Mauvaise science : plagiat, fraudes, méconduites scientifiques
Revue « Zilsel »
Publié le mercredi 22 janvier 2025
Résumé
Dans le champ scientifique, les affaires de fraudes, de plagiats et de falsifications se succèdent et trouvent, pour certaines, un écho considérable dans les sphères médiatiques. Ces dernières réactivent périodiquement une forme de panique morale quant à la confiance que l'on peut – ou devrait – accorder aux sciences, jusqu'à considérer que les biais et maux dont elles sont gangrenées justifient une défiance totale. En réaction à cela, des acteurs scientifiques comme politiques et entrepreneuriaux s'impliquent dans des formes de moralisation volontariste des activités savantes. D'un point de vue historique et sociologique, ces phénomènes posent plusieurs questions que ce dossier de Zilsel entend contribuer à éclairer.
Annonce
Argumentaire
Dans le champ scientifique, les affaires de fraudes, de plagiats et de falsifications se succèdent et trouvent, pour certaines, un écho considérable dans les sphères médiatiques. Ces dernières réactivent périodiquement une forme de panique morale quant à la confiance que l'on peut – ou devrait – accorder aux sciences, jusqu'à considérer que les biais et maux dont elles sont gangrenées justifient une défiance totale. En réaction à cela, des acteurs scientifiques comme politiques et entrepreneuriaux s'impliquent dans des formes de moralisation volontariste des activités savantes. Ils traquent les fraudeurs via divers dispositifs (post-publication peer review), instruisent les manquements supposés à l'intégrité scientifique, militent en faveur de pratiques plus vertueuses, commercialisent des conseils en bonnes pratiques scientifiques, etc.
S'inscrivant dans la longue histoire des études morales sur les sciences, des travaux s'intéressent à l'étiologie des méconduites, en identifiant à la fois des causes individuelles (faiblesse psychologique, quête de reconnaissance professionnelle, poursuite d'objectifs politiques, etc.) et collectives.
Certains de ces résultats se diffusent dans les communautés scientifiques et sont adoptés comme explications possibles de ces méconduites. Ainsi, le « publish or perish », formulation résumant les incitations à la (sur)publication, est souvent considéré comme un facteur expliquant la vaine surproduction et, par conséquent, les comportements les plus déviants. Similairement, la « recherche par projet » est pointée comme responsable d'une concurrence exacerbée laissant croire que tous les moyens seraient bons pour rafler des subsides.
Pourtant, dans ce contexte, il reste difficile de distinguer ce qui, dans l'apparente croissance des méconduites scientifiques, tient à leur augmentation effective du fait de ces conditions structurelles ou de la multiplication des thermomètres visant à les objectiver – autrement dit, une attention de plus en plus grande aux possibles comportements frauduleux. Il reste que, sur un plan normatif, on ne peut s’habituer ni à la prolifération de la « mauvaise science », ni à ce qui commence à s’apparenter à un business de l’anti-fraude ou à ses traductions dans des formes routinisées de bureaucratie académique.
D'un point de vue historique et sociologique, ces phénomènes posent plusieurs questions que ce dossier de Zilsel entend contribuer à éclairer.
Il s'agira d'abord de mettre au jour les processus par lesquels des pratiques scientifiques sont étiquetées comme mauvaises ou répréhensibles. L'objet est alors de mettre en évidence ce qui est en jeu dans la définition des normes de « bonne » ou de « mauvaise science », ainsi que dans les démarches d'enquête mises en œuvre pour condamner ou réhabiliter les pratiques scientifiques considérées.
Il s'agira ensuite d'illustrer, par l'analyse d'exemples récents et inédits, le large éventail des pratiques perçues comme frauduleuses à l’œuvre dans le champ scientifique. Les contributions pourront à la fois interroger les ressorts de ces comportements et les conditions socio-épistémiques spécifiques dans lesquelles ils émergent et sont étiquetés comme déviants, notamment en lien avec des rapports de domination.
