En finir avec la Seconde Guerre mondiale ? Les civils, entre libération et reconstruction
France, Belgique, Luxembourg, Pays-Bas, Italie, Allemagne, Autriche. Juin 1944-1946
Published on Tuesday, March 26, 2024
Abstract
Ce colloque propose d’étudier les manières dont les civils ont vécu le temps dit de la Libération et comment ils ont pu en finir avec la Seconde Guerre mondiale en France, en Belgique, au Luxembourg, au Pays-Bas, en Italie tout comme en Allemagne et en Autriche. Le présupposé est qu’au-delà des différences nationales, les civils ont vécu une expérience et un destin communs. L’objectif est bien d’interroger la place, le vécu et les sentiments de la population civile dans le contexte de cette fin de guerre, de ce que l’on nomme aussi une sortie de guerre, qui correspond successivement à une phase d’attente, de combats et de régulation progressive à la suite de cette période de périls directs et d’instabilité.
Announcement
Présentation
Ce colloque propose d’étudier les manières dont les civils ont vécu le temps dit de la Libération et comment ils ont pu en finir avec la Seconde Guerre mondiale en France, en Belgique, au Luxembourg, au Pays-Bas, en Italie tout comme en Allemagne et en Autriche. Le présupposé est qu’au-delà des différences nationales, les civils ont vécu une expérience et un destin communs. L’objectif est bien d’interroger la place, le vécu et les sentiments de la population civile dans le contexte de cette fin de guerre, de ce que l’on nomme aussi une sortie de guerre, qui correspond successivement à une phase d’attente, de combats et de régulation progressive à la suite de cette période de périls directs et d’instabilité.
L’accent sera mis sur les civils, leurs attentes et craintes, leurs interactions avec les militaires des deux camps, les ressortissants d’autres pays et les apatrides, leurs stratégies de survie et d’adaptation à la situation et, finalement, sur leurs façons d’en finir avec la guerre pendant et après la Libération. Le colloque s’inscrit ainsi dans différents courants de la recherche récente sur les guerres contemporaines, notamment inspirés par le Centenaire de et les recherches sur la Grande Guerre, que les organisateurs souhaitent exploiter dans le cadre d’une réflexion sur la fin de la Seconde Guerre mondiale : la conception d’une longue fin de guerre, les relations entre civils et militaires, l’histoire de la violence et des cultures de la violence, la circulation de savoirs et d’informations sur le cours de la guerre, sur les crimes de guerre et exactions, l’histoire des émotions et des expériences et, finalement, la construction de mémoires plurielles, sont autant de champs en interaction qu’il faut considérer.
Dans ce cadre les organisateurs proposent quatre axes de réflexion, présentés à la fin de cet appel à contributions, destinés à analyser cette libération au prisme des populations civiles, considérées à l’échelle de groupes mais aussi des individus - y compris dans leurs catégories (hommes, femmes, enfants) -, au prisme des institutions temporaires et en reconstruction comme aussi de celui des armées et des soldats, amis ou ennemis.
Contextualisation
À l’annonce du débarquement du 6 juin 1944, et à la suite de ceux en Afrique du Nord et en Italie, les populations civiles en Europe de l’Ouest sont confrontées à des sentiments ambigus. Faits d’espoir, de lassitude, de craintes, de désillusions parfois, ils se font jour dans un contexte d’attente d’une libération de la présence ennemie, qui passe cependant par une inévitable période de combats, avec tous les risques encourus. De fait, la dureté de la résistance allemande ne fait que croître au fur et à mesure de la progression alliée dans la péninsule italienne, vers le Rhin et dans le Reich, accompagnée de son lot de destruction et de pertes civils.
Cette réalité souligne combien la perception de la Libération ne peut être uniforme. L’écriture de son histoire, depuis longtemps reconstruite par une « mémoire heureuse », reste en partie à faire, particulièrement en ce qui concerne les civils. En effet, dans la tourmente de la Seconde Guerre mondiale, les civils n’ont été en rien épargnés (déportation, extermination, travail forcé, restrictions alimentaires) et l’annonce du débarquement du 6 juin 1944 a évidemment ouvert la voie à l’espoir d’une proche libération. Toutefois, si celle-ci a pu prendre en certains lieux la coloration d’un accueil joyeux des troupes alliées au passage rapide, cela ne fut pas toujours le cas. Cette libération a pu être empreinte de terreur, de déprédations et d’exactions, être synonyme de mort et de destructions. Celles-ci ont été le fait des combats, de la part des Allemands et des troupes alliées. Dans des conditions, certes différentes, les Allemands et les Autrichiens ont vécu des expériences semblables à celles de certains civils des zones occupées jusque-là par leurs troupes. Il s’agissait pour eux d’une invasion, accompagnée de craintes immenses, même si l’historiographie actuelle a fait émerger l’idée d’une libération – néanmoins très violente et contrainte – du peuple allemand du nazisme. Si les populations allemandes situées à l’Ouest n’ont pas eu à subir l’ampleur des violences et des vengeances comme celles de l’Est du pays, il n’empêche que cette invasion/occupation/libération s’est accompagnée de son lot de destructions et de brutalités.
