Les recherches sur la longue histoire des luttes pour les droits des femmes d’Afrique au cours du XX^e siècle sont particulièrement foisonnantes. Toutefois, la littérature sur l’activisme des militantes africaines à l’échelle mondiale, ainsi que sur la manière dont leurs idées et leurs pratiques ont contribué à l’émergence des mouvements féministes internationaux, reste limitée. Cette journée d’étude, organisée par une équipe internationale, vise à encourager des collaborations afin de mettre l’accent sur les militantes africaines et leurs connexions globales. 

Argumentaire

Les recherches sur la longue histoire des luttes pour les droits des femmes d’Afrique au cours du 20e siècle sont particulièrement foisonnantes. Toutefois, la littérature sur l’activisme des militantes africaines à l’échelle mondiale, ainsi que sur la manière dont leurs idées et leurs pratiques ont contribué à l’émergence des mouvements féministes internationaux, reste limitée. Cette journée d’étude, organisée par une équipe internationale, vise à encourager des collaborations afin de mettre l’accent sur les militantes africaines et leurs connexions globales. En effet, leurs contributions sont largement ignorées en histoire globale et elles sont fréquemment exclues des analyses historiques qui explorent la manière dont les mouvements de femmes, les droits humains ou la géopolitique s’entrelacent tout au long du 20e siècle. En se centrant sur les rôles et les trajectoires de ces militantes, cette journée d’étude internationale se veut une plateforme pour explorer leur activisme global, et la manière dont elles ont forgé des réseaux féminins internationaux, enrichissant ainsi l’histoire et les théories de l’internationalisme noir, l’histoire globale des féminismes et du panafricanisme, l’histoire mondiale et l’histoire de l’Afrique, et celle de la pensée féministe du 20e siècle.

Plus spécifiquement, cette conférence propose d’analyser ce que signifiaient les relations internationales et transnationales entre des militantes africaines et des organisations internationales de femmes, depuis les années 1920 jusqu’à la décennie des Nations unies pour les femmes (1975-1985). Les travaux sur les féminismes transnationaux et l’engagement en faveur des droits des femmes ont souligné combien étudier les contributions des militantes du Sud Global permet d’étendre et d’approfondir non seulement notre compréhension des organisations féminines transnationales, mais aussi du déploiement de leurs combats contre les héritages coloniaux sur le long terme (Castledine 2012 ; De Haan et Jones 2013 ; Florvil 2017). Toutefois, à ce jour, la recherche académique a largement négligé les décennies cruciales allant des années 1920 aux années 1970, durant lesquelles, dans le monde entier, des militantes ont forgé des réseaux par-delà les frontières nationales.

Nous proposons de documenter la manière dont des militantes africaines se sont investies à l’échelle globale et ont contribué aux organisations internationales sur le temps long, façonnant et transformant ainsi le sens et le rôle des discours et de l’action politique en faveur des femmes. L’historiographie existante a déjà montré que des femmes d’origines diverses vivant en Europe ou en Amérique du Nord se sont impliquées dans une variété d’organisations globales militant pour que les femmes aient plus de droits sociaux, politiques, légaux ou économiques (Blain 2018 ; Boittin 2010 ; Hendricks 2022 ; Ohene-Nyako 2019 ; Taylor et Rupp 2002). Elles ont ainsi milité au sein d’une grande variété de structures, qu’elles soient mixtes (Fédération syndicale mondiale, Conseil œcuménique des églises, Conseil mondial de la paix, Fédération mondiale de la jeunesse démocratique, Croix Rouge…) ou non (Conseil international des femmes, Alliance internationale des femmes, Union chrétienne de jeunes filles, Fédération démocratique internationale des femmes…).

À partir de 1945, désireuses de consolider leur influence à l’échelle globale, ces organisations internationales se sont tournées vers les territoires sous domination coloniale, et singulièrement, vers l’Afrique (Armstrong 2024). L’historiographie récente a commencé à explorer la manière dont des Africaines se sont mobilisées en relation avec des femmes du monde entier au sein de ces organisations, sur une variété de sujets allant du colonialisme aux droits des femmes, en passant par les politiques sociales (Barthélémy 2022 ; Barthélémy et Panata 2023 ; Boittin et Couti 2023 ; Gradskova 2021 ; Kiazoulu 2020). Ces travaux ont révélé que, du point de vue des militantes africaines, cette collaboration permettait de mettre en avant leurs propres agendas politiques, défiant ainsi le féminisme impérial fondateur de nombre de mouvements internationaux de femmes.

