Published on Tuesday, May 28, 2024
Abstract
Cette journée d’études proposée par les doctorants du cycle d’études doctorales de la faculté d’éducation et de formation de l’Institut catholique de Paris poursuit un séminaire doctoral initié en 2021, dans lequel ont été mobilisées plusieurs disciplines de sciences humaines, notamment les sciences de l’éducation, la psychologie, la philosophie et l’histoire pour engager une réflexion autour des enjeux de la relation éducative et de l’alliance thérapeutique (PlantadeGipch & Serina-Karsky, 2024).
Announcement
Institut Catholique de Paris, 6 juin 2024
Argumentaire
Cette journée d’études proposée par les doctorants du Cycle d’Études Doctorales de la Faculté d’Éducation et de Formation de l’Institut Catholique de Paris poursuit un séminaire doctoral initié en 2021, dans lequel ont été mobilisées plusieurs disciplines de sciences humaines, notamment les sciences de l’éducation, la psychologie, la philosophie et l’histoire pour engager une réflexion autour des enjeux de la relation éducative et de l’alliance thérapeutique (Plantade-Gipch & Serina-Karsky, 2024). Elle s’appuie également sur la publication de deux volumes dans la revue Phronesis sur la relation éducative dans les professions adressées à autrui (Mutuale, Berger, Serina-Karsky & Parayre, 2023, 2024).
Les activités d’enseignement, d’encadrement scolaire, d’éducation spécialisée, tout comme la pratique de la psychothérapie, de la consultation psychologique et du soin impliquent une conscience accrue des processus relationnels en jeu (Djilali, 2020). Comment une relation se construit-elle, quelle posture d’accompagnement induit-elle, quelles sont les potentialités et les finalités de la relation éducative (Mutuale, 2017a) ? En développant une posture réflexive (Plantade-Gipch, 2019), les professionnels peuvent penser la relation à l’élève, à l’étudiant et au patient, à la famille de l’élève, de manière à soutenir l’activité d’apprentissage ou le mieux-être psychologique et physique. Ils favorisent ainsi une relation éducative et de soins centrée sur la sollicitude (Mutuale, 2017b) et sur l’attention à l’autre (care) (Arènes, 2013).
D’autre part, les professionnels ou futurs professionnels ont besoin d’être guidés vers le développement de cette posture réflexive, des habiletés relationnelles dans le lien à l’apprenant, au groupe d’étudiants, ainsi qu’au patient et à la famille. Il est particulièrement difficile de développer cette posture quand la relation est mise à l’épreuve par certaines spécificités de l’apprenant ou du patient, que ce soient des situations de vulnérabilités, des difficultés familiales, des situations de handicap. La relation rencontre alors des défis qui peuvent provenir du côté des élèves ou des patients, comme des éducateurs ou des soignants (Pechberty, 1999 ; Chaix, 2014).
Les particularités de chacun doivent être prises en compte dans le cadre de la relation, qu’elle s’inscrive dans un lien individuel ou collectif. Du côté de l’apprenant, du patient, de la famille, certaines attitudes mettent à mal la relation (violences, radicalité, etc.). Du côté de l’éducateur ou du soignant, une réflexion est nécessaire autour de la pratique et des questions liées à l’éthique de la relation (Arènes, 2013), à l’adoption d’une posture professionnelle permettant d’éviter certains écueils de la relation (emprise, contres-attitudes...) et à encourager l’émergence d’habilités relationnelles permettant un meilleur apprentissage/soin (alliance, bien-être, empathie, confiance, etc.) (Plantade-Gipch, Blanchet & Drouin, 2021 ; Serina-Karsky, 2016, 2019).
Axe 1 : Construire la relation
La question de la définition de la relation implique de s’interroger sur une multitude de champs, notamment ses potentialités et les éléments de sa construction. L'objet de l’axe 1 est de caractériser le concept de la relation dans ses principes fondateurs, ses objets, ses finalités, son impact comme dans ses limites. Le processus de construction de la relation est complexe et dynamique. Il revêt une place importante dans la relation éducative en sciences de l'éducation, implique la transmission de connaissances, de compétences et de valeurs, et appelle une réception, une assimilation et une compréhension mutuelle (Mutuale, 2017a).
La notion de relation porte également sur le lien qui peut avoir lieu entre des individus (Mutuale et al., 2023). Ce lien (Cifali, 2019) comporte des éléments d’interaction contrairement à la notion de rapport, mais cette interaction n’est pas forcément symétrique. « Une relation, ce n’est pas mécanique, technique, algorithmique ; c’est une rencontre entre personnes où les émotions et les projections sont inévitables. La relation éducative est porteuse de doutes, d’incompréhensions, de rapports de pouvoir, de violences, de séductions ; elle provoque, interpelle, fait éclater cette neutralité, entraîne vers des tensions psychiques et des angoisses (Cifali, cité dans Cavard, 2023, p. 28).
