Les désirs dans les mondes de l'art
Tensions, dynamiques et reconfigurations
Published on Wednesday, October 15, 2025
Abstract
Le concept de « désirs », entendu au pluriel, permet d’analyser les dynamiques, tensions et contradictions qui traversent et contribuent à structurer les mondes de l’art. Loin d’être une pulsion naturelle, le désir se construit socialement à travers des récits culturels, des interactions et des représentations. Il prend plusieurs formes : aspirations créatives (créer, réussir, être reconnu), modalités de relations entre personnes (amour, sexualité, affects, séduction), attachements esthétiques (ce qui séduit dans les œuvres) et quête de désirabilité (être valorisé, reconnu comme légitime).
Announcement
Argumentaire
Ce numéro thématique explore les multiples dimensions du désir dans les mondes artistiques contemporains. L’objectif est de rassembler des recherches en sciences sociales qui analysent les relations entre désirs, pratiques et institutions artistiques.
Cet appel s’inscrit dans le renouveau de la sociologie culturelle de l’art (Hanquinet & Savage 2016) et dans les recherches récentes sur la matérialité, les affects et les conditions du travail artistique. Il dialogue avec les acquis de la sociologie francophone de l’art, qu’il s’agisse des travaux sur les professions artistiques (Freidson 1986 ; Menger 1989 ; Moulin 1983) ou des enquêtes sur les publics et les médiateurs (Bourdieu & Darbel 1966 ; Moulin 1967). Il intègre également les approches interactionnistes anglophones (Becker 1982 ; Becker et al. 2006) et les perspectives internationales (Bataille & Perrenoud 2021).
Le concept de « désirs », entendu au pluriel (Simon & Gagnon 1987), permet d’analyser les dynamiques, tensions et contradictions qui traversent et contribuent à structurer les mondes de l’art. Loin d’être une pulsion naturelle, le désir se construit socialement à travers des récits culturels, des interactions et des représentations. Il prend plusieurs formes : aspirations créatives (créer, réussir, être reconnu), modalités de relations entre personnes (amour, sexualité, affects, séduction), attachements esthétiques (ce qui séduit dans les œuvres) et quête de désirabilité (être valorisé, reconnu comme légitime). Il s’agit de comprendre comment le désir agit à la fois comme moteur de création, comme ressource professionnelle et comme vecteur possible d’inégalités et de violences (entre autres sexuelles, physiques, économiques, symboliques, psychologiques, etc.).
Les articles attendus questionneront également les normes qui définissent les corps désirés ou exclus, ainsi que les dispositifs qui visent à encadrer ces dynamiques.
Axes thématiques
1) Repenser le désir dans l’art
Nous vous invitons à revisiter la conception romantique de la création centrée sur l’individu créateur. Comment les artistes contemporains redéfinissent-ils les relations entre corps, affects et objets ? Cette approche propose de passer d’une « interrogation centrée sur le sujet-qui-crée » à une attention portée à l’art comme « agencements-de-création » (Nicolas-Le Strat 1999), où le désir émerge dans les interactions entre acteurs, matérialités et contextes.
Les pratiques issues de groupes minorisés ouvrent de nouveaux imaginaires de l’art et de l’artiste (Buscatto Leontsini & Naudier 2017 ; Sofio 2016). Ces transformations peuvent être analysées à travers la notion de production collective (Becker et al. 2006), les recherches récentes sur la matérialité culturelle (Acord & DeNora 2008 ; McDonnell 2023) et l’étude des affects et des émotions dans la culture (Wetherell 2012).
2) La désirabilité de la condition artistique
Il s’agira d’examiner la désirabilité de la condition artistique à l’heure où celle-ci fait l’objet de remises en question. Les inégalités sociales et genrées (Brook, O’Brien & Taylor 2020), ainsi que les violences révélées dans le sillage de #MeToo (Buscatto, Karttunen & Provansal 2025 ; Hennekam & Bennett 2017 ; Trachman 2018), ébranlent la vision idéalisée de la carrière artistique (Fabiani 1986).
Ces évolutions font éclater les tensions entre vocation (Moulin 1992 ; Sapiro 2007) et travail ordinaire (Buscatto 2015). Elles invitent à interroger l’attractivité des carrières artistiques, la force de la « cité inspirée » (Boltanski & Chiapello 1999) et la pertinence du « revenu psychique » (Menger 2009) ou du bonheur au travail (Sinigaglia 2013) comme justification de l’engagement artistique. Comment ces rétributions symboliques résistent-elles face aux difficultés matérielles et aux violences ? Ces débats se croisent avec les mutations des industries culturelles (McRobbie 2016 ; Benghozi et al. 2021 ; Lizé 2015) et questionnent les fondements traditionnels de l’engagement artistique (François 2004 ; Flanagan 2017).
3) Le travail avec le désir
Plus précisément, nous voulons travailler sur la production et la gestion du désir comme activité professionnelle. Cette dimension du travail artistique exige un investissement émotionnel qui brouille les frontières entre vie personnelle et vie professionnelle (Jouvenet 2007). Les contributions exploreront les rapports complexes entre création, séduction et domination qui caractérisent ces pratiques (Buscatto 2009 ; Ravet & Coulangeon 2003).
Les analyses du travail émotionnel (Hochschild 1983), des travailleurs du désir (Bernstein 2007 ; Brasseur & Finez 2020) et des recherches sur la gestion des émotions dans les industries créatives (Haynes & Marshall 2018 ; Hesmondhalgh & Baker 2013) offrent des cadres pour comprendre ces processus. Comment les artistes mobilisent-ils leur intimité comme ressource professionnelle ? Comment négocient-ils les tensions entre désir authentique et performance commerciale (Sorignet 2012) ? Comment gérer l’ambiguïté entre expression de soi et mise en scène calculée du désir ?