Si des travaux existent, des recherches restent encore à mener sur ces thèmes. Cette journée d’étude propose donc de compléter les travaux précédents en termes de chronologie, d’organisation et d’échelle, afin d’élargir nos « cartographies des luttes » (Mohanty 2003, 43). Nous cherchons ainsi à rassembler des chercheur·ses travaillant sur les organisations mentionnées ci-dessus afin d’éclairer leurs rivalités et leurs antagonismes sur le continent africain, ainsi que la position complexe des Africaines qui naviguaient entre ces influences concurrentielles. Ainsi, nous proposons de contribuer à l’histoire des féminismes africains sur la longue durée, mais aussi à approfondir notre compréhension de la diversité des féminismes dans le monde. Nous visons ainsi à créer, au travers de cette journée d’étude, un réseau de chercheur·ses dont le travail se concentre sur ces questions, et à encourager les collaborations entre eux·elles.

Afin d’interroger ensemble ces différentes questions, les contributions pourront porter sur les thèmes suivants :

1. Militantes africaines au sein des réseaux internationaux

Les contributions pourront explorer les trajectoires de militantes africaines et la manière dont elles ont interagi avec des organisations internationales. En se concentrant sur leurs mobilités (aussi bien entre plusieurs pays qu’au sein des réseaux internationaux), nous souhaitons documenter la manière dont ces femmes ont articulé leurs connexions à ces réseaux internationaux. Quelles dynamiques locales, nationales et impériales étaient en jeu ? Comment ont-elles surmonté les obstacles financiers, juridiques ou politiques pour pénétrer ces réseaux internationaux ?

2. Visions alternatives d’un monde global : idées, débats et productions intellectuelles

Nous attendons des contributions qui analysent le contenu des productions discursives et intellectuelles des militantes africaines vis-à-vis d’organisations nationales dominées par des hommes et d’organisations internationales dominées par des femmes occidentales. Quelles idées ont-elles véhiculées à l’échelle internationale ? Quels étaient les supports matériels de leurs débats et de leurs luttes : la presse, mais aussi les slogans, la littérature ou la musique ? Avaient-elles un impact sur les agendas et les répertoires d’action internationaux ?

3. Militantes, circulations globales et mouvements nationaux

Les propositions pourront interroger la manière dont les militantes ont visibilisé leurs revendications dans leurs propres pays. Alors que les appels à l’indépendance, à la construction nationale et à l’unité nationale éclipsaient fréquemment les luttes féministes, comment les militantes africaines se sont-elles positionnées dans les années 1960-1970 ? Quelles ont été leurs prises de positions vis-à-vis des mouvements sociaux locaux ? Les effets-retour de l’internationalisme au féminin à l’échelle nationale sont encore largement méconnus. Ces rencontres internationales ont-elles conduit ces militantes à promouvoir des réformes ou des combats spécifiques dans leurs propres pays ?

Nous invitons à proposer des contributions sur l’une ou l’autre de ces thématiques, ou qui combinent ces différents thèmes. Les propositions qui s’appuient sur des fonds d’archive méconnus et qui adoptent des approches interdisciplinaires, s’appuyant sur l’histoire, la littérature, les sciences politiques, l’anthropologie et la sociologie, sont encouragées.

Modalités de contribution

La conférence aura lieu à Dakar, Sénégal, du 15 au 17 juin 2026. Les propositions (en anglais ou en français) devront inclure un résumé de 200 mots, le titre de la communication, le nom de l’auteur·trice, son affiliation institutionnelle, son adresse email et un CV de deux pages comprenant les principales publications. L’ensemble doit être rassemblé dans un document unique, idéalement Word.

Les propositions doivent être envoyées à l’adresse suivante : africanwomendakar2026@gmail.com

Date butoir d’envoi des propositions : 1er décembre 2025. 

Les notifications d’acceptation des propositions seront envoyées le 10 janvier 2026.

Une fois les articles acceptés, nous demandons aux participant·e·s de soumettre leur article complet avant le 15 avril 2026.

Des fonds limités sont disponibles pour financer le logement et le voyage des participant·e·s, Veuillez indiquer dans votre proposition si vous avez besoin d’un soutien. Les participant·e·s auront lu les articles avant la journée d’étude. Nous anticipons la publication des articles dans le cadre d’un numéro spécial de revue académique.

Organisateur·trices de la journée d’étude

• Pascale Barthélémy, École des hautes études en sciences sociales (EHESS), Institut des mondes africains.
• Omar Gueye, Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
• Rachel Jean-Baptiste, Stanford University.
• Claire Nicolas, Université de Bâle.
• Sara Panata, Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Les Afriques dans le Monde.
• Fatoumata Seck, Stanford University.