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Remédiations numériques en réponse aux délais de prise en charge médicale en Occitanie

Projet région - Contrat doctoral sociologie - Numérique et santé

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Published on Tuesday, May 28, 2024

Abstract

Le projet REMÉDIO a pour ambition d’étudier les façons dont différentes technologies numériques peuvent être mobilisées par les patients dans l’attente d’un rendez-vous avec un professionnel de santé. L’idée est de partir d’un constat partagé — celui d’un manque de praticiens, et de délais parfois importants pour obtenir un rendez-vous médical — et de s’interroger sur la (ou les) façon(s) dont les individus concernés tentent de pallier ces difficultés en s’équipant de technologies numériques (objets connectés et application mobiles) et en mobilisant des ressources informationnelles en ligne (documentation institutionnelle, forums, sites internet et réseaux socionumériques) qui leur permettent de prendre soin d’eux.

Announcement

des sciences et des techniques/Sociologie de la santé/Sociologie de l’action publique

Présentation

Le projet REMÉDIO a pour ambition d’étudier les façons dont différentes technologies numériques peuvent être mobilisées par les patients dans l’attente d’un rendez-vous avec un professionnel de santé. L’idée est de partir d’un constat partagé — celui d’un manque de praticiens, et de délais parfois importants pour obtenir un rendez-vous médical — et de s’interroger sur la (ou les) façon(s) dont les individus concernés tentent de pallier ces difficultés en s’équipant de technologies numériques (objets connectés et application mobiles) et en mobilisant des ressources informationnelles en ligne (documentation institutionnelle, forums, sites internet et réseaux socionumériques) qui leur permettent de prendre soin d’eux.

Ces équipements et espaces numériques permettent de s’informer, de relever et traiter différentes données physiologiques, de mettre en place un autosuivi médical mais également de discuter — avec l’appui de communautés en ligne — différentes orientations thérapeutiques. Mobilisés en anticipation de rendez-vous médicaux (parfois longs à obtenir), ils font ainsi office de salles d’attente numériques dont il s’agit ici de documenter avantages, inconvénients et risques. Ces solutions numériques sont ici décrites comme des « (re)médiations » au sens où elles viennent corriger et combler les lacunes d’une prise en charge thérapeutique suspendue dans le temps.

Objectifs du projet

Le premier objectif du projet consistera à établir un état des lieux des engorgements, des difficultés rencontrées par les ressortissants du système de soin régional pour obtenir un rendez-vous médical. Nous serons ici particulièrement attentifs aux disparités observées entre territoires de faible densité médicale et territoires mieux pourvus en offres de soin. Nous ferons passer des questionnaires dans différentes départements d’Occitanie choisis en fonction de leur niveau d’accessibilité aux professionnels de santé. Grâce à cette enquête quantitative, nous établirons le profil sociodémographique des personnes les plus concernées et les interrogerons sur leur recours ou non à différentes solutions numériques. Nous serons ainsi à même d’établir la proportion de personnes qui ont recours au numérique dans l’attente d’un rendez-vous médical mais aussi de décrire les pratiques numériques privilégiées (consultation d’un forum, adoption d’objets connectés, lecture de productions scientifiques) et leur incidence sur le parcours de soin personnalisé de différentes sous-catégories de population. Ce sera aussi l’occasion de prendre la mesure de l’inquiétude (voire de l’anxiété) éprouvée dans l’attente ; de la nature, de l’ampleur et du caractère approprié ou non des mesures prises par les usagers ainsi livrés à eux-mêmes.

Un deuxième axe de travail consistera à décrire et analyser l’inscription temporelle du recours aux professionnels de santé (prise en charge médicale) et du suivi numérique autonome de sa condition (physique ou sanitaire). Ces temporalités se succèdent-elles ou sont-elles concomitantes ? Dans quelle mesure s’articulent-elles l’une à l’autre ? Sont-elles intégrées et à quel point ? Est-ce que les données, résultats et prescriptions propres à ces deux régimes de savoir (expertise versus expérience) finissent par s’entremêler et s’entredéfinir ? Un des grands questionnements du projet portera sur les incidences de ces remédiations numériques sur la capacité d’écoute du patient, sa prise de participation, sur les transformations des dynamiques internes au colloque singulier, sur l’idée que les patients se font du recours au médecin, sur les représentations qu’ils se font du service public rendu (ou non) et des attentes à avoir envers les autorités publiques. Un dernier point méritera toute notre attention : arrive-t-il que ces attentes prolongées conduisent finalement à un non-recours aux services de soin ? Certains abandonnent-ils en cours de route toute prétention à se voir pris en charge par des professionnels de santé ? Quelle part de la population est concernée et quel rôle jouent les équipements et espaces numériques dans le cadre de ce non-recours ?

