HomeMémoires, justice et sciences sociales
Published on Friday, October 17, 2008
Abstract
Announcement
Le cycle se structurera en huit « Thématiques »:
« Sciences sociales, mémoire et justice » (7 janvier 2009).
« Sciences humaines et entreprises » (Févr. 2009)
« Sciences humaines, réformes sociales et politiques publiques » (Mars 2009)
« Sciences humaines et création artistique » (Mai 2009)
« Des usages publics de la géographie » (Oct.-Nov. 2009)
« Economie et politique » (Déc. 2009)
« Les sciences humaines, leur diffusion, leurs médiations » (Février 2010)
« Recherche et Enseignement des sciences humaines » (Mars 2010)
Chaque Thématique regroupera une dizaine de communications ainsi que deux ou trois tables rondes. Les communications, d’une durée moyenne d’une demi-heure, seront suivies d’une table ronde d’une demi-heure également, animée par l’un des membres du comité de rédaction de la revue Tracés.
INTRODUCTION
L’interrogation sur l’utilité des sciences humaines n’a en elle-même rien de neuf. Mais le temps où le chercheur se définissait par une méthode qui le détachait du « sens commun », le temps où les débouchés institutionnels étaient stables, et où le chercheur était assuré, par son mérite, d’avoir un poste à l’Université et/ou dans un laboratoire de recherches, ce temps semble fragilisé.
Parallèlement à cette évolution à la fois épistémologique et institutionnelle, nous percevons aujourd’hui une contradiction dans les discours (politiques notamment) portés sur les sciences humaines. D’un côté, elles seraient des « sciences inutiles », qu’il vaudrait mieux, au lycée du moins, remplacer par la gestion et l’informatique, ou pis des sciences dangereuses qui, en tâchant de comprendre les phénomènes sociaux, contribueraient à excuser les comportements moralement scandaleux (la délinquance sexuelle par exemple). De l’autre pourtant, la demande sociale de production de ces savoirs n’a jamais été aussi forte, que ce soit de la part de ceux-là mêmes qui en dénoncent l’inutilité et la dangerosité morale, ou de la part des associations, des entrepreneurs, des militants, des artistes, des organisations internationales.
La réussite des cabinets de conseils, la multiplication des divers observatoires publics (nationaux, régionaux ou municipaux) ou associatifs (l’Observatoire International des Prisons), la floraison des directions d’études économiques internes aux entreprises, le développement des « recherches-actions » (où la recherche menée a une visée d’amélioration locale d’une pratique) et des sociologues « professionnels », tendent à prouver l’utilité des sciences humaines. Autrement dit, d’un strict point de vue économique, il existe bel et bien une « demande » !
Mais la coopération « marchande » entre sciences humaines et domaines d’activité non universitaires ne résume pas le champ des articulations possibles entre chercheurs en sciences humaines et autres mondes professionnels, au contraire : d’autres publics que les entreprises, à l’instar des associations, des pouvoirs publics, des artistes, font usage des savoirs et des savoir-faire propres aux sciences humaines.
Au-delà, donc, d’une interrogation sur l’utilité des sciences humaines, qui semble avérée, nous avons l’intention, avec ce long cycle de conférences (janvier 2009 - mars 2010), de décrire la manière dont les pratiques des sciences humaines se trouvent injectées dans divers domaines sociaux, culturels, économiques et politiques. Notre hypothèse est qu’il n’existe plus de frontières étanches entre « les sciences humaines » d’un côté et le reste du monde social de l’autre côté.
Une façon de clarifier les différents types d’utilité des sciences humaines est de réfléchir aux diverses commandes faites par les institutions publiques ou par les organismes privés, ou à la fonction critique et démocratique visant à « éclairer le grand public ». Nous explorerons nos publics, sans frontières tracées a priori, mais en suivant tout simplement les « chaînes d’associations » qui se font ici et là entre chercheurs et autres professions.
Notre méthode implique de ne pas faire appel uniquement au discours que les chercheurs et universitaires des sciences humaines portent sur eux-mêmes. Nous tenons au contraire à ouvrir le cercle des participants au travail de réflexivité que les sciences humaines sont amenées à faire. Lors de chaque « Thématique », nous solliciterons le récit d’une expérience, d’un type de rapport entre le monde de la recherche et un univers professionnel différent. En réunissant, dans le cadre de ce cycle, différents usagers des sciences humaines, nous souhaitons décrire le plus grand nombre d’articulations possibles entre monde académique et activités extérieures à la recherche. Si nous privilégions les chercheurs en leur faisant jouer le rôle de « pivots » de nos Tables rondes, nous comptons également inviter des professionnels ayant eux-mêmes sollicité les compétences de personnes formées à la géographie, à l’économie ou à l’histoire par exemple. Il pourra s’agir d’urbanistes, de cinéastes, de directeurs de grandes écoles de commerce ou d’administration, d'administrateurs internationaux, de juges etc.
