HomeÉmotions et politique aux États-Unis (XXe-XXIe)

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Émotions et politique aux États-Unis (XXe-XXIe)

Perspectives historiques et linguistiques

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Published on Monday, September 23, 2024

Abstract

Cette journée d’étude organisée par Sorbonne Université à Paris réunira des doctorants et chercheurs en histoire et linguistique dont le travail examine le lien entre émotions et politique aux États-Unis au cours du XXe et du XXIe siècles.

Announcement

Argumentaire

L’arrivée au pouvoir de Donald Trump a été largement analysée sous l’angle d’une pratique populiste de la politique, qui ferait appel à l’émotion plus qu’à la raison. Depuis sa première campagne présidentielle, Donald Trump serait devenu le catalyseur du ressentiment et de la colère à l’égard des élites, tout en exploitant les peurs de son électorat, par exemple vis-à-vis de l’immigration.

Cependant, le lien fort entre politique états-unienne et émotion ne date pas de 2016. L’histoire du vingtième siècle en témoigne à de nombreuses reprises. Durant la Grande Dépression, Franklin Roosevelt considère qu’il est impératif de contrôler l’élan de panique des Américains, déclarant que « la seule chose dont nous devons avoir peur, c’est de la peur elle-même ». Les années 1950 sont marquées tant par la paranoïa du MacCarthysme, que par l’espoir suscité par le mouvement pour les droits civiques. Les mouvements contestataires des années 1960 et 1970 jaillissent d’une analyse des maux de la société états-unienne, mais s’appuient aussi sur des émotions : révolte contre l’injustice, empathie pour les victimes de la guerre du Vietnam. Dans les dernières décennies du XXe siècle, des paniques morales autour du crime et de la consommation de drogue alimentent un tournant punitif dans les domaines législatif et judiciaire.

Toute interaction sociale, et tout acte politique met en présence des émotions, ressenties ou exprimées. L’étude de la politique—définie ici comme l’ensemble des actions qui se rapportent à l’organisation de la vie sociale, et ont trait à l’exercice du pouvoir, traduit par des affrontements partisans et des dynamiques de mobilisations dans la société—doit nécessairement intégrer celle des émotions, qui sont un élément fondamental de l’engagement et de la mobilisation collective. Parfois modelées par des stratégies politiques partisanes, notamment pendant les campagnes, les émotions ont également soudé des mouvements citoyens, mobilisés en faveur d’une cause (Foley, 2013).

Dans le même temps, l’étude des émotions ne peut faire l’impasse sur la politique. Dans plusieurs disciplines des sciences humaines et sociales, des travaux ont mis en évidence la construction sociale des émotions, ainsi que leur dimension non seulement individuelle, mais aussi collective (Bericat 2016)—appelant ainsi à un va-et-vient entre différentes échelles, de l’individuel au collectif, de l’intime à la prise de parole publique. Loin d’être statiques, les émotions sont modelées par le contexte dans lequel elles se déploient. Le climat émotionnel des Etats-Unis, tel que les hommes et femmes politiques le perçoivent, pèse par exemple sur les programmes qu’ils et elles proposent aux électeurs américains. Les historiens ont ainsi montré l’importance des émotions, non seulement dans l’engagement politique des individus, mais également dans la capacité des mouvements à s’emparer de répertoires émotionnels qui influent sur l’action collective (Corrigan 2016). Les analyses de la période post-11 septembre, de la guerre contre le crime, ou de la Grande Dépression, ont particulièrement souligné le poids de la peur sur la direction de la politique aux Etats-Unis (Stearns 2012 ; Gottschalk 2006 ; Marsh 2019).

Quels rôles les émotions jouent-elles dans le contexte politique étasunien des XXe et XXIe siècles ? Quels « climats émotionnels » particuliers décrivent la société étasunienne de cette période, et qu’est-ce que leur étude peut nous apprendre du contexte politique ? Pour répondre à ces questions, il semble essentiel d’adopter une perspective interdisciplinaire, au croisement des sciences sociales, des sciences humaines et des sciences du langage.

L’émotion, qu’elle soit évoquée ou transmise, l’est par le biais du discours et la définition retenue de la politique met en évidence la place centrale de la parole dans celle-ci. Sans parole, il ne peut y avoir ni organisation, ni échange d’idée, ni débat, ni même aucun exercice légal ou juridique. Aussi est-il capital d’observer les questions de politique et d’émotion à l’aune d’outils linguistiques qui analysent le fonctionnement et l’utilisation du discours comme pilier de la politique.

Plusieurs champs de la linguistique seront à même de nourrir nos réflexions : l’analyse critique de discours (Critical Discourse Analyse), l’analyse de discours politique et la linguistique de corpus. Van Dijk (1997) remarque que l’analyse des discours politiques et l’analyse politique des discours, en tant que domaines d’études, ne contribuent pas seulement à l’approfondissement des connaissances en analyse de discours mais également en sciences politiques, et plus largement en sciences sociales. La question des émotions intéresse aussi les linguistes, que ce soit en pragmatique, en analyse de discours, ou en linguistique de corpus. Toutes ces disciplines offrent des perspectives éclairantes sur la façon dont on conçoit, exprime et transmet les émotions, et la façon dont elles structurent le discours.

