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Expérience des âges de la vie et formation de soi

Ouvrage collectif dans la collection « Orientation à tout âge »

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Publié le mercredi 17 septembre 2025

Résumé

Cet appel à contribution pour un ouvrage collectif à paraître aux éditions de l’Harmattan en 2026 s’adresse aux chercheur·es et jeunes chercheur·es, en sciences de l’éducation et de la formation et provenant d'autres disciplines, intéressé·es par les questions liées à l’expérience des âges de la vie et de la formation de soi. Cet ouvrage, à paraître dans la collection « Orientation à tout âge » est coordonné par Corinne Baujard (PU), Anne-Françoise Dequiré (PU) et Léa Chabanel-Kahlik (docteure). 

Annonce

Collection “Orientation à tout âge” dirigée par Francis Danvers et Marie Lise Lorthiois l’Harmattan

Coordination

  • Corinne Baujard,
  • Anne-Françoise Dequiré,
  • Léa Chabanel-Kahlik

Argumentaire 

Parmi les débats publics de ces dernières années, la solidarité intergénérationnelle entre les âges pluriels de la vie (Heslon, 2021) constitue une expérience de formation de soi, en soi et pour soi qui est « de comprendre ce qu’est l’expérience » comme une construction de soi (Dewey, 2010, p. 19). Une diversité de pratiques sociales (ré)interroge les défis de chaque âge tout au long de la vie (Danvers, 2022) pour repenser les liens entre le savoir, l’expérience et le sensible autour du bien-être individuel parce que toute situation sociale est l’occasion d’explorer des valeurs humaines.

Les premières rencontres entre des espaces et des sujets de tout âge permettent de vivre et de comprendre la subjectivation des expériences vécues. Si l’on conçoit la rencontre comme une expression de liberté, on pourrait alors dire que l’expérience est une figure qui traduit une conscience en pensée, et qu’en cela elle reflète la dimension symbolique de l’expérience vécue tout au long des âges de la vie. C’est ainsi que de nouveaux regards collectifs contribuent au vivre ensemble. Un workshop au musée des Beaux-Arts de Lille organisé en 2023 « Comment inclure, participer, réparer, ralentir » a interrogé la manière de rendre la société plus résiliente, plus inclusive tout en encourageant le partage avec le plus grand nombre (Baujard, 2023).

S’interroger sur les relations entre les âges de la vie est l’occasion de concilier les impératifs éthiques et le respect de la personne. Et c’est à ce titre, qu’il est possible de se demander si un travail sur soi constitue un apport éducatif pour comprendre la relation entre l’expérience des âges de la vie et la transformation de soi. On interroge la socialisation de nouveaux savoirs éducatifs qui ouvre de nouvelles perspectives de solidarité « transformatrices ».

L’expérience des âges de la vie comme objet de recherche est l’occasion de se demander en quoi la formation de soi peut générer une valeur éducative qui peut nous servir au plaisir d’être ensemble. À la vocation éducative s’ajoute une occasion de concilier les impératifs éthiques et le respect des personnes. Changer le regard ne suffit pas. Il faut aussi transformer nos espaces d’accueil de la petite enfance au vieillissement (écoles, centres sociaux, maisons des jeunes, maisons des habitants, prise en charge des personnes dépendantes) pour répondre à la vulnérabilité dans des contextes variés (accueil familial chez des particuliers, hébergement à titre onéreux, colocation pour jeunes ou seniors, familles d’accueil, maisons mitoyennes, biguines, habitats partagés) qui libèrent de la différence pour créer du lien social.

