HomeGéographie et développement : actions et discours
Published on Tuesday, July 03, 2007
Abstract
Announcement
3G Acte 3
Géographie et développement : actions et discours
UMR ADES (Aménagement, développement, environnement, santé et sociétés)
Colloque des 21-23 mai 2008
Appel à communications (date limite: 30 octobre 2007)
Si la géographie de l’exploration, et dans son sillage la géographie coloniale, ne semblent pas avoir constitué de matrice disciplinaire étanche, voire autonome, et se sont fondées sur une sorte de complémentarité d’approches et de regards, sans nul doute ont-elles participé, avec les autres disciplines émergentes (anthropologie, géologie, pédologie, etc.), à la mise en œuvre et favorisé l’hégémonie de l’idéologie impérialiste qui a animé l’Occident et, entre autres, la France. Si la géographie d’exploration a participé à la connaissance de nouveaux espaces, la géographie coloniale s’est fondée bien plus par un investissement de type « aménagiste », diagnostiquant des situations, proposant des solutions fondées sur la raison occidentale du développement et suivant « sur le terrain » les projets qui étaient liés.
La géographie tropicale, quant à elle, fit acte de naissance dans une période trouble et indécise se situant à la charnière de l’ère coloniale moribonde et de l’émergence d’une période de décolonisation se fondant sur une nouvelle conception de l’émancipation des peuples et des territoires. Son avènement et son développement, en s’opérant sans conflits ouverts, sans prises de position politique fortes, sans chefs de file clairement identifiés, sans texte(s) fondateur(s), ont permis que se développe dans le temps un sens commun disciplinaire selon lequel elle serait la logique et pleine héritière de la géographie coloniale, faisant finalement d’elle un champ d’expérimentation néo-colonial.
Il s’est toutefois installé une différence entre la continuation d’une géographie de commande et de remplissage, purement descriptive, et une géographie de recherche qui, sous l’étiquette tropicale, proposait tout autre chose que l’inventaire, c’est-à-dire une vraie réflexion culturelle et politique sur la colonisation et ses effets, tout autant que sur la variété des voies de développement.
Or, même si à certains égards la critique peut être acceptée, la mesure et le discernement s’imposent. En effet, malgré l’hétérogénéité même des géographes la composant, ne serait-ce que par leurs choix politiques personnels, la multiplicité des terrains choisis, l’éclectisme des regards portés, des réseaux et des alliances sollicités, un faisceau de convergences affinitaires s’est développé progressivement. Sans fonder sa légitimité, comme la géographie coloniale, sur le principe de l’action, cette géographie de la seconde moitié du 20ème siècle a donné l’opportunité à ses géographes d’être les chroniqueurs des mondes tropicaux montrant les limites de la rationalité occidentale à expliquer et à analyser le monde dans sa variété spatiale et sociétale.
Le trouble qu’a pu susciter l’apparent désordre des analyses géographiques (que le « fameux » plan à tiroir tentait de masquer) semble aujourd’hui, à la faveur du processus de mondialisation, se dissoudre. En France, c’est à Y. Lacoste que revient la première manifestation discursive et académique de ce que l’on appelle la géographie du développement. Sous la bannière des nouvelles façons de concevoir le monde et se ralliant au concept flottant de développement et, mieux encore, de développement durable, les géographes retrouvent aujourd’hui une légitimité nouvelle, une sorte de virginité, pour intervenir dans les pays qui de tropicaux deviennent « du sud », « émergents », « en voie de développement » ou encore « pauvres ». Peut-on y voir une volonté de faire table rase du passé, une sorte d’oubli implicite d’un héritage pensé comme honteux, qui cacherait en creux des liens et des alliances tant conceptuelles que méthodologiques avec une géographie de l’Ailleurs plus ancienne, ou au contraire l’émergence d’un champ disciplinaire neuf et à construire ? Les deux ne se rejoignent-ils pas ?
Pour ces journées d’étude, qui auront lieu les 21 et 23 mai 2008 à Bordeaux, nous nous donnons pour objectif de répondre aux questions suivantes :
1. Quels sont les fondements scientifiques (et idéologiques) de la géographie du développement ? Etait-ce conjoncturel ?
En publiant, en 1965, la première édition de sa Géographie du sous-développement, Yves Lacoste concrétisait – peut-être ? – la rupture avec la géographie tropicale. En tout état de cause, le mouvement intellectuel et scientifique ainsi initié s’inscrivait dans une démarche idéologique puisqu’il partait du principe que la lutte contre le « sous-développement » était une arme pour les Etats-Unis dans leur lutte contre le communisme.
Cependant, cette proposition semble ne pas avoir été largement suivie par les géographes français, et, selon Hervé Théry, ne s’est manifestée que « par la petite querelle […] entre tropicalistes et tiers-mondistes »[1].
Nous sommes ici au cœur de notre débat, et s’il est inopportun de revenir sur des querelles de chapelle, nous proposons d’en relire les traces comme autant d’éléments ayant peut-être initié un tournant épistémologique, qu’il est peut-être pertinent de dévoiler aujourd’hui.
