AccueilLa confiance et le conflit

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Publié le vendredi 30 mars 2007

Résumé

Appel à communications, Colloque, École Doctorale de Sciences sociales / Paris 8 / Nouvelle Université de Sofia, novembre 2007.

Annonce

Le conflit est un des concepts clefs des sciences sociales. Producteur de social, producteur d’institution, producteur de subjectivité ou générateur d’anomie ? Conflit originaire et générateur de la régulation sociale (Héraclite, Hobbes) ou conflit constitutif du social lui-même (lutte des classes, concurrence...) ? Les débats qu’il ouvre ne sont pas destinés à être tranchés. Ils signent simplement la centralité moderne de son identification comme élément de dynamisation, d’historicisation du social, de l’économie, du droit... La confiance est certainement moins explicitement mobilisée par nos disciplines. Elle est pourtant centrale dans la constitution du lien social, constitutive dans la mise en place de l’espace public au sens d’Habermas dans ses trois dimensions : celle de la citoyenneté, celle du marché et celle de l’information. Confiance au cœur de la politique moderne, de la démocratie, des procédures délégataires. Confiance au cœur des procédures d’échange et de contrat. Confiance indispensable à la mise en place d’une information moderne.

Certes, comme le soulignent Lazzeri Christian, et Damien Robert1, « au cœur même de la confiance se tient en permanence le risque d’une dépendance et le jeu d’une domination : toujours soumise à sa révocation potentielle, la confiance contient la possibilité même du conflit ». Mais dans tout conflit, la confiance apparaît d’abord comme un opérateur de résolution durable. Cet espace paradigmatique ne connaît-il pas aujourd’hui quelques soubresauts ? Un colloque international organisé en 2003 soulignait par exemple que, suite à la chute du communisme en Europe, « La construction des nouvelles sociétés passe par une redéfinition du conflit. Le tissu social communiste était conçu de manière à éradiquer toutes les différences (sociales, culturelles, de genre). N’est permis que ce que la règle permet, le reste est interdit. Le post-communisme essaie de remplacer cette conception par celle de la société ouverte : est permis tout ce qui n’est pas interdit. Ce qui reste à découvrir est le conflit dans son double visage de Janus »2. Depuis une dizaine d’année, la guerre et le conflit armé ont pris une nouvelle figure, abolissant les frontières entre la guerre étrangère et le conflit intérieur, entre la situation de paix et la situation de guerre. Les émeutes d’octobre novembre 2005 en France disposé une figure du conflit urbain pour une part « innommable » au sens où leur désignation est une source inépuisable de débats et de polémique.

Dans des nouvelles situations objectives et subjectives (on pourrait en inventorier d’autres), la confiance apparaît moins comme l’opérateur de résolution que comme l’enjeu même du conflit, voire du face à face entre les gens et les institutions. Dans ces situations, le conflit apparaît moins comme instituant le social que comme légitimant un pouvoir en déficit de confiance... Parallèlement c’est par la confiance, l’agrégation et la production autonome de commun que se construit aujourd’hui un social (un « altermonde » ?) qui se donne comme une alternative à la guerre et au conflit, aux formes conflictuelles e guerrières du pouvoir.

Conflit rationnel, conflits stratégiques

Pour les économistes, les stratégies concurrentielles, oligopolistiques et monopolistiques représentent un certain type du conflit d’intérêts entre les agents économiques qui sont largement étudiées dans la littérature de la discipline3 par. Par ailleurs, durant les années soixante et soixante-dix, Schelling (1963) et Boulding (1962) ont utilisé les techniques microéconomiques telle que la théorie des jeux pour analyser certaines situations conflictuelles à l’échelle agrégée. Leur objectif consistait à comprendre le « conflit rationnel » et non le conflit réel. Le conflit rationnel renvoie au pouvoir de menace et peut être défini comme une procédure de marchandage sans aucune confrontation réelle ou conflit entre les parties qui sont à la fois partenaires et adversaires. Les modèles théoriques du Prix Nobel de 2005 Schelling (2006) ont formulé la « théorie du conflit stratégique »4. Gestion juridique des conflits Les droits s’exercent souvent sans heurt. Mais le mauvais vouloir de certains ne peut être exclu. Si tout le droit n’est pas contentieux, le procès n’en apparaît pas moins en filigrane derrière les différentes normes juridiques car la gestion des conflits est confiée au droit.

