HomeRegards sur les situations des personnes immigrantes à statut précaire au Canada
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Published on Wednesday, November 13, 2024

Abstract

Ce numéro thématique de la revue Travail social cherche à mettre en lumière le vécu des personnes immigrantes à statut précaire au Canada, ainsi que les stratégies mobilisées par ces personnes et les membres de la société d’accueil afin de faire face aux défis rencontrés. Ce numéro permettra de mobiliser les connaissances scientifiques et cliniques, ainsi que les pratiques novatrices liées aux expériences canadiennes en matière d’accueil et d’intégration des personnes immigrantes ayant un parcours ou un statut migratoire précaire. 

Announcement

Direction du numéro

Lucienne Martins Borges, Mariá Boeira Lodetti, Stéphanie Arsenault, Rosita Vargas Diaz et Marie-Elisa Fortin,

École de travail social et de criminologie, Université Laval (Québec, Canada)

Argumentaire

Au Canada, comme ailleurs dans le monde, l’accueil et la présence de personnes issues de l’immigration involontaire sont en croissance. Que ce soit dans le milieu scientifique ou dans les débats politiques et médiatiques, les références à la réalité de ces personnes et aux défis en lien avec leur inclusion et leur intégration sont fréquentes. Or, il est difficile de bien définir cette catégorie d’immigration en s’appuyant uniquement sur des critères administratifs. C’est surtout le vécu individuel et collectif de ces personnes, où la vulnérabilité et la précarité sont omniprésentes, qui permet de mieux saisir la réalité de l’immigration involontaire. La vulnérabilité est un état psychologique, social et existentiel qui touche plusieurs sphères de la vie des personnes. Cet état est influencé par l’incertitude, l’instabilité et l’imprévisibilité, pour ne citer que quelques éléments, qui précarisent leurs conditions de vie (Bélanger et Candiz, 2015 ; Waite, 2009). La précarité renvoie, quant à elle, à des conditions de vie où les besoins essentiels (accès à un réseau de soutien social, à l’éducation, au logement, à l’emploi, à la sécurité, à la santé et aux services sociaux, notamment) ne sont pas comblés de façon satisfaisante (Delage, 2015). En plus de placer les personnes devant des conditions de vie insécurisantes, ce contexte est défavorable à leur plein développement, voire à leur équilibre psychologique et social et, par conséquent, à leur inclusion dans la société

C’est précisément la précarité et la vulnérabilité qui caractérisent le mieux le parcours de millions de personnes en déplacement dans le monde contemporain. Selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), à la fin de 2023, plus de 110 millions de personnes pouvaient être considérées comme des personnes déplacées de manière forcée dans le monde (HCR, 2024). Ces déplacements seraient provoqués par diverses conditions défavorables, comme les guerres, les conflits civils, les catastrophes naturelles, les persécutions individuelles et les conditions de vie indignes. Parmi les personnes touchées par l’immigration involontaire, qu’elles soient migrantes ou immigrantes, une infime partie seulement aura accès à des programmes de réinstallation dans une nouvelle terre d’accueil. D’autres tenteront d’accéder à un nouveau pays par des voies alternatives ou irrégulières d’immigration. Ce sont les personnes dont le parcours migratoire est caractérisé par une migration involontaire (Martins-Borges, 2013). Ce parcours se divise en trois étapes :

 1) la période prémigratoire conduisant à un départ contraint du pays;

2) la période migratoire incluant le voyage, les déplacements plus au moins longs dans différents pays de transition et l’installation dans un nouveau pays, et enfin

3) la période post-migratoire liée à l’intégration dans la nouvelle société.

Le parcours de ces personnes est parsemé de pertes physiques, humaines et sociales, en plus d’être marqué par des séparations et des ruptures individuelles et collectives (Vatz-Laaroussi, 2019). Celles-ci peuvent notamment être associées à la patrie, à la famille, à des questions d’identité sociale, au statut socio-économique, à l’instabilité et à l’incertitude face à de nombreux changements (Boeira-Lodetti, 2023 ; Mangrio et al., 2020 ; Yalim, 2021). Les concepts d’immigration involontaire et de statut précaire peuvent renvoyer à des réalités distinctes, mais revêtent des éléments communs : ils traduisent tous deux à la fois les fragilités auxquelles ces personnes ont été confrontées avant le départ de leur pays ou lieu d’origine et les fragilités provoquées durant le déplacement et après l’arrivée dans un nouveau lieu de vie.

