Les mécanismes sociaux vus sous l’angle des réseaux sociaux
The social mechanisms as seen through the lens of social networks
Volume 76 / 2026 - Issue 1
Publié le mardi 21 janvier 2025
Résumé
L’Année sociologique lance un appel à contributions en vue de la préparation d’un numéro sur le thème des mécanismes sociaux vus sous l’angle des réseaux sociaux, à paraitre au printemps 2026. Cet appel entend faire le point sur l’utilisation de l’analyse des réseaux sociaux dans la compréhension de divers mécanismes sociaux dans toute leur diversité, en particulier collectifs, et de leurs conséquences, intentionnelles ou non, en mettant en dialogue et en articulant les niveaux micro-méso-macro. Il place ainsi la focale sur ce que produisent les infrastructures relationnelles dans les mécanismes sociaux compris au sens large et entend donner de la visibilité à des recherches apportant des éclairages nouveaux.
Annonce
L’Année sociologique lance un appel à contributions en vue de la préparation d’un numéro spécial sur le thème des mécanismes sociaux vus sous l’angle des réseaux sociaux. Il entend faire le point sur l’utilisation de l’analyse des réseaux sociaux dans la compréhension des mécanismes sociaux, en particulier collectifs, dans toute leur diversité.
Argumentaire
À un niveau d’abstraction élevé, les mécanismes sociaux peuvent être compris comme des processus qui reposent en partie sur la mise en relation d’une pluralité d’acteurs et d’activités dans une configuration plus ou moins stabilisée produisant une séquence d’événements susceptibles d’entraîner des conséquences à différentes échelles (micro-, méso- et macro- sociale) (Manzo, 2014). L’utilisation de l’analyse de réseaux sociaux pour la compréhension de ces mécanismes sociaux à partir de leur dimension relationnelle et configurationnelle remonte au constat introduit par le néo-structuralisme en sociologie (Lazega, 2012) : au cœur des phénomènes sociaux, on trouve l’articulation des conflits et des interdépendances entre acteurs. Par exemple dans le domaine de la sociologie économique, cette articulation se retrouve notamment dans les efforts de coopération entre concurrents (Brailly et al., 2018). Dans le domaine de la sociologie des organisations, on la retrouve dans les efforts d’action collective entre « associés-rivaux condamnés à vivre ensemble » (Bourricaud, 1961 ; Lazega, 2001).
Dans le domaine de l’anthropologie, de multiples mécanismes sociaux ont été modélisés et expliqués à partir de dynamiques relationnelles semblables, par exemple les systèmes de parenté en général (Lévi-Strauss, 2002), y compris les relations d'évitement ou de proximité entre générations alternées (Hage, 1973, 1976), les échanges d'objets symboliques dans la Kula mélanésienne (Ziegler, 2008), des rituels d’économie maussienne de prestige basés sur des rivalités de dons dans l’émergence d’enclaves migratoires (Molina et al., 2018), entre beaucoup d’autres. Parmi les mécanismes observés, il convient de souligner les différents types d’obligations mutuelles portés par le langage de la réciprocité et de la solidarité (Molina et al., 2017), y compris par exemple le processus de différenciation de normes appelé « schismogenèse » (Bateson, 2000) ou la différenciation symétrique des groupes par comparaison et sélection des différences, par exemple entre ethnies (Barth, 1998).
Nous entendons donc ici le terme « mécanismes sociaux » dans un sens délibérément large et multiniveaux, dont la théorisation, la description et la modélisation peut partir, par exemple, des actrices et acteurs individuels (sociologie dite « analytique », avec les exemples des prophéties auto-réalisatrices basées sur l’imitation, les ségrégations spatiales produites par des préférences exprimées dans des contextes de rapports entre minorités et majorités, la contribution de « chevaux de Troie » à la déségrégation sociale, etc.) ; ou partir du collectif (sociologie néo-structurale) se centrant sur les organisations (associations, administrations, entreprises), communautés et institutions et de leurs dynamiques propres, avec les exemples d’auto-renforcements et de modérations dans les solidarités et exclusions ; dans le contrôle social et la résolution de conflits ; dans les régulations et institutionnalisations de normes ; dans les socialisations et apprentissages collectifs). Les conséquences collectives de ces mécanismes (amplifications, accumulation d’avantages ou de désavantages, dominations, cohésions sociales, résiliences) à l’échelle méso- ou macro-sociales font partie intégrante de ces sociologies et anthropologies.
