AccueilRegards interdisciplinaires sur l’étude et l’enseignement de la transition écologique

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Publié le mardi 18 avril 2023

Résumé

L’objectif scientifique du colloque est de questionner la notion de transition écologique et les autres transitions qui lui sont liées en croisant les regards disciplinaires issus des grands domaines de la connaissance, ceux des sciences de l’homme et de la société (SHS), des sciences de l’ingénieur, des sciences de la vie et des sciences de la Terre. Dans une perspective interdisciplinaire il s’agira d’identifier comment les disciplines travaillent le sujet en termes de problématisation, quels objets communs peuvent se construire et quels acquis de la recherche peuvent circuler entre ces grands domaines. Il est également possible de montrer en quoi la transition écologique remet en cause les catégories de disciplines scientifiques et renouvelle leurs cadres de référence. Ce sont aussi les cadres de l’action publique et privée se référant à la transition écologique qui sont à questionner.

Annonce

Colloque interdisciplinaire organisé par la Maison des Sciences Humaines et Sociales (MSHS) de l’Université de Reims Champagne Ardenne (URCA) avec l’Université de Technologie de Troyes (UTT), l’Ecole doctorale SHS de l’URCA et le soutien du Réseau des établissements d’enseignement supérieur et de recherche de Champagne-Ardenne

Reims – Troyes, 19-20 octobre 2023

Argumentaire

La transition écologique s’est imposée depuis quelques années comme un référentiel majeur des politiques publiques et des stratégies des acteurs privés, même si les transformations qu’elle implique ont encore à se développer.  Les sociétés contemporaines sont, il est vrai, confrontées aujourd’hui à un changement écologique global (changements climatiques, effondrement de la biodiversité, bouleversement des grands cycles biogéochimiques, pollution globale par les plastiques, etc.) qui, du fait des inégalités économiques, sociales et environnementales existantes, impacte différemment les régions, les pays, les groupes sociaux et les individus. Les constats qui sont faits aujourd’hui et les évolutions environnementales à venir imposent aux sociétés humaines des changements ou des perspectives de changements urgents qui vont nécessiter des réorientations des modes de vie, des modes de production et de consommation, des circuits d’échange et des modalités de gouvernance et de gouvernement. Les enjeux de cette transformation se sont immiscés dans tous les domaines de la société et sont susceptibles d’en bouleverser le fonctionnement.

Les termes « transition » et « écologique », ainsi accolés, sont toutefois polysémiques et ambigus, ils ouvrent sur un vaste ensemble de diagnostics et de futurs possibles[1] – des « futuribles », pour reprendre le néologisme forgé par Bertrand de Jouvenel. Comme le soulignent certains commentateurs, l’idée de « transition écologique » laisse entendre que les changements sont en cours, les solutions à portée de main, les sociétés d’ores et déjà engagées sur des trajectoires environnementales vertueuses – ce qui reste encore largement à démontrer. Certains n’hésitent pas alors à se référer au « principe de Lampedusa », autrement dit à l’idée de « tout changer pour ne rien changer », en termes de rapports de production, d’organisation sociale, de répartition des pouvoirs. Une telle perspective apparaît clairement dans l’esprit de ceux qui, eu égard à l’importance et à la rapidité des dérèglements climatiques en cours, opèrent ce que l’on pourrait désigner comme une « carbonisation » de la « transition écologique », à savoir une réduction des enjeux de cette dernière à ceux d’une « transition énergétique », elle-même pouvant parfois se réduire à des choix à faire en matière de techniques de production d’énergie et de captage de carbone.