En somme, nous considérons ce cycle de conférences comme une exploration coopérative de nos publics et des usages diversifiés des sciences humaines, via des descriptions de cas situés, des explicitations d’expériences de coopération et de concurrence, de tensions entre différents rôles et différents statuts, de problèmes et de réussites, totales, locales, partielles, voire insatisfaisantes, mais sur lesquelles nous pourrons tout de même nous appuyer pour mieux discerner l’adéquation entre les exigences propres à la recherche « académique » et les usages qui peuvent en être faits.
Voici, brièvement, quelques questions auxquelles les intervenants des différentes Thématiques pourront répondre :
Formation, compétences, techniques.
La question des contenus mobilisés nous paraît essentielle : que sollicite-t-on des sciences humaines ? La personne diplômée ou des compétences très particulières ? Autrement dit, fait-on appel à des diplômes, à une formation généraliste, ou à des compétences techniques précises, mais remobilisables en contexte ? Associations, collectivités territoriales, ministères etc. font-ils appel tout simplement aux personnes qui les ont prises pour objets d’étude ?
Traduction et coopération.
Qu’il s’agisse d’une utilité pratique immédiate ou d’une fonction « critique » et civique, le problème pour les sciences humaines reste bel et bien d’être intelligibles! Aussi un deuxième ensemble de questions tournera-t-il autour de la notion de traduction, absolument nécessaire pour passer d’une scène à une autre, pour établir une coopération viable et efficiente. Avec quels langages les sciences humaines coopèrent-elles avec les militants d’une association, les juges, les administrateurs ? Dans la pratique, il faut aussi interroger la façon dont ces usages et cette traduction s’effectuent : est-ce que les sciences humaines sont réductibles, pour les autres praticiens, à des techniques de « prélèvement d’information » ? Les personnes issues des sciences humaines deviennent-elles des ouvreurs de questions? Des « modificateurs de regard » sur un problème ?
Vérité et usages.
En partant de pratiques des sciences humaines qui « collent » à la pratique des acteurs qui en font usage, peut-on investir à nouveaux frais la réflexion sur de nouveaux critères épistémologiques des énoncés scientifiques dans nos disciplines ? Pourquoi séparer épistémologie et usages d’un savoir ? Interrogeons nous plutôt sur le statut de la « vérité scientifique », non plus dans le cadre d’un ouvrage mais dans le cadre de ces coopérations sur le terrain ! Faut-il appréhender la « vérité » du savoir des sciences humaines à partir de ses usages (dans une perspective pleinement pragmatiste) ? Peut-on aller jusqu’à dire que « ce qui est vrai est ce qui est utile » ?... Doit-on adopter les formats d’action et de réflexion des autres domaines pratiques sous prétexte qu’il faudrait être utile ?
Programme de la première Thématique
« Mémoires, justice et sciences sociales »
7 janvier 2009
Première table ronde : Processus de mémoire. Procès de l’histoire.
Accueil et introduction des participants (9h15-9h30)Arnaud Fossier (AMN, EHESS). Doctorant en histoire médiévale. Rédacteur en chef de la revue Tracés.
1. Historiens et luttes mémorielles (9h30-11h):
Pascal Blanchard (CNRS)
Historien, chercheur associé au GDR 2322 CNRS (Anthropologie des représentations du corps), co-directeur du Groupe de recherche Achac, il est l'auteur ou co-auteur de nombreux ouvrages et récemment La Fracture coloniale (La Découverte, 2005), Culture coloniale en France (CNRS Éditions, 2008), Les Guerres de mémoires. La France et son histoire (La Découverte, 2008) et, avec Isabelle Veyrat-Masson et Marc Ferro, Les Guerres de mémoire dans le monde (Hermès 52, CNRS Editions, 2008).
Gilles Manceron
Rédacteur en chef d'Hommes et Libertés, revue de la Ligue des Droits de l'Homme. Il travaille sur le racisme et l'anti-racisme, les mouvements anti-colonialistes et de défense des droits de l'homme en France et l'histoire de la guerre d'Algérie. Voir La colonisation, la Loi et l'histoire (Syllepses, 2006).
Discussion - Pause
2. Procès de l’histoire / histoire et historiens en procès (11h15-12h45) :
Antoine Garapon
Magistrat, docteur en droit. Ancien secrétaire général adjoint de la Fédération internationale des droits de l'homme. Secrétaire général de l'Institut des Hautes Etudes sur la Justice. Auteur de nombreux ouvrages, dont Des crimes qu'on ne peut ni juger ni pardonner. Pour une justice internationale (Odile Jacob, 2002), et en dernière date, Peut-on réparer l'histoire ? (Odile Jacob, 2008).