L’objectif de ce dossier est de faire le point sur cette utilisation de l’analyse des réseaux sociaux dans la compréhension de ces mécanismes sociaux, en particulier collectifs, dans toute leur diversité. Nous souhaitons proposer de nouvelles perspectives reflétant l’intégration de ces approches. Du fait de la généralité de la perspective, nous souhaitons attirer des contributions aussi variées que possible pour tenter de revenir sur les articulations micro-méso-macro qu’on y trouve et les faire dialoguer. En effet, de nouvelles questions se posent au sujet des démarches qui se centrent sur l’analyse des réseaux sociaux dans la compréhension de ces divers mécanismes sociaux et de leurs conséquences, intentionnelles ou non. Les axes suivants reflètent ces efforts :
- La comparaison de mécanismes sociaux similaires dans des contextes différents, aux fonctionnements organisés différents ;
- Les interdépendances et modalités de concaténation de ces mécanismes, par exemple les effets conjoints des apprentissages et des influences sur l’émergence, le renforcement ou la neutralisation de normes à l’échelle collective ;
- La dimension multiniveau de ces mécanismes, en particulier l’imbrication des attributs des actrices et acteurs, de leurs relations dans des rapports sociaux (classes, genres, professions, milieux sociaux organisés, etc.) et les conséquences de ces imbrications, par exemple en termes d’inégalités ou de résilience ;
- La dynamique des réseaux multiniveaux rendant compte de la contextualisation des mécanismes sociaux et de leurs dimensions temporelles ;
- Les perceptions et négociations par lesquelles les actrices et acteurs réagissent (aux contraintes qui sont exercées sur eux/elles et aux opportunités qui leur sont offertes) lorsqu’ils/elles sont embarqués, à la fois dans des mécanismes sociaux et dans des parcours de vie ;
- La relation entre les phénomènes culturels et les structures relationnelles dans les réseaux personnels ou institutionnels ;
- La diversification des méthodes nécessaires à l’exploration et à la compréhension de ces mécanismes (analyses de réseaux sociaux, analyses de catégorisations sociales, analyses de parcours de vie, analyses de discours, simulations multi-agent, et bien d’autres).
Cette liste n’est qu’indicative. Ce dossier place ainsi la focale sur ce que produisent les infrastructures relationnelles dans les mécanismes sociaux compris au sens large et divers, en particulier collectifs. Elle en appelle à de nouvelles recherches qui apportent des éclairages qui méritent une nouvelle visibilité.
Modalités de réponse
Les personnes souhaitant répondre à cet appel à contributions sont invitées à adresser aux coordinateurs (emmanuel.lazega@sciencespo.fr, joseluis.molina@uab.cat, mvitale@unisa.it), un résumé de leur projet précisant la question de recherche, le terrain, la méthodologie adoptée, les résultats attendus et une courte bibliographie (3 000 signes max.), et l’axe retenu
au plus tard le lundi 31 mars 2025.
Toute question préalable ou demande de précision sur le fond est également bienvenue. Les coordinateurs communiqueront la sélection de projets retenus le 5 mai 2025 au plus tard.
Les articles (65 000 signes max.), rédigés selon les normes rédactionnelles de L’Année sociologique et anonymisés (avec, sur une note à part, les coordonnées des auteurs) devront ensuite être remis à la Rédaction et aux coordinateurs le 31 août 2025 au plus tard. Ils seront présentés pour évaluation anonyme à deux membres du comité de rédaction de L’Année sociologique et à un expert extérieur, puis discutés collégialement.
