HomeMusées, galeries et collections à la loupes : enquêtes en milieu muséal
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Published on Monday, January 15, 2024

Abstract

Le 8 janvier 2021, Netflix lançait la série Lupin dont l’affiche met autant en valeur le héros de Maurice Leblanc que la pyramide du Louvre : à la clé, un succès planétaire à l’origine d’un sursaut spectaculaire des ventes impliquant le « gentleman cambrioleur ». En mars, l’institution parisienne inaugurait à son tour les « Enquêtes du Louvre », une série de podcasts reposant sur des histoires rocambolesques de forfaits liés au monde de l’art. Et comment ne pas penser à l’engouement extraordinaire que provoqua, en 2003, la parution du Da Vinci Code de Dan Brown, comme les aventures télévisées du fantôme de Belphégor, en 1965, ou celles d’Adèle Blanc-Sec (1978, 2010). Le projet de colloque international et de médiations culturelles envisagé sera donc consacré à l’analyse de ce phénomène au prisme d’une approche poétique, esthétique et sociologique : il placera au cœur de la réflexion les interactions entre les pratiques patrimoniales et les espaces muséaux considérés dans la littérature et vice versa, sous l’angle du récit de fiction en particulier.

Announcement

Argumentaire

Le 8 janvier 2021, Netflix lançait la série Lupin dont l’affiche met autant en valeur le héros de Maurice Leblanc que la pyramide du Louvre : à la clé, un succès planétaire à l’origine d’un sursaut spectaculaire des ventes impliquant le « gentleman cambrioleur ». En mars, l’institution parisienne inaugurait à son tour les « Enquêtes du Louvre », une série de podcasts reposant sur des histoires rocambolesques de forfaits liés au monde de l’art. Et comment ne pas penser à l’engouement extraordinaire que provoqua, en 2003, la parution du Da Vinci Code de Dan Brown, comme les aventures télévisées du fantôme de Belphégor, en 1965, ou celles d’Adèle Blanc-Sec (1978, 2010). L’exemple est emblématique mais il n’est pas unique. Il est frappant de constater qu’un point commun rassemble ces différentes références : le « Musée des musées », bien sûr, mais aussi la littérature au travers de genres et de récits variés que sont le roman policier, le récit d’aventure, le thriller ou encore la BD . À l’origine de ce projet, une observation et une hypothèse : d’une part, collections, galeries, musées et bibliothèques sont des lieux d’enquête par excellence, d’autre part, la littérature se situe au point de convergence de ces univers depuis leurs origines. Le projet de colloque international et de médiations culturelles envisagé sera donc consacré à l’analyse de ce phénomène au prisme d’une approche poétique, esthétique et sociologique : il placera au cœur de la réflexion les interactions entre les pratiques patrimoniales et les espaces muséaux considérés dans la littérature et vice versa, sous l’angle du récit de fiction en particulier .

Les propositions pourront notamment s’inscrire dans les axes suivants, sans s’y limiter :

1. Le musée, la bibliothèque ou la collection, des lieux d’enquête

Collections, galeries, musées et bibliothèques sont des lieux de découvertes et de recherches où les savoirs sont établis à partir d’objets-témoins, de traces du passé qu’il s’agit de retrouver, de réunir et d’interpréter pour y lire des « histoires » (des « enquêtes » étymologiquement) recelant une vérité, détenant un sens (Carlo Ginzburg, Paul Veyne). Un premier paradigme épistémologique se trouve ainsi associé à la genèse de ces lieux autour de la figure de l’enquêteur sous les traits du savant (historien, archiviste, philologue, archéologue, naturaliste, historien de l’art…) et du policier. Le passage de la sphère universitaire ou érudite à l’univers du crime serait alors favorisé par une proximité structurelle entre deux formes d’investigation qui pourtant, sur le plan culturel, semblent fort éloignées l’une de l’autre. L’association de l’enquêteur professionnel et de l’enquêteur amateur sous la forme d’un binôme à la fois improbable et efficace est ainsi devenue un motif récurrent dans le polar muséal. Se pose dès lors la question de l’intégration d’un certain savoir à la fiction et à la construction de l’intrigue allant parfois jusqu’à une ambition explicite de vulgarisation historique ou artistique à travers le personnage du policier, néophyte en matière de science et d’art. L’enquête est dès lors susceptible de se dédoubler, l’enquête historique ou savante accompagnant l’investigation policière proprement dite au point, parfois, d’en permettre le dénouement.