Le terme « immigration involontaire » vise à rappeler que ces personnes ont dû quitter leur lieu de vie pour protéger leur vie ou celle de leurs proches. Il est ainsi possible de la définir comme un départ contraint (Legault et Fronteau, 2008; Vatz-Laaroussi, 2019). Dans la majorité des cas, ce départ a été accompagné par l’inscription intrapsychique d’une expérience difficile, d’une blessure individuelle ou collective, voire traumatisante. En effet, des symptômes dépressifs, traumatiques et de somatisation sont fréquemment observés chez les personnes qui la vivent (Ibrahim et Hassan, 2017; Kirmayer et al., 2011).  L’immigration involontaire, dans le cas du Canada, est souvent utilisée pour parler du vécu des personnes réfugiées et des demandeurs d’asile.

 Le terme « statut précaire », quant à lui, cherche à traduire la réalité vécue après l’arrivée dans un nouveau pays. Ce sont les conditions d’accueil, de permanence, de continuité de soi dans ce nouveau contexte qui sont implicites dans cette définition. La précarité est intimement liée à la satisfaction des besoins fondamentaux et, particulièrement, à l’accès aux droits et aux modalités permettant de les satisfaire. Les personnes immigrantes ainsi que les institutions avec lesquelles elles sont en contact font face à différents enjeux, notamment les difficultés liées aux renouvellements des visas de résident temporaire et à l’accès à la résidence permanente, la non-universalité dans l’accès aux soins de santé et aux services sociaux, l’absence d’adaptation de ces derniers pour répondre de manière adéquate à leurs besoins en santé et services sociaux, les conditions d’emploi dans leurs milieux de travail, la qualité et l’accès aux logements et les conditions d’accès à l’éducation et aux services juridiques (Arsenault, 2019; Cleveland et al., 2020; De rincquesen et al., 2016; Devakumar et al., 2020; Martins-Borges et al., 2024; Martins Borges et Pocreau, 2013; Oxman-Martinez et al., 2005; Ricard-Guay et al., 2014; Wylie et al., 2020). Parmi les catégories administratives d’immigration, les concepts de précarité et vulnérabilité concernent particulièrement les personnes réfugiées et les demandeuses d’asile, mais ils peuvent concerner également les personnes ayant le statut de travailleur ou d’étudiant temporaire ou celles sans statut.

Évidemment, parler d’immigration involontaire c’est aussi mettre en lumière les capacités d’adaptation et de transformation des personnes ainsi que leurs ressources internes, que ce soient les ressources psychologiques, culturelles, identitaires et sociales. Pour faire face aux conditions post-migratoires, ces ressources devront à nouveau être mobilisées. Il s’agit de stratégies individuelles et collectives mises en place afin de permettre la continuité de la vie, dans un ailleurs. L’apport adaptatif des ressources internes dépendra des mesures et des ressources rendues disponibles par la société d’accueil, dont les services d’accueil et d’accompagnement existants, mais également dans l’adaptation des pratiques et dans l’offre de services dispensés par tous les organismes parapublics (Legault et Fronteau, 2008; Martins-Borges et al., 2023; Vatz-Laaroussi, 2019).

 Ce numéro thématique de la revue Travail social cherche à mettre en lumière le vécu des personnes immigrantes à statut précaire au Canada, ainsi que les stratégies mobilisées par ces personnes et les membres de la société d’accueil afin de faire face aux défis rencontrés. Ce numéro permettra de mobiliser les connaissances scientifiques et cliniques, ainsi que les pratiques novatrices liées aux expériences canadiennes en matière d’accueil et d’intégration des personnes immigrantes ayant un parcours ou un statut migratoire précaire. Ce numéro sollicite des contributions originales, issues des recherches actuelles, s’insérant à l’intersection des études sur l’immigration involontaire, les statuts précaires en immigration et la réponse aux droits fondamentaux des personnes immigrantes au Canada.

Pour cet appel, trois questions structurent les axes proposés :

Axe 1 : Quelles sont les stratégies initiées par les personnes immigrantes à statut précaire afin de faire face aux défis rencontrés dans le parcours migratoire? Dans cet axe, les textes attendus concernent entre autres les trajectoires de francisation, d’insertion socioprofessionnelle et éducationnelle, les pratiques culturelles et religieuses, l’établissement de nouveaux réseaux nationaux et transnationaux et l’engagement social et politique. Dans cet axe, les textes qui abordent les représentations jouant un rôle dans la construction de relations et de rapports entre la société d’accueil et les personnes immigrantes ayant un statut précaire sont également pertinents.

Axe 2 : Quelles sont les réponses des institutions et des organismes face aux demandes et aux besoins de cette population? Cet axe cible les textes portant sur le développement des politiques, des programmes et des pratiques sociales à l’intersection entre l’immigration involontaire, les statuts précaires en immigration et la réponse aux droits fondamentaux des personnes immigrantes au Canada.