4) La construction des artistes désirables
Comment certains corps deviennent désirables dans les mondes de l’art, tandis que d’autres sont marginalisés ou exotisés ? Le corps des artistes est soumis à des normes de désirabilité influencées par le genre, la race, l’âge ou le handicap (Cervulle & Lécossais 2024 ; Naudier & Rollet 2007). Les recherches récentes sur les inégalités (Clette-Gakuba 2018 ; Hanquinet & Mascia 2025 ; Mazzocchetti 2023) et sur les normes professionnelles (Debonneville 2021 ; Despres 2014 ; Octobre & Patureau 2018) révèlent comment s’opèrent ces processus de sélection.
Les études sur la matérialité culturelle (McDonnell 2023) permettent de comprendre les corps comme des « objets culturels » inscrits dans des rapports de pouvoir, façonnés par les attentes du marché, des programmateurs et des publics. Cet axe invite à interroger : Quels corps sont valorisés dans quels contextes artistiques ? Comment les artistes dont les corps ne correspondent pas aux standards dominants négocient-ils ces normes ? Comment les conditions d’accès au travail (Pastor 2024 ; Provansal 2016) reproduisent-elles ou contestent-elles ces hiérarchies corporelles ?
5) Réguler les violences et redéfinir le consentement
Il s’agira de questionner les nouvelles formes de régulation qui émergent dans les mondes de l’art depuis #MeToo. Face aux violences sexistes et sexuelles révélées dans un univers longtemps protégé par le mythe de la liberté créatrice (Hennekam & Bennett 2017), des dispositifs institutionnels, juridiques et professionnels se mettent en place : coordinateurs·rices d’intimité dans le cinéma et le théâtre (Sørensen 2022 ; Zekri 2025), cellules de prévention, chartes professionnelles.
Cet axe invite à examiner les tensions entre créativité artistique, protection des personnes et encadrement institutionnel. Comment ces dispositifs transforment-ils les pratiques de travail ? Quelles résistances rencontrent-ils ? Comment s’articulent régulation formelle et arrangements informels ? Les contributions pourront analyser l’efficacité de ces mesures, leurs limites et les controverses qu’elles suscitent, notamment autour de la liberté de création.
Modalités de contribution
Les auteur.e.s souhaitant contribuer à ce dossier doivent envoyer leurs propositions d’article par courrier électronique : avant le 15 novembre 2025
Le tout doit être envoyé par email à : Pierre Brasseur et Emilie Garcia Guillen (direction du dossier) ET au secrétariat de rédaction de la revue.
- pierre.brasseur@ulb.be
- emilie.garcia.guillen@ulb.be
- ris@ulb.be
La proposition doit comprendre :
- un titre (même provisoire) de l’article,
- un résumé de 3000 à 5000 signes présentant la problématique et les objectifs, la description des objets d’étude et méthodes utilisées,
- 4 ou 5 mots-clés,
- 5 (maximum) références bibliographiques indicatives (cf. Guide de mise en forme en pièce jointe)
- l’axe de l’appel auquel l’article est lié (cf. Axes thématiques).
Il est également demandé aux auteur.e.s de joindre une page avec leurs coordonnées institutionnelles, à savoir, nom, prénom, statut, rattachement institutionnel, et adresse électronique.
Calendrier prévisionnel
- 1/03/2026 : V1 (article complet) à envoyer
- 15/09/2026 : V2 (article révisé après évaluations) à envoyer
- Février 2027 : publication du numéro
Les articles doivent respecter les éléments essentiels suivants :
- Originalité : les articles doivent être inédits, et ne doivent pas avoir été publiés ou être en cours d’évaluation dans une autre revue ou publication.
- Langue : les articles seront (sauf exception) rédigés en français.
- Longueur : deux types d’articles sont acceptés : des articles courts (entre 30 000 et 40 000 signes), et des articles plus longs (entre 50 000 et 60 000 signes). Le nombre limite des signes incluent les espaces, les notes de bas de page et la bibliographie.
Modalités d'évaluation
Double aveugle
Comité de rédaction
Direction : Maïté MASKENS & David PATERNOTTE (ULB)
Secrétariat : Olivier STIFT
Infographie et mise en page : Isabelle RENNESON
Membres du comité : Nawal Bensaïd, Pierre Brasseur, Fabrizio Cantelli, Mona Claro, Martin Deleixhe, Giovanni Esposito, Gilles Ferréol, Leila Fery, Asuncion Fresnoza-Flot, Émilie Garcia-Guillen, Mikaëla Le Meur, Carla Mascia, Geoffrey Pleyers, Patrick Vassort, Barbara Truffin, Olivia Vieujean.
Subjects
- Sociology (Main category)
- Mind and language > Representation > Cultural history
- Mind and language > Representation > History of art
- Society > Sociology > Sociology of culture
Date(s)
- Saturday, November 15, 2025
Keywords
- mondes de l'art, désirs, culture, travail artistique, création, représentations, matérialité
Contact(s)
- Pierre Brasseur
courriel : pierre [dot] brasseur [at] ulb [dot] be - Emilie Garcia Guillen
courriel : emilie [dot] garcia [dot] guillen [at] ulb [dot] be - secrétariat RIS
courriel : ris [at] ulb [dot] be
Reference Urls
Information source
- Isabelle Renneson
courriel : isabelle [dot] renneson [at] ulb [dot] be
License
This announcement is licensed under the terms of Creative Commons - Attribution 4.0 International - CC BY 4.0 .
To cite this announcement
Emilie Garcia Guillen, Pierre Brasseur, « Les désirs dans les mondes de l'art », Call for papers, Calenda, Published on Wednesday, October 15, 2025, https://doi.org/10.58079/14ym4