Jean-Paul Jean
Magistrat, ancien Secrétaire général du Syndicat de la Magistrature, avocat général près la cour d'appel de Paris. Professeur associé à l'Université de Poitiers (section droit privé). Président du groupe des experts près la Commission européenne pour l'efficacité de la justice du Conseil de l'Europe. Membre du Conseil scientifique de l'Association Française pour l'histoire de la justice et du comité de rédaction de sa revue. A co-dirigé avec Denis Salas, Barbie, Papon, Touvier: des procès pour la mémoire (Autrement, 2002).
Discussion
Déjeuner : 12h30-14h00
Deuxième table ronde : Connaître pour juger, connaître pour punir. Quand les sciences sociales se font expertes.
Introduction (14h00-14h15)
Jean Berard (ATER, Paris VIII)
Doctorant en histoire contemporaine. Co-auteur de 80000 détenus en 2017. Réforme et dérive de l'institution pénitentiaire (Amsterdam, 2008).
3. Histoire de la justice, des savoirs dans la justice (14h-14h30):
Katia Weidenfeld (EHESS)
Docteur en histoire du droit, professeur des facultés de droit. Juge administratif. A participé à la Mission de recherche Droit et justice associant le Ministère de la Justice et le CNRS, sur les usages sociaux de la justice administrative (nov. 2007)
[voir http://www.gip-recherche-justice.fr/IMG/pdf/161-recours_justice_ad_contamin.pdf] .
Johann Morri
Conseiller de tribunal administratif depuis 1999. En poste au Tribunal administratif de Montpellier (rapporteur, puis commissaire du gouvernement) de 2000 à 2005. En mobilité puis en détachement à la direction des affaires juridiques du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie de 2005 à 2008. Depuis novembre 2008, en poste à la cour administrative d'appel de Versailles.
4. Quand les sciences sociales se font expertes (14h30-16h) :
Gilles Chantraine (CNRS)
Sociologue et criminologue. A publié Par-delà les murs. Expériences et trajectoires en maisons d'arrêt (PUF, 2004). Il travaille sur les systèmes carcéraux français et canadien.
Christophe Adam (MCF, Université libre de Bruxelles)
Psychologue et docteur en criminologie. Parmi des nombreux engagements scientifiques, il est membre du Comité scientifique de la revue Déviance et société, expert à la Commission d'Aide aux détenus (Communauté française de Belgique).
Discussion - Pause
5. Sciences sociales et associations: autour et dans les prisons (16h30-17h45)
Gilles Chantraine (CNRS)
A travaillé sur le système pénitentiaire canadien, modèle international pour la mobilisation de la criminologie dans l’exécution des peines.
Liliane Daligand
Professeur de médecine légale et de droit de la santé à l'Université Lyon I, pyschiatre des hôpitaux au CHU de Lyon, expert près al cour d'appel de Lyon. Présidente de l'Association Viff-SOS Femmes, qui accueille et héberge des femmes et enfants victimes de violences à Villeurbanne. Elle est l'auteur de Violences et Victimes (Méditions, 1993).
Conférence grand public (18h-20h) :
Gérard Noiriel (EHESS).
Historien, directeur d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Ses principaux chantiers de recherche concernent les ouvriers, l’immigration et l’identité nationale aux XIX-XXe siècles. Certains de ses ouvrages sont adressés à une communauté de spécialistes (Longwy. Immigrés et prolétaires, 1984 ; Le creuset français. Histoire de l’immigration, 1988 ; L’identification. Genèse d’un travail d’Etat, 2007), d’autres abordent le « métier d’historien », comme Sur la crise de l’histoire (1996), puis en 2003, Penser avec, penser contre, retour pudique sur son itinéraire par le biais de portraits intellectuels (Max Weber, Michel Foucault, Pierre Bourdieu, Richard Rorty etc.).
Subjects
- Modern (Main category)
Places
- Ecole Normale Supérieure Lettres et Sciences Humaines
Lyon, France
Date(s)
- Wednesday, January 07, 2009
Keywords
- mémoire, justice pénale, lois, histoire, prisons, archives, expertise
Contact(s)
- Arnaud Fossier
courriel : heyfos [at] gmail [dot] com
Reference Urls
Information source
- Arnaud Fossier
courriel : heyfos [at] gmail [dot] com
License
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To cite this announcement
« Mémoires, justice et sciences sociales », Conference, symposium, Calenda, Published on Friday, October 17, 2008, https://doi.org/10.58079/d5w