HomeL'essor de la « société civile » dans le monde musulman contemporain
L'essor de la « société civile » dans le monde musulman contemporain
Paradoxes et convergences
Published on Wednesday, May 06, 2009
Abstract
Announcement
L'ESSOR DE LA "SOCIETE CIVILE" DANS LE MONDE MUSULMAN CONTEMPORAIN.
Paradoxes et convergences.
Journées d'études des 14-16 mai 2009 à Rome organisées par le
Dipartimento di Studi Storici, Geografici, Antropologici, Università degli Studi Roma Tre et le Groupe Sociétés, Religions, Laïcités (GSRL - CNRS-EPHE)
avec le soutien de
l'Ecole Française de Rome.
ARGUMENTAIRE
D’où vient cette intense demande de « citoyenneté » qui monte des sociétés à majorité musulmane et qui se manifeste par l’essor sans précédent d’un mouvement associatif qui s’organise par le bas et apparaît aujourd’hui bien ancré dans l’espace public ? Y a-t-il une spécificité musulmane de ce phénomène que les acteurs eux-mêmes dénomment « société civile » ?
Il faut d’abord se questionner sur le concept de « société civile », dont la genèse se situe dans l’histoire de la pensée occidentale. Ainsi, la société civile, selon son acception internationale, semble exclure le politique et l’économique pour ne retenir que l’associatif face à l’Etat. Il s’agira d’abord d’établir un état des lieux des moyens légaux d’expression de la société civile dans des pays où l’Etat tente souvent d’imposer son monopole sur le monde associatif. On tentera ensuite de mettre en évidence que, en contexte musulman, là où une société civile existe et se définit comme telle, elle a une épaisseur historique qui coïncide avec l’émergence de l’individu à l’intérieur d’un processus de modernisation de longue haleine, souvent véhiculé par la présence occidentale et/ou coloniale. Grâce à l’histoire, notamment coloniale, on comprend mieux pourquoi ce terme exprime un rapport musulman spécifique au « politique » et à l’ « économique », qui se manifeste par une confrontation récurrente avec l’Etat et pose donc la question du pouvoir. C’est pourquoi cette approche nous mène tout droit à la question de la démocratie et nous permet de l’aborder d’une manière qui évite les démarches européocentriques ou paternalistes qui, souvent, piègent nos débats.
De ce fait, notre attention se portera autant sur les associations que sur les syndicats professionnels et les corporations de métier, l’éducation, l’islamic business, la mode vestimentaire, le rôle du statut personnel, les sociabilités et l’individualisme, la privatisation croissante de la foi, la crise et l’éclatement de l’autorité religieuse, bref tout ce qui peut alimenter l’émergence d’une dynamique citoyenne. Car on constate qu’il n’existe pas « une », mais « des » sociétés civiles, comme l’attestent les significations que les acteurs attribuent à ce terme, de plus en plus fréquemment revendiqué. On étudiera en particulier les aspirations contraires et contradictoires dont sont porteuses différentes expressions d’une société civile dans des pays où se côtoient l’universalisme de certains droits fondamentaux (islamiques et/ou des droits de l’Homme) versus la montée des particularismes (communautarismes, corporatismes, tribalisme, etc.). On prendra aussi en compte les rapports entre société civile et processus de sécularisation (ce que peut signifier un idéal religieux porté par des acteurs associatifs agissant dans un cadre laïque ou se voulant en dehors de celui-ci). Il s’agira de montrer comment une religion, l’islam, peut être le cadre privilégié d’un processus général de sécularisation, mais pas de laïcisation. Car l’histoire des idées et des élites laïques en terres d’islam explique pour quelles raisons elles sont devenues un repoussoir, synonyme de pouvoir autoritaire et/ou de soumission à l’Occident. En Algérie française, la loi de 1901 a contribué à séculariser l’islam algérien, sans que les acteurs musulmans reprennent pour autant à leur compte le projet colonial en grande partie inspiré des Lumières. Mais un acteur ne sort jamais « indemne » à inscrire son action dans un cadre qui est légitimé au nom d’une certaine modernité (espace public, associations, élections, etc.). La modernité peut aussi s’en trouver modifiée, dans le sens où elle s’adapte à un cadre autochtone.
