HomeProméthée aux enfers : permanences et mutations de la guerre chimiques aux XXe et XXIe siècles
Published on Tuesday, November 26, 2024
Abstract
L’étude des armes de destruction massive (nucléaires, bactériologiques, radiologiques et chimiques), de leurs doctrines d’emploi et de leurs utilisations, se heurtent à une très grande disparité de traitement dans le champ des sciences humaines et sociales. À la différence des armes nucléaires, les armes chimiques connaissent un usage pratiquement ininterrompu sur tous les champs de bataille des XXe et XXIe siècles, mais sont paradoxalement peu étudiées. L’objectif de cette journée d’étude pluridisciplinaire, intégrée dans le septième congrès international de l’Association pour les études sur la guerre et la stratégie (AEGES), est de réfléchir sur le concept de guerre chimique, d’étudier les effets de ces armes sur l’homme et l’environnement, de réfléchir à l’insertion de sa prohibition dans le droit international tout en posant des fondements méthodologiques pour son étude.
Announcement
7e Congrès international de l’Association pour les Etudes de la Guerre et de la Stratégie (AEGES)
Argumentaire
L’étude des armes de destruction massive (nucléaires, bactériologiques, radiologiques et chimiques), de leurs doctrines d’emploi et de leurs utilisations, se heurtent à une très grande disparité de traitement dans le champ des sciences humaines et sociales[1]. A la différence des armes nucléaires – armes du non-emploi (dissuasion)[2]-, les armes chimiques connaissent un usage pratiquement ininterrompu sur tous les champs de bataille des XXe et XXIe siècles. Les efforts pour en interdire l’usage lors de la conférence de la Haye (1899), du protocole de Genève (1925) ou du traité d’interdiction des armes chimiques (1993), se heurtent à cette triste réalité : de la Grande Guerre (1914-1918) en passant par les rizières et forêts de Malaisie (début des années 1950), du Vietnam et du Cambodge (1961-1971), des grottes et casemates en Algérie (1956-1962) ou dans le cadre des conflits irano-irakien (1980-1988), syrien (depuis 2011) et russo-ukrainien (depuis 2022), les armes chimiques sont encore employées sur le champ de bataille. Protéiforme, la guerre chimique se joue du temps et des traités. Elle ressurgit dans la guerre de l’ombre menée par les services secrets russes (affaires autour du Novichok) ou dans les menaces des groupes terroristes, outils au service de buts de guerres lointaines. Il y a urgence à ce que les sciences humaines et sociales regardent bien en face les différentes facettes de la guerre chimique et leurs conséquences. Parce qu’elles sont difficiles à saisir pour le chercheur seul limité par son savoir disciplinaire, leur étude doit être le lieu par excellence de la pluridisciplinarité et de la transdisciplinarité. C’est l’objet de ce panel.
En 1932, Lucien Leroux définit le concept de guerre chimique comme : « l’utilisation dans le combat d’armes chimiques agissant par elles-mêmes sans décomposition immédiate. Nous avons nommé les liquides, solides et gaz toxiques, les incendiaires et les fumigènes »[3]. Cette définition doit être approfondie. Après le choc de la guerre chimique lors de la Grande Guerre révélée par Olivier Lepick[4], « les conflits asymétriques (…), guérilla, contre-guérilla (…), ont été souvent le théâtre d’emploi d’armes nouvelles (…). L’arme chimique figure parmi l’arsenal des armes « nouvelles », « secrètes », voire miracle », note Olivier Lion. « Dès la fin de la Grande Guerre, l’arme chimique a été un acteur incontournable (…) de ces guerres qui ne voulaient pas dire leur nom »[5]. La guerre chimique se décline en fonction des différentes formes du combat, qui renvoient à des réalités stratégiques et tactiques différentes. Elles sont nécessaires à caractériser pour étendre la réflexion : aux choix des agents (toxiques, incendiaires, défoliants, etc.) et des vecteurs de diffusion (bombes, chandelles, etc.), aux justifications politiques (ou aux silences), au rôle des groupes de pression au sein des états-majors ou chez les industriels pour en banaliser leur usage et faire tomber les réticences. Longtemps après la fin de la guerre, l’absence, la destruction ou la dissimulation des archives publiques, l’occultation - sous couvert de secret d’Etat - de leurs effets sur les Hommes et l’environnement empêchent d’en saisir toutes les implications, même si les traces demeurent, comme le montrent les travaux du géologue Daniel Hube sur les champs de bataille de la Grande Guerre[6].