Selon, Michel Vial (2010), la relation éducative est comme une activité qui se déploie dans un continuum entre l’imposition d’un savoir à acquérir et un « être là » qui vise à faire grandir l’autre dans un accompagnement. Elle se construit à travers les postures de l’enseignant et de l’enseigné. L’accompagnement dans ce cadre devient donc indissociable à la construction de la relation éducative qui fait penser à un vécu et une expérimentation à travers l’autre.
Cette mise en lien, les interactions qui la définissent peuvent renvoyer à ce que Prairat appelle le tact comme vertu de la relation (2017) ou ce que Rogers appelle la considération positive comme conditionnant son efficacité (1957). Elle est également dépendante de l'engagement et de l'implication personnelle de chacun dans cette relation (Postic, 2001, p.43).
Cet axe permet aussi de réinterroger des pans fondateurs tels que la place de la relation dans la transmission (Houssaye,1988) et dans la médiation des apprentissages (Vygotski, 2019). Il permet également d’accéder à des questionnements plus opérationnels et qui font débat dans l’environnement pédagogique actuel tel que : la manière dont la production du discours joue sur la relation (Jakobson, 1969), la notion de présence dans la relation (Prairat, 2015 et Léna, 2019), et comment l’enseignement explicite des comportements (Bissonnette, 2018) peut permettre la mise en place de relations plus apaisées, propices à la transmission et à la construction de soi (Leguil, 2018).
Enfin, il donne l’occasion d’évoquer les nombreux paramètres constitutifs de la situation professionnelle qui rendent complexes l’établissement de la relation. En effet, des contextes spécifiques peuvent concourir à la difficulté de penser et d’établir des relations efficientes dans la durée : changement d’établissement scolaire par les enseignants, vécu de traumatismes de guerre par les bénéficiaires, éloignement - géographique, hiérarchique, culturel - entre ces derniers et les professionnels.
Axe 2 : Composer avec les défis de la relation
L'axe 2 explore les défis inhérents à la relation, en questionnant la façon dont l'individu peut s'affirmer au sein d'un groupe, tout en échappant à la pression normative (De Singly, 2017 ; Leguil, 2018). La norme, notamment celle fantasmée dans le cadre scolaire (Pirone, 2022) joue un rôle dans la construction de l'identité individuelle et morale, selon des références prescriptives (Foucault, 1984). Les sociologies de la déviance (Becker, 1985) et la notion de stigmate (Goffman, 1975) soulèvent la difficulté de concilier l'individualité (voire la marginalité) avec l'appartenance à une communauté.
Les relations contemporaines sont mises à l'épreuve par divers phénomènes, tels que les pandémies, les violences sous de multiples formes, la perte des repères sociaux, l’insécurité économique conduisant à des comportements de zapping, ainsi que la dématérialisation des interactions sociales, ce qui remet en question les modèles de relations professionnelles que nous connaissions.
L'école inclusive nécessite une approche intermétiers (Allenbach, Frangieh, Merini, & Thomazet, 2021), suscitant des dilemmes et des tensions quant à la place de chacun dans ce cadre. La relation éducative est complexe, caractérisée par des tensions, des angoisses, des rapports de pouvoir, des incompréhensions, des séductions et des doutes (Cifali, 1994) nécessitant un travail réflexif de la part des éducateurs au sein de leur communauté.
Les défis de la relation éducative sont nombreux : la gestion du temps et de l'espace, la résolution de situations difficiles (précarité, résistance, défiance, stigmatisation), les projections et contre-projections de l'éducateur. Ils exigent une réflexion approfondie, tant individuelle que collective, dans une perspective éthique soucieuse du bien-être de tous les acteurs individuels et institutionnels impliqués (Lenoir, 1997). En effet, la réussite de la relation éducative nécessite le maintien d’un climat approprié basé sur la bienveillance (Mutuale, 2017), la confiance et la reconnaissance mutuelle, la prise en compte de la spécificité des apprenants, l’allocation des moyens et des ressources adéquats dans le temps, ainsi qu’une formation professionnelle continue des enseignants.
Axe 3 : Penser la relation au prisme de la communauté
L’axe 3 s’intéresse à la relation à l’échelle de la communauté. La relation dans la communauté, de sa forme duale à celle du groupe, appelle à penser la collaboration entre des acteurs se situant dans des collectifs divers, entendus comme des espaces privilégiés de création et de développement de relations investies, mais également soumis à des enjeux de contre-transfert, de confiance, d’inclusion… Or construire une communauté c’est rassembler, réunir un ensemble de personnes qui visent les mêmes objectifs. Les différentes parties prenantes dans la relation éducative sont de tout temps en collaboration les uns avec les autres, ce qui nécessite une définition explicite des rôles de chaque acteur. Ceux-ci s’engagent dans une relation humaine basée sur la confiance et la reconnaissance mutuelle. Se posent alors à la relation portée à l’échelle de la communauté des questions d'éthique, de pratique (analyse de pratique par Jean Duvillard, réflexivité...) et de finalité (intelligence collective et collaborative, accélération du changement, accompagnement de la transformation, etc.).