Toute personne doit avoir la capacité d’explorer tous les domaines des possibles de l’existence jusqu’à la fin de sa vie. En quoi l’expérience des âges de la vie peut-elle être un levier d’inclusion et de reconnaissance de soi ? Dans cette perspective, des chercheures et chercheurs inscrits dans différentes approches méthodologiques (analyse de l’activité, récit biographique, approche ethnographique) dans les champs scientifiques des sciences de l’éducation et de la formation proposent leurs regards contrastés selon des contextes d’études spécifiques liés à leurs travaux de recherche menés autour de l’identité, de la solidarité, de la dignité. Les personnes doivent pouvoir conjuguer avancée en âge et pouvoir d’agir. Une démarche exploratoire sera l’occasion de mettre l’accent sur les relations qui émergent à l’occasion du cheminement des âges de la vie, quelles que soient leurs singularités, autrement dit, de donner à chacun d’entre eux la possibilité de participer à la vie collective.

La distinction des âges de la vie résulte de nombreux stéréotypes sociaux. La solidarité intergénérationnelle est l’occasion d’interroger les avancées en âge tout au long de la vie. Il s’agit de soutenir les personnes selon leur existence dans des situations favorables d’apprentissage pour prendre en considération une diversité de besoins en lien avec les expériences personnelles. Au siècle dernier, on disait : « À quoi sert d’apprendre, si on ne peut plus rien faire de ce que l’on sait ? » Aujourd’hui, on poursuit sa vie en apprenant toujours tout en devenant soi-même un apprenant. Témoignage qui invite l’apprenant à devenir auteur et acteur de son apprentissage (Labelle, 1996). C’est donc l’occasion de se demander comment porter témoignage de la transmission intergénérationnelle qui assure la continuité de la culture au-delà des âges et des destins de vie personnels pour faire société et vivre ensemble ? De plus en plus, la formation de soi s’inscrit dans une volonté de mener sa propre vie. Il s’agit de considérer que la formation n’est pas réservée seulement aux jeunes, aux adultes, aux anciens mais de considérer chaque âge comme une source d’expérience et de médiation entre les générations dans une perspective de solidarité éducative et d’inclusion sociale (Labelle, 1996). « L’expérience instruit toujours, je l’avoue mais elle ne profite que pour l’espace qu’au-devant soi. Est-il temps au moment qu’il faut mourir d’apprendre comment on aurait dû vivre ? » (Rousseau, 1776-1778, p. 69). « Je deviens vieux en apprenant toujours » (Solon, homme d’État et poète athénien du Ve siècle av. J.-C., cité par J.-J. Rousseau, p. 69). L’expérience tout au long de la vie représente une source de bienfaits directs et indirects dans le domaine de la santé, de la famille, de la participation civique, favorisant la formation de soi à tous les âges de la vie. Quelle place occupent les générations lors d’une reprise d’études, d’un projet de thèse de doctorat, d’une écriture d’un jubilé de sa vie ?

Cet ouvrage interrogera le regard de notre société sur la solidarité intergénérationnelle des âges de la vie à travers l’expérience du pouvoir d’agir. Nous étudions l’expérience dans la manière dont toutes les personnes (jeunes, adultes, âgées de tout âge) se construisent elles-mêmes afin de relever l’existence d’une certaine considération d’autrui. Dans bien des situations, la vie parvient à un sens qui engage le vivre ensemble dans l’activité de formation. Plusieurs études auprès de personnes d’âges différents seront complétées par des observations participantes, des récits de vie, des entretiens menés auprès de professionnels. Il s’agit de proposer une posture de solidarité éducative dans la description de l’activité humaine, de tenir compte de l’environnement d’apprentissage dans la transmission intergénérationnelle pour faciliter sa mise en œuvre.

La reconnaissance des âges de la vie est devenue un objet de recherche dans notre société. De nombreuses interrogations demeurent dans la conciliation des pratiques observées. Aujourd’hui, le regard sur l’âge a changé dans notre société occidentale contemporaine même si le fait de se sentir en bonne santé ne résout pas tous les problèmes existentiels liés à chaque période de la vie. La plupart des travaux scientifiques considèrent qu’il n’existe pas de définition officielle des âges de la vie. Les frontières sont floues mais l’entrée ou la sortie du monde du travail viennent dans bien des situations les rythmer.