Ce faisant, en Europe de l’Ouest, cette période dite de la Libération – de juin 1944 au printemps 1945 et au-delà – constitue bien un destin commun et partagé par les civils, d’autant plus qu’il y avait des zones germanophones, à l’origine non-allemandes, qui ont été intégrées dans le IIIe Reich et germanisées (Canton d’Eupen, Malmédy, Saint-Vith, Moselle, Alsace, etc.) : ces régions ont partagé bien involontairement la destinée de nombre d’Allemands, comme la conscription au service de l’Allemagne nazie et aussi, parfois, l’incompréhension et la violence des troupes alliées.
Du fait de la stagnation de l’avancée alliée et de la dureté des combats, puis du maintien des troupes alliées, les populations civiles des zones évoquées ont été confrontées à une présence des libérateurs plus longue que dans d’autres régions. Aux troupes de combat, soumises à la tension de la lutte en cours, s’ajoutaient celles des services de logistique. Ainsi, ces espaces d’Europe occidentale ont été sillonnés par des soldats qui ne parlaient pas, pour la plupart, la langue locale. Pourtant, il a fallu loger certains d’entre eux et répondre à leurs « attentes » de libérateurs : une coexistence, parfois complexe, s’est ainsi installée durant des mois, voire des années. Dans les secteurs fortement touchés par les destructions, le temps de l’habitat provisoire et de la précarité s’est installé, quelquefois pour plusieurs années. En effet, la liberté et la paix retrouvées ont rimé avec promiscuité, rationnement, inquiétude, et rigueur de l’attente de nouvelles des êtres chers pris dans la tourmente de la guerre. La libération a pu être, initialement, synonyme d’un espoir de retour à une vie « normale » : elle a également été le temps de désillusions et de nouveaux dangers liés au contexte de sociétés partiellement déstructurées, soumises à des niveaux de violence importants, aux hommes et aux engins de guerre qui abondaient partout. Ainsi, la période de la Libération n’a pas toujours été celle – idyllique pour les espaces libérés de la présence allemande – relayée par une mémoire collective, sans cesse mouvante, et certainement refaçonnée par celle des années 1950-1960, qui mit en avant la présence américaine dans le contexte des Trente Glorieuses. Surtout, la mémoire de cette période n’est, et n’a pas été, uniforme et univoque. C’est bien ce que tend à montrer la recherche historique depuis une vingtaine d’années travaillant à déconstruire un mythe et un discours englobant – dans le cas de la France – pour mieux prendre en compte les réalités historiques régionales. La présence des derniers témoins, pour certains sur le point de disparaître, contribue à infléchir ce tournant historiographique.
En effet, la recherche actuelle ne manque pas de questionner cette libération, dans ses méthodes (par exemple la stratégie des bombardements) et ses acteurs (tant à travers le comportement des chefs que celui des troupes à l’égard des populations libérées). Par exemple, les historiens américains eux- mêmes, depuis plus de deux décennies, questionnent cette figure du GI’s dans la Seconde Guerre mondiale, d’autant plus que l’héritage de la guerre du Vietnam a contribué à provoquer ce type de questionnement – notamment en raison de l’attitude de soldats américains dans ce conflit, à l’exemple du cas médiatisé de Mỹ Lai.
Ainsi, l’objet de ce colloque est bien de se placer dans une lecture historienne de cette période « d’entre-deux », avec la volonté d’abolir toute approche « hagiographique » : il s’agit bien d’analyser diverses facettes tant des faits et des acteurs, que de la ou des mémoire(s) qui ont été forgées autour de cette période. Il nous revient d’interroger ce qu’il est convenu d’appeler une sortie de guerre pour les populations civiles avant la période de la Seconde reconstruction, sans entrer dans le détail des opérations militaires, qui ne constituent que le contexte d’analyse. S’il fallait résumer cette idée générale par quelques questions, celles-ci pourraient être : quelles ont été, pour les populations civiles, les réalités de la libération ? Comment s’est construit le retour à la « normale » ? Quels furent les destins partagés entre civils de cette Europe occidentale ? Quels en sont les héritages mémoriels ? Ce ne sont là que des interrogations très générales qui pourront – avec d’autres – amener à appréhender quatre entrées que nous souhaiterions travailler.
Axes de réflexion
D’une part, les civils dans les phases de la libération armée. Il apparaît, à la lecture des lignes précédentes, que les civils ont été les acteurs bien involontaires des opérations militaires. Voyant les troupes allemandes refluer, ne pouvant – et souvent ne voulant – fuir, la population a parfois connu une libération sans heurts ou, au contraire, a été soumise à la violence des combats, à l’exemple des civils servant parfois de « boucliers humains ». Les civils restés dans les secteurs encore situés à proximité des combats ont aussi traversé une situation périlleuse, particulièrement au moment où les alliés n’avançaient plus aisément. De même, il a fallu compter avec ces millions de personnes en mouvement au cours des derniers mois de la guerre, comme les travailleurs forcés, déportés, Allemands fuyant l’avancée russe et les villes détruites. Ainsi, on peut s’intéresser à de multiples aspects de cette période, qui court, selon les secteurs, de fin août 1944 à mai 1945 : les contacts entre civils et libérateurs, les échanges, les tensions, etc.