D’autres, au contraire, évoquent une crise de la « modernité » qui pourrait conduire à un retour au « monde clos » contre « l’univers infini », en référence à Alexandre Koyré[2]. Ils en appellent alors à des évolutions drastiques pour qu’advienne un monde totalement différent dans son organisation, son mode de fonctionnement et ses aspirations, un monde qui favoriserait une économie soutenable et une ère de la convivialité, pour reprendre la proposition formulée par Ivan Illich[3] dans les années 1970. Certaines de ces analyses mettent alors l’accent sur la complexité et la multidimensionnalité des sociétés humaines, de leurs dynamiques et de leurs interactions avec cette réalité, elle-même complexe et multidimensionnelle, qu’est la biosphère. D’où l’idée avancée par certains que, si transition écologique il y a, elle ne peut être pensée qu’en interactions avec d’autres dynamiques de transformation culturelle, politique, institutionnelle. Certains vont même jusqu’à dire que les différentes crises que le monde connaît actuellement ne pourront être résolues indépendamment les unes des autres. Dès lors, une transition globale devrait être pensée comme l’articulation de transformations de natures différentes mais qui entretiennent entre elles des relations de dépendance structurelle et/ou fonctionnelle : transition écologique, transition sociale, transition anthropologique, transition économique, transition numérique, transition culturelle, etc.

Le premier objectif scientifique du colloque MSHS 2023 est de questionner cette notion de transition écologique et les autres transitions qui lui sont liées en croisant les regards disciplinaires issus des grands domaines de la connaissance, ceux des Sciences de l’Homme et de la Société (SHS), des Sciences de l’ingénieur, des Sciences de la Vie et des Sciences de la Terre. Dans une perspective interdisciplinaire il s’agira d’identifier comment les disciplines travaillent le sujet en termes de problématisation, quels objets communs peuvent se construire et quels acquis de la recherche peuvent circuler entre ces grands domaines. Il est également possible de montrer en quoi la transition écologique remet en cause les catégories de disciplines scientifiques et renouvelle leurs cadres de référence. Ce sont aussi les cadres de l’action publique et privée se référant à la transition écologique qui sont à questionner. La « transition écologique » figure, en effet, dans plusieurs instruments – certains très normatifs, d’autres relevant du simple engagement volontaire – comme un objectif à atteindre, mais aussi comme un facteur de transformation de certaines activités économiques et sociales. La rhétorique, les organisations et les initiatives militantes ou émanant de la société civile, qui sont une des sources de la notion de « transition écologique »[4], sont aussi à analyser – là encore, en croisant les regards disciplinaires.

Ce colloque vise aussi à questionner la transition écologique sur le plan pédagogique. Plusieurs éléments conduisent aujourd’hui à souligner l’urgence d’une telle réflexion. Le rapport du groupe de travail multidisciplinaire dirigé par Jean Jouzel et Luc Abbadie, « Sensibiliser et former aux enjeux de la transition écologique et du développement durable dans l’enseignement supérieur »[5], a été remis à Frédérique Vidal, en charge du Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, en juillet 2022. En octobre 2022, Sylvie Retailleau, nommée entre-temps à la tête de ce ministère, a annoncé que celui-ci intégrera progressivement un volet dédié à la prise en compte des enjeux environnementaux et climatiques dans les nouveaux contrats d’objectifs, de moyens et de performance des établissements de l’ESR. A charge pour ceux-ci de mettre en œuvre un « plan d’action développement durable et de responsabilité sociétale » afin de répondre à ces enjeux. Autre objectif, a ajouté la ministre : au plus tard en 2025, « un socle de connaissances et compétences globales, transversales et pluridisciplinaires » devra être mis en œuvre dans le domaine de la transition écologique. Cette formation sera proposée à chaque étudiant de 1er cycle et donnera lieu à une certification. Les cursus existants devront être adaptés pour prendre en compte les enjeux de transition écologique ; de nouvelles formations initiales et continues devront être créées pour former aux nouveaux métiers de la transition écologique. Il sera aussi proposé, à toutes les nouvelles enseignantes et à tous les nouveaux enseignants recrutés en 2023, une formation certifiante à la transition écologique. De telles propositions sont-elles à la hauteur des enjeux à relever pour les générations estudiantines présentes ? Quelles sont ou peuvent être les conditions de mise en œuvre d’une telle généralisation dans le contexte actuel de l’ESR ? Ces questions méritent d’être posées. Depuis quelques années, nombre d’étudiants, essentiellement diplômés de grandes écoles, manifestent, en effet, leur mécontentement vis-à-vis du contenu et de la gouvernance de leurs formations et de leurs établissements. Ces « déserteurs » ou « bifurqueurs », comme ils aiment parfois à s’appeler, les accusent de ne pas donner la place requise aux enjeux écologiques ou de faire montre de complaisance vis-à-vis d’intérêts économiques ou de postures relevant du greenwashing. Ces interpellations ont trouvé divers échos au sein de la communauté enseignante – certains de ses membres appelant ainsi à la mise en place de formations résolument interdisciplinaires[6].

