilité des capitales et l’élaboration de nouvelles centralités du pouvoir ne sont pas nouvelles (Laporte et Montès 2015). Qu’elles répondent à un besoin d’affirmation de jeunes États-nations (comme au Kazakhstan), à une volonté de « décongestion » ou de rééquilibrage territorial avec un éloignement marqué de l’ancien centre politique (à l’image du cas indonésien), ou encore à un désir de légitimation étatique ou de démonstration de puissance (on pense ici à la NCA de l’Égypte), les nouvelles capitales ont une charge symbolique forte. Destinés à cristalliser des sentiments d’appartenance nationale, ces hauts-lieux du pouvoir sont fréquemment présentés comme des vitrines du développement national et de la modernité (Scott 2021), avec à l’appui une architecture monumentale et ostentatoire.

De nombreux travaux en études urbaines sont consacrés au transfert de capitale analysant le (méga)projet urbain et sa rhétorique officielle de légitimation, avec une focale fréquente sur la phase de conception (inspirée de modèles), la localisation, le récit urbanistique, ou la première phase du développement. Les études sur les processus de normalisation ou de banalisation de ces capitales sont plus rares (Jacobs 1961, Théry 2002 et 2004, Thorez 2019), de même que les écrits interrogeant l’urbanité ou la condition citadine à moyen terme dans les capitales promues. Les échecs du transfert de capitale font l’objet d’une plus faible attention (Rossman 2016), tout comme le devenir des anciennes capitales déchues (Laporte 2011).

Aujourd’hui, dans un contexte de changement climatique et de raréfaction foncière, les projets de construction de nouvelles capitales aux Suds soulèvent des controverses propres aux mégaprojets (Elmouelhi 2019). Les reproches concernent les coûts des projets mis au regard d’autres urgences sociales ; les enjeux environnementaux avec des inquiétudes sur la durabilité en dépit du green urbanism affiché, notamment en milieu forestier ou désertique ; les logiques néolibérales du capitalisme urbain qui amènent à privilégier un retour sur investissement et donc, la construction de logements destinés à une clientèle solvable, excluant de fait les plus démunis ; enfin, le mode de décision et le pilotage du projet urbain illustrent en général des logiques top-down, l’impulsion présidentielle ou le « fait du prince » se traduisant par la création ad hoc d’agence sans (ou avec peu de) concertation démocratique.

Ce numéro des Cahiers d’Outre-Mer/Suds poursuit la réflexion sur les « capitales en balade » proposée par Yves Marguerat (1991) à propos des villes africaines à l’époque coloniale, mais en l’élargissant géographiquement aux Suds et en privilégiant l’époque post-indépendance. Nous proposons de mettre le projecteur non seulement sur les projets de nouvelle capitale en cours, mais aussi sur les capitales abandonnées (Vidal 2014) et sur les déplacements de capitale achevés ou inachevés, voire avortés, que cette entreprise de « capitalisation » s’inscrive dans des trajectoires de construction nationale postcoloniales, post-soviétiques, post-guerre civile (Soudan du Sud) ou qu’elle se déploie dans des États auto-proclamés, en attente de reconnaissance internationale.

Plusieurs pistes de questionnements peuvent être envisagées dans ce numéro ouvert à différentes approches disciplinaires en sciences sociales :

  1. Que sont devenues les nouvelles villes-capitales des générations précédentes ? Quel bilan dresser en termes de rééquilibrage ou de déséquilibrage territorial, de peuplement et de fabrique urbaine ? Où en est le processus de « capitalisation » dix, vingt, voire soixante ans après ?

On peut ainsi s’interroger sur certains échecs : échec à « faire capitale » avec des transferts administratifs suspendus (cf. Yamoussoukro), échec à attirer des habitants ou à créer de l’urbanité. Inversement, l’on pourra voir pourquoi et comment ailleurs d’autres capitales nouvelles ont réussi à incarner le centre symbolique du pouvoir à l’instar de Brasilia – la tentative de putsch par les partisans de Jair Bolsonaro en 2023 montre que c’est bien là que se situe le centre symbolique du pouvoir. Comment les capitales promues des années 1990 se sont-elles « banalisées » (telle Sebha dans le Fezzan libyen) et quels en sont les signes ou indicateurs y compris en termes de condition citadine (inégalités sociales, informalité etc.) ?