Axe 3 : Quels sont les défis méthodologiques rencontrés dans la réalisation de recherches auprès de populations immigrantes se trouvant dans des situations de précarité? Cet axe concerne les textes qui abordent les défis méthodologiques, les méthodes novatrices et l’adaptation culturelle des protocoles de recherche.

Les articles doivent s’inscrire dans l’une des rubriques proposées dans la revue Travail social : article empirique (résultats de recherche), recension des écrits (avec démarche documentaire), analyse théorique ou récit de pratique.

Calendrier

  • 6 janvier 2025 : Date limite de soumission de la lettre d’intention (résumé)

  • 17 janvier 2025 : Retour aux autrices et auteurs ayant soumis une lettre d’intention : acceptation ou non de la proposition
  • 31 mars 2025  : Soumission de la version complète des articles qui fera l’objet d’une évaluation par les pairs
  • Automne 2025 :  Réception par les autrices et auteurs des commentaires formulés par les personnes évaluatrices. Soumission des révisions nécessaires à l’article de la part des autrices et des auteurs
  • Hiver 2026  : Les autrices et auteurs reçoivent les commentaires finaux des personnes évaluatrices (le cas échéant) et les versions finales sont approuvées | Révision linguistique et mise en page des articles
  • Printemps 2026 : Publication du numéro thématique

Nous demandons aux personnes autrices qui prévoient soumettre un article de rédiger une lettre d’intention (résumé) et de l’acheminer en format Word au secrétariat de la revue Travail social [revue.ts@ulaval.ca],

au plus tard le 6 janvier.

 Une réponse sera transmise au plus tard le 17 janvier (proposition acceptée ou non).

La lettre d’intention doit contenir les informations suivantes (environ 1 page), dans l’ordre :

  1. Le titre provisoire de l’article
  2. Le type de contribution : a) article empirique présentant des résultats de recherche; b) recension des écrits c) analyse théorique ou d) récit de pratique.
  3. Les noms et les coordonnées de l’ensemble des personnes contributrices : prénom et nom, statut (professeur·e, étudiant·e, intervenant·e, gestionnaire, etc.), département et université (ou organisation) d’attache, courriel professionnel
  4. Un résumé de la proposition (300 à 500 mots maximum)

Les manuscrits complets (entre 8 000 et 10 000 mots pour un article empirique ; entre 6 000 et 8 000 mots pour une recension des écrits ou une analyse théorique, incluant les tableaux, les graphiques, les références et les notes de bas de page ; et entre 3 000 et 5 000 mots pour un récit de pratique) des propositions retenues devront être soumis au plus tard le 31 mars 2025.

À propos de la revue

Fondée en 1951, Travail social (anciennement Service social) est une revue scientifique francophone consacrée à l’étude des problématiques et des pratiques sociales, l’évaluation des programmes d’intervention et l’analyse des perspectives théoriques pertinentes pour la discipline du travail social. Les travaux publiés portent sur les enjeux sociaux contemporains au Québec et ailleurs dans le monde, les méthodologies fondamentales du travail social, la collaboration interprofessionnelle et l’analyse critique de l’organisation des services, des politiques publiques et des législations. Dans une visée de dialogue multidisciplinaire, les contributions de la revue s’inscrivent dans différents champs de savoirs professionnels et disciplinaires liés à l’étude des phénomènes sociaux et des réponses sociales déployées pour favoriser le bien-être des populations.

Les membres de la communauté scientifique (chercheur·es et étudiant·es) et professionnelle (intervenant·es, analystes et gestionnaires) y publient des résultats de recherches empiriques, des recensions des écrits, des analyses théoriques et des récits de pratique qui font état de l’évolution des idées et des pratiques dans leurs champs de recherche et d’intervention respectifs. La revue Travail social est éditée par l’École de travail social et de criminologie de l’Université Laval (Québec, Canada). Les articles soumis sont évalués par les pairs à double insu. Depuis 2002, la revue est accessible en ligne sur la plateforme Érudit.

Places

  • Quebec City, Canada

Date(s)

  • Monday, January 06, 2025

Keywords

  • immigration, précarité, inclusion, intégration, vulnérabilité

Contact(s)

  • Proulx Julie
    courriel : revue [dot] ts [at] ulaval [dot] ca

Reference Urls

Information source

  • Kévin Lavoie
    courriel : revue [dot] ts [at] ulaval [dot] ca

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Regards sur les situations des personnes immigrantes à statut précaire au Canada », Call for papers, Calenda, Published on Wednesday, November 13, 2024, https://doi.org/10.58079/12o06

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