Des enseignements sur le développement durable et la transition écologique existent – certains, depuis fort longtemps déjà. L’éducation à l’environnement et au développement durable est même un champ académique constitué[7]. Depuis quelques années, on note cependant la création d’un nombre important de nouvelles formations à la transition écologique, lesquelles ne s’inscrivent pas toujours dans les cadres, réflexions et expériences passés. Dans le même temps, un nombre croissant de manuels a été publié sur la thématique de la transition écologique[8]. On ne compte plus les webinaires et les MOOC consacrés aux enjeux climatiques, à l’érosion de la biodiversité, à l’économie circulaire, à la décroissance... Des interventions extérieures en matière de sensibilisation à la transition écologique (du type “Fresque du climat”) sont devenues monnaie courante dans les grandes écoles et les universités. Des entreprises se proposent de faire intervenir d’anciens salariés dans certains diplômes pour vanter leur approche de la transition écologique… Bref, comme c’est souvent le cas dans les domaines de l’environnement et du développement durable, les initiatives ne manquent pas, elles sont très variables en termes d’objectifs et de contenus et ne sont guère coordonnées. La diversité de ces initiatives témoigne également des fortes divergences qui structurent les débats sur les moyens et les formes de transitions écologiques, dans un domaine où les connaissances sont encore peu stabilisées. De plus, la forme et les visées de ces dispositifs de transmission des connaissances sont souvent normatives. Dès lors, comment s’assurer de la pérennité des contenus de formation et de modalités de formation à la hauteur des enjeux ?

A l’international, de nombreuses recherches en éducation et formation peuvent fonder la réflexion sur les objectifs et les modalités de formation à la transition écologique dans l’enseignement supérieur. En particulier, les travaux de recherche sur les pratiques d’éducation au développement durable ont mis en évidence l’importance de la formation à l’analyse systémique et au doute critique, tournés vers le développement d’un « penser-agir dans l’incertitude ». Les modèles d’apprentissage pertinents dans ce domaine reposent sur un « apprentissage expérientiel », relevant de l’engagement dans l’action écologique et sociale. Un enjeu majeur est celui de la construction d’une culture du débat démocratique qui prenne en compte les spécificités de cette question socialement sensible.

Soumission

Les propositions de communication devront être soumises en français en une page Word standard, Times new roman 12 (environ 550 mots). Les résumés doivent clairement présenter les objectifs de la communication, son originalité, sa méthode, voire ses résultats. La proposition de communication sera accompagnée d’un titre, de cinq mots clefs au maximum et de la ou des discipline (s) concernées (s). Une bibliographie précise et spécifique peut être indiquée (10 références au maximum) en plus des 550 mots de présentation. L’objet du message devra préciser : Proposition de communication.

La date limite pour l’envoi de ces propositions est fixée au 23 juin 2023.

Celles-ci devront être adressées à maison.shs@univ-reims.fr ou ed.shs@univ-reims.fr pour les doctorant.e.s.

L’avis du comité scientifique sera communiqué aux auteurs/rices des propositions d’ici fin juin 2023.

Comité d’organisation

François Bost (Maison des SHS, URCA), Aude Laquerrière-Lacroix (Ecole doctorale SHS, URCA), Fabrice Thuriot (Maison des SHS, URCA), Angélique Ranvier (Maison des SHS, URCA), Fabrice Rosa (CEJESCO, URCA), Pascal Salembier (UTT), Franck-Dominique Vivien (REGARDS, URCA)

