Les ateliers de l’école doctorale d’Histoire de la Sorbonne (ED 113) permettent à des jeunes chercheur·es, doctorant·es ou docteur·es de communiquer et de présenter leur travaux lors de sessions en demi-journées. Cette année, la session du 14 février 2026 porte sur les pratiques alimentaires de l’Antiquité à aujourd'hui. Elle doit permettre d’interroger non seulement l’historicité d’habitudes et de pratiques alimentaires, mais également analyser sur le temps long l’évolution des imaginaires et des manières de faire à manger, et du bien/mal manger, à travers les âges.

Argumentaire

La question des pratiques à la fois alimentaires mais également d’approvisionnement et de consommation dans les sociétés est une manière originale d’aborder les problématiques contemporaines. Ces recherches s’incluent à la fois dans des questionnements plus anciens¹, propres à une histoire épistémologique de l’étude des comportements alimentaires, mais s’insère aussi dans une réflexion scientifique très récente² . Le lien tracé entre ces deux champs regroupe alors un camaïeu particulièrement intéressant de comportements, et notamment quant aux représentations à la fois mentales et sociales du fait alimentaire. Celles-ci peuvent se décliner à la fois dans les façons de consommer, donc, de commercer mais également de se représenter l’usage de la nourriture dans les cultures mondiales. Ce point de vue permet également de se figurer la manière dont les classes sociales³ et les richesses influent ou non sur les attitudes alimentaires, et sur les comportements gustatifs. La place de la pauvreté⁴ dans ces questionnements permet d’interroger de manière décentrée non plus la profusion et la multiplicité des connaissances alimentaires, mais l’adaptation et la prise en compte de difficultés dans l’approvisionnement et la gestion des risques de famine⁵ . La question du goût également permet d’amorcer la réflexion sur le thème du « bon » ou du « bien manger » et notamment de la subjectivité de la chose aimée. Celle-ci se décline à la fois le long d’une histoire des sensibilités à renouveler⁶, et de réflexions concernant l’objet de cuisine et la praticité⁷, la quotidienneté du faire à manger⁸. Il convient dans cet atelier de décentrer le point de vue, à la fois hors de la capitale⁹, mais également hors des frontières européennes et des repères chronologiques contemporains. La transmission du goût et de son évaluation passe nécessairement par un apprentissage séculaire, au plus près des traditions orales et littéraires.

Cette volonté des Ateliers de l’École Doctorale de se confronter à la diversité des époques historiques s’inscrit très précisément dans ce thème de recherche, et notamment par ses dimensions multiples, mondiales et allant au-delà des barrières de langage. Il sera opportun de mettre en perspective les questions gustatives et les pratiques qui les accompagnent : si la perception et la modification de ce que l’on aime passe par un ensemble de sensibilités diverses, elle s’articule également autour de conventions sociales et/ou familiales¹⁰. Ainsi, la façon d’appréhender le transculturalisme du goût, son caractère multimodal¹¹, permet une interrogation plus large des canevas historiques sur lesquels il s’appuie. L’histoire des techniques, de la fabrication et la consommation pratique, concrète des aliments nous donne également l’occasion d’interroger au-delà des textes et sources littéraires une véritable histoire du geste, de l’assiette à la bouche. Faire l’histoire de ces gestes c’est aussi interroger la transmission du mouvement et des codes sociaux matériels régentant les cercles et groupes sociaux¹². Cette historicité de « l’acte alimentaire¹³ », également à renouveler, est donc au cœur de notre réflexion et notamment quant à l’éducation à l’alimentation, et aux dimensions genrées de cette éducation. Comment et par qui apprend-on, aime-t-on manger ? 

Comment se met-on en contact avec une culture du « bien manger » et d’un renouveau culinaire ?¹⁴ Enfin, comment s’habitue-on à un goût, à un circuit toujours renouvelé d’achat, de consommation et de distribution d’aliments ?

Notre Atelier tend alors à se structurer autour de trois axes obligatoires mais non nécessairement cumulables :

• Axe 1 : Boire et manger : un ensemble de techniques
• Axe 2 : Pratiques alimentaires et goût : le transculturalisme
• Axe 3 : Genre, alimentation et cuisine : une histoire de représentations

Il conviendra alors d’interroger, au fil des époques historiques pouvant être les plus éloignées possibles, l’invention et l’évolution d’une histoire du goût et de l’alimentation au cœur de problématiques à la fois genrées et fortement ancrées dans la matérialité.

Modalités de contribution

Les propositions de communication, d’environ 300 mots, doivent s’accompagner d’une notice biographique et de l’affiliation universitaire. Merci d’envoyer vos réponses à atelierdoctoral2026paris1@gmail.com avant le 23 décembre 2025.

L’Atelier de l’École Doctorale d’Histoire de Paris 1 Panthéon Sorbonne se tiendra sur une demi-journée le 14 février 2025.

Comité scientifique

• FUDALY Charlène, doctorante contractuelle au SIRICE, École Doctorale d’Histoire, Paris 1 Panthéon Sorbonne.
• PEUCH Loan, doctorant au Centre d’Histoire du XIXe siècle, École Doctorale d’Histoire, Paris 1 Panthéon Sorbonne

Références citées

1 HAZIZA Typhaine, « Alimentation et identité(s) : de l’Antiquité à l’étude du fait alimentaire contemporain, un rapprochement heuristique », Kentron, 35, 2019, pp. 17-48.

2 Nous mentionnons ici le colloque Food History & Food Studies qui se tiendra en juin 2026 à Tours.

3 TURNER Katherine L., How the Other Half Ate : A History of Working-Class Meals at the Turn of the Century, Berkeley, University of California Press, 2014.

4 BONNEAU Michel, La Table des pauvres. Cuisiner dans les villes et cités universelles, 1780-1950, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013.

5 BUELTZINGSLOEWEN Isabelle (von) (dir.), « Morts d’inanition » : famines et exclusions en France sous l’Occupation, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2005.

6 ARON Jean-Paul, Essai sur la sensibilité alimentaire à Paris au XIXème siècle, Paris, Armand Colin, 1967.

7 GRATALOUP Christian, Le Monde dans nos tasses. Trois siècles de petit déjeuner, Malakoff, Armand Colin, 2017.

8 GRAFF Sarah R., « Archaeology of Cuisine and Cooking », Annual Review of Anthropology, vol. 49, 2020, en ligne, https://doi.org/10.1146/annurev-anthro-102317-045734

9 RAMBOURG Patrick, Histoire du Paris gastronomique - Du Moyen Age à nos jours, Paris, Perrin, 2023.

10 DEVAULT Marjorie L., Feeding the Family : the Social Organization of Caring as Gendered Work, Chicago, University of Chicago press, 1991.

11 TRENTMANN Frank, Empire of Things : How We Became a World of Consumers, from the Fifteenth Century to the Twenty-First, Londres, Penguin Books, 2016.

12 BELANGER Catherine, BRAYET Aurélie, « Le geste technique culinaire : essai d’une cartographie historique », e-Phaïstos 05 avril 2022.

13 STEINMETZ, Rudy, « Conceptions du corps à travers l’acte Alimentaire aux XVIIe et XVIIIe Siècles », Revue d’histoire Moderne et Contemporaine, vol. 35, n° 1, 1988, pp. 3–35.

14 ALEIDA-TAPOR Hélène (d’), Le Goût de l’étranger : les saveurs venues d’ailleurs depuis la fin du XVIIIème siècle, Paris, Armand Colin, 2005.