Il nous reste à analyser en quoi et à travers quels mécanismes s’opère le recours à la religion dans sa forme sécularisée, en tant qu’idéologie de substitution face à d’autres idéologies laïques qui ont échoué. Quelles formes prend l’islamisation par le bas et dans quelle mesure les associations islamiques participent-elles à cette initiative « citoyenne » ? Cependant, c’est pourtant la « société civile » dans son ensemble (et pas uniquement son volet islamique), qui retiendra notre attention, en particulier ces organisations et ONG qui opposent résistance aux Etats, au nom des droits de l’Homme, surtout quand ces Etats sont faibles (comme au Liban et en Irak), ou bien autoritaires, militarisés et/ou dictatoriaux (Algérie, Egypte, Pakistan) ou encore dans un contexte de multipartisme (Turquie et Afrique de l’ouest). Comment l’essor de l’individu, dont la volonté de s’associer avec ses semblables sur la base d’affinités électives et dans la poursuite de buts communs, y compris politiques et syndicaux, prime-t-il sur l’appartenance communautaire, sur les allégeances familiales et de clan, sans les effacer ? Comment l’individu et ces appartenances se mêlent-ils dans des modes très complexes de fonctionnement ? Comment la ligne de partage entre la sphère publique et la sphère privée évolue-t-elle, notamment dans le domaine de la foi ? L’individualisme et la spiritualisation de la croyance n’indiquent pas forcément une laïcisation des mœurs. Notre ambition est de définir des « marqueurs » de sécularisation et de laïcisation dans les sociétés qui nous intéressent.
Par ailleurs, cette intense initiative citoyenne par le bas, souvent turbulente et parfois subversive à l’égard des pouvoir publics (qui ont depuis longtemps adopté une approche sécuritaire des questions sociales et politiques et l’ont intensifiée tout récemment au nom de la lutte contre le terrorisme) révèle que des processus de redéfinition de l’espace public sont depuis longtemps à l’œuvre : les acteurs sociaux l’occupent de plus en plus, revendiquant leurs droits d’association, de réunion, d’expression. Or, c’est à partir de l’expérience de leurs droits, rétrécis ou bafoués, que s’affirme, souvent à l’insu des acteurs sociaux eux-mêmes, la notion de la cohabitation entres divers groupes. En effet, l’état de droit, en tant que garant de toutes les libertés publiques et défenseur des citoyens, y compris les plus faibles, est souvent absent là où la justice se trouve de longue date inféodée au pouvoir exécutif. Nous pourrons ainsi prendre la mesure de l’accélération vertigineuse que ces processus de longue haleine sont en train de prendre, du fait de la globalisation, du développement des médias (accès à internet) et de leur rôle comme vecteurs de modernisation.
PROGRAMME
Jeudi 14 mai 2009
Università Roma Tre, Dipartimento di Studi Storici Geografici Antropologici, Salle du Conseil, Via Ostiense, 234 – 00146 ROMA
14h30
Allocution de bienvenue de Stefano Andretta, Directeur du Département SSGA, Roma Tre, et de Jean-François Chauvard, Directeur des Etudes (Histoire Moderne et Contemporaine), Ecole Française de Rome.
Ouverture des Journées d’études par Anna Bozzo et Pierre-Jean Luizard.
15h15
Etat de la recherche sur les « sociétés civiles » :
- Anna Bozzo, Università Roma Tre (modératrice)
- Jean Leca, professeur émérite Institut d’Etudes Politiques de Paris : Les débats sur la société civile et leur pertinence pour la région arabo-mulsulmane.
- Mohammed Arkoun, professeur émérite Sorbonne Nouvelle Paris III : Appréhender le monde musulman aujourd’hui : la stratégie cognitive d’intervention de l’islamologie appliquée.
16h35-16h50 : Pause
16h50
- Abdelkader Zghal, sociologue, Centre d’Etudes et de Recherches Économiques et Sociales de Tunis : La « défétichisation » des concepts de société civile et de monde arabo-musulman.
- Andrea Teti, Université de Aberdeen : Civil Society and Democratisation in the Middle East.
18h10-19h00 : Débat
Vendredi 15 mai 2009
Università Roma Tre, Dipartimento di Studi Storici Geografici Antropologici, Salle du Conseil
09h15
Société civile et politique (I) :
- Iman Farag, CEDEJ, Le Caire (modératrice)
- Randi Deguilhem, IREMAM, Aix-en-Provence : Réveil de l’opinion publique et résistance politique en Syrie mandataire : des pamphlets de la jamî‘at al-‘ulamâ’.
- Lahouari Addi, IEP de Lyon : Problématique pour une réflexion sur la société civile en Algérie. Eléments théoriques et historiques.
- Massimo Campanini, Università di Napoli « L’Orientale » : What Boundaries between Islam and Politics?
- Maher Charif, IFPO, Damas : Les ONG palestiniennes et le politique.
10h45-10h55 : Pause
10h55
Société civile et politique (II) :
- Gema Martin-Muñoz, Directrice de Casa Árabe, Madrid (modératrice)
- Jean-Noël Ferrié, CNRS, IEP, Grenoble : La société dans les régimes autoritaires arabes. Stratégies et hypothèses d’interprétation.
- Pierre-Jean Luizard, CNRS-GSRL, Paris : Associations et partis politiques en Irak sous régime d’occupation américaine.
- Fariba Adelkhah, CERI, Paris : Le paradoxe des écoles chiites en Afghanistan : les limites du modèle iranien.