Les décisions seront communiquées dans les premiers jours d’octobre 2025, pour une parution au printemps 2026 (numéro 76-1).
Coordination scientifique
- Emmanuel Lazega (Sciences Po, émérite)
- José Luis Molina (Université Autonome de Barcelone)
- Maria Prosperina Vitale (Université de Salerne)
Bibliographie indicative
Brailly, J., Comet, C., Delarre, S., Eloire, F., Favre, G., Lazega, E., Mounier, L., Montes-Lihn, J., Oubenal, M., Pedro-Varanda, M., Penalva-Icher, E., Piña-Stranger, Á. (2018). “Neo-structural economic sociology beyond embeddedness: Relational infrastructures and social processes in markets and market institutions”, Economic sociology_the european electronic newsletter, vol. 19, N. 3 (July), pages 36-49.
Barth, F. (1998). Ethnic groups and boundaries: The social organization of culture difference. Waveland Press.
Bateson, G. (2000). Steps to an ecology of mind: Collected essays in anthropology, psychiatry, evolution, and epistemology. University of Chicago Press.
Bourricaud, F. (1961). Esquisse d’une théorie de l’autorité. Paris, Plon
Hage, P. (1973). A Graph Theoretic Approach To The Analysis Of Alliance Structure And Local Grouping In Highland New Guinea. Anthropological Forum, 3(3–4), 280–294.
Hage, P. (1976). Structural Balance and Clustering in Bushmen Kinship Relations. Behavioral Science, 21, 36–76.
Lazega, E. (2001), The Collegial Phenomenon: The Social Mechanisms of Cooperation Among Peers in a Corporate Law Partnership, Oxford Univ. Press.
Lazega, E. (2012), « Sociologie néo-structurale », in R.Keucheyan et G.Bronner (eds), Introduction à la théorie sociale contemporaine, Paris, Presses universitaires de France, p.113-129
Lévi-Strauss, C. (1949). Les Structures élémentaires de la Parenté. Paris, Presses universitaires de France
Manzo, G. (Ed.). (2014). Analytical sociology: actions and networks. John Wiley & Sons.
Molina, J. L., Lubbers, M. J., Valenzuela-Garcia, H., & Gómez-Mestres, S. (2017). Cooperation and Competition in Social Anthropology. Anthropology Today, 33(1), 11–14.
Molina, J. L., Martínez-Cháfer, L., Molina-Morales, F. X., Lubbers, M. J., Luis, J., Martínez-Cháfer, L., & Molina-Morales, F. X. (2018). Industrial districts and migrant enclaves: a model of interaction. European Planning Studies, 26(6), 1160–1180.
Ziegler, R. (2008). What makes the Kula go round? A simulation model of the spontaneous emergence of a ceremonial exchange system. Social Networks, 30, 107–126.
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Format de l'événement
Événement uniquement en ligne
Dates
- lundi 31 mars 2025
Fichiers attachés
Mots-clés
- mécanisme social, sociologie néo-structurale, sociologie analytique, processus collectif, théorie sociale, analyses de réseau, social mechanism, neo-structural sociology, analytical sociology, collective processes, social theory, network
Contacts
- Emmanuel LAZEGA
courriel : emmanuel [dot] lazega [at] sciencespo [dot] fr - José Luis MOLINA
courriel : joseluis [dot] molina [at] uab [dot] cat - Maria Prosperina VITALE
courriel : mvitale [at] unisa [dot] it
URLS de référence
Source de l'information
- delphine Renard
courriel : delphine [dot] renard [at] sorbonne-universite [dot] fr
Licence
Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.
Pour citer cette annonce
« Les mécanismes sociaux vus sous l’angle des réseaux sociaux », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 21 janvier 2025, https://doi.org/10.58079/1344t