D’autres notions inhérentes à la matière juridique sont prégnantes : conflit de lois, conflit de juridictions, conflit de compétence, conflits de qualifications, conflit négatif ou positif en procédure civile administrative, notions qui sont définies et encadrées par un corpus de règles et qui méritent d’être réinterrogées. Ainsi le conflit de lois peut avoir un enjeu politique, tandis que les régulations nationales de droit public économique peuvent subir l’impact des volontés privées. La tension entre les deux orientations contient les nouvelles impulsions du développement du droit international privé à l’ère de la mondialisation, et se trouve à l’origine d’une nouvelle économie politique du conflit de lois. La confiance apparaît au cœur du droit : relations de confiance médecin-malade, personne de confiance en droit médical ; confiance dans l’économie numérique ; rapports de confiance et notion de bonne foi qui innervent tout le droit des contrats : ‘‘Immense a été le progrès du droit lorsqu’on a admis que, par le contrat, l’on puisse anticiper, insérer le futur dans l’accord par l’effet de la confiance juridicisée’’. La confiance n’est -elle pas un élément stratégique majeur en vue de l’efficience économique et de la performance de l’entreprise ? Ne vient-elle pas prévenir le conflit ?

Construction sociale de la confiance

« La confiance (ou symétriquement la méfiance) est un niveau de probabilité subjective avec laquelle un agent évalue la performance d’un autre agent ou groupes d’agents, avant qu’il puisse contrôler une telle action (...) et dans un contexte où cette action affecte sa propre action. Quand on dit qu’on fait confiance à quelqu’un, on signifie que la probabilité qu’il fera une action bénéfique ou au moins non nuisible nous paraît assez élevée pour nous engager dans une forme de coopération avec cette personne ». Dans un jeu d’acteur, les relations de confiance entre agents se posent en termes d’arbitrage de choix et de prise en compte du risque. Risque et confiance sont intimement liés, mais le premier ne peut pas absorber toute la signification de l’autre. La confiance présuppose la prise de décision dans une situation de risque5. La confiance peut être un élément déterminant dans la décision d’un acteur à s’engager ou pas dans une entreprise avec un autre acteur.

Mais en posant la question de la construction sociale de la confiance, on considère les manières dont des espaces de sens commun, fondés sur des rapports de forces objectifs, permettent une régulation des échanges entre des individus, des groupes ou des organisations. Il s’agit donc de considérer la genèse socio-historique d’une possible reconnaissance des intérêts partagés, quand bien même celle-ci repose sur la duplicité ou la domination. Mais également comment cette croyance (ou non-croyance) dans l’existence d’un univers commun peut s’agencer et se maintenir. A partir de quels mécanismes sociaux - auto-contrôle, domination, compréhension... -, la confiance s’instaure-t-elle où ne peut-elle pas advenir ? D’autant plus que cette relation, positive ou négative, peut relier des individus ou des groupes et des institutions ou des organisations, c’est à dire des modalités différentes de production du sens. La multiplication des codifications, ou des tentatives de codifications, des relations entre les individus, les groupes, les institutions - que l’on se place sur le plan de l’information, de l’économie, des savoirs, des communautés... - qui semble participer du développement de la solidarité (organique) moderne est-elle un gage à la fondation d’échanges confiants ? Cette superposition de logiques formelles d’édiction de la confiance peut entrer en contradiction, tout autant que consolider, les fils de cette confiance dont Simmel pouvait dire qu’elle « est de toute évidence l’une des forces de synthèse les plus importantes au sein de la société ».

Ce colloque est organisé par l’Ecole doctorale de sciences sociales de l’Université de Paris, qui regroupe des laboratoires d’antrophologie, d’économie, d’études féminines, de droit, de géographie et de géopolitique, de sciences de la communication et de sociologie. Ouvert à d’autres disciplines, il doit permettre de croiser très largement des approches très diverses, en privilégiant des analyses fondées sur un matériel empirique.