- Giacomo Marramao, Università Roma Tre : La « différence » islamique et les problèmes de la démocratie globale.
12h00-13h00 : Débat
13h00-14h30 : Repas
14h30
Société civile et économie :
- Gaetano Sabatini, Università Roma Tre (modérateur)
- Jacques Ould Aoudia, Ministère de l’Economie : Approche par la société civile : où sont passées les élites ?
- Elisabeth Longuenesse, Université de Versailles-St.Quentin-en-Yvelines : Syndicalisme professionnel et société civile en Egypte.
- Patrick Haenni, Fondation Religioscope, Fribourg : Le goût d'entreprendre ... une nouvelle culture militante islamiste.
15h30-16h30 : Débat
16h30- 16h45 : Pause
16h45
Société civile et nouveaux liens sociaux (I) :
- Lahouari Addi, IEP de Lyon (modérateur)
- Cristiana Baldazzi, Università di Trieste : Vie quotidienne et lieux de sociabilité à Naplouse à la fin de l’Empire Ottoman.
- Aïda Kanafani-Zahar, CNRS-GSRL, Paris : Acteurs civils contre la guerre au Liban.
- Olfa Lamloum, IFPO, Beyrouth : Le Hezbollah et le football. Divertissement pieux et socialisation politique.
- Danielle Jonckers, CNRS-GSRL, Paris : Associations islamiques et démocratie participative au Mali.
Samedi 16 mai 2009
Ecole Française de Rome, Salle des Conférences, Piazza Navona, 62
09h15
Société civile et nouveaux liens sociaux (II)
- Elisabeth Longuenesse, (modératrice)
- Francesca, Petricca Martin-Luther Universität Halle-Wittenberg : Aux origines du phénomène associatif en Egypte (1888-1952).
- Paola Pizzo, Università di Chieti : De la dhimma à la muwâtana : religion et citoyenneté en Egypte au début du XXème siècle.
- Iman Farag, CEDEJ, Le Caire : Entre concepts et langage ordinaire : les soucis du citoyen égyptien.
- Sarah Ben Néfissa, IRD, Paris : Société(s) civile(s) et gouvernance dépolitisée en Egypte.
10h20-10h30 : Pause
10h30
Société civile et droits humains :
- Andrea Teti, Université de Aberdeen (modérateur)
- Alessandra Gianelli, Università di Teramo: Protection of Human Rights in International Law and Muslim Societies (sous réserve).
- Khémaïs Chammari, Tunis : La Liberté d’association : état des lieux et enjeux, à travers l’expérience du Réseau Euro-Méditerranéen des Droits de l’Homme.
- Daniela Bredi, Università di Roma “La Sapienza” : The Awakening of Civil Society in Pakistan: The Lawyers Movement.
- Deborah Scolart, Università di Roma “Tor Vergata” : Reforming islamic family law: a challenge for governments and civil societies".
- Anna Bozzo, Università Roma Tre : Les Droits de l’Homme, enjeux de compétition entre société civile et Etat au Maghreb.
11h50-12h50 : Débat
12h50-14h30 : Repas
14h30
Séance de clôture
Jean-Claude Vatin, directeur de recherche émérite CNRS, GSRL : Rapport de synthèse et conclusion générale.
15h30
Table ronde, dirigée par Pierre-Jean Luizard :
Poursuite de la discussion et élaboration d’un programme commun de recherche pour les quatre années à venir (2009-2013).
17h30 - Fin des Journées d’études.
Subjects
- Religion (Main category)
- Mind and language > Religion > History of religions
- Zones and regions > Asia > Middle East
- Society > Ethnology, anthropology > Cultural anthropology
- Society > Political studies > Political history
- Mind and language > Religion > Sociology of religion
- Society > Political studies > Governance and public policies
- Society > Sociology > Sociology of culture
Places
- Università degli studi Roma Tre et Ecole Française de Rome
Rome, Italian Republic
Date(s)
- Thursday, May 14, 2009
- Friday, May 15, 2009
- Saturday, May 16, 2009
Keywords
- société civile, acteurs sociaux, associations, espace public, citoyenneté, démocratie, universalisme, droits de l'Homme, islam, islamologie, monde musulman, statut personnel, privatisation de la croyance, autorité religieuse, sécularisation, laïcis
Contact(s)
- R-Danielle Breseghello
courriel : r-danielle [dot] breseghello [at] gsrl [dot] cnrs [dot] fr
Reference Urls
Information source
- R-Danielle Breseghello
courriel : r-danielle [dot] breseghello [at] gsrl [dot] cnrs [dot] fr
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To cite this announcement
« L'essor de la « société civile » dans le monde musulman contemporain », Study days, Calenda, Published on Wednesday, May 06, 2009, https://doi.org/10.58079/e0m