L’enjeu est de renforcer la qualité de vie comme une question cruciale pour de nombreux jeunes (Dequiré 2022), adultes engagés dans la vie professionnelle (Baujard, 2023 ; Chabanel-Kahlik 2024), seniors (Rosanvallon, 2020). Les interactions constituent des formes émergentes permettant d’évaluer le sens collectif entre les dispositifs déployés et les processus de reconnaissance. Le regard porté sur les situations personnelles accorde une place importante à la considération d’autrui que l’on peut décrire autour du soutien, de la motivation et de l’aide. De nombreuses recherches portent sur des « espaces d’activités de formation » que les personnes traversent (Jorro & Wittorski, 2013).

Nous distinguons différentes périodes de vie : la jeunesse, la vie adulte, la vie postprofessionnelle, le grand âge parfois avec la perte d’autonomie et la dépendance.  La succession des âges de la vie permet de distinguer différentes temporalités dans le parcours de vie mais cette linéarité est remise en question au vu des bifurcations, des transitions, des épreuves (Dequiré, 2022) que subissent les individus. Cécile Van de Velde (2015, p.18-19) parle « d’une érosion des âges et d’une disparition des temporalités fixes des existences ».

Les parcours d’entrée dans la vie adulte se sont aujourd’hui complexifiés et diversifiés, rendant difficile l’identification de bornes d’âge. Pour Pierre Bourdieu (1985), « la jeunesse n'est qu'un mot », une catégorie non spécifique, qui tente d'homogénéiser sous un même vocable un groupe aux réalités sociales différentes (Dequiré, 2022). L’avancée en âge constitue une étape clé des parcours de vie, marquée par de profondes transformations.

L’adolescence, l’entrée dans la vie professionnelle ou le passage à la retraite peuvent être vécus comme une perte de repères quotidiens favorisant parfois une détérioration de la qualité de la vie. Ces périodes peuvent être fragilisées par des évènements comme la maladie, le changement familial, la perte d’un revenu, la dépendance nécessitant un accompagnement spécifique. Mais elles peuvent aussi être des périodes de déploiement personnel et collectif. Les ainés possèdent une richesse de savoirs et de compétences qu’ils peuvent transmettre aux jeunes générations, à travers des dispositifs éducatifs, de soutien scolaire, du bénévolat intergénérationnel avec les partenaires de leur entourage, surtout auprès des plus fragiles ascendants et descendants. Un professeur des universités peut commencer une carrière de professeur « émérite » à 65 ans avant de devenir « honoraire ». L’activité permet de faire la distinction entre une réalité physique du vieillissement et l’âge comme construction sociale.

Pourtant, l’apparence reste en France le premier critère de discrimination sans que l’on puisse convenir d’un âge univoque qui finit par provoquer des refus et des réactions. L’apparence est importante dans certains secteurs d’activités. Le droit envisage de manière aggravante le fait de porter atteinte à une personne considérée comme vulnérable (Amadieu, 2016). Nos relations intergénérationnelles supposent la compassion avec les autres et permettent les échanges, condition de toute communauté vivante et durable (Rosanvallon, 2020). L’humiliation d’un groupe représentatif et peu importe l’âge bafoue la dignité des personnes. Le style de vie ouvre des aspects cachés de l’existence même imaginaire. Tout attribut dévalorisant utilisé par la société contribue à une perte d’estime de soi, et aboutit à une perte de contrôle sur sa représentation de soi qui empêche de décider l’orientation de son histoire de vie.

Qu’en est-il de cette solidarité intergénérationnelle et de ces expériences des âges de la vie lorsque l’on évolue dans des environnements de grande précarité (à la rue, dans des dispositifs d’hébergement de l’urgence sociale etc.) (Dequiré, 2019 ; Dequiré & Sodoli, 2023).