Un troisième et dernier axe visera à analyser des situations d’usage au plus près (notamment sur différents espaces numériques en ligne) pour voir ce qui s’y joue. Sera ici interrogée la façon dont les usagers de tels outils numériques se figurent leur propre responsabilité, celle des professionnels de santé, celles des entreprises délivrant des solutions numériques, celle des autorités publiques en matière de continuité des soins et de suivi thérapeutique. Seront également questionnés le degré de croyance accordé à ces solutions supplétives, l’inscription de leur usage dans la durée, les difficultés rencontrées à leur contact.

Description détaillée du projet scientifique

Le projet REMÉDIO interroge la numérisation des pratiques de santé du côté des soignés. Il se penche sur la façon dont des technologies numériques d’attente offrent aux ressortissants des systèmes de soin (laissés périodiquement à eux-mêmes) des « solutions » transitoires dont il s’agira d’évaluer la nature, les effets (positifs et adverses) et l’articulation au régime de soin classique.

Avant de présenter le détail des enquêtes que nous souhaitons conduire, il nous faut revenir sur quelques éléments de contexte notables :

  1. Le premier consiste ici à rappeler que l’on assiste, au cours des dernières décennies, à une diminution problématique des moyens humains et matériels alloués au système de soin français (dans un contexte de croissance démographique). De plus, on relève (et on peut déplorer) une certaine concentration géographique de l’offre de soin qui n’est pas sans créer des situations d’isolement délétères pour certains de nos concitoyens (déserts médicaux). Ces deux facteurs conjugués participent de l’accroissement des délais de prise en charge médicale. Un récent rapport de la DREES (2018) fait ainsi état de délais d’attente moyens de plus de deux mois pour certaines spécialités comme l’ophtalmologie (80 jours), la dermatologie (61 jours), la cardiologie (50 jours), la gynécologie (1 mois) ou la rhumatologie (1 mois). Des délais d’attente majorés dans certaines communes situées hors de l’aire d’influence d’un grand pôle de santé. Cette situation dégradée pose question tant sur le plan sanitaire qu’économique (si l’on considère les surcoûts associés à une prise en charge tardive). Dans les cas les plus critiques, cette diminution de l’offre de soin peut conduire à un accès au soin empêché ou altéré, à un report ou un abandon des démarches de soin. Certaines catégories de personnes en viennent à ne plus recourir aux services publics de santé, se rabattant parfois (dans quelle proportion ?) sur des offres de soin alternatives paramédicales et/ou numériques.
  2. Le deuxième élément de contexte porte sur la vigueur des investissements marchands, et la profusion des innovations technologiques dans le domaine du bien-être et de la santé numérique. Au cours des dernières années, on observe une démocratisation et une densification de l’usage d’objets connectés et d’applications mobiles dédiés à la santé. Ces équipements et services numériques ne se valent pas tous et il est important de préciser qu’une grande part d’entre eux sont développés hors des critères contraignants (mais néanmoins vertueux) de validation médicale. Les usagers de tels services sont donc exposés à des outils peu normalisés et peu assurés sur le plan scientifique.
  3. Plusieurs auteurs dans la littérature sur le Soi quantifié (ou Quantified Self) s’accordent à dire que, depuis la fin des années 2000, nous glissons progressivement d’une prise en charge publique, universelle et experte de la santé (Healthcare and Welfare) à une prise en main personnelle, individualisée et participative de cette dernière (Selfcare). L’assistance des technologies numériques de santé/bien-être n’est pas étrangère à ce glissement qui porte en lui l’avènement d’une responsabilisation accrue des personnes au regard de leur santé.
  4. Enfin, depuis la fin du XXème siècle, on observe un véritable mouvement de « médicalisation du quotidien ». Des troubles jusque-là inquestionnés ou jugés « normaux » ou de « peu d’importance » deviennent « pathologiques », sont définis médicalement et intégrés à une prise en charge thérapeutique. Ce qui a pour conséquence d’étendre le périmètre de soin de chaque individu et des institutions médicales concernées. Ce qui amène également à confier aux individus la charge de (sur)veiller les signaux faibles évocateurs d’un problème de santé. Ainsi, nous passons d’une médecine réactive (répondant au traitement de maladies aiguës) à une médecine préventive et participative (répondant au traitement de maladies chroniques). Ces deux phénomènes conjugués de médicalisation du quotidien et de conversion à une médecine préventive et participative participent de la volonté des individus à être tenus informés, à s’informer par eux-mêmes, à mettre en place des mesures préventives de santé. Bref, progressivement, la maladie n’a plus été définie comme l’interruption subi(t)e d’une vie en bonne santé mais bien plutôt comme ce qui couve, ce qui est là en puissance, ce à quoi on prépare ou non le terrain. Le patient connecté, pris dans les rets de cette rhétorique, sent qu’il est en sursis et cherche à enrayer la survenue d’une maladie à la fois absente et déjà là.