1 Conflit, Confiance, (collectif), PU de Franche Comté, 2006.

2 Colloque International Conflits, confiance, démocratie Sofia, 5 - 7 septembre 2003.

3 Cournot, Edgeworth, Richardson, von Neumann, Morgenstern....

4 Cf Vahabi, 2004, chapitre 2 5 Lorenz (1988) :Le risque peut être attribuable au comportement stratégique des autres acteurs, mais peut aussi porter sur des événements incertains ou exogènes.

Repères bibliographiques

Bernoux, Servet J.-M, la Construction sociale de la confiance, Paris, Montchrétien, 1997. Boulding K.E., Conflict and Defense : A General theory, New York, Harper and Brothers, 1962. Gambetta D. (ed.), Trust, Making and Breaking Cooperative Relations, New York, Basil Blackwell, 1988. Karpik L., 1998,« La confiance : réalité ou illusion ? Examen critique d’une analyse de Williamson », Revue économique, vol.49, n°4. Krasteva A. et Todorov A. (dir.), Conflits, confiance, démocratie, Nouvelle Université Bulgare, 2005 Lazzeri Christian, et Damien Robert, Conflit, Confiance, (collectif), PU de Franche Comté, 2006 Leydet & Pourtois Dominique & Hervé, « Pluralisme et conflit dans les théories contemporaines de la démocratie », Archives de philosophie du droit, 2005, T. 49 Lorenz E., “Neither Friends nor Strangers : Informal Networks and Subcontracting in French Industry”, in Gambetta D. (ed.), 1988, pp. 194-210. Luhmann N., Trust and Power, Chichester, Wiley, 1979. Mangematin V., Thuderoz C., Des Mondes de confiance Un concept à l’épreuve de la réalité sociale, Paris, CNRS Editions, 2004, 296 p. Mauss M., « Essai sur le don. Forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques », Sociologie et anthropologie, Paris, PUF, 1960. Muir-Watt H., « La globalisation des marchés et l’économie politique du droit international privé », Archives de philosophie du droit, t. 47, 2003 Muir-Watt H., « Reliance et définition du contrat », Mélanges Jeantin, 1998 Quéré L. et Ogien A. (dir.), Les moments de la confiance. Connaissance, affects et engagements, Paris, Economica, Coll. « Etudes sociologiques », 2006, 232p. Quéré L., « La structure cognitive et normative de la confiance », Réseaux, 19 (108), 2001, p. 125-152. Quéré L., La confiance, Paris, Hermès-Science, Réseaux (19, 108), 2001, 240 p. Schelling T., The Strategy of Conflict, N.Y., A Galaxy Book, Oxford University Press, 1963. Schelling Thomas, “An Astonishing Sixty Years : The Legacy of Hiroshima”, The American Economic Review, Vol. 96, No. 4, 2006, pp. 929-937. Simmel G., Sociologie. Essais sur les formes de socialisation, Paris, PUF, 1999. Terré Dominique, « Le pluralisme et le droit », Archives de philosophie du droit, 2005, T. 49 Terré F., « Le doute et le droit : synthèse », in Le doute et le droit, Ouvr.coll.,Dalloz 1994, Coll.Philo du Droit. Vahabi M., The Political Economy of Destructive Power, Cheltenham, Edward Elgar, September 2004. Williamson O.E., “Calculations, Trust and Economic Organisation”, Journal of Law and Economics, vol. 36, pp. 453-486.

Organisation
Calendrier
15 mai 2007 date limite des propositions
30 mai 2007 choix des communications
Juin 2007 décision sur le programme
Contacts
Bureau de l'Ecole Doctorale Sciences sociales de l'Université de Paris 8
Alain Bertho bertho.alain@wanadoo.fr
Hélène Gaumont Prat helene.gaumont-prat@droit.uvsq.fr
Hervé Serry herve.serry@csu.cnrs.fr

Lieux

  • Paris, France

Dates

  • mardi 15 mai 2007

Mots-clés

  • mouvements sociaux

URLS de référence

Source de l'information

  • Liens socio
    courriel : Pierre [dot] Merckle [at] ens-lsh [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« La confiance et le conflit », Appel à contribution, Calenda, Publié le vendredi 30 mars 2007, https://doi.org/10.58079/em0

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