Comment individuellement et collectivement se préparer à la formation de soi tout au long de la vie ? Trois opérations mentales sont mobilisées : la sélection dans le nombre d’activités dans lesquelles la personne souhaite s’engager ; l’optimisation visant à maximaliser l’engagement des moyens, des ressources et de la motivation sur les buts sélectionnés ; une adaptation compensatrice fonctionnelle de la part de l’individu de manière à faire face à ses difficultés (accident de la vie, handicap, vulnérabilité, vieillissement cognitif). L’avancée en âge s’apprend en termes d’organisation du temps et de la disparition du réseau relationnel liée à l’activité professionnelle). Caradec (2022) rappelle que pendant longtemps on a conçu la vieillesse « comme un naufrage » en réduisant le vieillissement à une approche physiologique. Désormais, il s’agit de s’activer pour « bien vieillir » comme si les inégalités sociales n’avaient pas une part prépondérante dans le processus de vieillissement. La notion d’activité est au cœur des programmes de prévention pour préserver un bien-être durable, notamment en menant une vie sociale active, en préservant ses ressources intellectuelles, en protégeant son cœur et ses artères. 10 000 pas par jour est un objectif réaliste pour prendre soin de sa santé et qui fait dépenser entre 300 et 400 calories selon le journal Notre temps du 25 mars 2025. La capacité à la mobilité entretient l’estime de soi, l’autonomie et la vie sociale.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) depuis 1952, se donne comme objectif final de « permettre à chaque individu de jouir de son droit inné à la santé et à la longévité ». En effet, « Vivre, c’est jouir de la vie » (Levinas, 1961). Les capacités sensorielles, physiques, cognitives déclinent de manière très variable selon les personnes. La perspective des neurosciences cognitives permet de comprendre comment s’effectuent les pertes et les gains dans le développement de la vie adulte. Le cerveau garde des facultés d’adaptation, de malléabilité et de flexibilité qui lui permettent d’encourager des actions d’éducation et de promotion de la santé à toutes les étapes de la vie pour vivre plus longtemps en meilleure santé (Rapport annuel de Santé publique. France). Face à l’impératif social du rajeunissement, les grands-parents s’inventent de nouvelles manières d’être. On apprend de ses petits-enfants autant qu’on leur transmet et les seniors sont des acteurs majeurs de l’entraide : 80 % des bénévoles actifs sont des retraités, et ce sont eux qui font vivre la plupart des associations comme les services à la personne (émission LCP Les Vaillantes du 23 avril 2025). Ils mènent des actions tournées vers des personnes vulnérables, plus âgées ou plus jeunes, produisant ainsi des liens intergénérationnels. Souvent, une maladie grave modifie le regard que les autres portent sur nous. Pour les malades de tout âge qui deviennent plus dépendants de leur famille, les contacts s’éloignent ou disparaissent.

La formation de soi a une double dimension : individuelle et collective. Une personne sur deux ne se sent pas bien accompagnée et attend un accompagnement plus personnalisé, allant au-delà du pur aspect financier en couvrant des enjeux de vie sociale, de santé ou même de loisirs pour construire un véritable projet de vie. La pandémie du covid-19 a précipité une prise de conscience sur la nécessité de préparer la transition générationnelle entre les personnes vulnérables, blessées qui ont subi l’exclusion, la dépression. Pour les jeunes, cette période a été marquée par une absence de relation aux autres et engage parfois à la déception, au manque de confiance ou à l’émotion. Les modalités d’accompagnement sont nombreuses : relation d’aide, tutorat, compagnonnage ou coaching. Confrontée à une nébuleuse de pratiques (Paul, 2020), la reconnaissance peut permettre de nouvelles formes d’émancipation des personnes pour les encourager d’être actrices de leur vie (Demoustier, 2021).