L’on pourra ici se demander quelle priorité les États auto-proclamés accordent à l’aménagement d’une ville-capitale comme lieu de mise en scène du pouvoir et de leur existence. Ce premier volet inclut également une interrogation sur le devenir des anciennes capitales déchues de leur statut : ont-elles perdu de leur attraction, ont-elles périclité, se sont-elles renouvelées sur d’autres bases ?

  1. Le processus de capitalisation invite à se pencher sur les fonctions urbaines, leur éventuelle diversification, et à s’interroger sur ce qui peut consacrer ou alimenter la primauté de rang dans la hiérarchie urbaine, qu’il s’agisse de bâtiments-totem, d’une architecture iconique ou de l’accueil de grands événements culturels, sportifs ou diplomatiques.

En termes de production de la ville, l’instauration d’une nouvelle capitale témoigne d’une démarche de reprise en main par l’État de sa capacité à faire la ville, avec une interrogation sur les acteurs autres qui entrent en jeu pour la promotion immobilière et l’aménagement urbain, financés par les capitaux publics (propriétés foncières et des bâtiments).

  1. Un autre volet du numéro consiste à examiner le peuplement des nouvelles capitales d’ancienne génération ainsi que leurs pratiques au quotidien et les reconfigurations de mobilités qu’elles ont pu générer : ont-elles stimulé des stratégies résidentielles, professionnelles ou d’investissement particulières ? Donnent-elles lieu à des navettes spécifiques quand elles sont proches des anciens centres de pouvoir et quels impacts ont eu leur création sur la (ré)organisation des transports, y compris à l’échelle nationale ?

Au-delà de la composition du peuplement, comment vit-on dans les nouvelles capitales et est-ce que la qualité de vie y est meilleure ? Il s’agit ici de se pencher sur la condition citadine dans ces nouveaux centres, entre celle souvent vantée en amont du projet et la réalité. On peut aussi se demander si la fonction politico-administrative prééminente circonscrit les villes-capitales principalement à des villes de fonctionnaires, de classes moyennes ou supérieures ou bien si elles sont marquées, avec le temps, par l’apparition et le creusement d’inégalités sociales.

  1. Les projets de capitales en cours de réalisation font partie de ce numéro, amenant à examiner leurs enjeux géopolitiques, les récits de légitimation qui les accompagnent, leur financement, et la mise en œuvre concrète et matérielle de la ville (acteurs du BTP, flux de matériaux et de main-d’œuvre). La circulation de modèles urbains entre pays des Suds (par exemple doubaïote ou asiatique) transparaît dans les projets actuels de capitale : quelles sont les modalités de circulation de ces modèles, leur évolution et l’accommodement de référents ou canons internationaux (« ville durable », « ville verte », « ville intelligente ») à des cadres locaux et nationaux, au-delà des enjeux de labélisation ? Qu’implique l’insertion des nouvelles villes dans les réseaux de smart ou green cities et par quels relais, chaînes ou lobbies cette insertion s’opère-t-elle ?
  2. Par ailleurs, compte tenu des polémiques soulevées par certains projets de nouvelles capitales, assiste-t-on à des oppositions, des contre-propositions ou à des mobilisations citoyennes ou professionnelles, et si oui, sous quelles formes et avec quelle marge de manœuvre pour infléchir le projet ?

Calendrier

Une déclaration d’intérêt d’ici fin juin 2023 est attendue

(titre provisoire et résumé d’une demi-page). Contacts : karine.bennafla@univ-lyon3.fr et judicaelle.dietrich@univ-lyon3.fr

Les propositions d’article sont attendues pour le 15 novembre 2023.

La publication est prévue en juin 2024.