2. L’art à en mourir : statut de l’objet d’art dans la fiction policière

De façon plus générale, collections, galeries et musées sont des lieux qui attisent la convoitise pour la valeur symbolique, esthétique, historique et donc pécuniaire des livres rares, des œuvres et des objets qui y sont conservés (Le Cousin Pons de Balzac). Ce sont des espaces fortement concurrentiels et agonistiques qui justifient les actions transgressives susceptibles de motiver une enquête (vol d’un objet, substitution par un faux, altération / destruction de cet objet, mise à mort d’un rival, etc.). La révérence pour un objet – tableau, sculpture, artefact de joaillerie, livre précieux, manuscrit – distingué pour sa valeur patrimoniale, documentaire ou symbolique, peut en effet se retourner en obsession possessive, au risque de provoquer une véritable pulsion destructrice (on songe au personnage du Club Dumas d’Arturo Pérez-Reverte détruisant tous les exemplaires de La Neuvième porte pour s’assurer d’en posséder l’unique copie). La question du faux, de la supercherie ou de la contrefaçon artistiques, outre sa rentabilité narrative dans le cadre d’une fiction policière, nous invite en outre à interroger les notions d’authenticité et d’unicité qui se trouvent au cœur du système de valeurs du marché de l’art, y compris sur le plan financier. En somme, tout porte à croire que les fictions policières amènent à considérer le régime de valeurs et d’existence des objets sous un autre jour que celui, hyperchargé au plan symbolique, affectif…, des “objets littéraires”, pour reprendre une piste intéressante soulevée par Marta Caraion : confronté au monde des musées, des collections et des galeries, le genre policier permet ainsi d’observer les modalités de ce grand écart sémiotique en analysant l’hypothèse soulevée par la chercheuse.

3. Intermédialité et médiation culturelle

Enfin, la littérature s’approprie les effets que génère le dépaysement culturel, géographique et historique associé à l’expérience de visite des lieux étudiés ; elle s’alimente à une veine archéologisante et au tropisme fantastique ou merveilleux (chez un Théophile Gautier notamment : Arria MarcellaLe Roman de la momie…). À la fin du XIXe siècle, la littérature policière, en plein essor, se plaît à situer ses intrigues chez les collectionneurs ou dans les musées (Groom de François Vallejo) : les aventures d’Arsène Lupin sont indissociables du goût du « gentleman cambrioleur » pour les trésors (L’Aiguille creuse). Aujourd’hui, le genre du « pol’art » (Nymphéas noirs de Michel Bussi, les « enquêtes de Pénélope » d’Adrien Goetz…) ne constitue-t-il pas le prolongement de cette tradition ? Sans doute le ressort constitue-t-il, enfin, un atout privilégié pour amener lecteurs et visiteurs à la lecture et au patrimoine selon des activités de médiation ludiques, immersives et interactives. Tel est le cas, de manière remarquable, de la littérature jeunesse et des actions culturelles entreprises ici ou là (“Loulouvre ”, par exemple) en direction de ce public. De fait, l’offre de médiation s’est considérablement renouvelée à la faveur de cette mode pour les enquêtes, littéraires à l’origine, élargies aux jeux vidéo, aux séries… : « escape-games » , « Cluedo(c) » et « murder parties » , intrigues policières diverses caracolent en tête de la programmation culturelle et des événements d’entreprise dans les petits comme dans les grands établissements patrimoniaux selon des ressorts narratifs et scénaristiques propres aux enquêtes menés par les héros littéraires. Comment ces activités (« Crime à Orsay », par exemple ) permettent-elles de vulgariser le savoir délivré par le musée et de donner accès à l’expérience de visite de ces lieux sous un jour plus “interactif” et “immersif” (tendance du moment) ? Comment les médiateurs utilisent-ils le matériau littéraire, quels ressorts des intrigues littéraires emploient-ils (identification à un personnage, création et immersion dans un univers scénarisé et une ambiance nocturne et/ou fantastique…) ? Travaillent-ils éventuellement avec des auteurs et à quelles fins ? Ces activités attirent-elles véritablement des publics différents ? Que disent-elles de la manière dont les musées envisagent/doivent envisager leur rôle aujourd’hui entre animation culturelle, transmission de connaissances… ? Cela engage au fond la construction et la médiation de la “vérité” (scientifique, historique…) qui entoure les collections et qui fonde l’institution. Par ailleurs, comment ces médiations participent-elles plus globalement au tourisme dans les territoires, faisant là encore du musée une pièce maîtresse du tissu social et culturel ? Pensons au parcours « Michel Bussi » à Giverny . En retour, quels effets ces activités auraient-elles sur la réception de la littérature ? Ne peut-on d’ailleurs par envisager les prolongements de ces fictions dans les scénarios audiovisuels qui fleurissent sur petits et grands écrans (L’Art du crime, France 2, Fake or Fortune, BBC…, quand les séries policières non “spécialisées” ne consacrent pas un ou plusieurs épisode à des musées ) et qui témoignent d’un art consommé du storytelling policier emprunté à la littérature policière ?