De quelle communauté parlons-nous ? La communauté peut s’entendre comme une communauté professionnelle telle celle des chercheurs (doctorants, enseignants-chercheurs, etc.), des accompagnateurs (à la professionnalisation, de formateurs, etc.), des professionnels de l’école (enseignants, AESH...), des soignants, ou encore s’inscrivant dans une tradition religieuse. Groupe classe, communauté éducative, groupe thérapeutique, communauté métier ou de vie sont autant de situations au sein desquelles les relations se construisent, se déploient et participent au pouvoir d’agir du collectif.
De quelle relation est-il question ? Si l’incarnation de la relation peut s'exprimer dans l’altérité, peuvent être convoquées alors les notions philosophiques d'altération et de négatricité (Ardoino, 2000, p. 190-194 cité par Vial, 2010). Mais la relation peut aussi s'exprimer dans la vulnérabilité et l’objectif de donner une place à chacun (Lahire, 2019), dans la fraternité et les concepts associés notamment en termes de prévention de l’exclusion (Pape François, 2019) et d’accessibilité pédagogique (Bergeron, Rousseau, Leclerc, 2011), dans une communauté éducative inclusive qui suppose d’accueillir l'autre dans sa singularité en tenant compte tant de ses forces que de ses faiblesses (Mutuale, Serina-Karsky & Parayre, 2020).
Quels enjeux sont à l’œuvre ? Si les enjeux relationnels sont au cœur de la vie des groupes et des communautés professionnelles, il existe cependant un certain nombre de données qui ne relèvent pas de la relation, de phénomènes participants à la dynamique des groupes et qui impactent le fonctionnement des collectifs. En quoi peuvent-ils éclairer les enjeux épistémologiques de la transformation des situations de groupe et de l’articulation de ces notions situationnelles avec le champ intersubjectif de la relation ? Et dans le cadre professionnel, peut-on parler de gestes professionnels ou de soft skills pour s’ajuster à autrui ?
Programme
Matin
- 9h-9h30 : Collation de bienvenue.
- 9h30-10h : Ouverture par le Pr. Augustin Mutuale, Doyen de la FacEF, Fabienne Serina-Karsky, Maitre de conférences HDR etVice-Doyenne de la FacEF Anne Plantade Gipch, Maitre de conférences de l’EPP, Slimane Djillali, post doctorant EPP. UR Religion, Culture et Société de l’ICP (EA 7403)
- 10h-10h30 : Conférence inaugurale de la Professeure Martine Janner Raimondi (laboratoire Experice de l’université Paris 13) - Situations d'effractions et éthique de la délicatesse : place pour le dire-vrai dans la relation
- 10h30 - 11h40 : Table Ronde 1 Construire la relation – Annick Coste, Amos, Ngoupayou, Antoine Ngamije Mihigo, Sandrine Marois, Isabelle Lambert.
11h40-11h50 : Pause
- 11h50-13h : Table ronde 2 Composer avec les défis de la relation – Chandini Devi Chuttoor, Fabrice Deroissart, Laure Calmelet, Catherine Zongo, Céline Gueugneau.
13h-14h30 Pause déjeuner
Après-midi
- 14h30-14h45 : Activité brise-glace
- 14h45 – 16h Table ronde 3 Penser la relation au prisme de la communauté – Lidia Mazzilli, Julie Lerondeau, Anne Olivier, Bernard Elyn.
16h-16h15 : Pause
- 16h15-17h15 Table ronde 4 La relation éducative dans les professions adressées à autrui – Pr Philippe Maubant (Phronesis), Pr Augustin Mutuale, MCF HDR Fabienne Serina-Karsky, MCF HDR Séverine Parayre, MCF Myriam Kettani, Dr Anne Olivier
- 17h15-17h45 : Remontée finale par le fil rouge Dr Alicia Garcia et conclusion de la journée par le Pr Augustin Mutuale
Références bibliographiques
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Subjects
- Education (Main category)
- Mind and language > Education > Educational sciences
Places
- 21 rue D'Assas
Paris, France (75006)
Event attendance modalities
Full on-site event
Date(s)
- Thursday, June 06, 2024
Keywords
- éducation, relation pédagogique, relation éducative, alliance, sollicitude
Contact(s)
- Fabrice Deroissart
courriel : fabrice [dot] deroissart [at] campusicp [dot] fr
Information source
- Laure Calmelet
courriel : laure [dot] calmelet [at] campusicp [dot] fr
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To cite this announcement
« Penser la relation », Study days, Calenda, Published on Tuesday, May 28, 2024, https://doi.org/10.58079/11qg7