Quatre thématiques sont définies pour les propositions de communications :
- Etudier et caractériser les différentes formes de la guerre chimique aux XXe et XXIe siècles : nous proposons de mener une réflexion à partir d’études de cas permettant d’en proposer in fine de réfléchir à une typologie des formes prises par la guerre chimique.
- Les effets de la guerre chimique sur les hommes et l’environnement : quels sont les héritages des guerres chimiques dans les sociétés ayant subi leurs ravages ? Des champs de batailles de la Grande Guerre aux rizières et forêts de l’Asie du Sud-est, les milieux et les Hommes portent encore les séquelles de ces combats. Comment se manifestent-elles ? Comment s’opère (ou pas) l’administration de la preuve ? Quels sont les parcours entrepris et les difficultés rencontrées par ceux qui cherchent à faire reconnaître leurs dommages par les belligérants ?
- La guerre chimique et le droit international : Alors que nous nous apprêtons à fêter les cent ans du protocole de Genève de 1925 et après le traité d’interdiction des armes chimiques de 1993, quel bilan pouvons-nous faire des tentatives de régulation de l’usage de ces armes par le droit international ? Quels sont les écueils et les espoirs portés par ces initiatives ?
- Aspects méthodologiques autour de l’étude de la guerre chimique : au-delà de la difficulté d’accès aux archives publiques[7], l’étude des guerres chimiques demande d’adopter une approche résolument pluridisciplinaire (historique, politique, archéologie du champ de bataille, archéologie forensique, étude des sols et de leurs contaminations etc.). Comment concilier ces approches multiples et concevoir des méthodologies de recherches efficientes ?
Ces communications seront ouvertes au monde de la recherche international (français, anglais, arabe, vietnamien) grâce aux contributions du Dr. Lina Leyla Abdelaziz de l’université de Batna 2 (traduction : de l’appel à communication et diffusion vers les universités arabophones, des propositions de communications reçues et le jour du panel, des interventions orales) et du Pr. Pierre Journoud (diffusion de l’appel à communication).
Calendrier
- Retour des propositions de communications : nous vous remercions de nous faire parvenir vos propositions par courriel (colloqueguerrechimique@gmail.com) (Nom/Prénom/ attache institutionnelle / Courriel + proposition de 4000 signes espaces compris + biographie de l’auteur + courte bibliographie)
d’ici le 17 janvier 2025.
- Réponses du comité scientifique : Le 31 janvier 2025 au plus tard. Le comité scientifique transmettra un nouveau calendrier des attendus avant la journée d’étude (date précise, horaires, attendus).
- Du 18 au 20 juin 2025 : Congrès de l’AEGES à Aix-en-Provence.
Chaque intervention orale sera de 20 mn (Powerpoint ou équivalent possible).
Il sera possible d’intervenir en présentiel et à distance via une visioconférence (ZOOM). Une publication collective des actes de la journée d’étude est envisagée ainsi qu’une captation vidéo et l’établissement d’actes vidéo. Les participants seront tenus informés au début de l’année 2025.
Langue de travail scientifique : Français, Anglais, Arabe et Vietnamien.
Lieu du colloque
Sciences Po Aix, 25 rue Gaston de Saporta 13100 AIX-EN-PROVENCE (France)
Aide à la mobilité
Une aide à la mobilité est prévue par l’AEGES pour le transport et l’hébergement. Les modalités seront transmises dès la finalisation du programme du congrès.
Comité scientifique
Pr. Pierre Journoud
Professeur d’histoire contemporaine à l’Université Paul-Valéry Montpellier 3- (UPVM) depuis 2015, après avoir été en poste comme chercheur à l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire, il y dirige le Diplôme universitaire Tremplin pour le Vietnam et, en collaboration avec Benoît de Tréglodé, la collection Asies contemporaines aux Presses universitaires de la Méditerranée (PULM). Il est membre, des comités de rédaction des revues Relations internationales et Guerres mondiales et conflits contemporains, ainsi que de plusieurs conseils scientifiques.
Auteur de nombreuses publications sur l’histoire des relations franco-vietnamiennes, des conflits indochinois et des processus de paix – dont Dien Bien Phu. La fin d’un monde (Vendémiaire, 2019, avec la collaboration de Dao Thanh Huyen) ; De Gaulle et le Vietnam, 1945-1969. La réconciliation (Tallandier, 2012), il a également dirigé plusieurs ouvrages collectifs sur l’histoire des relations internationales en Asie-Pacifique, pendant et depuis la Guerre froide. Parmi eux : La mer de Chine méridionale au prisme du soft power. Nouvelles approches franco-vietnamiennes d’un vieux conflit maritime (L’Harmattan, 2022) ; Un triangle stratégique à l’épreuve. La Chine, les États-Unis et l’Asie du Sud-Est depuis 1947 (PULM, 2022).