Il s'agira enfin d'examiner si des indices existent pour accréditer l'idée de l'avènement d'un nouveau régime de sciences, dans lequel les « mauvaises » manières de faire, les détournements d’images, la copie frauduleuse, le vol de données, l’invention pure et simple d’un terrain ou encore l’arrangement avec l’existant constitueraient des biais courants qu’il s’agirait d’administrer, de cadrer, de limiter.
Conditions de soumission
Les résumés de propositions de contributions à ce dossier « Friction » de la revue Zilsel, d'une longueur d'environ 300 mots, sont attendus
pour le 15 février 2025
Elles seront envoyés aux trois adresses suivantes : thibaud.boncourt@univ-lyon3.fr, jerome.lamy@laposte.net, sebastien.plutniak@cnrs.fr.
Coordination scientifique
- Thibaud Boncourt, professeur de science politique à l’Université Jean Moulin Lyon 3. Membre junior de l’Institut universitaire de France (IUF)
- Cynthia Colmellere, directrice adjointe à la recherche, Graduate School Humanités et Sciences du Patrimoine chez Université Paris-Saclay
- Jérôme Lamy, historien et sociologue des sciences, chargé de recherche au CNRS
- Julien Larrègue, docteur en droit, chercheur associé au Laboratoire méditerranéen de sociologie (Aix-Marseille Université & CNRS), et postdoctorant à la Chaire de recherche du Canada sur les transformations de la communication savante (UdM)
- Sébastien Plutniak, membre associé au laboratoire « Interdisciplinaire Solidarités, Sociétés, Territoires » (LISST) de l'université de Toulouse
Références indicatives
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Chevassus-au-Louis, N. 2016. Malscience. De la fraude dans les labos. Paris, Le seuil.
Didier, E, et C. Guaspare-Cartron. 2018. « The new watchdogs’ vision of science ». Social Studies of Science 48 (1): 165-167.
Dubois, M., et C. Guaspare. 2019. « ‘Is someone out to get me?’ : la biologie moléculaire à l’épreuve du Post-Publication Peer Review ». Zilsel 6: 164-192.
Hackett, E. J. 1994. « A social control perspective on scientific misconduct ». The Journal of Higher Education 65 (3): 242-260.
Hagstrom, W. O. 1964. « Anomy in scientific communities ». Social Problems 12: 186.
LaFolette, M., 2000, « The Evolution of the 'Scientific Misconduct' Issue: An Historical Overview », Experimental Biology and Medecine, 224(4): 44535C.
Racker, E. 1989. « A view of misconduct in science ». Nature 339: 91-93.
Shuchman, M. 2017. « Stopping the slide to research fraud ». CMAJ 189 (6): E256-257.
Weinstein, D. 1979. « Fraud in science ». Social Science Quarterly 59 (4): 639-652.
Zuckerman, H. 1984. « Norms and deviant behavior in science ». Science, Technology, & Human Values 9 (1): 7-13.
Catégories
Dates
- samedi 15 février 2025
Fichiers attachés
Mots-clés
- sociologie, déviance, manquement à l'éthique scientifique, éthique, éthique scientifique
Contacts
- Jérôme Lamy
courriel : jerome [dot] lamy [at] laposte [dot] net - Sébastien Plutniak
courriel : sebastien [dot] plutniak [at] cnrs [dot] fr - Thibaud Boncourt
courriel : thibaud [dot] boncourt [at] univ-lyon3 [dot] fr
URLS de référence
Source de l'information
- Sébastien Plutniak
courriel : sebastien [dot] plutniak [at] cnrs [dot] fr
Licence
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Pour citer cette annonce
« Mauvaise science : plagiat, fraudes, méconduites scientifiques », Appel à contribution, Calenda, Publié le mercredi 22 janvier 2025, https://doi.org/10.58079/134kh

