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L’individualité, objet problématique des sciences humaines et sociales

Appel à contribution du cinquième numéro de la revue ¿Interrogations?

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Published on Tuesday, March 27, 2007

Abstract

L’individu, l’individualité, l’individualisation peuvent-ils constituer un objet des sciences sociales ? Quel concept de l’individualité faut-il se donner et, plus largement, à quel type de théorie sociale faut-il l’adosser, pour être capable d’ériger l’individualité en objet des sciences sociales, sans dommage majeur ni pour l’individualité (sa singularité) ni pour les dites sciences (les exigences fondamentales de généralité et de nécessité de toute connaissance) ? Telles sont les questions centrales du nouvel appel à contribution de la revue ¿Interrogations?. Par ailleurs, en plus des articles répondant à cet appel, la revue accueille toujours des articles pour ses autres rubriques, articles qui peuvent traiter d’un tout autre thème que celui de l’individualité constitué en objet problématique des SHS.

Announcement

L’individu, l’individualité, l’individualisation peuvent-ils constituer un objet des sciences sociales ? La question est au moins aussi vieille que ces dernières ; et les discussions sur leur nature nécessairement nomologique ou leur possible orientation idiothétique sont récurrentes tout au long de leur histoire. Elles se trouvent relancées par le fait que l’individu ou l’individualité tend aujourd’hui à devenir l’objet par excellence voire l’objet exclusif de certaines sciences sociales, et notamment de la sociologie. On ne compte plus les auteurs qui se sont engagés dans cette voie au cours des dernières années.

En fait, la question est bien antérieure à la constitution des sciences sociales elles-mêmes. Elle a hanté la philosophie depuis ses origines. Durant des siècles, celle-ci s’en est tenue à la sentence aristotélicienne : il ne peut y avoir de connaissance que du genre et du général, pour exclure la singularité individuelle de son champ. En plein cœur du Moyen Age, cependant, la querelle des universaux annonçait déjà un renversement possible d’attitude qui deviendra effective avec la ‘révolution cartésienne’, centrant dès lors la philosophie occidentale sur la conscience individuelle comme source et principe, sinon objet, de toute connaissance. Une voie dont elle ne s’est guère écartée depuis, même si cette voie s’est diversement infléchie au cours des siècles et au gré des courants et des écoles.

Au demeurant, l’interdit aristotélicien pouvait se tourner aisément. Car, pour les sciences du moins, il s’agit moins de déterminer si tel individu est connaissable dans sa singularité individuelle (il l’est manifestement dans une certaine mesure au moins et la psychologie compréhensive en apporte la preuve) que de déterminer s’il est possible de connaître l’individu… en général. Toute la question étant bien de savoir si une telle proposition constitue autre chose ou plus qu’un oxymore : si la contradiction dans les termes qu’elle recèle peut se résoudre et à quelles conditions.

Les mésaventures de l’individualisme méthodologique sont là pour nous alerter sur les difficultés de l’entreprise. Voici une orientation épistémologique, importante notamment en sociologie et plus encore en économie, qui entend ériger l’individualité en principe de toute connaissance de la réalité sociale et qui est, du coup, conduite à réduire l’individualité à très peu : un être exclusivement préoccupé de sa propre personne (de son intérêt singulier) et parfaitement rationnel (au sens de la rationalité instrumentale ou de « l’activité rationnelle par finalité » pour parler comme Max Weber). Bref une vraie caricature au regard des individualités réellement existantes et agissantes. Ce n’est pas la moindre contradiction du fétichisme de l’individualité dont procède l’individualisme méthodologique que de nous proposer une telle caricature de l’individualité comme objet et principe de connaissance. En quoi la précédente sentence aristotélicienne doit au moins avoir valeur de mise en garde : à ne pas comprendre qu’il y a quelque chose de contradictoire dans le projet de connaître l’individualité, de subsumer une réalité singulière sous des concepts nécessairement généraux, on se condamne à être victime de la dite contradiction en prenant, par exemple, pour la réalité individuelle ce qui n’en est, au mieux, qu’un modèle général, en somme une modélisation idéal-typique nécessairement réductrice.