Les personnes qui s'occupent des malades sont également souvent isolées. (Vickers & Bolton, 2024). C’est tout l’enjeu de la mission qui avait été confiée à M. El Khomri par A. Buzyn, juillet 2019, de réfléchir à la manière dont on pourrait revaloriser les « métiers du grand âge » et susciter des vocations. La tâche est immense, car vivre ce n’est pas simplement durer, mais exister, dans toutes ses potentialités. À titre indicatif, les métiers du grand âge (aides-soignants…) recrutent parmi plus de 30 métiers ; 300 000 recrutements sont attendus dans toute la France d’ici 2030. La reconnaissance peut être une façon d’aborder la vie pour les accompagnants car être au contact de personnes vulnérables, c’est être conscient de sa propre vulnérabilité pour intégrer tous les âges de la vie confrontés à des accidents de vie dans des possibilités d’échanges, de reconnaissance. « Donner n'est pas d'abord donner quelque chose, c'est se donner dans ce que l'on donne » (Mauss, 1925). Dans notre société, les retours d’expériences ne permettent pas d’identifier clairement les facteurs qui structurent la jeunesse, le handicap et la dépendance. La tâche est immense, car vivre ce n’est pas simplement durer, mais exister, dans toutes ses potentialités.

Le paradigme de solidarité largement mobilisé par Axel Honneth (2004) fait référence à la « relation de réparation » analysée par Goffman (1961). Il est nécessaire de s’assurer que la relation d’aide est valorisée dans les manières de faire mais aussi les savoirs des experts, des anciens qui permettent d’établir des relations liées aux processus réflexifs qui se révèlent à l’usage des dispositifs de transfert des savoirs référents.

Le concept de solidarité fait l’objet de nombreuses recherches qui l’envisageait sous l’angle de l’injustice sociale en référence à l’activité sociale. L’École de Chicago (1920) proposait une alternative en considérant que la représentation des acteurs influence la réalité sociale, toute interprétation résulte d’interactions sociales réduisant la complexité des situations. Cette approche s’inspire de l’analyse sur l’expérience qui attribue un sens collectif à l’activité du sujet et qui interroge le vécu subjectif pour apprendre d’une situation d’interprétation (Dewey, 1938). À cette époque, c’était la seule approche sociologique de la reconnaissance. Ensuite, le rapport de l’identité au travail (Sainsaulieu, 1977) ou de l’identité pour soi ou de l’identité pour autrui (Dubar, 1991) donne aux processus sociaux l’occasion d’expliquer les interactions entre les différents âges dans un contexte où prédominent différentes attentes sociales des sujets.

Cependant, dès 1925, Marcel Mauss analyse les valeurs de respect, d'attachement, de reconnaissance, de dignité, qui sont source de lien social. La relation de don nécessite une grande habileté à l’égard de la singularité des personnes. Elle ne peut être mobilisée dans l'activité de travail que si l'on se dote de valeurs éthiques, permettant d’unifier le concept. Les relations intersubjectives (confiance, respect, estime) du rapport à autrui constituent le noyau central de leur activité. Ce qui peut sembler relever du don suppose l’échange : un échange pas toujours équivalent, car le vivre ensemble est l’occasion d’établir le lien social selon « une réciprocité élargie » : « ce que je donne à l’un me sera rendu, mais éventuellement par un autre » (Mauss, 1925). Plusieurs méthodes ont été déployées dans les entreprises, telles que le tutorat professionnel, l’atelier collaboratif, le retour d’expérience, la relation d’aide. On retrouve les différentes postures d’accompagnement analysées par Chabanel-Kahlik (2024) qui aide à prendre du recul par rapport aux actions professionnelles que la personne doit réaliser. On s’interroge sur la disposition humaine à être en relation avec autrui. La capacité de s’adapter à la situation d’autrui permet d’envisager un espace où l’on apprend « avec », notamment au travers de l’engagement mutuel, de la participation, de l’apprentissage collaboratif, de l’intelligence collective. Il s’agit de prendre en compte la réflexivité des situations sans minimiser les risques éthiques de respect d’autonomie des personnes qui mobilisent de passer « d’un niveau concret à un niveau d’abstraction » (Pastré, 2011). C’est ce temps de solidarité reconstruit, ce qui se passe de manière consciente ou inconsciente, qui peut expliciter comment on se construit dans l’analyse de ses propres étapes de la vie (Baujard, 2020). La différence entre praticien et chercheur n’est pourtant pas toujours aussi aisée.