2. S’agissait-il vraiment d’une volonté de rupture avec la géographie coloniale et la géographie tropicale ? La géographie du développement n’a-t-elle pas été ou n’est-elle pas, à son corps défendant, néocoloniale ?
Une relecture dépassionnée des textes de Pierre Gourou (et de quelques autres) attire l’attention sur un élément qui avait parfois été perdu de vue, tant pour les géographes que pour certains administrateurs coloniaux : la volonté réelle d’être « utile » et de sortir les populations concernées du « sous-développement ». Ainsi, en marge des orientations nouvelles de géographie dite appliquée ou active, avons-nous vu apparaître chez des géographes de véritables contributions à des programmes de « développement », sous couvert desquelles les auteurs manifestaient encore, de façon inconsciente car parfaitement intériorisée, une croyance en la suprématie du modèle occidental et de ses vertus civilisatrices.
Mais alors, que fallait-il « faire » ? Ou bien la géographie universitaire est-elle condamnée à « dire » sans jamais « faire » ? Nous sommes en fin de compte au point d’expertiser l’expertise en nous donnant pour nécessaire la séparation épistémologique, avec d’un côté ce qui pourrait relever de l’épistémologie historique et d’un autre ce qui relèverait de l’épistémologie rationaliste. Entre les deux il y a l’éthique qui pose problème et cette question devient de plus en plus visible au-dessus de la posture politique.
3. Géographie de quel « développement » ? Y a-t-il des géographes altermondialistes ?
En définissant par défaut le « développement » comme étant « une situation historique […] caractérisée par une croissance économique plus rapide que la croissance démographique »[2], les géographes du développement entraient – peut-être ? – non seulement dans le débat du malthusianisme mais aussi dans celui du lien entre la croissance et le développement.
La géographie française a sans doute montré à cette occasion ses limites en matière d’économie. Actuellement, il s’agit néanmoins de savoir comment elle appréhende la question du développement, du développement durable, de l’alterdéveloppement, et comment les géographes s’y engagent. Retour à la géographie appliquée/active, ou repli sur la théorie/idéologie ?
4. En fin de compte, filiation ou non ? Et la géographie française n’aurait-elle pas raté le train des « Postcolonial Studies » ?
L’hypothèse de départ, selon laquelle la géographie coloniale s’est transformée en géographie tropicale puis en géographie du développement, a déjà été sérieusement écornée par l’Acte 2 du débat (janvier 2007). Sera-t-elle complètement obsolète à l’issue de l’Acte 3 ?
Le moment est alors peut-être venu de se pencher sur cette exception française qui a imposé un éclairage essentiellement historique – et parfois culpabilisateur – aux études postcoloniales, alors que les Anglo-Saxons ont choisi une démarche pluridisciplinaire et se sont placés au-delà du contexte colonialiste[3]. Ont-ils connu les mêmes controverses ?
Le fil conducteur pourrait être cette expertise qui, en matière de développement, comprend justement le rapport de pouvoir que des savants entretiennent avec des sociétés ou leurs « mandataires », depuis l’époque coloniale à aujourd’hui, pour ce qui concerne nos « ailleurs tropicaux ex-colonisés », en attente d’une mondialisation qui les sortirait de l’abyme.
[1] BRUNET (Roger), FERRAS (Robert), THERY (Hervé), Les mots de la géographie. Dictionnaire critique. Reclus, La Documentation Française, 518 p., p. 157.
[2] LACOSTE (Yves), 2003, De la géopolitique aux paysages. Dictionnaire de la géographie. A. Colin, 413 p., p. 123.
[3] BHABHA (Homi K.), 2007, Les lieux de la culture. Une théorie postcoloniale. Payot, 416 p.
Le comité scientifique est composé de :
- C. Bouquet : bouquet@u-bordeaux3.fr
- H. Velasco-Graciet : helene.velasco@u-bordeaux3.fr
- F. Bart : fbart@ades.cnrs.fr
- B. Calas : fracasses@wanadoo.fr
- P. Singaravelou : pierre.singaravelou@gmail.com
- D. Retaillé Denis : Denis.Retaille@univ-rouen.fr
- S. Brunel : sylviebrunel26@wanadoo.fr
Le colloque est prévu pour les 21-23 mai 2008
Les résumés sont attendus pour le 30 octobre dernier délai
Proposition à transmettre par mail aux membres du comité scientifique
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Courriel :
Intitulé de la question dans laquelle entre votre proposition
Subjects
Places
- Bordeaux, France
Date(s)
- Tuesday, October 30, 2007
Keywords
- géographie du développement, épistémologie
Contact(s)
- Hélène Velasco-Graciet
courriel : helene [dot] velasco [at] u-bordeaux3 [dot] fr
Reference Urls
Information source
- Marie-José Claverie
courriel : mj [dot] claverie [at] ades [dot] cnrs [dot] fr
License
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To cite this announcement
« Géographie et développement : actions et discours », Call for papers, Calenda, Published on Tuesday, July 03, 2007, https://doi.org/10.58079/boq