Qui ne veut pas renoncer pour autant au projet de connaître l’individualité doit donc s’efforcer de définir clairement à quelles conditions la précédente contradiction peut être levée : conditions de méthode (comment approcher l’individualité dans ses déterminations générales ?), conditions de concept (à partir de quels concepts la penser ?), conditions de paradigme (dans quels cadres théoriques généraux construire ces approches et ces concepts ?). Formulée dans toute sa radicalité la question est donc la suivante : quel concept de l’individualité faut-il se donner et, plus largement, à quel type de théorie sociale faut-il l’adosser, pour être capable d’ériger l’individualité en objet des sciences sociales, sans dommage majeur ni pour l’individualité (sa singularité) ni pour les dites sciences (les exigences fondamentales de généralité et de nécessité de toute connaissance) ?

Sous ce rapport, il conviendrait notamment de s’interroger sur la valeur du concept d’identité qui sert actuellement de point de ralliement et de carrefour à la plupart des tentatives se proposant d’ériger l’individualité en objet des sciences sociales. En effet, comme en témoigne là encore le lourd héritage philosophique de ce concept, celui-ci incite presque toujours à substantifier la réalité à laquelle on l’applique. Il n’est pas certain que les différents tenants de ce concept dans le domaine des sciences sociales et humaines (ethnologie, sociologie, psychologie) aient toujours su éviter ce piège en utilisant ce concept pour penser l’individualité, en dépit de leurs déclarations contraires visant à présenter l’identité individuelle comme un produit, produit d’une histoire (sa trajectoire existentielle), celui des relations de l’individu avec ses semblables, de son insertion dans différents groupes d’appartenance ou de référence, de son inscription dans le champ des possibles historiques ouverts par le devenir de la société globale, etc. Dès lors, il conviendrait d’être attentif aux autres concepts, différents et rivaux de celui d’identité, à partir de laquelle la réalité individuelle a pu être approchée par les sciences sociales.

Au-delà de la question des conditions de possibilité d’une connaissance scientifique de la réalité individuelle, l’engouement actuel des sciences sociales pour cette dernière pose encore un autre type de questions. Pourquoi cet engouement ? Et pourquoi ici et maintenant ? Comment expliquer ce phénomène qui ne saurait se réduire à un effet de mode ? Et, au demeurant, la mode elle-même demande à être expliquée.

S’agit-il d’un effet de champ ou, plus exactement, des différents champs (sociologique, historique, philosophique, etc.) dans lesquels peut s’observer cet engouement ? Celui-ci s’explique-t-il par les positions institutionnelles acquises (conquises) dans ces champs respectifs par les tenants et partisans de certaines orientations épistémologiques ou théoriques ? Et si oui, quels sont ces tenants ? Et comment sont-ils parvenus à conquérir les positions hégémoniques qu’ils occupent actuellement dans leur champ respectif ?

Au-delà de ces effets de champ, toujours conjoncturels, faut-il au contraire accorder à leurs orientations une supériorité intrinsèque qui aurait fini par faire consensus au sein de leur champ ? Auquel cas, leur triomphe risque d’être plus durable, voire définitif. Et si oui, à quoi tient cette supériorité ? Comme l’expliquer ? Et pourquoi n’a-t-elle fini par s’imposer que récemment ?