Cet ouvrage sur l’expérience des âges de la vie sera la façon dont on pense les sciences de l’éducation et de la formation lorsqu’on construit un nouvel espace scientifique.  Une occasion de réfléchir du passage du travail de terrain à la retranscription des résultats tout en tenant compte de la relation du chercheur à son objet de recherche. Quelle est l’influence du chercheur dans la transformation de ses propres savoirs, de ses représentations et de ses pratiques ? Malgré des efforts évidents pour reconnaître les âges de la vie, on relève quelques difficultés qui tiennent aux déterminants de la pensée, des savoirs, de l’expérience de la personne qui donne du sens à son vécu, à son histoire selon « une épistémologie d’une réflexion dans l’action » (Schön, 1983). C’est l’occasion de distinguer le discours et le statut de l’orientation qui structurent la manière dont la transmission se construit et transforme la personne pour se former elle-même dans une « épistémologie de gratitude » qui associe le psychisme et le social fondés sur une relation affective dans la découverte d’autrui (Pagès, 2006). Il convient de rester prudent face aux illusions de la subjectivation. La manière d’analyser la formation de soi entraîne chacun de nous à se raconter des histoires pour soi-même et pour autrui, afin d’en identifier les ressorts profonds et de susciter un débat autour d’enjeux sociaux trop souvent éludés.

En renonçant aux discours convenus, l’expérience des âges de vie offre des pistes éducatives qui incarnent parfaitement le pragmatisme social autour d’un objectif de quête de connaissances, de partage, de discussion et de dialogue.  Le partage avec les autres donne souvent de bonnes capacités à créer du lien social, qui est encore à réinventer sous ses aspects de satisfaction, de motivation et de dignité pour toutes les personnes qui s'intéressent à notre perception de nous-mêmes sur aux relations avec les autres rarement abordées. Quel pouvoir créatif révèle un sentiment d'appartenance à un groupe pour améliorer notre attachement, mais aussi rendre notre société plus résistante aux étapes de la vie. 

Comment la formation de soi favorise-t-elle l’expérience des âges de la vie ? La société, au demeurant, a toujours tenté d’adopter des solutions sous la pression des circonstances. La construction sociale s’élabore au travers des différents regards qui risquent d’entretenir un sentiment de dépossession pouvant mener à un sentiment de déshumanisation. L’expérience d’apprentissage avec autrui est l’occasion de fonder ce qui fait société, une communauté réelle et bienveillante qui permet à la personne de s’identifier comme sujet d’elle-même. « Ce n’est plus la situation qui donne sens à nos conduites, ce n’est plus notre action qui transforme notre situation ; c’est la construction de nous-mêmes comme sujets qui guide le jugement que nous portons sur notre situation et sur nos conduites » (Touraine, 2007). La question de l’orientation prend ainsi une pertinence particulière en Sciences de l’éducation et de la formation qui s’appuie sur les modes collectifs d’entraide, dont l’utilité sociale questionne la société.

Les chercheurs de cet ouvrage se trouvent confrontés à une pratique de recherche qui nécessite de renouveler la façon de penser le rapport à eux-mêmes. L’ingéniosité des supports employés à des fins d’orientation tout au long de la vie ajoute à la vocation d’une « transformation silencieuse » de notre condition humaine (Jullien, 2009). La relation est pensée comme une relation de « réparation » (Goffman, 1961).  Une distance épistémologique de soi-même est nécessaire pour transformer la transmission en champ scientifique, un travail de délibération sur soi existentiel sur le monde en reconfiguration pour eux-mêmes qui contribue à faire reconnaître les personnes de tout âge et transformer les discours tenus à leur égard. À l’heure actuelle, on en est pourtant bien loin. L’Organisation mondiale de la santé considère « l’humanité soignante », le devenir des personnes, comme un bien-être physique, mental et social qui contribue au vivre ensemble. À l’heure actuelle, pouvoir avancer dans l’âge ne devrait pas être une question de reconnaissance, mais bien un droit humain.