Courriel : pierre.journoud@univ-montp3.fr
Dr. Christophe Lafaye
Docteur en histoire contemporaine de l’université d’Aix-Marseille et archiviste aux Archives Départementales du Jura, il est chercheur associé au laboratoire LIRS3S (UMR 7366) de l’université de Bourgogne. Ses travaux de recherches actuels portent sur la collecte, l’archivage et la valorisation des expériences combattantes des XXe et XXIe siècles, parallèlement à la préparation d’un mémoire d’habilitation à diriger les recherches sur « La guerre chimique en Algérie (1954-1962) » (garante : Pr. Sylvie Thénault, université Paris 1 Panthéon Sorbonne).
Courriel : christophe.lafaye@gmail.com
Dr. Olivier Lepick
Olivier Lepick est Docteur en histoire et politique internationales de l’Institut des Hautes Etudes Internationales (Université de Genève) et de l’Institut d’Etudes Politiques de Strasbourg. Plusieurs prix lui ont été décernés pour ses ouvrages historiques. Il est chercheur associé et administrateur depuis 2013 de la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS) et consacre ses travaux à la prolifération des armes chimiques et biologiques.
Courriel : olivier@lepick.fr
Dr. Lina Leyla Abdelaziz
Lina Leyla Abdelaziz est docteure en traduction de l’université Mentouri de Constantine. Elle est enseignante permanente au département de traduction, faculté des lettres et langues étrangères de l’université de Batna 2. Organisatrice de nombreuses rencontres littéraires, elle est membre du Comité international du Prix Littéraire Mohamed DIB et du Prix Goncourt Algérie organisé par l’Institut Français en Algérie. Elle contribue aux ateliers de traduction littéraire Vice-Versa organisés par ATLAS, association pour la promotion littéraire, au collège international des traducteurs littéraires (Arles).
Courriel l.abdelaziz@univ-batna2.dz
Notes
[1]. Principalement pour des questions d’accès aux sources à cause de la réticence des Etats et d’un déséquilibre au profit de l’étude du fait nucléaire.
[2]. La place des études du fait nucléaire est très importante dans le champ des sciences humaines et sociales, sans doute à cause de ses effets de destruction immédiate sans commune mesure.
[3]. Lucien Leroux, La guerre chimique, Paris, éditions Spes, 1937, p. 7.
[4]. Olivier Lepick, La Grande Guerre chimique, Paris, Presses universitaires de France, 1998, 384 pages.
[5]. Olivier Lion, « Des armes maudites pour les sales guerres ? L’emploi des armes chimiques dans les conflits asymétriques », Stratégique, n°2009/1, p. 491-492.
[6]. Daniel Hube, Sur les traces d’un secret enfoui. Enquête sur l’héritage toxique de la Grande Guerre, Paris, Michalon, 2016, 288 pages.
[7]. Sujet que nous avons traité lors du panel 6 du congrès de l’AEGES en 2023 : « Histoire et actualités des armes chimiques : des recherches impossibles ? » (avec Aurore Kamichetty, doctorante de l’université de Montréal).
Subjects
- History (Main category)
- Society > Sociology
- Zones and regions > Africa > North Africa
- Zones and regions > Asia
- Periods > Modern
- Society > Political studies
- Mind and language > Epistemology and methodology
- Society > Law
Places
- Sciences Po Aix, 25 rue Gaston de Saporta
Aix-en-Provence, France (13)
Event attendance modalities
Hybrid event (on site and online)
Date(s)
- Friday, January 17, 2025
Attached files
Keywords
- arme chimique, guerre chimique, arme de destruction massive, histoire environnementale, traité d’interdiction des armes chimiques
Contact(s)
- Pierre Journoud
courriel : pierre [dot] journoud [at] univ-montp3 [dot] fr - Olivier Lepick
courriel : olivier [at] lepick [dot] fr - Lina Leyla Abdelaziz
courriel : l [dot] abdelaziz [at] univ-batna2 [dot] dz
Reference Urls
Information source
- Christophe Lafaye
courriel : christophe [dot] lafaye [at] gmail [dot] com
License
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To cite this announcement
« Prométhée aux enfers : permanences et mutations de la guerre chimiques aux XXe et XXIe siècles », Call for papers, Calenda, Published on Tuesday, November 26, 2024, https://doi.org/10.58079/12rgm