Ou, inversement, faut-il chercher les raisons de cet engouement scientifique pour l’individualité dans des processus d’une autre nature, englobant l’ensemble des champs scientifiques ? Par exemple dans la diffusion, depuis un petit quart de siècle, de cette culture se déclarant postmoderne qui entend dissoudre l’Histoire collective dans les histoires individuelles, qui proclame « la fin des grands récits » (Lyotard) pour mieux inciter chacun à y aller du sien, qui déclare que toute vérité n’est qu’affaire de point de vue et que chacun peut légitimement avoir le sien. Y aurait-il un rapport entre cette culture faisant de l’individualité l’alpha et l’oméga de tout discours et l’élection de l’individualité comme objet privilégié voire exclusif dans les sciences sociales ?  Quelles que soit les réponses que l’on se propose d’y apporter, ces questions apparaissent comme inévitables dans la perspective ouverte par la problématique qui nous intéresse ici.

Faisons un pas de plus. Il y aurait lieu de s’interroger sur les transformations voire la mutation qui s’est accomplie au cours de ces dernières décennies, dans les sociétés occidentales, quant à la situation qu’elles font à l’individualité et quant au type d’individualité qu’elle génère. Si l’individualisme au sens de la production d’un individualité non seulement capable d’autonomie d’action et de réflexion mais ayant aussi tendance, sur cette base, à s’ériger en centre privilégié de son existence, ne date certes pas d’aujourd’hui en Occident, les signes s’amoncèlent dans la société occidentale contemporaine pour y diagnostiquer la formation d’une individualité non seulement autonome et autocentrée mais littéralement autoréférentielle. Serait-il excessif d’établir un rapport entre cette dernière et l’engouement des sciences sociales actuellement pour l’individualité ? C’est là également une question sur laquelle la revue aimerait voir s’exprimer les contributeurs.

 

 

Toute proposition d’article devra être adressée au coordinateur de la revue, coordinateur@revue-interrogations.org, avant le 30 juin 2007, délai de rigueur après lequel aucune participation ne sera acceptée pour ce dossier thématique. Les propositions d’articles devront être rédigées aux normes de la revue, normes présentées sur le site d’¿ Interrogations ? : www.revue-interrogations.org

 

 

Par ailleurs, en plus des articles répondant à l’appel à contributions précédent, le prochain numéro de la revue ¿ Interrogations ? accueillera volontiers, comme les précédents, des articles pour ses autres rubriques, articles qui ne se proposent pas de répondre à cet appel et qui peuvent par conséquent traiter d’un tout autre thème que celui de l’oubli. Pour cette même raison, ces articles ne sont soumis à aucun délai quant à leur réception.

◙ La rubrique « Des travaux et des jours » est destinée à des articles présentant des recherches en cours dans lesquelles l’auteur met l’accent sur la problématique, les hypothèses, le caractère exploratoire de sa démarche davantage que sur l’expérimentation et les conclusions de son étude (cette partie étant ainsi propice à la présentation des thèses de doctorat). Ces articles ne doivent pas dépasser 20 000 signes.

◙ La rubrique « Fiches techniques » est destinée à des articles abordant des questions d’ordre méthodologiques (sur l’entretien, la recherche documentaire, la position du chercheur dans l’enquête, etc.) ou théoriques (présentant des concepts, des paradigmes, des écoles de pensée, etc.) dans une visée pédagogique. Ces articles ne doivent pas non plus dépasser 20 000 signes.

◙ Enfin, la dernière partie de la revue recueille des « Notes de lecture » dans lesquelles un ouvrage peut être présenté de manière synthétique mais aussi vivement critiqué, la note pouvant ainsi constituer un coup de cœur ou, au contraire, un coup de gueule ! Elle peut aller jusqu’à 10 000 signes.

Le comité de rédaction

Subjects

Places

  • Web

Date(s)

  • Saturday, June 30, 2007

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Contact(s)

  • Gilles Vieille-Marchiset
    courriel : coordinateur [at] revue-interrogations [dot] org

Reference Urls

Information source

  • Pascal Fugier
    courriel : pascal [dot] fugier [at] u-cergy [dot] fr

License

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To cite this announcement

« L’individualité, objet problématique des sciences humaines et sociales », Call for papers, Calenda, Published on Tuesday, March 27, 2007, https://doi.org/10.58079/bfg

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