Axes de réflexion (non exhaustifs) :

  1. La solidarité autour du développement de l’identité, de l’estime de vie, des transitions de vie, des inégalités sociales.
  2. La dignité et l’inclusion : réflexion sur le sens de la vie, l’exploration des valeurs personnelles, de l’éthique, l’analyse des influences sociales et culturelles sur la formation de soi.
  3. La formation tout au long de la vie, la reprise d’études, le projet de thèse, le jubilé.

Modalités de contribution

Démarches et dates des modalités de contribution en français ou en anglais à retenir impérativement pour l’ouvrage :

1) Dans un premier temps sont attendus des projets de contribution de deux pages maximum (titre, texte, mots clés, biographie et bibliographie compris). Ils peuvent prendre la forme soit d’un article, soit d’un retour d’expérience, soit d’un entretien mené auprès d’un.e professionnel.le et doivent préciser l’axe retenu. Les auteur·es peuvent provenir des sciences de l’éducation ou d’autres disciplines.  

Ils sont à envoyer à l’adresse suivante : soumissions.agesdelavie@gmail.com 

La réception des projets de contribution est fixée au 15 novembre 2025.

Les propositions seront soumises à une évaluation tout en se conformant aux critères suivants :

Forme :

  • Respect des consignes données : titre, 4 à 6 mots clés, adresse de l’auteur, courte biographie comportant le rattachement universitaire
  • Qualité de l’écriture

Fond :

  • Pertinence de la problématique abordée
  • Originalité de la démarche
  • Qualité de l’analyse et résultats attendus
  • 4 -5 Références bibliographiques

2) La notification des décisions aux auteurs sur leur proposition est fixée au 15 décembre 2025. Les normes rédactionnelles seront alors transmises avec la décision.

3) La date limite d’envoi des articles est fixée pour le 31 janvier 2026. 

4) Enfin, la date limite d’envoi des versions finales des articles retenus est fixée le 30 avril 2026, la publication de l’ouvrage collectif étant fixée à juin 2026.  

Comité scientifique

  • Corinne Baujard
  • Anne-Françoise Dequiré
  • Léa Chabanel-Kahlik
  • Francis Danvers
  • Marie-Lise Lorthiois