Partant de ces quatre éléments de contexte, le projet visera à comprendre l’articulation entre prise en charge médicale formelle et remédiations numériques de santé dans un contexte d’allongement des délais pour obtenir un rendez-vous avec différents professionnels de santé. Il visera à s’assurer de l’ampleur d’un tel phénomène (qui est-ce que cela touche ?), à identifier les formes qu’il revêt (alternance ou concomitance, technologies d’attente ou technologies d’accompagnement, niveau de croyance en les deux régimes de savoirs et de pratiques ainsi constitués) mais aussi et surtout à déterminer dans quelles configurations ces remédiations numériques sont utilement mobilisables et pour quels types de publics. À quelles catégories de population peut-on accorder cette licence ? Pour quels types de pathologies ? Selon quel calendrier ? Pour établir ces recommandations, nous nous appuierons sur l’expertise des diverses parties prenantes du système de soin (scientifiques, praticiens, responsables publics) mais aussi sur l’expérience des ressortissants eux-mêmes.

Le projet comportera trois volets méthodologiques : une enquête quantitative en région pour dresser un état des lieux mais aussi pour caractériser la forme et l’intensité des recours aux remédiations numériques ; une enquête par entretiens auprès de patients et de médecins concernés (nous définirons les spécialités médicales concernées en fonction des résultats quantitatifs obtenus) ; une enquête d’ethnographie en ligne (ou « nethnographie ») pour analyser, avec un grain plus fin, ce qui est échangé sur internet à propos de ces solutions d’attente numérique.

Le projet développera quatre axes d’analyse : une attention minutieuse aux pratiques effectives et à l’enchevêtrement des savoirs, prescriptions et actions en situation (complémentarité et dissonance de l’association médecine classique/e-santé) ; une focale sur les temporalités (succession, enchevêtrement) propres à ces deux régimes de soin ; un questionnement sur la redistribution des responsabilités suscitée par l’émergence de ces solutions de e-santé telle que perçue par les différentes parties prenantes ; un travail d’identification des configurations favorables au recours à de telles remédiations numériques eu égard au tableau clinique et au profil des soignés.

Modalités du contrat

  • Période : 3 ans à compter du lundi 2 septembre 2024
  • Lieu d’exercice : Institut National Universitaire Champollion – Albi (présence sur place impérative)
  • Rémunération : 2100 euros bruts (jusqu’au 1er janvier 2025), 2200 euros bruts (jusqu’au 1er janvier 2026) puis 2300 euros bruts. Salaire fixé par la Loi de Programmation de la Recherche (LPR).
  • Financement : Région Occitanie (AAP Emergence 2024) et INUC
  • Porteur scientifique du projet : Cédric Calvignac
  • Unité de recherche d’accueil : CERTOP – CNRS (UMR 5044) – 5 allée Antonio Machado – C346 3110 Toulouse
  • École doctorale : ED TESC – Université de Toulouse Jean Jaurès
  • Encadrement de thèse : Ygal Fijalkow, sociologue, professeur des universités, INUC, CERTOP & Cédric Calvignac, sociologue, maître de conférences, INUC, CERTOP.
  • Intitulé du projet de recherche : REMEDIO : Remédiations numériques en réponse aux délais de prise en charge médicale en Occitanie
  • Champs disciplinaires concernés : Sociologie des sciences et des techniques/Sociologie de la santé/Sociologie de l’action publique 

Modalités de candidature

Le dossier doit être adressé à Cédric Calvignac (cedric.calvignac@univ-tlse2.fr) et Ygal Fijalkow (ygal.fijalkow@univ-jfc.fr)

au plus tard le vendredi 14 juin (à midi).

Les auditions des candidats retenus auront lieu (en présentiel ou distanciel) le vendredi 28 juin 2024.

Le dossier de candidature devra comporter les pièces suivantes :

  • CV détaillé
  • Copie des notes de master
  • Copie du mémoire de master 2 (ou de tout manuscrit équivalent)
  • Lettre de motivation, précisant la manière dont le candidat ou la candidate compte traiter le sujet, l’enrichir et se l’approprier, donnant également à voir les grandes orientations bibliographiques qui seraient convoquées en entrée de thèse (4 à 5 pages).

Subjects

Places

  • Albi, France (81)

Date(s)

  • Friday, June 14, 2024

Keywords

  • numérique, santé, quantified self, prise en charge médicale, déserts médicaux

Contact(s)

  • Cédric Calvignac
    courriel : cedric [dot] calvignac [at] univ-tlse2 [dot] fr

Information source

  • Cédric Calvignac
    courriel : cedric [dot] calvignac [at] univ-tlse2 [dot] fr

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Remédiations numériques en réponse aux délais de prise en charge médicale en Occitanie », Scholarship, prize and job offer, Calenda, Published on Tuesday, May 28, 2024, https://doi.org/10.58079/11qc2

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