Adopter une approche croisée, linguistique, historique et sociologique des émotions et de la politique, c’est permettre d’analyser non seulement ce qui est dit mais de quelles façons les choses sont dites, en prenant en compte les contextes historico-politiques, socio-culturels et énonciatifs.

Les propositions pourront s’inscrire dans l’un ou plusieurs des axes suivants.

Axe 1. Climat émotionnel et climat politique, émotions légitimes ou illégitimes

Un premier axe visera à interroger les spécificités du climat émotionnel étasunien historiquement situé, au regard de la légitimité des émotions exprimées dans l’espace social. Comment les différents contextes socio-politiques des Etats-Unis, et les inégalités qui en font partie intégrante, dictent-t-ils les émotions dicibles et celles qui ne le sont pas ?

Cet axe interrogera aussi la façon dont la perception émotionnelle qu’ont les Américains de questions politiques peut être en accord ou en désaccord avec la réalité. En effet, les émotions ressenties ou exprimées par la population ne sont pas nécessairement en adéquation avec la réalité sociale objective (Duby 1970), comme en témoigne la perception du crime comme un sujet politique urgent, alors même que le phénomène décroît depuis les années 1990.

Axe 2. Les émotions comme levier d’action collective

Le second axe porte sur la façon dont émotions et politique servent de levier pour l’action collective. Qu’elles soient rationnelles ou non, les émotions poussent des individus et des groupes à agir d’une certaine manière. Elles peuvent créer une cohésion autour de mouvements sociaux et d’initiatives citoyennes, ou conduire à un repli sur soi (essor des gated communities, hausse des ventes d’armes, méfiance de l’autre alimentant la xénophobie, lois stand-your-ground).

Axe 3. Polarisation politique et émotions

Ce troisième axe ouvre une réflexion autour de l’effet de la polarisation politique sur les émotions, et vice versa, dans l’espace social américain. L’instrumentalisation de certaines causes politiques, via le recours aux émotions, a pu conduire à une accentuation de cette polarisation. Par exemple, depuis l’émergence de la Moral Majority, l’électorat évangélique blanc est moteur d’une polarisation accrue en agitant l’épouvantail de valeurs morales en perdition. En quoi la polarisation suscite-t-elle des émotions particulières ? Quel climat émotionnel spécifique fait-elle émerger, et comment ces émotions affectent-elles en retour la vie politique polarisée ?

Modalités de contribution

Les propositions de communication (résumés de 3000 signes maximum) doivent être envoyées aux adresses suivantes :

  • amet.sorbonne@gmail.com
  • louise.chabanel@ephe.psl.eu
  • claravinh@gmail.com

avant le 1 décembre 2024.

Une réponse sera communiquée aux auteur·rice·s le 15 décembre. La journée d’étude se tiendra à la Maison de la Recherche de Sorbonne-Université le 11 mars 2025.

Comité d’organisation et de sélection

  • Aurélien Amet, Sorbonne Université (CeLiSo)
  • Louise Chabanel, École pratique des hautes études
  • Sandrine Gengoux, Sorbonne Université (HDEA)
  • Anaïs Lefèvre, Sorbonne Université (HDEA)
  • Victoria Robert, Université Grenoble Alpes (LISCA)
  • Clara Vinh, Sorbonne Université (HDEA)

Bibliographie sommaire

  • Bericat, Eduardo, “The sociology of emotions: Four decades of progress”, Current Sociology 2016, Vol. 64(3) 491–513.
  • Corrigan, Lisa M., Black Feelings: Race and Affect in the Long Sixties, 2020.
  • Duby, Georges, « Histoire sociale et histoire des mentalités. » La Nouvelle Critique, n°34, mai 1970, p. 11-19.
  • Foley, Michael, Front Porch Politics: The Forgotten Heyday of American Activism in the 1970s and 1980s, Farrar, Straus and Giroux, 2013.
  • Gottschalk, Marie, The Prison and the Gallows: The Politics of Mass Incarceration in America, Cambridge University Press, 2006.
  • Marsh, John, The Emotional Life of the Great Depression, Oxford, 2019.
  • Stearns, Peter N., American Fear: The Causes and Consequences of High Anxiety, Routledge, 2012.
  • Van Dijk, Teun A., 1997, « What is Political Discourse Analysis? », Belgian Journal of Linguistics 11, 11‑52.

Event attendance modalities

Full on-site event


Date(s)

  • Sunday, December 01, 2024

Keywords

  • emotions, U.S., linguistics, discourse analysis, political history, social history, political discourse

Contact(s)

  • Louise Chabanel
    courriel : louise [dot] chabanel [at] ephe [dot] psl [dot] eu
  • Aurélien Amet
    courriel : amet [dot] sorbonne [at] gmail [dot] com

Information source

  • Clara Vinh
    courriel : claravinh [at] gmail [dot] com

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Émotions et politique aux États-Unis (XXe-XXIe) », Call for papers, Calenda, Published on Monday, September 23, 2024, https://doi.org/10.58079/12c4r

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