Comité scientifique

Yulia Altukhova-Nys (REGARDS, URCA), François Bost (HABITER, URCA), Stéphanie Caillies (C2S, URCA), Sophie Conte (CRIMEL, URCA), Arnaud Coutant (CRDT, URCA), Laurence Dedieu (CEREP, URCA), Sabrina Dermine-Brullot (InSyTE, UTT), Alain Devos (GEGENAA, URCA), Benoît Dugua (HABITER, URCA), Muriel Frisch (CEREP, URCA), Gilles Fronteau (GEGENAA, URCA), Anne Glaudel-Serrière (CEREP, URCA), Jean-Louis Haquette (CRIMEL, URCA), Denis Jouve (CRDT, URCA), Aude Laquerrière-Lacroix (Ecole doctorale SHS, URCA), Véronique Maire (Chaire IDIS, ESAD de Reims), Sandrine Nicoud (CEREP, URCA), Thomas Nicklas (CIRLEP, URCA), Isabelle Poutrin (CERHIC, URCA), Fabrice Rosa (CEJESCO, URCA), Dominique Roux (REGARDS, URCA), Pascal Salembier (UTT), Djaouidah Séhili (CEREP, URCA), Franck-Dominique Vivien (REGARDS, URCA), Marta Inés Waldegaray (CIRLEP, URCA).

Publications

A l’issue du colloque, les communications pourront être retenues en vue de la rédaction d’un article pour une publication dans le cadre d’actes du colloque ou d’un numéro spécial de revue.

Prix

Doctorant.e : 1 000 € par l’Ecole doctorale SHS (URCA)

Jeune chercheur.se (ayant soutenu sa thèse il y a 10 ans au plus à la date du colloque) : 2 000 € par la Maison des SHS de Champagne-Ardenne (URCA).

Notes

[1] Cf., par exemple, Larrère C. (2021), « Pourquoi parle-t-on de « transition » écologique ? », The Conversation, fév., https://theconversation.com/pourquoi-parle-t-on-de-transition-ecologique-154104 ; Bourg D., Kaufmann A., Méda D. (sous la dir.) (2016), L’âge de la transition. En route pour la reconversion écologique, Paris, Les Petits Matins ; Rudolf F. (2015), « La transition énergétique entre homéostasie du système et effondrement », Cahiers de recherche sociologique, 58, p. 37-54. https://www.erudit.org/en/journals/crs/1900-v1-n1-crs02474/1036205ar.pdf

[2] Koyré A. (1962), Du monde clos à l'univers infini, Paris, Presses universitaires de France.

[3] Illich I. (1973), La convivialité, Paris, Le Seul, 1973 ; Illich, I. (1973) Energie et équité, Paris, Le Seuil. 

[4] Hopkins R. (2010), Manuel de transition. De la dépendance au pétrole à la résilience locale, trad. fse, Montréal, Écosociété.

[5] https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/2021-10/rapport-du-groupe-de-travail-enseigner-la-transition-cologique-dans-le-sup-rieur--13843.pdf

[6] Cf., par exemple, Pinton F., Frascaria-Lacoste N. (2022), « Bifurcation à AgroParisTech : quelle voie pour une formation résolument interdisciplinaire », Natures Sciences Sociétés, 30, 2, 122-123.

[7] Lange J.-M., Martinand J.-L. (2010), « Curriculum de l'EDD : principes de conception et d’élaboration », Colloque International « Education au développement durable et biodiversité : concepts, questions vives, outils et pratiques », Digne les Bains, oct. 2010. https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00958229/file/ENTI-2010-Digne-Martiand.pdf

[8] Voir, par exemple, C. Renouard et al. (sous la dir. de) (2020), Manuel de la grande transition, Paris, Les Liens qui Libèrent.

Lieux

  • Amphi Recherche Bâtiment 13, Maison des Sciences humaines et sociales, campus Croix Rouge - 57 bis rue Pierre Taittinger
    Reims, France (51100)

Format de l'événement

Événement hybride sur site et en ligne


Dates

  • vendredi 23 juin 2023

Mots-clés

  • transition, écologie, étude, formation, interdisciplinaire

Contacts

  • Fabrice Thuriot
    courriel : fabrice [dot] thuriot [at] univ-reims [dot] fr

Source de l'information

  • Fabrice Thuriot
    courriel : fabrice [dot] thuriot [at] univ-reims [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Regards interdisciplinaires sur l’étude et l’enseignement de la transition écologique », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 18 avril 2023, https://doi.org/10.58079/1ayo

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