Programme

Matinée

  • 9h : accueil des participants
  • 9h15 : Marie-Clémence Régnier, université d’Artois, Textes et Cultures, et Marine Le Bail, université Toulouse II-Jean Jaurès, PLH-ELH, « Introduction »

Le récit d’enquête ou le musée ludique

  • 9h30 : Jessica de Bideran, université Bordeaux-Montaigne, MICA, « Escape game en milieu littéraire ou comment la résolution d’énigme devient médiation »
  • 10h : Pauline Dancin, FRAC Centre Val-de-Loire, « En quête de musée. Le sens de la recherche dans la littérature policière pour la jeunesse »
  • 10h30 : échanges et discussions

10h45 : pause

Objets muséaux au cœur de l’énigme, entre fantasme et réalité

  • 11h : Rodolphe Leroy, université de Bourgogne, Pôle documentation, « Poison Book Project. Le livre qui tue et le livre qui brûle. Récits patrimoniaux et pratiques professionnelles »
  • 11h30 : Maxence Mosseron, « Le bien culturel et la "stratégie de l’énigme" : entre vérité référentielle et régime fictionnel, les lieux multiples de l’œuvre »
  • 12h00 : échanges et discussions

12h30 : pause-déjeuner

Après-midi

Le musée et la fabrique de l’authenticité

  • 14h : Jean-Baptiste Chantoiseau, université de Rouen – CEREDI : « À la recherche du perroquet perdu : Flaubert et ses musées en quête d’authenticité »
  • 14h30 : Mathilde Vançon, université de Lorraine, Littératures, Imaginaires et Sociétés : « Enquête(s) au musée, en quête de soi »
  • 15h : échanges et discussions

15h15 : pause

15h30 - 17h30, table-ronde avec le Musée Guerre et Paix à Novion-Porcien, le château d’Hardelot à Condette, le musée du Touquet-Paris-Plage Edouard-Champion, le musée Félicien Rops, Namur

Entretien avec les éditions Aubane autour des collections adulte et junior « Polar en Nord »

 17h30 : conclusion et fin de la journée

Places

  • Maison de la recherche - Bvd du Temple
    Arras, France (62)

Event attendance modalities

Hybrid event (on site and online)


Date(s)

  • Monday, February 05, 2024

Keywords

  • enquêtes, patrimoines, médiations touristiques, musées, collections, fictions policières

Contact(s)

  • mc régnier
    courriel : mclemence [dot] regnier [at] univ-artois [dot] fr

Information source

  • Marie-Clémence Régnier
    courriel : mclemence [dot] regnier [at] univ-artois [dot] fr

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Musées, galeries et collections à la loupes : enquêtes en milieu muséal », Study days, Calenda, Published on Monday, January 15, 2024, https://doi.org/10.58079/vkz7

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