D’autre part, il convient d’observer la coexistence des civils et des militaires après les combats. Une fois le feu des combats passés, éloignés surtout, les soldats n’ont pas disparu, bien au contraire. Dans une temporalité qui débute à la fin août 1944 mais qui s’étend au-delà du printemps 1945, on a vu une coexistence s’installer, selon les pays, entre libérés et libérateurs, occupés et occupants. Troupes de soutien, troupes au repos, troupes d’occupation, les militaires appartenaient au quotidien des populations civiles de la région. Evidemment, la présence militaire – qui incluait également les prisonniers allemands – a été variable selon les zones ; le vécu de cette présence a pu être différent entre urbains et villageois. De nouveau, les relations oscillaient entre sympathie et défiance, entre partage et tensions, parfois dans les mêmes lieux et chez les mêmes personnes, ce qui peut être analysé dans le contexte d’une précarité matérielle pour les civils.
Par ailleurs, proposer une relecture de la libération appelle à ouvrir la réflexion à l’idée de retour à la « normale » dans le but d’oublier la guerre. Or, la fin des combats ne signifiait pas une pleine libération des esprits. Il pouvait y avoir un esprit de vengeance, de justice légale ou extra-légale envers des collaborateurs, ce qui se traduit par le terme d’épuration et, en Allemagne et en Autriche de dénazification. Les proches absents, mobilisés, prisonniers, travailleurs forcés, dont on était sans nouvelles, participaient des attentes de cette libération. Ainsi, il nous faut regarder cette thématique des attentes, des retours et des retrouvailles plus ou moins heureuses. De même, les destructions constituaient une gêne au sentiment de ce retour à une vie « normale », tant pour les questions matérielles (alimentation, logement, etc.) qu’intellectuelles (écoles, universités, sociétés savantes, musées, etc.). Il est possible d’analyser ces éléments, et le ressenti des bouleversements en cours, comme une éventuelle prise de conscience chez ces civils d’une rupture avec le passé d’avant-guerre.
Enfin, cette période est restée dans la mémoire des populations. L’ensemble des événements de cette période ont contribué à forger des souvenirs et des mémoires, à interpréter à la fois dans une chronologie courte et longue. Les discours familiaux et collectifs sont des outils de travail inconscients destinés à recréer une forme de cohésion dans le souvenir, mais aussi à panser ou maintenir des plaies à vif. Surtout, les mémoires familiales et individuelles ne correspondent pas toujours au mémoires collectives, nationales. Témoignages écrits ou oraux, photographies et films, presse écrite, monuments, constituent des vecteurs importants pour travailler à cerner ce qui permet de structurer à la fois mémoire(s) collective(s) et mémoires individuelles.
Modalités de soumission
Les propositions (maximum 3000 signes, avec un bref CV) sont à envoyer à : laurent.jalabert@univ-lorraine.fr et jean-noel.grandhomme@univ-lorraine.fr
avant le 26 avril 2024.
Réponses du conseil scientifique début mai 2024.
Le colloque se déroulera à Nancy, les 19 et 20 septembre 2024.
Les langues de communication peuvent être le français, l’allemand ou l’anglais. Il n’y aura pas de traduction simultanée : ainsi, une connaissance, au moins passive du français et des autres langues, est bienvenue.
Comité d’organisation
- Jean-Noël Grandhomme (Université de Lorraine)
- Laurent Jalabert (Université de Lorraine)
- Damien Nicolodi (palais des ducs de Lorraine – Musée lorrain)
- Sima Reinisch (Goethe-Institut, Nancy)
- Kenza-Marie Safraoui (palais des ducs de Lorraine – Musée lorrain)
Conseil scientifique
- Jürgen Finger, directeur du Département d’histoire contemporaine (Institut historique allemand de Paris)
- Jean-Noël Grandhomme, professeur des universités (Université de Lorraine)
- Laurent Jalabert, maître de conférences habilité (Université de Lorraine)
- Camille Mahé, maîtresse de conférences (IEP Strasbourg)
- Ulrich Pfeil, professeur des universités (Université de Lorraine)
Subjects
- History (Main category)
Places
- Nancy, France (54)
Event attendance modalities
Full on-site event
Date(s)
- Friday, April 26, 2024
Attached files
Keywords
- Seconde guerre mondiale, civils, libération, reconstruction
Contact(s)
- Laurent JALABERT
courriel : laurent [dot] jalabert [at] univ-lorraine [dot] fr - Jean-Noël GRANDHOMME
courriel : jean-noel [dot] grandhomme [at] univ-lorraine [dot] fr
Reference Urls
Information source
- Laurent JALABERT
courriel : laurent [dot] jalabert [at] univ-lorraine [dot] fr
License
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To cite this announcement
« En finir avec la Seconde Guerre mondiale ? Les civils, entre libération et reconstruction », Call for papers, Calenda, Published on Tuesday, March 26, 2024, https://doi.org/10.58079/w3uw