Bibliographie

  • Amadieu, J.-F. (2016). La société du paraître : les beaux, les jeunes et les autres. Paris : Odile Jacob.
  • Baujard, C. (2023). Construire, l'inclusion de nos musées. Inclure, participer, réparer, ralentir Workshop du Palais des Beaux-Arts, Jan 2023, Lille, France. Table ronde 3 : Prévenir, soigner, réparer : l'art doit-il "faire du bien" et peut-il "soigner" ?
  • Baujard, C. (2020). Transmission des savoirs professionnels et formation des jeunes en alternance. Education permanente, 218, 54-67
  • Bourdieu, P. (1985). Questions de sociologie. Paris : La découverte.
  • Caradec, V. (2022). Sociologie de la vieillesse et du vieillissement (4è éd.). Paris : Armand Colin.
  • Chabanel-Kahlik L. (2024). Connaissance et reconnaissance du travail de préparation des professeur.es des écoles en France (Thèse de doctorat, Université de Lille).
  • Danvers, F. (2022). S’orienter dans la vie : la sérendipité au travail. Dictionnaire sciences humaines et sociale, T. 2. Lille : Presses universitaires du Septentrion.  
  • Demoustier, S. (2021). Le pouvoir d’agir des personnes en situation de vulnérabilité : un nouveau paradigme à partir duquel le travail social peut se réinventer ? Sciences et actions sociales, 15, 154-176.
  • Dequiré, A.-F & Sodoli, R. (2023). Parcours de femmes sans domicile fixe en région Hauts-de-France. Rapport DREETS, DRDFE.
  • Dequiré, A.-F. (2022). La jeunesse vulnérable et les épreuves de la vie : quand les apprentissages empruntent des chemins buissonniers (HDR soutenue le 6 décembre 2022 à l’Université Toulouse-Jean-Jaurès).
  • Dequiré, A.-F. (2019). L’exclusion des jeunes sans domicile fixe : une épreuve ? Le sociographe, 66-77.
  • Dewey, J. (2010).  L’art comme expérience, Paris : Folio.  
  • Dewey, J. (1938). Experience and Education. LW13 Late Works (1925-1953) Illinois Press.
  • Dubar C. (1991). La Socialisation, Construction des identités sociales et professionnelles. Paris : Armand Colin.
  • Goffman, E. (1961). Stigmate, Les usages sociaux des handicaps. Paris : Éditions de Minuit.
  • Heslon, C. (2021). Psychologie des âges de la vie d’adulte, Vie plurielle et quête de soi. Paris : Dunod.
  • Honneth, A. (2004). Visibilité et invisibilité, Sur l’épistémologie de la reconnaissance. Revue Mauss, 23, 22-46.  
  • Jorro, A.  & Wittorski, R. (2013). De la professionnalisation à la reconnaissance professionnelle. Les sciences de l’éducation pour l’ère nouvelle, 46, 11-22.  
  • Jullien, F. (2009). Les transformations silencieuses. Paris : Le Livre de Poche.
  • Labelle, J.-M. (1996). La réciprocité éducative. Paris : PUF.
  • Levinas, E. (1961). Totalité et infini, Essai sur l’extériorité.  La Haye : Martinus Nijhoff.   
  • Mauss, M. (1925).  Essai sur le don. Paris : PUF.
  • Pagès, M. (2006). L’implication dans les sciences humaines, Une clinique de la complexité. Paris : l’Harmattan.
  • Pastré, P. (2011). La Didactique professionnelle, Approche anthropologique du développement chez les adultes. Paris : PUF.
  • Paul, M. (2020). La démarche d’accompagnement Louvain (2è éd.). Bruxelles : De Boeck.
  • Rosanvallon, P. (2020). Le parlement des invisibles. Point essai.
  • Rousseau J.-J. (1776/1968). Rêveries du promeneur solitaire. Lausanne : Éd. Rencontre.
  • Sainsaulieu, R. (1977). L’identité au travail : les effets culturels de l’organisation. Paris : Les Pesses de la fondation Sciences Politiques.  
  • Schön, D. (1983). The Reflective Practitioner, How professionals think in Action. London : Temple Smith.
  • Touraine, A. (2007). Sociologie sans société. Dans M. Wieviorka, M. (dir), Les sciences sociales en mutation (pp. 25-37). Paris : éditions Sciences Humaines.
  • Van De Velde, C. (2015). Sociologie des âges de la vie. Paris : Armand Colin.
  • Vickers, N.  & Bolton, D. (2024). Being III:  On Sickness, Care and Abandonment. Reaction Books.  

Catégories


Dates

  • samedi 15 novembre 2025

Mots-clés

  • âges de la vie, expérience, formation, solidarité, dignité, inclusion

Contacts

  • Anne-Françoise Dequiré
    courriel : anne-francoise [dot] dequire [at] univ-lille [dot] fr
  • Léa Chabanel-Kahlik
    courriel : lea [dot] chabanel [at] gmail [dot] com
  • Corinne Baujard
    courriel : corinne [dot] baujard [at] univ-lille [dot] fr

Source de l'information

  • Léa Chabanel-Kahlik
    courriel : lea [dot] chabanel [at] gmail [dot] com

Licence

CC-BY-4.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons - Attribution 4.0 International - CC BY 4.0.

Pour citer cette annonce

Léa Chabanel-Kahlik, Corinne Baujard, « Expérience des âges de la vie et formation de soi », Appel à contribution, Calenda, Publié le mercredi 17 septembre 2025, https://doi.org/10.58079/14ohv

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