Références

Abubakar, Ismaila Rimi & Doan, Petra Leisenring (2017), “Building new capital cities in Africa: Lessons for new satellite towns in developing countries”, African Studies, Vol.76, pp. 546-565. DOI:https://doi.org/10.1080/00020184.2017.1376850

Chaléard, Jean-Louis et Dubresson, Alain (1993), « Yamoussoukro ou l’ivoirité d’une mégalomanie », Cahiers de Fontenay, No.69-70 (1), pp.  173-189.

DOI : https://doi.org/10.3406/cafon.1993.1617 

Elmouelhi, Hassan (2019), “ New administrative Capital - Cairo: Power, Urban Development and Social Injustice – the Official Egyptian Model of Neoliberalism”, In Al-Hamarneh, A., Margraff, J., Scharfenort, N. (ed.), Neoliberale Urbanisierung, Stadtentwicklungsprozesse in der arabischen Welt, Bielefeld, Allemagne, Transcript Verlag, pp. 215-254.

 Jacobs, Jane (1961), The Death and Life of Great American Cities, Random House, New York, 458 p.

 Laporte, Antoine et Montès, Christian (2015), « Les capitales : échelles, trajectoires, pratiques », Géocarrefour, Vol.90, No.2, pp. 97-101. DOI : https://doi-org.ezscd.univ-lyon3.fr/10.4000/geocarrefour.9847

Laporte, Antoine (2011) « Bonn, la ville qui devait rétrécir », Géocarrefour, Vol.86/2, pp. 95-102.  DOI : https://doi.org/10.4000/geocarrefour.8309

Leclerc, Éric (2015), « Trajectoire d’Amaravati, la capitale du nouvel Andhra Pradesh (Inde) : chronique d’un choix de localisation », Géocarrefour, Vol.90/2, pp. 117-129. DOI : https://doi-org.ezscd.univ-lyon3.fr/10.4000/geocarrefour.9798

Marguerat, Yves (1991), « Capitales en balade. Remarques historico-géographiques sur les changements de capitale en Afrique noire », Cahiers d'outre-mer, No.175, 44e année, juillet-septembre, pp. 217-242. DOI : https://doi.org/10.3406/caoum.1991.3397

Rossman, Vadim (2016) Capital cities: Varieties and patterns of development and relocation, London and New York, Routledge, 338 p.

 Schatz, Edward (2004), "What Capital Cities Say about State and Nation Building", Nationalism and Ethnic Politics, Vol.9, No.4, 111-140.

Scott, James (2021), L'œil de l'État. Moderniser, uniformiser, détruire, Paris, La Découverte, 540 p., trad. Olivier Ruchet.

Théry, Hervé (2004), « Brasilia, de la capitale à la métropole », Vingtième siècle, No.1, pp. 93-105.

 Théry, Hervé (2002) « L’évolution du "modèle" de Brasilia : vers une métropole banale ? », Cahiers d’Amérique latine [en ligne], No.41, pp. 123-136. DOI : 10.4000/cal.7058

Thorez, Julien (2019), « Le développement de la nouvelle capitale du Kazakhstan, Astana / Nur-Sultan (1998-2018) : croissance, capitalisation et normalisation », Cybergeo: European Journal of Geography [En ligne], Espace, Société, Territoire, document 897, DOI : https://doi.org/10.4000/cybergeo.32223

 Vidal, Laurent, dir. (2014), Capitales rêvées, capitales abandonnées. Considérations sur la mobilité des capitales dans les Amériques (XVIIe-XXe siècle), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 288 p.


Daten

  • Freitag, 30. Juni 2023

Anhänge

Schlüsselwörter

  • capitale, sud

Kontakt

  • Judicaëlle Dietrich
    courriel : judicaelle [dot] dietrich [at] univ-lyon3 [dot] fr
  • Karine Bennafla
    courriel : karine [dot] bennafla [at] univ-lyon3 [dot] fr

Informationsquelle

  • Karine Bennafla
    courriel : karine [dot] bennafla [at] univ-lyon3 [dot] fr

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Zitierhinweise

« Les « nouvelles villes-capitales » des Suds à l’époque contemporaine », Beitragsaufruf, Calenda, Veröffentlicht am Mittwoch, 05. April 2023, https://doi.org/10.58079/1awe

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